Tour d’horizons à 360° à propos des effets de la consommation d’alcool

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Pauline Gérard, Thomas Calozet, Léo Moreau, Audrey Bonnelance, Thomas Orban Publié dans la revue de : Mars 2023 Rubrique(s) : Médecine Générale
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Résumé de l'article :

Rapport du symposium RESUMES du 21/01/2023

Cet article synthétise les messages les plus pertinents partagés lors du symposium annuel de RESUMES asbl (Réseau Multidisciplinaire d'Échange Scientifique) consacré à la consommation d’alcool. Ce thème a été abordé à travers 12 disciplines telles que la gastro-entérologie, la gynécologie, la médecine interne, la médecine générale, ...

Sachant qu'au moins 25% de la population en fait un usage qui est au minimum à risque, voire un mésusage encore plus important, chaque professionnel de santé est régulièrement confronté aux conséquences de la consommation d’alcool que cet article tente de revoir dans ses multiples dimensions et de façon pratique.

Mots-clés 

Alcool, mésusage d’alcool, addiction, dépendance, pluridisciplinarité, interdisciplinarité

Article complet :

Introduction

Le samedi 21 janvier 2023 s’est tenu le premier symposium annuel organisé par RESUMES ASBL rassemblant pas moins de 150 médecins et paramédicaux. Son objectif n’est autre que le partage et la discussion interdisciplinaire autour de cas cliniques complexes ou de thèmes variés et communs à toutes les disciplines. Les membres se rencontrent quatre fois par an autour de sujets scientifiques pluridisciplinaires. Cette année, les organisateurs ont choisi un sujet fédérateur parmi nos différentes disciplines médicales, celui de l’alcool. Durant une matinée, les 150 participants ont été invités à assister à de nombreux exposés concis et pratiques. Que ce soit sous le regard de la médecine générale et de l’art infirmier en passant par la néphrologie, la cardiologie ou la pédiatrie, la question de l’alcool a été explorée à travers 12 disciplines différentes. Les messages pertinents des diverses interventions sont résumés ci-dessous.

Consommation d’alcool : quelle quantité recommandée ?

Tel que rappelé par le Dr Thomas Orban, médecin généraliste et alcoologue, une unité d’alcool correspond à 10g d’éthanol, soit une bière “pils” de 25cl ou un verre de vin de 10 cl. Il n’y a donc pas réellement d’alcool fort ou faible : avec le verre adapté, chaque unité contiendra ces 10g d’alcool pur. Les dernières recommandations du Conseil Supérieur de le Santé (CSS) conseillent de limiter notre consommation à 10 unités par semaine, pas plus de deux unités par jour et au moins deux jours par semaine sans consommation. Il est interpellant de savoir qu’au moins 25% de la population en fait un usage qui est au minimum à risque (supérieur au seuil de consommation ou dans une situation à risque) voire un mésusage encore plus important, dont 5 à 10% présente une dépendance. Il s’agit donc d’un problème de santé publique majeur.

Alcool et dépendance : une maladie cérébrale chronique

Pour en arriver à cette dépendance, cela se passe dans notre cerveau, et plus précisément au niveau du circuit de la récompense (1,2). L’alcool a le pouvoir de modifier ce circuit physiologique et archaïque, menant à une perte de contrôle. Il s’agit donc d’une réelle maladie cérébrale chronique et non pas d’une simple défaillance morale. Par ailleurs, d’autres facteurs prédisposent un individu à arriver au stade de l’alcoolo-dépendance tel qu’un antécédent familial, une consommation avant l’âge de 15 ans, la personnalité (impulsivité), la génétique (poids de 50%) ou encore l’environnement. Un patient dès lors responsable mais pas coupable ? Selon le Dr Orban, il n’est pas coupable de sa maladie au vu des processus cérébraux impliqués, mais bien responsable de son traitement.

Prôner la consommation contrôlée

Ce traitement va généralement être caractérisé par un objectif de consommation. Le Dr Philippe Vansteenkiste, psychiatre, sensibilise les participants à “l’objectif de consommation contrôlée”, mal connu et insuffisamment utilisé selon lui. Sachant que l’objectif du traitement dans le mésusage d’alcool est d’améliorer la qualité de vie du patient, l’abstinence n’est pas la seule option ! Bien que nécessaire face à certaines pathologies, elle n’est pas accessible à tous les patients. De plus, la rémission stable d’un patient dépendant est possible sans abstinence. Cependant, il n’existe pas de consensus quant à la définition de la consommation contrôlée. On pourrait se référer aux normes de l’OMS, qui recommandent de se limiter à 14 unités/semaine pour la femme et 21 unités/semaine pour l’homme, ou encore à la réduction des conséquences négatives de la consommation. Ceci dit, toute réduction significative de la consommation moyenne d’alcool est susceptible d’apporter un bénéfice substantiel au patient (3). Il est donc recommandé d’accepter l’objectif de consommation du patient lors de l’évaluation initiale (4).

