L’immunothérapie et les thérapies ciblées sont devenues des traitements standard en oncologie !

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Jean-François Baurain, François Duhoux, Astrid De Cuyper, Frank Cornélis, Jean-Pascal Machiels, Thierry Pieters Publié dans la revue de : Février 2018 Rubrique(s) : Oncologie
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Résumé de l'article :

Encore une année qui a enthousiasmé les oncologues par la confirmation de l’activité ou l’avènement de nouvelles thérapeutiques améliorant le pronostic de nos malades. Nous ne pouvons pas tout décrire dans ce numéro, cependant nous avons décidé de faire le point sur certaines avancées. L’immunothérapie par l’administration d’anticorps bloquant l’interaction PD-1/PD-L1 est devenue le standard de soins pour de nombreux patients atteints de cancers métastatique avec pour certains un bénéfice en survie de très longue durée (nous n’osons pas encore parler de guérison). L’administration de ces anticorps est associée à une toxicité bien spécifique. Cette toxicité auto-immune peut être redoutable voire fatale si elle n’est pas reconnue précocement et prise en charge rapidement. Par ailleurs, l’éventail des différentes thérapies ciblées ne cesse de grandir avec l’émergence de nouvelles classes thérapeutiques telles que les inhibiteurs de CDK4/6 et les inhibiteurs de PARP. Notre compréhension des mécanismes de résistance aux thérapies ciblées s’améliore et permet le développement de nouveaux médicaments tels que l’osimertinib permettant de contrecarrer la résistance induite par les inhibiteurs des tyrosines kinases anti-EGFR de première génération dans le cancer du poumon. Nous assistons également à une désescalade de nos traitements de chimiothérapie. Tous ces traitements sont disponibles à l’Institut Roi Albert II ainsi que de nouveaux traitements encore à l’étude qui seront probablement les traitements standard de demain.

Mots-clés 

Immunothérapie, thérapies ciblées, chimiothérapie

Article complet :

INTRODUCTION

L’immunothérapie par inhibition des points de contrôle lymphocytaire (PD-1/PD-L1) est devenu un traitement standard dans de nombreux cancers parfois même en première intention. Ce traitement est bien toléré dans la majorité des cas et améliore de façon très significative le pronostic de certains malades. L’éventail des thérapies ciblées ne cesse de grandir. Outre les inhibiteurs des tyrosines kinases bloquant la transduction intracellulaire du signal, d’autres concepts ont vu le jour tels que des inhibiteurs du cycle cellulaire (CDK4/6), de la létalité synthétique (PARP) ou des produits de translocation (ALK). Tous ces médicaments amènent des bénéfices de survie pour nos patients tout en maintenant une excellente qualité de vie.

 

FOCUS SUR LE CANCER DU POUMON 

Les cellules tumorales dans le cancer du poumon possèdent de nombreuses mutations favorisées par la consommation tabagique. Ces mutations peuvent créer des nouveaux antigènes qui sont reconnus par notre système immunitaire. Cependant, rapidement des phénomènes de tolérance immunitaire vont apparaître. Ils semblent médiés principalement par l’interaction des récepteurs PD-1 et PD-L1 (Figure 1). L’industrie pharmaceutique a développé des anticorps monoclonaux bloquant cette interaction; des anticorps anti PD-1 : Nivolumab, Pembrolizumab et Cemiplimab ou des anticorps anti PD-L1 : Atezolizumab, Durvalumab et Avelumab. Certains de ces anticorps sont le traitement standard des cancers du poumon non à petites cellules métastatiques en première et deuxième ligne de traitement.

