Quoi de neuf en 2022 ?

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Cédric Hermans, Catherine Lambert Publié dans la revue de : Février 2023 Rubrique(s) : Hémostase – Thrombose
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Résumé de l'article :

Nous résumons ci-dessous 5 sujets qui ont retenu notre attention en 2022 en lien avec les anticoagulants et l’hémophilie. Il s’agit du traitement par rivaroxaban de la fibrillation atriale (FA) associée à la valvulopathie rhumatismale. Nous abordons ensuite le rôle de nouveaux anticoagulants ciblant le FXI tant pour la prévention des accidents thrombo-emboliques liés à la FA que pour celle des récidives d’AVC ischémiques. À propos de l’hémophilie, nous détaillons les résultats de la plus vaste étude de thérapie génique de l’hémophilie A jamais menée. Nous concluons par les succès thérapeutiques de l’émicizumab, un anticorps bispécfique mimant le facteur VIII, dont l’efficacité a été démontrée parmi les patients présentant une forme non sévère d’hémophilie A (Haven 6) et chez les nouveau-nés avec hémophile A sévère (Haven 7).

Mots-clés

Anticoagulants, hémophilie A, fibrillation atriale, anticorps bispécifique

Article complet :

Ne pas remplacer l’AVK par un anticoagulant oral direct dans la FA rhumatismale (Etude Invictus)

Les valvulopathies rhumatismales touchent plus de 40 millions de personnes dans le monde et représentent une cause fréquente de FA. Les antagonistes de la vitamine K (AVK) sont actuellement recommandés pour prévenir les évènements thrombo-emboliques en cas de FA rhumatismale. Cependant, les cardiopathies rhumatismales surviennent en grande partie dans des pays à revenu faible/moyen, où le maintien de l’INR dans la fenêtre thérapeutique cible reste difficile, contrairement aux anticoagulants oraux directs (AODs), qui ne nécessitent pas de surveillance. INVICTUS a évalué la non-infériorité d’un AOD versus AVK dans ce contexte.

INVICTUS est une étude multicentrique (138 centres, 24 pays en Amérique du sud, Afrique, Asie), en ouvert, de non infériorité, ayant randomisé 4565 patients en 1:1 afin de recevoir du rivaroxaban 20 mg/jour ou une dose ajustée d’AVK (Figure 1)(1). Les patients étaient porteurs d’une cardiopathie rhumatismale documentée par échocardiographie, en FA, avec risque élevé d’AVC. Le critère de jugement principal était un critère composite associant la survenue d’AVC, embolie systémique, infarctus du myocarde ou décès de causes vasculaires ou inconnues. Un critère de jugement secondaire est la survenue d’un saignement majeur.

L’analyse a porté sur 4531 patients (femmes 72 %, âge moyen 50 ans, 85 % avec sténose mitrale, suivi médian 3,1 ans). La compliance au traitement était supérieure sous AVK (97 %) en comparaison avec les AOD (83 %), avec 23 % d’arrêt définitif du rivaroxaban (majoritairement en raison d’un remplacement valvulaire mitral mécanique), contre 6 % sous AVK. Il y a eu 559/2275 patients (8,2 % par an) sous rivaroxaban qui ont présenté un événement lié au critère de jugement principal, contre 442/2 258 sous AVK (6,5 % par an), soit un risque relatif plus élevé sous AOD que sous AVK (HR = 1,25, IC 95 %=1,10-1,42, p = 0,001), lié largement à un sur-risque de décès. Il n’existait pas de différence significative pour le critère saignement majeur (0,67 % par an sous AOD vs. 0,83 % par an sous AVK). INVICTUS n’a donc pas démontré la non-infériorité du traitement par AOD comparativement au traitement par AVK chez les patients porteurs d’une FA rhumatismale, avec même un surcroit de décès

Cette étude appuie les directives de traitement actuelles qui préconisent l’utilisation d’un AVK pour la prévention des accidents vasculaires cérébraux chez les patients atteints de cardiopathie rhumatismale et de FA. Cette étude démontre bien que la FA non valvulaire et la FA valvulaire ne sont pas des entités identiques. Elle met également en garde vis-à-vis de l’utilisation des AODs hors indications. Comme souligné dans l’éditorial accompagnant cette étude publiée dans le NEJM, on ne peut exclure qu’une différence de suivi médical imposé par les contrôles d’INR entre les patients sous AVK et sous AOD explique certaines différences observées. Également, la différence de compliance (de façon étonnante plus élevée parmi les patients sous AVK) pourrait éventuellement s’expliquer par sur-représentation des patientes de sexe féminin, éventuellement confrontées à des hémorragies gynécologiques dont on sait bien qu’elles sont plus abondantes sous rivaroxaban versus AVK. Cette hypothèse n’est toutefois pas discutée dans l’article mais mériterait d’être explorée.