Alcool et tabac : co-consommation fréquence

Cet objectif peut, dans certains cas, associer une demande de sevrage tabagique concomitante. Le Dr Pierre Nys, médecin généraliste tabacologue, confirme que cette co-consommation est fréquente et constitue un risque de morbi-mortalité plus important. Pourtant, ces problèmes semblent souvent pris en charge séparément. Il l’explique entre autres par la complexité de prise en charge, la nécessité de consultations longues malheureusement peu valorisées et par l’absence de formations spécifiques. De plus, le patient en face de nous n’a pas toujours confiance en lui face à cette démarche.

Mais tout n’est pas perdu, des pistes d’actions existent, en commençant par déconstruire l’idée qu’un sevrage alcoolo-tabagique est impossible, que ce soit du côté du patient ou du médecin. Certaines associations médicamenteuses sont également intéressantes dans la situation du patient buveur-fumeur, telle que la varénicline1 et la naltrexone (5), diminuant le craving de tabac et d’alcool. Il est également possible d’associer la varénicline aux substituts nicotiniques (6), plus efficace que le placebo et le patch pour l’arrêt du tabac chez ces patients. Une dernière piste médicamenteuse serait de cibler le système adrénergique à l’aide de clonidine ou encore de prazosine (7).

1 N’est plus commercialisé en Belgique depuis juin 2021

Alcool et système digestif

Une fois ces bases remises en place pour tous, le Dr Ariane Gerkens, gastroentérologue, et le Dr Reza Chamlou, chirurgien digestif, abordent l’impact sur le système digestif, première victime de l’alcool ingéré. Cela s’explique tant par le contact direct lors de son absorption que par la métabolisation hépatique.

L’absorption se fait dans l’estomac (20%) et dans l’intestin grêle (80%), induisant une destruction de la barrière épithéliale et donc une diminution du mucus gastrique, une augmentation de l’acidité gastrique, une gastroparésie ainsi qu’une accélération du transit colique avec effet laxatif (8). Ces modifications se traduisent par du reflux, des nausées, des douleurs épigastriques, un syndrome dyspeptique ainsi que des diarrhées. Dans les cas plus graves, cela peut se compliquer par une hémorragie digestive haute ou basse (ulcère, rupture de varice, troubles de la coagulation) (9).

Une fois absorbé, 90% de cet alcool est métabolisé au niveau du foie alors que les 10% restants sont excrétés (sueur, salive, air expiré). L’atteinte hépatique peut rester asymptomatique longtemps, et la prise de sang normale jusqu’à épuisement des hépatocytes. On va différencier plusieurs stades à l’aide de l’imagerie :

- Stéatose = macrovésicules de triglycérides provoquant une hépatomégalie, la fibrose est au stade F0-F1.

- Stéatofibrose = stéatose associée à une fibrose F1-F3, ce stade est encore réversible.

- Cirrhose = irréversible, nodules de régénération entravés par des ponts fibreux (fibrose F4).

- Carcinome hépatocellulaire = cancer primitif du foie, 75-80% se développent sur cirrhose, expliquant que le patient cirrhotique soit suivi par imagerie tous les 6 mois. L’alcool est la deuxième cause de cancer évitable après le tabac !

Outre l’atteinte intestinale et hépatique, la consommation d’alcool est la deuxième cause de pancréatite après les lithiases biliaires, généralement dans un contexte de binge drinking sur terrain de consommation chronique.

Si l’on est amené à opérer un de ces patients, dans un contexte de carcinome ou de pancréatite par exemple, il faudra tenir compte des risques post-opératoires liés à cette consommation (10). Un patient en sevrage risque de devenir confus et agité, menant parfois à une éviscération et une éventration. De plus, les risques de saignements postopératoires sont majorés, tout comme la possibilité d’une décompensation cardiaque ou d’un problème infectieux. En cas d’hypertension portale, le risque opératoire est globalement augmenté, surtout en urgence. Il est donc important de le demander lors de l’anamnèse.

