Place centrale d’une évaluation de qualité des étudiants

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Georges Bordage Publié dans la revue de : Avril 2022 Rubrique(s) : Ama Contacts
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Résumé de l'article :

L’évaluation des étudiants est utile à plusieurs acteurs à la fois.

Article complet :

L’évaluation des étudiants est utile à plusieurs acteurs à la fois. D’abord et avant tout, elle doit être utile aux étudiants eux-mêmes afin de les informer sur leur niveau de maitrise de la matière, surtout concernant leurs capacités à appliquer leurs connaissances et leurs habiletés cliniques pour résoudre des problèmes de santé. C’est l’évaluation formative. Ce type d’évaluation est aussi utile aux enseignants puisqu’elle les informe autant sur le niveau de maitrise de la matière par les étudiants que sur les lacunes et les fausses conceptions qu’ils peuvent avoir, pouvant ainsi mener à des ajustements de contenu ou de méthodes d’enseignement. C’est l’évaluation de cours et de programme. L’évaluation des étudiants est aussi utile aux enseignants et directeurs de programme afin de décider de la promotion des étudiants. C’est l’évaluation sommative, sans doute le type d’évaluation le plus souvent évoqué lorsque l’on parle d’évaluation des étudiants. Enfin, l’évaluation des étudiants est utile aux instances responsables de la certification des étudiants à pratiquer la médecine de façon autonome, c’est-à-dire les facultés de médecine, les programmes de résidence et les organismes professionnels et gouvernementaux.

L’évaluation des étudiants est visiblement multifactorielle et, en conséquence, elle sera optimisée, non pas par une simple accumulation d’épreuves isolées, mais par un système d’évaluation où les différents acteurs et fonctions de l’évaluation feront œuvre commune afin d’aller au-delà d’une évaluation des apprentissages pour accéder à une évaluation pour l’amélioration des apprentissages, aidant ainsi les étudiants à intégrer progressivement leurs connaissances et leurs savoirs faire tout au long de leurs études (1).

Chaque type d’évaluation a ses exigences psychométriques. Selon la théorie classique des tests, chaque question d’une épreuve doit servir à différencier entre les étudiants qui maitrisent le mieux la matière de ceux qui la maitrise moins bien, voire ceux qui risquent d’être dangereux pour les malades; le pouvoir discriminatif d’une question est calculé à l’aide de l’indice de discrimination (2). Sur le plan pratique, cette exigence fondamentale peut être satisfaite en ayant comme objet d’évaluation les difficultés ou défis particuliers de compréhension ou d’application des connaissances propres à chaque sujet ou situation clinique (3). Par exemple, en science fondamentale concernant une question sur l’équilibre acide-base, le scenario et la question porteront uniquement sur les concepts les plus susceptibles de porter à confusion pour les étudiants plutôt que sur l’ensemble des concepts concernés. En science clinique, à propos d’un malade post-opératoire devenu confus et agité, l’évaluation portera non pas sur toute la cascade de décisions à prendre mais uniquement sur les défis particuliers que les étudiants auront dans une situation pareille (Où font-ils fausse route?), comme par exemple, « omettre une septicémie dans le diagnostic différentiel, ne pas avertir le résident de garde et prescrire un sédatif… » (3,4). Ainsi, en ciblant les défis et difficultés de compréhension et d’application, surnommés les éléments-clés, on obtient une différenciation maximale entre les différents niveaux de maîtrise de la matière, donnant ainsi des scores fidèles et valides qui pourront être utilisés pour prendre des décisions éclairées et justes. Enfin, lors de la promotion des étudiants en fin de programme facultaire ou de résidence, et compte tenu de leur responsabilité envers la société, il deviendra davantage impératif de cibler des défis susceptibles de nuire à la qualité de vie des malades (morbidité) ou même d’atteinte à leur survie (mortalité) en évaluant notamment des évènements indésirables évitables (5).