Référence

  1. Connolly SJ, et al. Rivaroxaban in Rheumatic Heart Disease–Associated Atrial Fibrillation. August 28, 2022; DOI: 10.1056/NEJMoa2209051

Prévenir les thromboses sans compromettre l’hémostase: les premiers succès de l’asundexian, inhibiteur oral du FXI, dans la fibrillation atriale (Etude PACIFIC-AF)

Les patients souffrant de fibrillation atriale (FA) présentent un risque accru d’AVC (1). Pour les patients présentant un risque d’AVC ≥ 2,2 % par an (ou CHA2DS2-VASc ≥2 pour les hommes et 3 pour les femmes), une anticoagulation est recommandée (2). Actuellement, les anticoagulants oraux directs (AODs) constituent le traitement de première intention pour la prévention de l’AVC chez les patients atteints de FA, en raison d’un risque associé plus faible d’AVC, de mortalité et d’hémorragie intracrânienne par rapport à la warfarine (3,4). Toutefois, les patients sous DOAC sont confrontés à un risque de saignement de 2,7 à 3,5 % par an, ce qui a probablement contribué à la sous-utilisation généralisée de l’anticoagulation chez les patients atteints de FA (4,5).

Le risque accru de saignement observé avec la plupart des anticoagulants est déterminé par leur mécanisme d’action sur la cascade de la coagulation (Figure 2). Par exemple, le ciblage du FXa (comme avec l’apixaban ou le rivaroxaban) peut empêcher la formation d’un thrombus pathologique en inhibant la voie de contact, mais réduit également la capacité d’un patient à former un caillot en réponse à une effraction vasculaire (blessure, traumatisme) via la voie du facteur tissulaire. Une stratégie pour réduire le risque accru de saignement observé avec les stratégies d’anticoagulation actuelles consiste à cibler un facteur de coagulation qui agit exclusivement sur la voie de contact, avec un impact minimal sur la voie du facteur tissulaire. D’un point de vue mécanique, à la bonne dose, cela devrait empêcher la formation de thrombi pathologiques («bad clots ») tout en préservant la capacité du patient à développer des caillots hémostatiques (« good clots »).

L’inhibition du facteur XIa (FXIa) offre une stratégie attrayante pour y parvenir, et les premiers modèles suggèrent que cette théorie est biologiquement plausible : les patients présentant un déficit génétique en FXIa ont des taux plus faibles de maladie thromboembolique veineuse (MTEV) et d’accident vasculaire cérébral (AVC) que la population générale (6), et les souris dont l’activité du FXIa est génétiquement inhibée présentent de faibles taux de thrombose sans augmentation des saignements (7). D’autres études évaluant l’inhibition du FXIa chez des patients ayant subi des chirurgies orthopédiques suggèrent que l’inhibition du FXIa est à la fois bien tolérée et efficace pour prévenir la thrombose veineuse après une chirurgie, avec un faible risque associé de saignement (8,9).

L’essai clinique PACIFIC-AF récemment publié a donc comparé la sécurité de l’asundexian, un inhibiteur oral du FXIa à deux doses (20 mg et 50 mg) à un AOD (apixaban aux doses cliniquement indiquées) chez des patients souffrant de FA et présentant un risque accru d’AVC (10). L’asundexian a été choisi pour être testé sur la base de ses faibles niveaux (15 %) d’élimination rénale, de son faible profil d’interaction (il n’est ni inhibé ni induit par le CYP3A4, il n’est pas affecté par les changements de pH observés avec d’autres médicaments ou certains aliments) et de la tolérance observée dans les essais de phase 1. L’objectif principal de cet essai de phase 2 était de comprendre les différences en matière de saignement chez les patients randomisés entre l’Asundexian et l’Apixaban.