Alcool, obésité et désordres métaboliques

Pour clôturer l’aspect digestif, il est important de mentionner que l’alcool, surtout ses déclinaisons sucrées, est responsable d’une obésité abdominale (11). Cela s’observe principalement chez les patients de plus de 40 ans ayant des prédispositions génétiques. On observe également qu’en cas de binge drinking, il y a du binge-eating associé car l’alcool provoque une modification des sensations de satiété, et donc une prise de poids. C’est d’ailleurs cette consommation d’alcool qui représente la première cause de reprise de poids après un By-pass ou une Sleeve. Après ces interventions, l’absorption d’alcool par l’organisme est majorée (davantage avec un ByPass qu’avec une Sleeve) avec un pic précoce plus élevé et une toxicité augmentée (12). Il y a donc un risque plus important de dépendance, transférant la dépendance à la nourriture vers l’alcool et ce de manière importante chez la femme dans la deuxième année postopératoire. La prise en charge par une équipe spécialisée et l’information au patient est primordiale !

Si cet alcool représente un apport calorique et donc l’apparition d’obésité abdominale, est-il dès lors possible de réaliser un effort sportif en consommant cet alcool ? Le Dr Ponchon, endocrinologue, nous expliquera qu’en petite quantité, l’éthanol est métabolisé par la voie de l’alcool déshydrogénase de l’aldéhyde déshydrogénase, produisant du NADH et de l’ATP. Une petite quantité d’alcool permet donc de fournir de l’énergie lors d’un effort sportif. En plus grande quantité, cette métabolisation est redirigée vers la voie du malate et du lactate, provoquant un stockage de triglycérides.

Lors de la métabolisation de l’alcool, outre le possible stockage de triglycérides, différents effets néfastes parallèles sont à prendre en compte. De ce catabolisme découle l’apparition d’acétaldéhyde qui est hépatotoxique, neurotoxique et carcinogène. Il y a ensuite transformation de l’acétaldéhyde en acétate. Cette métabolisation va épuiser les stocks de NAD et aura un impact sur le métabolisme par accumulation de NADH (13). Cela met à mal d’autres voies métaboliques qui ne sont pas prioritaires par rapport à la détoxification alcoolique. On peut alors observer une acidose lactique par utilisation de la voie des lactates plutôt que le cycle de Krebbs, une acido-cétose, hyperuricémie, hypoglycémies, dyslipidémies (HDL élevés et hypertriglycéridémie), stéatose hépatique.

Si une personne diabétique souhaite boire de l’alcool, il faut donc lui enseigner le risque d’hypoglycémie car la néoglucogenèse est inhibée (14). Il est important de manger en même temps ! Le patient diabétique pourrait boire de l’alcool avec modération, 1U/jour pour les femmes et 2U/jour pour les hommes (grade C)

Alcool et rein

Après avoir abordé le système le plus atteint par l’alcool, il y a lieu de s’intéresser à d’autres organes pouvant en être victime une fois absorbé. Le Dr Anne-Lorraine Clause, néphrologue, nous explique comment les reins sont impactés directement et indirectement chez les patients consommateurs (15).

Pour ce qui est de l’atteinte directe, l’alcool est faiblement métabolisé au niveau des reins, induisant la production de radicaux libres et donc l’apparition d’anomalies au niveau des cellules rénales. Cela altère alors la membrane basale glomérulaire et la fonction rénale. L’atteinte indirecte quant à elle, est liée à la destruction de la barrière épithéliale intestinale, laissant pénétrer de nombreuses endotoxines dans l’organisme. Cela provoque alors la production d’immunoglobuline A et de complexes immuns, hautement néphrotoxiques. C’est d’ailleurs la première cause de glomérulonéphrite chez le patient cirrhotique. La cirrhose hépatique entraîne également une profonde modification de l’hémodynamique rénale par atteinte de la microcirculation.

En parallèle à cela, on observe également une atteinte des cellules musculaires. Le muscle strié squelettique libère des myoglobines sur rhabdomyolyse, ayant des propriétés néphrotoxiques. L’atteinte des cellules musculaires cardiaques peut mener à une diminution de la fraction d’éjection et donc une hypo-vascularisation rénale. Le système rénine-angiotensine- aldostérone est alors suractivé, menant à de la fibrose rénale ainsi que de l’hypertension artérielle. Celle-ci est aggravée par un régime alimentaire généralement riche en carbohydrates et en sel chez ces patients. L’European Society of Cardiology recommande aux patients hypertendus de baisser leur consommation à < 14 unités par semaine chez l’homme et < 8 unités par semaine chez la femme (16).

