Prise en charge des nouveau-nés à risque de sepsis néonatal précoce : priorité à une stratégie clinique

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Morgane Hancart(1), Danielle Rousseaux(2), Véronique Thiry(3), Jean-Paul Langhendries(4), Pierre Maton(4) Publié dans la revue de : Novembre 2018 Rubrique(s) : Pédiatrie
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Résumé de l'article :

Objectif

Le dépistage du sepsis néonatal précoce chez un nouveau-né asymptomatique, à risque d’infection, est un challenge et reste controversé. L’objectif de cette étude est d’analyser l’impact d’une surveillance clinique standardisée et optimisée dans une population ciblée de nouveau-nés à risque infectieux. Elle se base sur l’actualisation des recommandations belges.

Méthode

Étude clinique rétrospective, comparant deux périodes de 6 mois et incluant tous les enfants admis en maternité. Dans la 1ère période, les nouveau- nés à risque de sepsis précoce ont été évalués par biologie sanguine de façon systématique alors que dans la 2ème période, ils étaient observés pendant les premières 48 heures selon une surveillance clinique standardisée et optimisée avec indications de biologie plus ciblées. L’objectif principal était de comparer le recours aux examens biologiques entre les 2 périodes, et les objectifs secondaires étaient de comparer le nombre d’hospitalisations en néonatalogie et le nombre de traitements antibiotiques.

Résultats

Durant la 1ère période, une C-reactive protein (CRP) a été mesurée chez 21,61% et une numération formule sanguine (NFS) chez 20,54% des 1490 enfants admis en maternité. Lors de la 2ème période, 26,7% des enfants (472/1768) ont bénéficié d’une surveillance clinique standardisée et optimisée, la CRP a été évaluée chez 6,50% (P<0,0001) et la NFS chez 6,05% (P<0,0001) de la population totale. La diminution du nombre d’hospitalisation et de traitement antibiotique n’a pas pu être démontrée statistiquement. Aucun diagnostic de sepsis n’a été retardé par cette méthode.

Conclusion

La surveillance clinique standardisée et optimisée des nouveau-nés à risque de sepsis précoce permet de diminuer significativement le nombre de biologies réalisées.

Que savons-nous à ce propos ?

Dans la prise en charge du sepsis néonatal précoce, les prélèvements biologiques présentent une faible sensibilité et spécificité, ils ne sont pas de bons outils de dépistage.

Que nous apporte cet article ?

Cet article propose la réalisation en maternité d’une surveillance clinique standardisée et optimisée des nouveau-nés à risque de sepsis précoce, conformément aux recommandations belges, afin d’éviter des examens complémentaires inutiles.

Mots-clés

Streptocoque du groupe B, sepsis néonatal précoce, prise en charge, surveillance clinique

Article complet :

INTRODUCTION

Le sepsis néonatal précoce (early-onset sepsis = EOS) est défini comme apparaissant endéans les 72 premières heures de vie (1). Il est une cause majeure de morbidité et mortalité néonatale pour laquelle le diagnostic et le traitement rapide sont essentiels (2,3). La prise en charge des nouveau-nés à terme ou proches du terme à risque de EOS reste controversée car il n’existe pas de consensus sur les marqueurs de dépistage les plus adéquats (1). La modification de l’état clinique est le premier signe d’une infection débutante alors que la biologie est peu sensible dans les premières heures du sepsis (1). L’incidence du EOS a fortement diminué ces dernières années grâce au dépistage systématique du portage maternel du streptocoque du groupe B (SGB) et à l’antibioprophylaxie intrapartale (AIP) administrée (2,3). Si le SGB reste l’agent infectieux prédominant, il n’est cependant pas le seul germe incriminé (1), ce qui explique que la proportion d’enfants évalués et traités en excès reste importante. Chaque année dans l’union européenne, environ 395.000 nouveau-nés (7,9% des naissances vivantes) sont traités pour suspicion de EOS, et 14% sont évalués, alors que l’incidence du sepsis prouvé varie entre 0,01 et 0,53 pour 1000 naissances vivantes (3).