671 participants ont terminé les 12 semaines de traitement dans le cadre de l’étude PACIFIC-AF. Les participants étaient semblables à une population typique de FA, avec un âge moyen de 73,7 ans (41 % de femmes) et des comorbidités comprenant l’hypertension (89 %), l’insuffisance cardiaque (44 %), la coronaropathie (31 %), le diabète (32 %) et l’insuffisance rénale chronique (29 %). Dans l’ensemble, de faibles taux d’hémorragie ont été observés au cours de cet essai de 12 semaines, et aucun événement hémorragique majeur n’a été observé. Les taux d’hémorragies suffisamment graves pour nécessiter des soins médicaux urgents sont apparus trois fois moins souvent chez les participants randomisés sous asundexian que sous apixaban (HR 0,33, IC 95 % 0,09-0,97). Les participants prenant asundexian étaient également plus de 50 % moins susceptibles de présenter des saignements que ceux prenant l’apixaban (HR 0,42, 95 % 0,26-0,67). Les taux d’hémorragie étaient similaires entre les doses de 20 mg et de 50 mg d’asundexian, ce qui suggère que la dose d’asundexian ne détermine pas le risque d’hémorragie, comme cela a été observé avec les AODs (4).

Seuls trois accidents vasculaires cérébraux se sont produits pendant la durée limitée de cet essai, ce qui restreint toute possibilité de déterminer l’effet sur la réduction des accidents vasculaires cérébraux en utilisant ce médicament. L’asundexian a été globalement bien toléré.

Ces données soutiennent le rôle potentiel de l’inhibition du FXIa chez les patients souffrant de FA et font de cette stratégie une voie prometteuse pour de futures études.

Références

  1. Lip GYH, Nieuwlaat R, Pisters R, Lane DA, Crijns HJGM. Refining clinical risk stratification for predicting stroke and thromboembolism in atrial fibrillation using a novel risk factor-based approach: the euro heart survey on atrial fibrillation. Chest. 2010;137:263–72.
  2. January CT, Wann LS, Alpert JS, et al. 2014 AHA/ACC/HRS guideline for the management of patients with atrial fibrillation. J Am Coll Cardiol. 2014;64:e1-76.
  3. January CT, Wann LS, Calkins H, et al. 2019 AHA/ACC/HRS focused update of the 2014 AHA/ACC/HRS guideline for the management of patients with atrial fibrillation. J Am Coll Cardiol. 2019;74:104–32.
  4. Carnicelli AP, Hong H, Connolly SJ, et al. Direct oral anticoagulants versus warfarin in patients with atrial fibrillation: patient-level network meta-analyses of randomized clinical trials with interaction testing by age and sex. Circulation. 2022;145:242–55.
  5. Oldgren J, Healey JS, Ezekowitz M, et al. Variations in cause and management of atrial fibrillation in a prospective registry of 15,400 emergency department patients in 46 countries. Circulation. 2014;129:1568–76.
  6. Puy C, Rigg RA, McCarty OJT. The hemostatic role of factor XI. Thromb Res. 2016;141 Suppl 2:S8–S11.
  7. Schumacher WA, Luettgen JM, Quan ML, Seiffert DA. Inhibition of factor XIa as a new approach to anticoagulation. Arterioscler Thromb Vasc Biol. 2010;30:388–92.
  8. Büller HR, Bethune C, Bhanot S, et al. Factor XI antisense oligonucleotide for prevention of venous thrombosis. N Engl J Med. 2015;372:232–40.
  9. Weitz JI, Strony J, Ageno W, et al. Milvexian for the prevention of venous thromboembolism. N Engl J Med. 2021;385:2161–72.
  10. Piccini JP, Caso V, Connolly SJ, et al. Safety of the oral factor XIa inhibitor asundexian compared with apixaban in patients with atrial fibrillation (PACIFIC-AF): a multicentre, randomised, double-blind, double-dummy, dose-finding phase 2 study. Lancet. 2022;399:1383–90.

Inhibiteur oral du FXIa (milvexian) associé aux antiagrégants plaquettaires : moins de récidives d’AVC ischémiques sans risque de saignement grave. L’étude AXIOMATIC-SSP (Secondary Stroke Prevention)