Alcool et cœur

S’il y a bien une autre spécialité intéressée par les effets de l’alcool sur les cellules cardiaques et le système vasculaire, c’est la cardiologie. Le Dr Clotilde Roy, cardiologue, confirme l’implication de l’alcool dans diverses pathologies cardiovasculaires telles que l’HTA, l’insuffisance cardiaque, l’arythmie, le diabète et l’athérosclérose (17).

Cependant, plusieurs études semblent conclure qu’une consommation d’alcool légère aurait des effets cardioprotecteurs (18). Cela peut s’expliquer entre autres par la diminution de LDL-cholestérol et l’augmentation du HDL-cholestérol, ainsi que par son effet thrombolytique et antiplaquettaire. Seulement, la balance bénéfice-risque tombe très rapidement du côté négatif lorsque la quantité d’alcool augmente.

Les effets négatifs quant à eux, s’expliquent par la cardiotoxicité de l’éthanol, ayant un impact direct sur le muscle cardiaque. Cela peut parfois mener à l’apparition d’une cardiopathie dilatée d’origine toxique (20). Le lien direct entre alcool et insuffisance cardiaque n’est pas tout à fait clair. Cependant dans les études sur la cardiopathie dilatée, plus de 20% des patients présentent une consommation d’alcool importante.

Cette pathologie est aggravée par la malnutrition, l’hypertension artérielle pulmonaire et l’arythmie. La fibrillation auriculaire est l’arythmie la plus fréquemment liée à l’alcool mais n’est pas la seule. Différents mécanismes expliquent l’apparition de ces troubles du rythme : il y a un effet direct de l’alcool sur l’oreillette ainsi que des effets indirects par l’hypertension et les apnées du sommeil.

La société européenne de cardiologie recommande une consommation maximale de 100g (10U) par semaine et ce peu importe le sexe (21). Malgré les potentiels effets cardioprotecteurs d’une consommation d’alcool à petite dose, il n’est pas recommandé de commencer à boire afin d’obtenir cet effet positif au vu des nombreux effets néfastes sur les autres systèmes.

Alcool, grossesse et néonatologie

Après la cardiologie, ce sont les implications obstétricales et néonatales qui sont revues par le Dr Laurence Mentrop, gynécologue, et le Dr Aude Helsmoortel, pédiatre néonatologue. S’il y a un message à retenir, c’est qu’il n’y a pas de consommation acceptable, quel que soit le stade de la grossesse. Chaque consommation représente un risque pour le fœtus, qui n’a pas la capacité de métaboliser l’éthanol. Une partie de celui-ci est stockée dans le liquide amniotique, l’autre étant éliminée par retour sanguin vers la circulation maternelle.

Les risques pour le foetus sont principalement la fausse couche, la mort in utero, une hypotrophie ou des anomalies physiques et cognitives (syndrome alcoolofoetale). L’atteinte la plus fréquente étant le retard intellectuel. La sévérité des symptômes est dépendante du degré d’imprégnation maternelle et de facteurs individuels (génétiques, environnementaux, nutritionnels).

Certaines études montrent qu’une consommation légère à modérée (2U/j ou 1 binge drinking/semaine) n’augmente pas la fréquence de malformations ni de retentissement neurocomportemental. Sachant qu’environ 50% des femmes enceintes consomment de l’alcool durant la grossesse, il est donc important de ne pas les culpabiliser mais de les informer et de tendre vers la tolérance zéro.

Chez la femme allaitante, on sera moins stricte car le passage de l’alcool dans le lait est limité à 6-10% et les conséquences sont moins graves. Cependant, il est important d’expliquer à la mère que cela peut provoquer un engorgement par inhibition d’éjection du lait et que l’enfant peut être intoxiqué (somnolence, hypoglycémie voire trouble du développement à long terme). Les recommandations américaines conseillent un délai de 2h entre une consommation et l’allaitement.

Un dernier point à aborder est l’ingestion accidentelle d’alcool pour l’enfant, provoquant un état d’ébriété avec risque d’hypoglycémie, somnolence et même convulsions. Il est recommandé de donner une boisson sucrée pour éviter une hypoglycémie et d’appeler le centre antipoison au 070 245 245.