Pour que l’évaluation soit pleinement utile, les étudiants doivent avoir au point de départ une compréhension opérationnelle de ce qui est attendu d’eux. Ces attentes sont formulées soit sous forme d’objectifs, de tâches ou de compétences professionnelles. Par exemple, l’examen du Conseil Médical du Canada contient, pour chaque rôle du médecin, des objectifs propres aux étudiants en fin d’études médicales; par exemple, dans le rôle d’expert médical pour l’hématurie : « énumérer et interpréter les constatations cliniques cruciales et les examens essentiels (analyse d’urine, de laboratoire et d’imagerie) […] en faisant particulièrement attention à l’origine anatomique et aux causes glomérulaires et extraglomérulaires; établir un plan efficace de prise en charge initiale, y compris […] une orientation vers des examens spécialisés, au besoin (biopsie, cystoscopie), etc… » (6). Quant aux tâches professionnelles, elles peuvent être formulées sous forme d’activités professionnelles délégables (APDs) (7) dont voici quelques exemples pour des externes en stage de chirurgie : « exécuter des procédures mineures; reconnaître si le malade requiert des soins urgents ou émergents, etc… » (8, 9).

Les programmes de formation en médecine sont composés d’éléments divers (étudiants, enseignants, méthodes et ressources pédagogiques, contexte institutionnelle socio-politico-culturel…) dont « l’évaluation des étudiants joue un rôle prépondérant afin de mesurer et de juger jusqu’à quel point les étudiants maitrisent les rôles et compétences attendues d’eux par la société et la profession médicale » (10).

En somme, l’utilité et la qualité de l’évaluation des étudiants dépendront d’une part de la mise en place d’épreuves répondant aux critères les plus rigoureux de discrimination, fidélité et validité et d’autre part d’un système d’évaluation capable d’aider les étudiants à performer au maximum de leurs habilités, permettant ainsi de livrer à la société des médecins compétents de la plus haute qualité.

Affiliations

G. Bordage
College of Medicine, University of Illinois at Chicago 4021 Sumac Ct, Naperville, IL 60564, USA
bordage@uic.edu

Conflit d’intérêt 

L’auteur est un des concepteurs de l’approche par éléments-clés; il a indiqué et référé ses sources.

Références

  1. Schuwirth, WT, van der Vleuten, CPM. Programmatic assessment: From assessment of learning to assessment for learning. Med Teach. 2011; 33:478-85.
  2. Laveault, D, Grégoire, J. (2014) Introduction aux théories des tests en psychologie et en sciences de l’éducation. 3e éd. Louvain-La-Neuve: De Boeck.
  3. Bordage, G, Page, G. The key-features approach to assess clinical decisions: validity evidence to date. Adv in Health Sc Educ. 2018; 23:1005-36.
  4. Park, YS, Sachdeva, AK, Liscum, L, Alseidi, A, Gesbeck, M, Gabler Blair, PG, Salcedo, E, Sullivan, ME, Bordage, G. The American College of Surgeons Entering Resident Readiness Assessment (ACS ERRA): Validity Evidence from a Three-Year National Study. Ann Surg. Sous presse.
  5. Bordage, G, Meguerditchian, AN, Tamblyn, R. Avoidable Adverse Events: A Content Analysis of a National Qualifying Examination. Acad Med. 2013; 88:1493-98.
  6. Conseil Médical du Canada, Aperçu des objectifs. 2021. Disponible à: https://mcc.ca/fr/objectifs/ ; https://mcc.ca/fr/objectifs/expert/
  7. ten Cate, O. A primer on entrustable professional activities. Fond Educ Med. 2017; 20(3):95-102.
  8. Curran, VR, Deacon, D, Schulz, H, Stringer, K, Stone, CN, Duggan, N, Coombs-Thorne, H. Evaluation of the characteristics of a workplace assessment form to assess entrustable professional activities (EPAs) in an undergraduate surgery core clerkship. J Surg Educ. 2018; 75(5):1211-22
  9. Meyer, EG, Taylor, DR, Uijtdehaage, S Durning, S. EQual Rubric Evaluation of the Association of American Medical Colleges’ Core Entrustable Professional Activities for Entering Residency. Acad Med. 2020; 95;1755-62.
  10. Bordage, G, Harris, I. Making a difference in curriculum reform and decision-making processes. Med Educ. 2011; 45:87-94.