Les guidelines récentes sur le sujet, comme celles du Center for Diseases Control de 2010 (4), ou les recommandatations nationales belges de 2014 (2) (Annexe 1) proposent une surveillance clinique rapprochée de minimum 48 heures pour les nouveau-nés asymptomatiques, sans signe de chorioamnionite maternelle, pour qui la prophylaxie contre le GBS était indiquée. L’évaluation biologique n’est plus recommandée systématiquement en Belgique sauf en cas d’antibioprophylaxie inadéquate avec rupture de la poche des eaux (RPE) de plus de 18 heures ou de naissance avant 35 semaines d’aménorrhée (SA). Elle comprend alors une hémoculture à la naissance et une biologie sanguine à 12 et à 36 heures de vie.

Ces nouvelles recommandations se basent sur la valeur limitée des biomarqueurs actuellement disponibles dans le dépistage du EOS par rapport aux signes cliniques (2), ces derniers atteignant une sensibilité de 92% et une valeur prédictive négative (VPN) de 99% (5).

Les indices leucocytaires présentent une faible sensibilité et des valeurs prédictives basses, qui s’améliorent avec le temps ; ils peuvent être utiles s’ils sont obtenus après 4 heures de vie (6,7). Un taux de leucocytes < 5.109/L ou une neutropénie < 1,5.109/L est plus susceptible de s’associer à un EOS qu’un ratio neutrophiles immatures/totaux (I/T) > 0,2 (7).

Dans la majorité des études, la sensibilité de la CRP varie de 49 à 68% (avec un cut off de 10 mg/L) ; elle s’améliore si la mesure est répétée ou associée à d’autres marqueurs comme le ratio I/T, les neutrophiles ou les leucocytes totaux.(6). Pour le diagnostic prouvé de EOS, la répétition des valeurs de CRP présente une valeur prédictive positive (VPP) faible (5-6%) mais une VPN excellente (99,7%) (8). La procalcitonine (PCT) semble prometteuse dans le diagnostic du sepsis bactérien car plus sensible mais elle présente une augmentation physiologique les deux premiers jours de vie (6) qui rend son interprétation aléatoire durant cette période (1). Les études sur la PCT dans le EOS obtiennent des résultats très hétérogènes mais une méta-analyse de 2011 (9) a montré une sensibilité poolée de 76% et une spécificité poolée de 76% (cut off de 0,5 à 5,75 microg/L).

Cette incertitude diagnostique et la crainte d’une infection sévère mènent à des évaluations, parfois répétées. Cela engendre des traitements antibiotiques empiriques inutiles dont les effets néfastes commencent à être mesurés en termes de sélection de résistance, d’influence sur le microbiote en lien avec l’allergie, l’eczéma atopique, les maladies inflammatoires du tube digestif, les maladies auto-immunes et l’obésité (1,3,10,11).

En attendant la mise au point de marqueurs performants pour le dépistage du EOS, il est primordial de repenser notre stratégie de prise en charge des nouveau-nés à risque. La faisabilité en pratique quotidienne et l’impact de l’application d’une surveillance clinique en maternité n’a pas encore été évaluée.

Cette étude a pour but de comparer deux approches dans la prise en charge des nouveau-nés asymptomatiques à risque de EOS : une prise en charge classique avec réalisation plus systématique de prélèvements biologiques et une surveillance clinique standardisée et optimisée, inspirée des recommandations belges. Cette nouvelle approche basée sur l’observation récurrente du statut clinique permettrait de mieux cibler les nouveau-nés les plus à risque de EOS, diminuant considérablement la fréquence des investigations inutiles mais également les séparations entre la mère et l’enfant, l’exposition aux antibiotiques, et le coût économique ; sans risque surajouté de diagnostic retardé.