Le nivolumab et le pembrolizumab sont disponibles à partir de la seconde ligne. Si le second requiert une expression de PD-L1 d’au moins 1% des cellules tumorales, il n’en va pas de même du premier où la réponse bien que corrélée à l’expression de PD-L1 n’est pas soumise pour le remboursement à sa présence. Les résultats sont à l’avantage de l’immunothérapie par rapport à une chimiothérapie telle que le docetaxel tant pour les carcinomes épidermoïdes que non-épidermoïdes (étude Checkmate 017, 057 et Keynote 010). Le gain de survie médiane est supérieur de 3 mois avec l’immunothérapie, ce qui peut paraître dérisoire, mais chose extraordinaire, les courbes de survie ne rejoignent plus la ligne du 0% mais forment un plateau, chose impensable dans le cancer du poumon. Actuellement, nous suivons des patients en stade IV sous immunothérapie depuis 3 ans. Pour rappel, sous docetaxel, la survie médiane n’était que de 7 mois. En première ligne, seul le pembrolizumab a montré à ce jour un intérêt plus que majeur (étude Keynote 024). Dans une population de patients atteints de cancer non à petites cellules, épidermoïdes et non-épidermoïdes, sélectionnée par une expression de PD-L1 ≥50%, on observe respectivement une diminution de 50% et de 40% du risque de progression et de décès par rapport à une combinaison de chimiothérapie habituelle (1). Ces résultats sont indépendants de l’âge ou de la présence de métastases cérébrales, facteurs de mauvais pronostic présents chez près de 10 à 20% des patients dès le diagnostic.

La marche en avant de l’immunothérapie ne s’arrête pas au stade métastatique (stade IV). Un pas décisif vient d’être franchi par la présentation au congrès de l’ESMO à Madrid en septembre 2017 de l’étude de phase 3 PACIFIC montrant pour la première fois l’intérêt de l’immunothérapie et plus particulièrement du durvalumab dans le cancer bronchique au stade III (2). Le pronostic du cancer bronchique au stade III bien que meilleur que celui du stade IV avec des possibilités de guérison n’a pas évolué de façon importante au cours des trois dernières décennies. Dans les années 1980, la radiothérapie en monothérapie offrait une survie médiane de 10 mois. Dans les années 1990, l’adjonction de la chimiothérapie apportait un gain de survie de 4 mois. Plus récemment, le traitement concomitant de radio-chimiothérapie amenait la survie médiane à 18 mois, la survie sans progression à 8 mois et un taux de survie à 5 ans de 15%. Au cours de la dernière décennie, les modifications de doses de radiothérapie, l’utilisation de drogues cytotoxiques plus modernes ou de thérapies ciblées n’ont pas pu modifier ces données. Dans l’étude PACIFIC, 713 patients ayant un bon indice de performance (ECOG 0-1) qui ne progressent pas après une chimio-radiothérapie concomitante avec un sel de platine ont été randomisés 2:1 pour recevoir tantôt du durvalumab ou un placebo. La survie sans progression était de 16,8 mois pour les patients sous durvalumab et de 5,6 mois pour ceux recevant le placebo soit 3 fois moins (HR=0.52; p<0.0001). A 12 et 18 mois, le taux de survie sans progression était également au bénéfice du durvalumab : 55.9% vs. 35.3% et 44.2% vs. 27% respectivement. Un nombre significativement plus important de patients atteignent un taux de réponse objective avec le durvalumab par rapport au placebo : 28.4% vs. 16%. Le traitement est disponible en usage compassionnel.

Pour une dizaine de pourcent des cancers non-épidermoïdes, les effets d’une mutation oncogénique peuvent être bloqués par des thérapies ciblées prises oralement. Les mutations activatrices de l’EGFR et les translocations ALK ou ROS-1 sont recherchées systématiquement dans les cancers au stade IIIB et IV. Les traitements ciblant ces mutations sont efficaces plus longtemps que la chimiothérapie. La survie sans progression est de 9 mois versus 6 mois. La survie médiane est améliorée de 5 mois soit une réduction du taux de décès de 22% (3). Après un an environ, des mécanismes de résistances apparaissent. Ils sont de mieux en mieux connus, souvent ce sont de nouvelles mutations. Suite au traitement avec des inhibiteurs de tyrosine kinase de première et deuxième génération (respectivement, géfitinib, erlotinib, et afatinib) des mutations dans l’exon 19 ou 21 de l’EGFR apparaissent. L’osimertinib est actif sur la mutation de résistance T790M. Cette molécule démontre un avantage aussi bien en deuxième ligne qu’en première ligne, avant même que la mutation de résistance n’apparaisse. Les mêmes bénéfices sont observés dans les translocations ALK avec l’alectinib par rapport au crizotinib. Dans les deux situations, les nouvelles molécules s’avèrent plus efficaces sur les métastases cérébrales.