Le risque de récidive d’AVC ischémique chez les patients en prévention secondaire est d’environ 5 à 10 % au cours des premiers mois. Les dernières recommandations insistent sur l’importance de la stratégie médicamenteuse antithrombotique chez ces patients, notamment lorsqu’une origine athérosclérotique intracrânienne est mise en évidence. Aujourd’hui, afin de réduire ce risque de récidive précoce, notamment chez certains patients estimés à haut risque, une bithérapie antiplaquettaire est préconisée pendant les premières semaines, suivie d’une monothérapie antiagrégante au long cours, même si le risque hémorragique d’une telle stratégie n’est jamais anodin, et limite parfois sa mise en pratique. Actuellement, aucun anticoagulant n’est utilisé en prévention des récidives d’AVC ischémiques non cardio-emboliques dans la phase précoce suivant un infarctus cérébral. Le FXIa est un élément clé de la croissance du thrombus. Des études génétiques ont démontré que des niveaux plus élevés de ce facteur étaient associés à un risque accru d’AVC ischémique. Par ailleurs, le FXIa aurait un rôle modéré dans l’hémostase et un déficit en facteur XIa serait associé à un risque moindre d’AVC ischémique ou de maladie thromboembolique veineuse, sans majorer le risque hémorragique. L’inhibition du FXIa permet de réduire le développement de thrombi pathologiques tout en autorisant la formation de caillots hémostatiques (Figure 3).

Dans un essai clinique de phase 2 (AXIOMATIC-TKR), l’administration postopératoire de milvexian a été efficace pour la prévention de la MTEV chez 1242 patients subissant une arthroplastie du genou et a été associée à un faible risque d’hémorragie ou d’événements indésirables graves d’hémorragie ou d’événements indésirables graves (1).

AXIOMATIC-SSP (AXIOMATIC-SSP: Antithrombotic treatment with factor XIa inhibition to Optimize Management of Acute Thromboembolic events for Secondary Stroke Prevention) est un essai de recherche de dose dont l’objectif est d’évaluer l’intérêt de l’ajout d’un inhibiteur oral du facteur XIa (milvexian) à une bithérapie antiplaquettaire standard dans la prévention secondaire des AVC ischémiques, à travers plusieurs dosages du milvexian pour estimer la meilleure relation dose-réponse chez les participants (2). L’objectif secondaire est d’évaluer le taux de saignements majeurs de cette molécule versus placebo.

Cette étude a inclus 2366 patients. L’âge médian était de 71 ans, et 64 % des patients étaient des hommes ; 3/4 des événements cérébraux étaient des AVC ischémiques. L’étude n’a pas permis de mettre en évidence une relation dose-réponse apparente du milvexian sur le critère de jugement principal (critère composite comprenant AVC ischémique ou infarctus cérébral silencieux détecté sur l’IRM cérébrale à 90 jours) composite AVC ischémique et infarctus cérébral silencieux. Par contre, l’inhibition du facteur XIa par milvexian (doses de 25 à 100 mg deux fois par jour) a permis de diminuer le taux d’AVC ischémique clinique, avec une réduction relative du risque de 30 % versus placebo. Enfin, l’ajout de cet anticoagulant chez des patients traités par bithérapie antiplaquettaire n’a pas causé d’excès de risque hémorragique avec des taux de saignements très faibles et mineurs, validant sa sécurité d’emploi, et laissant entrevoir une réelle promesse sur la protection d’une récidive ischémique, à étudier sur étude de phase 3 dédiée dans le futur.

Références

  1. Weitz JI et al. Milvexian for the Prevention of Venous Thromboembolism. N Engl J Med. 2021 Dec 2;385(23):2161–72.
  2. https://www.acc.org/latest-in-cardiology/clinical-trials/2022/08/27/04/1...

Thérapie génique de l’hémophilie A: entre enthousiasme et prudence

La stratégie de la thérapie génique de l’hémophilie consiste à insérer dans les hépatocytes le gène du FVIII (hémophilie A) ou du FIX (hémophilie B) et de doter le foie de la capacité de synthèse de ces facteurs qui font défaut chez les patients hémophiles. Cette stratégie fait appel à des vecteurs viraux dotés d’un tropisme hépatique permettant de transporter le gène en question (Figure 4).