 

MATÉRIEL ET MÉTHODES

Cette étude clinique monocentrique rétrospective a été réalisée dans une maternité classique, annexée à un service de néonatologie de niveau 3, la Clinique Saint-Vincent à Rocourt.

 

1° POPULATION, CRITÈRES D’INCLUSION ET D’EXCLUSION

Cette étude a comparé deux populations de nouveau-nés, ayant séjourné en maternité lors de deux périodes de 6 mois, séparées de 18 mois (du 01/05/2013 au 31/10/2013 et du 01/05/2015 au 31/10/2015) afin d’évaluer l’effet du changement de stratégie dans la prise en charge des nouveau-nés à risque de EOS.

 

2° INTERVENTION

Durant la 1ère période, tous les nouveau-nés ont bénéficié d’une surveillance classique, avec réalisation presque systématique de tests biologiques (CRP et NFS) à H12 en présence d’au moins un facteur de risque de EOS sauf en cas d’AIP recommandée et adéquate. Les critères considérés comme facteurs de risque étaient les même que lors de la 2ème période (voir ci-dessous).

Lors de la 2ème période, les enfants ayant au moins un facteur de risque de EOS ont bénéficié d’une surveillance clinique ciblée, standardisée et optimisée durant les premières 48 heures de vie (Annexe 2). Les facteurs de risque comprenaient d’abord les critères de recommandatation de l’AIP, proches de ceux choisis par les guidelines belges (2).

1) Enfant précédent avec infection invasive à SGB.

2) Bactériurie à SGB pendant cette grossesse.

3) Frottis vaginal (réalisé entre 35 et 37 SA) avec culture positive pour le SGB. Sauf en cas de césarienne avant le début du travail et sans RPE.

4) Frottis vaginal inconnu et au moins un critère parmi les suivants, au moment du travail :

- Terme < 37 SA.

- RPE ≥ 18 heures (seuil abaissé à 12 heures selon notre protocole interne).

- Température maternelle intrapartum ≥ 38°C.

D’autres facteurs de risque pouvaient être considérés par les soignants, tels une prématurité isolée (< 37 SA), une fièvre maternelle ou chez le nouveau-né (≥ 38°C), un liquide amniotique méconial, ainsi que la présence ou l’apparition de symptômes pouvant évoquer un EOS.

Cette surveillance a été réalisée toutes les 4 heures, par les sages-femmes entraînées, selon un protocole précis (Annexe 2). En fonction des symptômes ou signes présentés, ces nouveau-nés ont été évalués cliniquement par le pédiatre, avec réalisation éventuelle de tests de laboratoire voire hospitalisation en néonatalogie. Les médecins sont restés libres de réaliser des tests biologiques chez ces enfants à risque en l’absence d’anomalie clinique. Les enfants sans facteur de risque continuaient d’être surveillés de manière classique et bilantés en fonction de la clinique.

 

3° OBJECTIFS

L’objectif principal de cette étude a été de comparer le nombre total de biologies réalisées lors des deux périodes : CRP et NFS entre le jour de la naissance (J0) et le 2ème jour de vie (J2). Le seuil de positivité pour la CRP a été fixé arbitrairement à 10 mg/l. Les objectifs secondaires étaient de comparer le nombre d’hospitalisation en néonatalogie et d’antibiothérapie.

 

4° STATISTIQUE

Les méthodes utilisées étaient le Fisher Exact Test ou le Student t test, via le site https://marne.u707.jussieu.fr/biostatgv/. Des statistiques descriptives ont été utilisées pour résumer les caractériques des populations, avec calcul de la moyenne et des déviations standards (DS).

 

5° ETHIQUE

Il s’agit d’une étude clinique rétrospective, non interventionnelle, évaluant l’impact d’une modification des pratiques courantes, selon un protocole uniforme. L’anonymat des patients étant préservé (collecte de données sur fichier Excel protégé et anonyme), leur consentement n’est pas nécessaire et l’assentiment du comité d’éthique n’est pas indispensable.