 

FOCUS SUR LE CANCER DU SEIN 

Les patientes atteintes d’un cancer du sein hormonodépendant métastatique ont désormais accès à une nouvelle classe thérapeutique, les inhibiteurs du cycle cellulaire (Figure 2). Le palbociclib, un inhibiteur de CDK4/6, est ainsi remboursé en Belgique depuis le 1er décembre 2017 en combinaison avec un inhibiteur de l’aromatase ou le fulvestrant. Cette année encore, des études cliniques majeures ont été publiées ou présentées dans des congrès internationaux et ont démontré l’intérêt de l’ajout de cette classe thérapeutique à une hormonothérapie classique, que ce soit pour le palbociclib, le ribociclib ou l’abemaciclib. La survie sans progression (PFS) est à chaque fois quasiment doublée, avec un profil de toxicité qui reste bien en deçà de celui observé avec les chimiothérapies. La dernière étude en date, l’étude Monaleesa-7, présentée au symposium de San Antonio en décembre 2017 (4), a mis en évidence une augmentation de PFS en première ligne métastatique chez les patientes préménopausées : les patientes traitées par hormonothérapie seule (létrozole ou tamoxifène, en combinaison avec la goséréline) avaient une PFS médiane de 13,0 mois, l’ajout du ribociclib faisant passer la PFS médiane à 23,8 mois ! La question qui se pose à présent est de savoir quel est le sous-groupe de patientes qui ne bénéficie pas du traitement ; de nombreuses études évaluant cette question sont actuellement en cours.

Pour les patientes atteintes d’un cancer du sein HER2 positif non métastatique, la question à l’ordre du jour cette année était celle du double blocage de HER2. En situation métastatique, l’ajout du pertuzumab à un traitement standard comportant une taxane et le trastuzumab avait permis d’augmenter la survie globale de 15,7 mois (étude Cleopatra). L’étude Aphinity avait pour objectif d’évaluer l’ajout du pertuzumab à une chimiothérapie adjuvante comportant du trastuzumab (5). L’objectif principal de l’étude (la survie sans maladie invasive à 3 ans - iDFS) a été atteint, puisque l’iDFS est passé de 93,2% à 94,1% avec l’ajout du pertuzumab (p=0,045). On peut néanmoins légitimement se poser la question de la signification clinique d’un tel résultat. La réponse réside probablement dans une sélection rigoureuse des patients devant bénéficier d’une telle approche, comme p.ex. les patients ayant une atteinte ganglionnaire.

A contrario, l’année 2017 a aussi été celle de la confirmation de la désescalade thérapeutique pour les patientes atteintes de petites tumeurs HER2 positives (moins de 3 cm, sans atteinte ganglionnaire). En effet, avec un suivi médian de maintenant 6,5 ans, parmi les 410 patientes incluses dans l’étude APT et traitées avec une chimiothérapie ne contenant pas d’anthracyclines (paclitaxel hebdomadaire pendant 3 mois, et trastuzumab pendant 1 an), seules 4 ont eu une récidive à distance (6) !

Enfin, le concept de la létalité synthétique a été confirmé par les études Olympiad et Embraca. Dans ces deux études, les patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique et porteuses de mutations sur les gènes BRCA1 et BRCA2 avaient une PFS plus élevée avec un inhibiteur de PARP (l’olaparib ou le talazoparib) qu’avec une chimiothérapie classique. Bien qu’il soit évident que ces médicaments vont intégrer dans les mois qui viennent notre arsenal thérapeutique, l’avantage en valeur absolue n’est cependant pas majeur, puisqu’ils font passer la PFS de 4,2 à 7 mois pour l’olaparib et de 5,6 à 8,6 mois pour le talazoparib.