Au cours de l’année 2022 ont été publiés les résultats de la plus vaste étude de thérapie génique de l’hémophilie A jamais entreprise (1). Cette étude a utilisé le Valoctocogene roxaparvovec (AAV5-hFVIII-SQ), un vecteur de thérapie génique basé sur le virus adéno-associé 5 (AAV5) contenant un ADN complémentaire du facteur VIII de la coagulation piloté par un promoteur sélectif du foie. Dans cette étude phase 3 (NCT03370913), une perfusion unique de 6 × 1013 vg/kg de valoctocogène roxaparvovec a été administrée à 134 hommes adultes atteints d’hémophilie A sévère (FVIII ≤ 1 UI/dL) sous prophylaxie FVIII (négatifs pour les inhibiteurs du FVIII). L’activité du FVIII a augmenté en moyenne de 41,9 UI/dL aux semaines 49 à 52. Une réduction de 83,8% de l’ABR (Annuel Bleeding Rate) moyen et une réduction de 98,6% du nombre de perfusions de FVIII ont été rapportées. Des données de suivi sur deux ans après la perfusion sont disponibles pour 17 participants à l’étude. Chez ces patients, le niveau moyen d’activité du FVIII était de 24,4 UI/dL à la semaine 104, contre 42,2 UI/dL aux semaines 49-52 après la perfusion. A la semaine 104, 18% (n = 3) des participants à l’étude avaient un niveau d’activité médian du FVIII de ≥40 UI/dL, 59% (n = 10) avaient un niveau d’activité de >5 à <40 UI/dL, et 24% (n = 4) avaient un niveau d’activité de <5 UI/dL. Tous les participants à l’étude ont expérimenté au moins un événement indésirable, les plus fréquents étant une augmentation des taux de GPT (85,8 % des participants) et de GOT (35,1 %), des céphalées (38,1 %) et des nausées (37,3 %). L’élévation des transaminases (probablement associée à une hépatite induite par l’infection virale) a justifié une corticothérapie chez 80 % des participants. La plupart des événements étaient de grade 1 ou 2, mais 8,2 % des patients ont présenté une augmentation de grade 3 des GPT, et cinq patients ont signalé un événement indésirable grave qui a été considéré comme lié au traitement. Tous les événements indésirables graves ont disparu, de même que 96,2 % des élévations de GPT (avec le traitement), et aucun participant n’est décédé, ne s’est retiré de l’étude en raison d’événements indésirables ou n’a développé d’inhibiteurs du FVIII. Des niveaux d’activité du FVIII >150 UI/dL ont été trouvés chez 7 (5,2%) patients aux semaines 49-52, mais aucun n’a développé de maladie thromboembolique.

Même si ces résultats sont prometteurs, tous les patients ne pourront pas bénéficier de la thérapie génique. Le jeune âge (<18 ans), la présence d’anticorps neutralisants les vecteurs adénoviraux utilisés, conséquence d’une exposition antérieure, une hépatopathie, des antécédents de développements d’anticorps anti-FVIII représentent autant de facteurs d’exclusion. En outre, l’imprévisibilité de la réponse, sa variabilité, la diminution d’expression dans le temps représentent autant d’éléments qui pourraient décourager les candidats. Cette étude a toutefois l’énorme mérite de démonter qu’il est possible de guérir l’hémophilie.

Référence

1. Ozelo, M, et al. N Engl J Med. 2022 Mar 17; 386 (11) : 1013-1025.

Traiter l’hémophilie A par un anticorps bi-spécifique: une option validée pour les patients non sévèrement atteints (Etude Haven 6) et les nouveau-nés (Etude Haven 7)

Hémophilie A non sévère – Etude Haven 6

Plusieurs études ont démontré le rôle majeur de l’Emicizumab (Hemlibra®), un anticorps bispécifique mimant l’action du FVIII, pour la prévention des hémorragiques parmi les patients hémophiles A sévères, avec ou sans inhibiteur du FVIII. Il restait à démontrer l’intérêt de l’Emicizumab parmi les patients présentant une forme non sévère d’hémophilie. L’étude HAVEN 6 est une étude de phase III, multicentrique, ouverte et à un seul bras, qui a évalué la sécurité, l’efficacité, la pharmacocinétique et la pharmacodynamique d’Hemlibra chez des personnes atteintes d’hémophilie A modérée ou mineure sans inhibiteurs du FVIII (1). L’analyse primaire comprenait les données de 72 participants (69 hommes et trois femmes) candidats à une prophylaxie ; 21 étaient atteints d’hémophilie A légère sans inhibiteurs du FVIII et 51 d’hémophilie A modérée sans inhibiteurs du FVIII lors d’un suivi médian de 55,6 semaines. Au départ, 37 participants recevaient un traitement prophylactique par FVIII et 24 avaient des articulations cibles.

Les données montrent qu’Hemlibra a maintenu de faibles taux de saignements traités tout au long de la période d’étude, 66,7 % des participants n’ayant subi aucun saignement nécessitant un traitement, 81,9 % n’ayant subi aucun saignement spontané nécessitant un traitement et 88,9 % n’ayant subi aucun saignement articulaire nécessitant un traitement. Les taux de saignement annualisés basés sur un modèle sont restés faibles tout au long de la période d’évaluation, soit 0,9 (IC à 95 % : 0,55-1,52).