 

RÉSULTATS

 

1° CARACTÉRISTIQUES DÉMOGRAPHIQUES DES POPULATIONS

Cette étude a inclus tous les nouveau-nés ayant séjourné en maternité sur deux périodes distinctes (Figure 1). Les nouveau-nés exclus étaient les mort-nés, les morts précoces et ceux admis endéans les 2 premières heures de vie dans le centre néonatal, peu importe la raison. Le taux d’hospitalisation en néonatalogie est très différent entre les périodes : 11,6% (198/1703) pour la période 1 versus 8,4% (163/1940) pour la période 2. Ceci s’explique en partie par le nombre de prématuré de moins de 35 3/7 SA (6,0% (103/1703) versus 3,9% (76/1940)), le nombre de petit poids de naissance < 2200 gr (6,3% (108/1703) versus 4,2% (82/1940)) et par une moins bonne adaptation néonatale (score d’APGAR < 7 à 5 minutes dans 2,0% (34/1703) versus 1,3% (26/1940) des cas). Les populations de nouveau-nés séjournant en maternité étaient comparables, hormis le taux de péridurale ou rachianesthésie plus faible dans la 2ème période (Tableau 1).

 

2° CRITÈRES D’INCLUSION POUR LA SURVEILLANCE CLINIQUE STANDARDISÉE ET OPTIMISÉE

Parmi les 1768 enfants admis en maternité lors de la 2ème période, 472 enfants (26,7%) ont présenté au moins un facteur de risque de EOS et ont bénéficié d’une surveillance clinique standardisée et optimisée (Tableau 2). Durant cette période, 30 nouveau-nés de moins de 37 SA ont été surveillé sur les 72 admis en maternité (dont 4 sur les 9 ayant entre 35 3/7 et 35 6/7 SA) ; il s’agissait du seul facteur de risque de EOS pour 3 de ces 30 nouveau-nés.

 

3° SYMPTÔMES OU SIGNES PRÉSENTÉS LORS DE LA SURVEILLANCE CLINIQUE STANDARDISÉE ET OPTIMISÉE

Lors de la 2ème période, 48% des patients surveillés (225/472) ont présenté des symptômes ou signes compatibles avec un EOS (Tableau 3). Ces nouveau-nés ont été évalués cliniquement par le pédiatre, avec réalisation de tests de laboratoire dans 33,7% des cas (76/225) et hospitalisation en néonatalogie dans 5,7% des cas (13/225).

 

4° COMPARAISON DES INVESTIGATIONS BIOLOGIQUES, HOSPITALISATIONS ET ANTIBIOTHÉRAPIES

Pour les deux périodes, le nombre de biologies (CRP ou NFS) réalisées entre J0 et J2 a été calculé en fonction des données fournies par le laboratoire (Tableau 4). Durant la 2ème période, nous observons une diminution significative du nombre de biologies réalisées, tant au niveau des CRP que des NFS, passant de 21,61% à 6,50% et de 20,54% à 6,05% respectivement. Le nombre de CRP positives (> 10 mg/l) est plus faible dans la 2ème période mais la proportion reste importante dans les deux groupes comparativement à la faible incidence des EOS. La diminution du nombre d’hospitalisation (1,81% versus 1,13%,) et de traitement antibiotique instauré (1,61% versus 1,07%,) observée dans la 2ème période n’est pas statistiquement significative (P=0,107 et P=0,217). La prévalence du EOS est très faible dans les populations étudiées et peut donc varier de manière importante sans que cela ne soit significatif. Parmi les 472 enfants à risque surveillés cliniquement lors de la 2ème période, 71,2% des CRP réalisées avant 48h de vie (62/87) l’ont été chez des enfants asymptomatiques.