 

FOCUS SUR LE MÉLANOME 

Nous retiendrons en 2017, une désescalade dans le traitement chirurgical du mélanome. Le traitement du mélanome primaire consiste en une reprise large dont l’extension dépend de l’épaisseur du mélanome ainsi que la recherche du ganglion sentinelle. Cette dernière est effectuée pour tous les mélanomes ayant une épaisseur ou indice de Breslow supérieur à 0,8 mm. Cette attitude avait été validée par l’étude MSLT-1 qui recommandait en outre de réaliser un curage complémentaire s’il y avait un envahissement ganglionnaire. Cette année, l’étude MSLT-2 a été présentée et publiée (7). Presque 2000 patients atteints d’un mélanome avec un envahissement de leur ganglion sentinelle ont été randomisés entre un curage complémentaire versus une surveillance par échographie. La survie liée au mélanome à 3 ans était identique dans les deux groupes (86%). Cependant, le curage complémentaire augmente le taux de contrôle local au niveau du site ganglionnaire à 3 ans : 92% vs. 77 % (p<0,0001) mais au prix d’un lymphœdème plus important 24% vs. 6%. Dès lors, il n’y a plus d’indication de curage ganglionnaire complémentaire post ganglion sentinelle positif sauf en cas d’envahissement macroscopique de ce dernier, ces patients n’ayant pas été inclus dans l’étude.

Pour les patients atteints d’un envahissement ganglionnaire, soit un stade III, nous pouvons diminuer le risque de rechute et de décès grâce à un traitement adjuvant. En 2016, il avait été montré que l’ipilimumab, un anticorps anti CTLA-4 (un autre point de contrôle immunitaire), pouvait augmenter la survie à 5 ans de 11% des patients atteints d’un mélanome stade III traités par chirurgie mais à haut risque de rechute (65,4% vs. 54,4% ; HR=0,72 ; p=0,001). Cette année à l’ESMO, les résultats d’une autre étude en situation adjuvante ont été présentés (8). Neuf cent six patients ont été randomisés entre l’administration d’un anticorps anti PD-1, le nivolumab, ou d’un anticorps anti CTLA-4, l’ipilimumab. La survie sans rechute à 1 an est améliorée de 10% en faveur du nivolumab (71% vs. 61% ; HR=0,65 ; p<0,0001) et au prix d’une toxicité beaucoup moins grande. Les anticorps anti PD-1 vont être un des traitements standard des mélanomes de stades III. L’autre traitement standard sera les inhibiteurs MEK associés aux inhibiteurs BRAF pour les patients présentant une mutation BRAF V600. Dans l’étude présentée à l’ESMO et publiée concomitamment, 870 patients ayant un mélanome de stade III en rémission complète post chirurgie ont été randomisés entre la double thérapie ciblée et un placebo (9). La survie sans rechute à 3 ans est augmentée de 19% (58% vs. 39% ; HR=0,47 ; p<0,001) et la survie globale à 3 ans de presque 10% (86% vs. 77%, HR=0,57 ; p=0,0006).

Le traitement standard de la maladie métastatique reste une immunothérapie à base d’anticorps anti PD-1, nivolumab ou pembrolizumab. Pour les patients exprimant une mutation de BRAF V600, une double thérapie ciblée, inhibiteurs BRAF et MEK peut être proposée. La nouveauté en 2017 est de constater que ces médications fonctionnent également et tout aussi bien chez les patients atteints de métastases cérébrales asymptomatiques et ne nécessitant pas de corticoides (étude ABC, COMBI-MB). Cependant, presque 60% des patients atteints d’un mélanome métastatique ne répondent pas à une immunothérapie. De nouveaux médicaments bloquant d’autres mécanismes d’immutolérance sont étudiés. Nous attendons la confirmation de leur activité pour 2018. Le traitement du mélanome métastatique va donc encore évoluer et la survie de nos patients va nettement s’améliorer tout en maintenant une excellente qualité de vie.