Les résultats montrent également que le profil de sécurité d’Hemlibra était cohérent avec les conclusions des études précédentes pour diverses sous-populations de personnes atteintes d’hémophilie A, sans qu’aucun nouveau signal de sécurité ne soit observé. L’événement indésirable le plus fréquent lié au traitement et survenant chez 10 % ou plus des personnes de l’étude HAVEN 6 était les réactions locales au site d’injection (16,7 %). Quinze personnes (20,8 %) ont signalé un effet indésirable lié à Hemlibra, dont la majorité étaient des réactions locales. Un participant a présenté un événement thromboembolique de grade 1 non lié à Hemlibra. Il n’y a eu aucun décès ni aucun cas de microangiopathie thrombotique, ce qui renforce le profil de sécurité favorable d’Hemlibra.

Référence

  1. Négrier C et al. Emicizumab in people with moderate or mild haemophilia A (HAVEN 6): a multicentre, open-label, single-arm, phase 3 study. Lancet Haematol. 2023 Jan 27;S2352-3026(22)00377-5. doi: 10.1016/S2352-3026(22)00377-5.

Nouveau-Nés – étude Haven 7

Actuellement, de nombreux nourrissons atteints d’HA sévère ne reçoivent pas de prophylaxie avant l’âge d’un an au moins, en raison des difficultés d’administration du FVIII. L’emicizumab permet d’initier la prophylaxie dès le diagnostic de l’HA par administration sous-cutanée, et peut atténuer le risque de saignement spontané et traumatique, y compris les hémorragies intracrâniennes.

HAVEN 7 est une étude de phase IIIb, multicentrique évaluant l’emicizumab chez les nourrissons ≤ 12 mois atteints d’HA sévère sans inhibiteurs du FVIII traités par emicizumab par voie sous-cutanée à raison de 3mg/kg par semaine pendant 4 semaines, puis 3mg/kg toutes les 2 semaines pendant 52 semaines (1). A la semaine 53, les participants poursuivent ce schéma ou passent à 1,5mg/kg par semaine ou 6mg/kg toutes les 4 semaines pour la période de suivi à long terme de 7 ans. A la date limite de l’analyse intermédiaire (31 mars 2022), 54 participants (55,6 % [n=30] âgés de ≥3-≤12 mois ; 44,4 % [n=24] <3 mois) avaient reçu ≥1 dose d’emicizumab ; tous étaient de sexe masculin, avec un âge médian (intervalle) de 4,5 (0-11) mois. Parmi eux, 30 (55,6 %) étaient traités de façon minimale (≤5 jours d’exposition avec des traitements liés à l’hémophilie c’est-à-dire du FVIII, du plasma, du cryoprécipité ou d’autres produits sanguins) avant l’étude, et 24 (44,4 %) n’étaient pas traités auparavant. La durée médiane (intervalle) du traitement par emicizumab était de 42,1 (1-60) semaines.

Aucun saignement justifiant un traitement n’a été signalé chez 77,8 % des participants (n=42), tandis que 42,6 % des participants (n=23) n’ont eu aucun saignement. Aucun effet indésirable n’a conduit à un retrait/modification/interruption du traitement. Aucun des 48 participants évaluables pour l’analyse d’immunogénicité n’a été testé positif pour les ADA (anti-drug antibodies). Les résultats de cette analyse intermédiaire indiquent l’efficacité et confirment l’innocuité de l’emicizumab chez les nourrissons atteints d’HA sévère sans inhibiteurs du FVIII.

Référence

  1. Emicizumab Prophylaxis for the Treatment of Infants with Severe Hemophilia A without Factor VIII Inhibitors: Results from the Interim Analysis of the HAVEN 7. https://ash.confex.com/ash/2022/webprogram/ Paper157264.html

Affiliations

Cliniques universitaires Saint-Luc, Hématologie, B-1200 Bruxelles

Correspondance

Pr. Cédric Hermans
Cliniques universitaires Saint-Luc
Hématologie
Avenue Hippocrate 10
B-1200 Bruxelles
cedric.hermans@saintluc.uclouvain.be

Conflits d’intérêt
Le Professeur Cédric Hermans déclare avoir reçu des honoraires d’orateur et de consultance des sociétés Bayer, Biomarin et Roche.