 

5° CARACTÉRISTIQUES DES PATIENTS AYANT PRÉSENTÉ UN EOS

Tous nos patients atteints de EOS ont présenté des symptômes endéans quelques heures de vie, avec une CRP initiale faussement rassurante dans 2/3 des cas (< 10 mg/L à H8 et H12) et une leucocytose restée normale dans 2/3 des cas. Lors de la 1ère période, un patient a présenté un sepsis clinique, il n’avait aucun facteur de risque et les symptômes sont apparus à 19 heures de vie. Lors de la seconde période, 2 patients ont présenté un sepsis prouvé à SGB, ils n’avaient pas bénéficié de l’AIP car le dépistage initial était négatif. Les frottis de contrôles (réalisés systématiquement à l’admission en cas de dépistage initialement négatif afin de diagnostiquer les colonisations tardives) se sont révélés positifs d’où leur inclusion dans la surveillance clinique.

 

6° CARACTÉRISTIQUES DES PATIENTS HOSPITALISÉS POUR SUSPICION DE EOS QUI N’ÉTAIENT PAS INCLUS DANS LA SURVEILLANCE CLINIQUE STANDARDISÉE ET OPTIMISÉE

Lors de la 2ème période, 6 patients qui n’étaient pas inclus dans la surveillance clinique standardisée et optimisée ont été admis en néonatalogie pour suspicion de EOS et traités par antibiothérapies empiriques, et ce pendant maximum 72 heures. Pour tous ces patients, le dépistage maternel pour le SGB était négatif et le bilan biologique initial (CRP et NFS) était normal. Deux nouveau-nés avaient bénéficiés d’une antibioprophylaxie adéquate pour une RPE > 18 heures, ils étaient nés prématurément à 36 0/7 et 35 4/7 SA, le second a également présenté une détresse respiratoire. Deux nouveau-nés prématurés de 36 1/7 et 36 4/7 SA, sans autre facteur de risque, ont présenté une détresse respiratoire de type retard de résorption, traitée par ventilation non invasive. Un nouveau-né à terme a présenté un malaise hypoglycémique à H48 puis des convulsions dans le cadre d’une encéphalopathie. Le dernier enfant a présenté deux pics fébriles à 38,1°C (à H0 et à H30), une hypoglycémie et des difficultés alimentaires.

 

DISCUSSION

Cette étude compare la surveillance clinique standardisée et optimisée des nouveau-nés à risque de EOS avec l’ancien protocole de l’institution. Ce dernier comportait la réalisation systématique de biologie sanguine (CRP et NFS) en présence de facteur de risque de EOS sauf si l’AIP contre le SGB était adéquate. La mise en place de la surveillance clinique standardisée et optimisée a permis un dépistage précoce fiable des enfants infectés avec une réduction significative des prélèvements biologiques, de la charge de travail et du coût institutionnel tout en évitant au patient un geste douloureux et stressant. Cette méthode est simple d’apprentissage, nécessite peu de moyen et de matériel et ne requiert qu’environ 2 ou 3 minutes de travail supplémentaire à chaque surveillance par les sage-femmes entrainées. Les résultats obtenus lors de cette étude pourraient inspirer l’élaboration d’un protocole analogue dans d’autres maternités.

Pour cette étude, tous les patients admis en maternité ont été inclus. Les facteurs de risque de EOS étaient semblables à la plupart des études, ils se basaient principalement sur les critères d’AIP.

Même en cas d’AIP adéquate, les nouveau-nés ont bénéficié de la surveillance rapprochée, conformément aux recommandations belges, alors que le risque de EOS est fortement diminué (efficacité de 91% à terme et 86% pour les prématurés (11)). Dès lors, certains auteurs (12) ont choisi de ne plus en tenir compte.

Malgré les recommandations de considérer 18 heures de RPE comme facteur de risque, le seuil de 12 heures a été maintenu à Rocourt, seuil à partir duquel le risque augmente (5).

