Pédagogie médicale au sein de la Faculté de Médecine de l'UCLouvain

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Jean-François Denef Publié dans la revue de : Avril 2022 Rubrique(s) : Ama Contacts
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Résumé de l'article :

« Les NTIC permettront de passer progressivement d’un espace limité à un espace de communication hors du temps et du lieu entre tous les acteurs du monde de la santé, y compris les patients. Mais elles ne remplaceront pas l’apprentissage au lit du malade et la relation médecin patient qui restent le cœur de la profession médicale »

Jean-François Denef. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) dans la formation médicale, au service de l’acquisition et du développement des compétences professionnelles. Pédagogie Médicale. Volume 2/ Numéro 1 ; février 2001. 42-50.

« Sans doute les TIC peuvent-elles compléter et enrichir la formation initiale et progressivement remplacer les formes traditionnelles d’enseignement dans la formation continue. Cependant la formation médicale a des spécificités, le rôle du patient y est fondamental, l’expérience personnelle du contact, de la relation médecin - malade représente une part importante de l’apprentissage. Peut-elle être, en partie du moins, remplacée par des outils de simulation de patients? De même, la relation avec le professionnel, l’apprentissage de sa manière de raisonner et de construire son savoir joue un rôle fondamental dans l’apprentissage du raisonnement clinique »

Jean-François Denef. Evaluer les nouvelles technologies, oui, certes, mais comment ? Pédagogie Médicale. Volume 4/Numéro 4. ; novembre 2003.197-198.

Article complet :

Voici un peu plus d’un siècle, la fondation américaine Carnegie demandait à un non médecin, Alexander Flexner, une étude sur la qualité de la formation des médecins aux USA. Ce rapport historique proposa la structure de la formation médicale telle qu’on la connaît aujourd’hui encore dans la majorité des facultés de médecine (Medical Schools) américaines et du monde entier : un cursus en deux parties, une première centrée sur la formation scientifique et la connaissance de l’homme normal, une seconde centrée sur la pathologie et la formation clinique.

Au cours des décennies, l’importance de l’aspect scientifique dans la formation et la pratique médicale n’a fait que se renforcer. Elle est aujourd’hui représentée par le concept d’« Evidence Based Medicine » (EBM) ou médecine basée sur les preuves.

Les programmes de formation ont petit à petit évolué tant dans leur forme que dans leurs contenus. Citons par exemple, l’introduction de la pathologie dès le premier cycle ; l’importance grandissante des stages cliniques et la partie croissante consacrée à la « santé et la société ».

En Belgique, et plus particulièrement à l’UCLouvain, des réformes importantes de la structure ont été réalisées :

- Spécificité de la formation en médecine générale

- Réforme Bologne

- Introduction progressive des technologies numériques

- Réduction du programme de 7 à 6 ans

- Réforme des stages

- Amélioration des méthodes pédagogiques :

- Approche par objectifs, puis par compétences

- Mise à disposition de nombreux cours (podcasts)

L’objectif de ce numéro spécial sur la pédagogie médicale est de décrire brièvement ces changements en se focalisant sur les aspects pédagogiques. Nous montrerons combien, comment et pourquoi ils ont changé au cours de ces deux dernières décennies.

Nous avons fait appel à trois collègues, experts en pédagogie médicale, en leur demandant de partager leur réflexion sur certains thèmes centraux des réformes entreprises : Georges Bordage (Chicago), Olle ten Cate (Leyden) et Dominique Maillard (Paris). Puis nous vous présenterons les vécus de quelques collègues qui se sont fortement impliqués dans des réformes significatives. Comme nous le verrons, le programme actuel n’est pas parfait, et doit encore évoluer, surtout dans l’adaptation et la coordination des contenus des cours à la réduction de la durée des études et à un programme d’enseignement réduit à 6 ans.

Sur la plan pédagogique, G. Bordage nous rappelle la place centrale de l’évaluation, que ce soit la mesure de l’acquis des compétences par les étudiants (examens, stages, travaux personnels, …) ou l’évaluation de la qualité des enseignements par les étudiants et par les pairs. Il est bon de se rappeler ici que de nombreux étudiants ont comme premier objectif de « réussir l’examen ».

Olle ten Cate met en lumière un point central de la formation : le raisonnement clinique. C’est n’est pas mémoriser, restituer (à l’examen), expliquer, décrire une multitude de concepts théoriques ou plus ou moins pratiques qui font le cœur du cursus de médecine : c’est savoir exécuter un raisonnement partant des dires et signes observés chez le malade pour aboutir à une hypothèse puis à un diagnostic permettant la mise en œuvre d’une prise en charge et d’un traitement. L ‘auteur insiste sur le besoin de construire le programme de formation (y compris préclinique), en l’orientant vers la construction de raisonnements de plus en plus complexes.

Dominique Maillard, dans sa brève intervention, rappelle l’importance de la cohérence entre les compétences attendues à la fin d’un programme, les objectifs pédagogiques, les méthodes d’enseignement et les méthodes d’évaluation des étudiants. C’est ce que l’on appelle l’alignement. Ce n’est pas neuf mais cela permet de réduire le nombre de remarques entendues : « faut pas étudier cela, …. Il ne pose pas de questions à l’examen…».

Les autres contributions décrivent les réformes mises en place dans notre faculté et leur impact sur la formation des futurs médecins. L’importance de la responsabilité sociale en santé à prendre en considération dans la formation des soignants est également abordée car il s’agit d’un courant important dans les soins de santé aujourd’hui. L’histoire de la pédagogie est abordée par Jean-Claude Debongnie ce qui permet de resituer les grandes évolutions de celle-ci au fil de l’histoire.

Françoise Smets aborde enfin les conclusions et perspectives en pédagogie médicale. Il s’agit d’un enjeu majeur pour le futur des systèmes de santé soumis à des évolutions sociétales rapides qui justifient des adaptations permanentes à l’évolution des connaissances et des besoins des patients.

Nul doute que ce numéro spécial constitue une synthèse pertinente et nécessaire qui permet de mesurer le chemin parcouru et l’enthousiasme de ceux qui y ont consacré beaucoup de temps. Cet éditorial est l’occasion de les remercier pour leur contribution à ce numéro spécial.

Jean-François Denef, Professeur émérite, prorecteur honoraire pour les affaires médicales Faculté de médecine et médecine dentaire - UCLouvain