 

FOCUS SUR LES CANCERS DIGESTIFS 

Malgré une résection chirurgicale complète de bonne qualité, nombreux cancers digestifs opérés à des stades précoces récidivent dans les premières années de leur suivi. L’administration d’une chimiothérapie en péri- ou post-opératoire permet généralement de diminuer ce risque. Cette année 2017 fut riche en communication et nouveautés dans ce domaine. C’est le cas par exemple des patients atteints d’un adénocarcinome gastrique ou de la jonction œsogastrique opérable, de stade Ib à III, pour lesquels on propose une chimiothérapie périopératoire par ECF (épirubicine, cisplatine, 5-fluorouracile). Les résultats d’une étude de phase II/III comparant ce traitement standard (ECF) à un nouveau schéma de chimiothérapie de type FLOT (5-fluorouracile, leucovorin, oxaliplatine, docétaxel) ont été présentés à l’ASCO en juin 2017. Cette nouvelle combinaison a permis d’augmenter la survie globale de 15 mois (médiane de survie de 50 mois avec le schéma FLOT versus 35 mois avec le schéma standard; p=0,012, HR = 0,77) et la survie sans progression de 12 mois (30 versus 18 mois; HR 0,75 ; p=0,001). Une autre étude, intéressant cette fois-ci les cancers des voies biliaires opérés, a également été communiquée à l’ASCO en 2017. Il s’agissait de l’étude anglaise de phase III BILCAP qui a comparé l’administration d’une chimiothérapie par capecitabine pendant 6 mois, à une surveillance simple, chez 447 patients opérés d’un cancer des voies biliaires, toute origine confondue (vésicule biliaire, cholangiocarcinome intra- ou extra-hépatique). Les résultats ont montré une amélioration de la survie globale, avec une médiane de survie atteignant 53 mois versus 36 mois pour les patients sans traitement (HR 0,75 ; p= 0,028). Le profil de toxicité était tout à fait acceptable et connu avec cette molécule utilisée régulièrement pour le traitement d’autres cancers. Enfin, les résultats tant attendus de la collaboration internationale IDEA (International Duration Evaluation of Adjuvant Chemotherapy) évaluant la durée du traitement adjuvant du cancer du côlon ont été dévoilés l’an dernier. Ils sont sujets à nombreux débats. Depuis l’étude MOSAIC publiée en 2004, les patients opérés d’un cancer du côlon de stade III reçoivent un traitement adjuvant par FOLFOX (5-fluorouracile et oxaliplatine) pendant 6 mois. Ce traitement permet de réduire la mortalité de 20%. Même s’il est souvent bien toléré, il existe un risque non négligeable de neuropathie sensitive liée à l’oxaliplatine, potentiellement irréversible. L’étude IDEA a évalué la non-infériorité de 3 mois de chimiothérapie adjuvante à base d’oxaliplatine (FOLFOX ou XELOX, au choix de l’investigateur) par rapport aux 6 mois standard. Pour que l’étude soit positive, l’intervalle de confiance à 95% (IC95%) de l’hazard ratio (HR) pour la non-infériorité de la survie sans maladie à 3 ans devait être inférieur à 1,12. Ce travail de grande ampleur a inclus 12834 patients, répartis dans six études prospectives de phase III. Les résultats portant sur l’ensemble de la population de l’étude se sont malheureusement révélés négatifs (IC95% HR = 1,00-1,15). L’analyse de sous-groupes a cependant identifié un groupe de patients pouvant bénéficier d’une chimiothérapie pendant 3 mois. Il s’agissait des patients avec une tumeur T1-3/N1 traités par XELOX pendant trois mois (IC95%, HR 0.85). Comme attendu, la toxicité neurologique de grade 3 était nettement moindre chez les patients traités pendant 3 mois (16% versus 3% pour les patients traités par Folfox ; p<0,001).

Cette année 2017 a également été marquée par l’avènement de l’immunothérapie en oncologie digestive. Deux études de phase II/III ont en effet montré des résultats très encourageants avec l’utilisation d’anti PD-1 dans le traitement des néoplasies œsogastriques avancées. Tout d’abord, l’étude Attraction 2 qui a comparé un traitement par nivolumab à l’administration d’un placebo, chez 493 patients asiatiques atteints d’un cancer de la jonction œsogastrique/estomac non opérable, et pré-traités par au moins deux lignes de chimiothérapie (7). Le nivolumab a permis de doubler la survie à un an, et d’augmenter significativement la médiane de survie globale (5.26 mois versus 4.14 mois, HR 0.63, p<0.001). L’étude Keynote 059 est la deuxième étude de phase II, dont la cohorte 1 (259 patients, non asiatique) traitée par pembrolizumab, a montré des taux de réponse objective intéressants, avec des durées de réponse prolongées, comparable à celle de l’étude asiatique Attraction 2. À ce jour, l’expression de PD-L1 ne semble pas être un biomarqueur prédictif de la réponse à l’immunothérapie pour ce type de cancer.