Les nouveau-nés prématurés peuvent séjourner en maternité en fonction du contexte général, en pratique à partir de 35 3/7 SA dans la maternité de Rocourt. Entre 35 3/7 SA et 36 SA, le risque de EOS est mutliplié d’un facteur 2 à 2,5 (13) par rapport au nouveau-né à terme alors qu’entre 36 SA et 37 SA il est multiplié d’un facteur 1,5 à 2 (13). Le seul critère de la prématurité < 37 SA a été considéré comme suffisant pour l’inclusion dans la surveillance clinique et ce de manière non systématique. À la lumière de ces données, l’inclusion systématique des nouveau-nés de moins de 36 SA pourrait être une mesure prudente.

La présence d’une fièvre maternelle pendant le travail est un élément pouvant faire suspecter une chorioamniotite et la hauteur de la fièvre est directement reliée au risque de EOS (10,13). La fièvre néonatale est un autre facteur pris en compte dans ce travail.

L’aspect méconial du liquide amniotique est un facteur de risque historiquement décrit et associé statistiquement au EOS dans certaines études (5), les pédiatres sont restés libres d’en tenir compte en fonction du contexte.

La proportion conséquente d’enfants surveillés (26,7%) est liée au choix d’inclure largement chacun des facteurs de risque, ne se limitant pas à la colonisation maternelle par le SGB car un faux négatif n’est pas formellement exclu, de même que la colonisation tardive, ou l’implication d’autres pathogènes, notamment Escherichia Coli qui arrive en seconde position dans la majorité des études (10).

La surveillance clinique standardisée et optimisée proposée ici combine des méthodes d’observation décrites dans différentes recommandations. D’autres études (12,14) ont choisi une surveillance avec des items moins nombreux ou une fréquence dégressive, se basant sur le fait que la plupart des symptômes sont d’ordre respiratoire ou hémodynamique et qu’ils surviennent surtout dans les 12 premières heures de vie.

Lors de cette surveillance ciblée, 48% des nouveau-nés à risque ont présenté des symptômes ou signes compatibles avec un EOS, alors que seulement 2 ont présenté un sepsis prouvé. Cela illustre le manque de spécificité des signes cliniques et l’importance de leur persistance dans le temps (10).

Il est admis que la CRP a une valeur limitée dans l’évaluation initiale d’un nouveau-né à risque de EOS (8) et, bien qu’elle ne fasse plus partie des guidelines du CDC 2010 (4) ni de l’AAP 2011 (15), elle est encore régulièrement mesurée dans les études récentes (12,14) et toujours proposée dans les recommandations belges de 2014. En effet, la CRP manque de spécificité, elle peut être influencée par l’âge gestationnel, le poids de naissance, la durée de la RPE, la durée du travail, l’exposition prénatale aux stéroïdes, l’AIP et le mode de délivrance vaginal (16). D’autres recommandations nationales préconisent encore de mesurer la CRP dans le bilan initial, c’est le cas des guidelines anglaises de 2012 (NICE Clinical Guideline 149) (17) réalisant une revue de la littérature sur le sujet. Ces recommandations anglaises proposent un bilan biologique systématique (hémoculture et CRP) chez tous nouveau-nés présentant un red flag ou au moins 2 facteurs de risque ou indicateurs cliniques de EOS avant la mise sous antibiotiques. L’article précice que la mesure de la CRP dans ce contexte pourrait être un argument en faveur du EOS mais ne contribue pas à son exclusion ; elle est à intégrer avec les indices leucocytaires et l’évolution clinico-biologique.