Alcool et salle d’urgence

Ce type d’ingestion accidentelle chez l’enfant nous rappelle qu’il faut évoquer l’alcool à tout âge et face à toute classe sociale, un message confirmé par le Dr Gugu Kabayadondo, médecin urgentiste, et mr Xavier Joyeux, infirmier spécialisé en urgences et réanimation.

Effectivement, l’alcool est une cause quotidienne d’admission dans leur service. Principalement à la suite d’accidents de la voie publique mais également des accidents domestiques, des négligences, des brutalités, des sevrages, des intoxications aiguës ou encore des chutes.

En outre, le service des urgences est parfois le seul recours de patients dépendants chroniques isolés, se présentant alors pour un certificat médical, ou encore un sevrage. La question de l’alcool est systématiquement évoquée dès le triage à l’arrivée du patient.

Alcool et syndrome de Gayet Wernicke

Un diagnostic à ne pas manquer est le syndrome de Gayet Wernicke, message rappelé par le Dr Priscilla Van Meerbeeck, neurologue. Il ne faut pas avoir la main légère sur la vitamine B1 au moindre doute.

En effet, cette vitamine vient à manquer chez les patients consommant régulièrement de l’alcool, provoquant alors un syndrome de Gayet Wernicke. L’étiologie de cette carence s’explique par une diminution de l’absorption, de son stockage au niveau du foie, de sa transformation en forme active et liée à une augmentation des besoins en thiamine (23). Celui-ci se caractérise par une triade souvent incomplète : des troubles oculomoteurs (nystagmus, paralysie oculomotrice), une ataxie et de la confusion (24). Contrairement au délirium tremens, le patient ne présente pas d’hallucinations mais bien une amnésie antérograde et rétrograde. En l’absence de traitement, on risque soit le décès du patient soit d’atteindre un point de non-retour en termes de séquelles comme le syndrome de Korsakoff. On observe alors une amnésie, de l’apathie, un syndrome frontal et une anosognosie irrécupérable. En cas de doute face à une confusion chez un patient alcoolique, il est donc préférable d’administrer directement la vitamine B1 IV à raison de 1000mg/jour, en attendant de confirmer, ou non, le diagnostic par IRM.

Le Gayet Wernicke n’est bien évidemment pas la seule complication neurologique que l’on peut imputer à l’alcool. Il est important d’y penser face à de l’épilepsie, associé à un sevrage ou à une consommation aiguë, ou encore à une neuropathie périphérique.

Une autre entité à ne pas méconnaître est la myélinolyse centropontique. Celle-ci n’est pas spécifique de l’alcool, mais les grands consommateurs de bières ont une tendance potomane provoquant des hyponatrémies chroniques. Une correction trop rapide de celle-ci peut engendrer un œdème du tronc cérébral et du pont, heureusement évitable en la limitant à 0,5 mmol par heure.

Alcool et sécurité routière

Mme Marilys Drevet, formatrice chez VIAS (anciennement Institut Belge pour la sécurité routière) souligne les effets de l’alcool sur la conduite, tels que la désinhibition, la vitesse inadaptée, les troubles visuels ainsi que l’augmentation du temps de réaction. À une vitesse de 50km/h, il faudra compter 26 mètres à un patient sobre pour immobiliser son véhicule contre 40 mètres lorsque le taux d’alcoolémie monte à 1,3g/L.

Face à ce danger, il est important de sensibiliser les patients et de leur rappeler la différence entre l’ivresse et l’alcoolémie. En effet, pour un même taux d’alcoolémie, un patient présente un état d’euphorie et d’excitation en début de soirée, contre un état de fatigue en fin de soirée, lui faisant faussement croire que la concentration d’alcool dans le sang est plus faible. Sachant que plus de 3000 accidents de la route impliquent un conducteur sous l’emprise de l’alcool, le bénéfice est non négligeable.

Affiliations

1. Médecin Généraliste, B-1050 Bruxelles
2. Candidat Médecin Généraliste, B-1150 Bruxelles
3. Médecin Généraliste, B-1150 Bruxelles
4. Médecin Généraliste, B-1180 Bruxelles

Correspondance

Dr Audrey Bonnelance
RESUMES asbl
Avenue de l'Aviation 81
B-1150 Bruxelles
www.resumes.care

Conflits d’intérêts

Aucun auteur ne présente de conflit d’intérêt pour cet article.

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