Certains cancers digestifs ou non-digestifs, présentent une anomalie génétique particulière, appelée instabilité des microsatellites (MSI). Ce statut MSI est lié à une déficience d’un des systèmes de réparation de l’ADN, le MMR (Mismatch Repair). Ces tumeurs ont la particularité de présenter une charge mutationnelle élevée. La première étude à avoir montré l’efficacité de l’immunothérapie dans ce type de tumeur a été publiée en 2015. On y observait des taux de réponse objective de 40% pour le traitement des cancers colorectaux métastatiques MSI traités par pembrolizumab, alors qu’aucune réponse objective n’était observée dans la cohorte de patients présentant un cancer colorectal MSS (microsatellite stable). Ces résultats ont été confirmés en 2017 dans des études de phase II ayant testé d’une part le pembrolizumab dans des cancers MSI métastatiques (primitifs variés : colon, endomètre, estomac etc.), et d’autre part le nivolumab dans des cancers colorectaux MSI de stade IV (11,12). Les résultats observés sont assez exceptionnels en terme de réponse objective, contrôle de la maladie, survie sans progression et survie globale, chez des patients généralement lourdement pré-traités. A titre d’exemple, on a pu observer des cancers du pancréas et des voies biliaires en réponse complète après un traitement par pembrolizumab ! À l’instar des réponses à l’immunothérapie dans les autres cancers, les réponses étaient souvent très prolongées. En pratique, l’instabilité des microsatellites ne représente qu’un petit pourcentage des cancers digestifs (Tableau 1) mais mérite certainement d’être recherchée actuellement dans notre pratique clinique au vu de l’efficacité importante de l’immunothérapie dans ce sous-groupe de tumeur.

 

FOCUS SUR LES CANCERS UROLOGIQUES

L’abiraterone, inhibiteur de la synthèse des androgènes, associé à la prednisone et à la castration par agoniste de la LHRH, améliore le devenir des patients atteints d’un cancer de la prostate métastatique hormonosensible. Deux larges études randomisées de phase 3 (Latitude et Stampede) ont évalué cette association en comparaison avec la castration seule.

L’étude Latitude a inclus 1199 patients présentant au moins 2 parmi 3 facteurs de mauvais pronostic : score de Gleason ≥8, présence de ≥3 métastases osseuses, présence d’une métastase viscérale mesurable. Après un suivi médian de 30,4 mois, un bénéfice significatif a été observé en faveur du bras Abiraterone + castration vs. placebo + castration en termes de survie globale (médiane non atteinte vs. 34,7 mois ; HR=0,62 ; P<0,001), de survie sans progression et de délai avant un évènement osseux symptomatique.

L’étude Stampede a inclus 1917 patients atteints d’un cancer de prostate localement avancé ou métastatique qui débutaient un traitement par castration au long cours. Un avantage a également été observé dans le bras abiratérone + castration vs. castration seule en termes de survie globale (survie à 3 ans : 83% vs. 76% ; HR=0,63 ; P<0,001) et de survie sans progression.

Les effets secondaires de grade ≥3 étaient plus fréquents dans les bras Abiraterone + castration vs. castration seule (63% vs. 48% dans l’étude Latitude, 47% vs. 33% dans l’étude Stampede), dont l’hypertension artérielle, l’hypokaliémie et l’élévation des transaminases (13,14). Une évaluation de la qualité de vie dans l’étude Latitude démontre un avantage significatif en faveur de l’association abiraterone – agoniste de la LHRH, notamment concernant la douleur et la fatigue.