Cette étude comporte plusieurs limites. Tout d’abord, les populations étudiées l’ont été de manière séquentielle, avec 18 mois d’intervalle. Tous les facteurs de risque maternels n’ayant pas été répertoriés et, s’agissant d’une étude non randomisée, certains biais sont possibles. Deuxièmement, il n’a pas été possible de tirer de conclusion significative quant à la diminution des hospitalisations et des traitements antibiotiques, probablement de part la taille limitée des populations car d’autres études similaires ont pu le démontrer (12,14). Troisièmement, l’incidence du EOS étant faible, cette étude ne permet pas de juger de la sécurité de cette pratique. Néanmoins, aucun diagnostic prouvé de EOS n’a été retardé par l’application de cette méthode et aucune complication n’est à déplorer, comme le soulignent des études plus larges (12,14). Quatrièmement, malgré la stratégie de surveillane clinique des enfants à risque lors de la 2ème période, les médecins restaient libres de réaliser des tests biologiques en l’absence d’anomalie clinique, entrainant la réalisation de CRP uniquement sur base des facteurs de risque maternels. Cette fausse rassurance semble motivée par la crainte d’un retard de diagnostic et suggère la possibilité d’une diminution encore plus importante des bilans réalisés à l’avenir.

La force de cette étude est l’enrôlement de tous les patients admis en maternité, à terme et proche du terme alors que certaines études continuent d’exclure les moins de 37 SA, évoquant un risque augmenté de EOS (12). Ce facteur de risque est indéniablement à prendre en compte, mais l’incidence du EOS est peu élevée chez les nouveau-nés proches du terme (35-36 SA) (2), diminue considérablement entre 34 et 40 SA puis augmente à nouveau chez les post-termes (13). Un autre point positif est la vision globale du risque de EOS, ne se limitant pas au contexte de colonisation maternelle par le SGB. L’importance de chaque facteur de risque est à soupeser mais la hauteur de la fièvre maternelle, l’âge gestationnel, et la durée de RPE sont des éléments prédictifs essentiels de EOS (13).

 

CONCLUSION

La stratégie de prise en charge des nouveau-nés asymptomatiques à risque de EOS est un challenge pour les praticiens et demeure controversée, il est urgent de l’adapter car la balance bénéfices-risques s’est déséquilibrée. Les biomarqueurs tel que la CRP et la NFS peuvent aider au diagnostic mais le gold standard reste l’hémoculture. De nombreux autres marqueurs sont en cours de validation comme la PCT, certaines cytokines (interleukine-6, interleukine-8) (6), l’identification des germes par polymerase-chain-reaction (3),… De récentes études réalisées aux Etats Unis par Puopolo, Escobar et al. (8,11,15), ont montré l’intérêt d’algorithmes intégrant les facteurs de risques maternels et l’évolution clinique du nouveau-né pendant les 12 à 24 premières heures de vie.

La remise en question permanente des pratiques quotidiennes, à la lumière des données de la littérature, permettra d’encore mieux cibler les nouveau-nés réellement à risque et de minimiser les évaluations et les traitements inutiles. À l’heure des technologies de plus en plus sophistiquées dans tous les domaines, il ne faudrait pas négliger la valeur de l’évaluation clinique des patients, à remettre au centre des pratiques.

 

RECOMMANDATIONS PRATIQUES

Dans la prise en charge des nouveau-nés asymptomatique à risque de EOS séjournant en maternité, nous recommandons une surveillance clinique standardisée et optimisée selon un protocole précis (Annexe 2), à réaliser toutes les 4 heures pendant les premières 48 heures de vie.

 

 

Aucun conflit d’interêt, aucun sponsor ni aucune rémunération ne sont à signaler.

 

AFFILIATIONS

1 Médecin assistant candidat spécialiste en 5ème année de pédiatrie à l’Université Catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique.
2 Médecin biologiste, laboratoire de bactériologie, Centre Hospitalier Chrétien (CHC), Clinique Saint-Vincent, Rocourt, Belgique
3 Pédiatre, CHC, Clinique Saint-Vincent, Rocourt, Belgique
4 Néonatologue, CHC, Clinique Saint-Vincent, Rocourt, Belgique

 

CORRESPONDANCE

Dr. MORGANE HANCART

Cliniques universitaires Saint-Luc
Avenue Hippocrate 10
B-1200 Woluwe-Saint-Lambert, Belgique.
morgane.hancart@uclouvain.be
Téléphone : +32 472 44 19 81

 

RÉFÉRENCES

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