L’abiraterone rejoint donc la chimiothérapie par docetaxel comme option thérapeutique dans cette indication. Une comparaison prospective de deux bras de l’étude Stampede (castration vs. castration + docetaxel et castration vs. castration + abiraterone) a porté sur 566 patients atteints d’un cancer de prostate localement avancé ou métastatique hormonosensible (dont 189 patients traités par docetaxel et 377 traités par abiraterone). Après un suivi médian de 4 ans, la survie globale n’était pas significativement différente mais la survie sans progression était meilleure pour l’Abiraterone (HR=0,65). La fréquence d’effets secondaires de grade ≥3 était semblable avec des profils de toxicité différents. Des marqueurs prédictifs de la réponse aux inhibiteurs du signal androgénique et à la chimiothérapie seront nécessaires pour déterminer la séquence ou la combinaison thérapeutique la plus efficace. Le choix sera également guidé par le profil du patient, sa préférence, voire par le coût du traitement (3300 € par mois pour l’abiraterone) et sa durée (4 mois pour le docetaxel, indéfinie pour l’abiraterone).

Le pembrolizumab s’impose comme traitement de 2ème ligne du cancer urothélial métastatique en progression après chimiothérapie à base de platine. L’étude Keynote 045 (phase 3 randomisée, 542 patients inclus) a évalué dans cette indication le Pembrolizumab en comparaison à la chimiothérapie choisie par l’investigateur (paclitaxel, docetaxel ou vinflunine). Un bénéfice significatif a été observé dans le bras pembrolizumab vs. le bras chimiothérapie en termes de survie globale (médiane 10,3 mois vs. 7,4 mois ; HR=0,73 ; P=0,002) et de taux de réponse objective (21,1% vs. 11,4% ; P=0,001). Ce bénéfice était indépendant du degré d’expression de PD-L1 sur la tumeur. Les réponses obtenues dans le bras Pembrolizumab étaient plus durables (durée médiane non atteinte après un suivi de 14,1 mois). La survie sans progression n’était pas significativement différente. Les effets secondaires de grade ≥3 étaient moins fréquents dans le bras Pembrolizumab vs. le bras chimiothérapie (15,0% vs. 49,4%). Les effets secondaires les plus fréquents liés au Pembrolizumab étaient : prurit, fatigue, nausées, diarrhée et dysthyroïdies (15). Avec ce profil de toxicité plus favorable, le pembrolizumab apparait comme un traitement mieux adapté à cette population de patients souvent plus âgés, présentant des fragilités et des comorbidités.

L’association Nivolumab (anti PD-1) + Ipilimumab (anti CTLA-4) pourrait bientôt devenir le traitement standard de 1ère ligne du carcinome rénal à cellules claires métastatique, en particulier pour les patients à risque intermédiaire ou élevé. L’étude Checkmate 214 (phase 3 randomisée, 1096 patients inclus) a évalué cette immunothérapie combinée (Nivolumab + Ipilimumab pour 4 cures puis Nivolumab toutes les 2 semaines) en comparaison au Sunitinib (4 semaines sur 6). Après un suivi de 17,5 mois, un avantage significatif a été observé en faveur de l’immunothérapie combinée vs. le Sunitinib en termes de taux de réponse globale (41,6% vs. 26,5% ; P<0,0001, dont 9,4% vs. 1,2% de réponses complètes), de durée médiane de la réponse (non atteinte vs. 18,2 mois) et de survie globale (médiane non atteinte vs. 26 mois, HR=0,63 ; P<0,0001) chez les patients à risque intermédiaire ou élevé selon le score IMDC (International Metastatic Renal Cell Carcinoma Database Consortium). La survie sans progression n’était pas significativement différente. Le bénéfice de l’immunothérapie combinée était significativement plus important en cas d’expression de PD-L1 ≥1% sur la tumeur vs. PD-L1 <1%, en termes de taux de réponse globale et de survie sans progression. Chez les patients à risque favorable, le taux de réponse globale et la survie sans progression étaient meilleurs dans le bras Sunitinib. Les effets secondaires de grade ≥3 étaient plus fréquents dans le bras Sunitinib vs. Nivolumab + Ipilimumab (63% vs 54%).

 

RÉFÉRENCES 

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AFFILIATIONS

Institut Roi Albert II,
Université catholique de Louvain
Cliniques universitaires Saint-Luc
B-1200 Bruxelles

 

CORRESPONDANCE

Pr Jean-Francois Baurain

jf.baurain@uclouvain.be