Les réformes des études de médecine en Bachelier et en Master : des défis continus

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Stéphan Clement de Clety, Sandrine Ntamashimikiro Publié dans la revue de : Avril 2022 Rubrique(s) : Ama Contacts
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Résumé de l'article :

L’introduction, en 2017, de l’examen d’entrée en médecine a permis, dès la certitude de sa solidité sur le plan juridique, de réaliser une réforme du programme de Bachelier (BAC), la première depuis celle, plus importante, liée au passage des études de médecine de 7 à 6 ans, survenu en 2012.

Article complet :

L’introduction, en 2017, de l’examen d’entrée en médecine a permis, dès la certitude de sa solidité sur le plan juridique, de réaliser une réforme du programme de Bachelier (BAC), la première depuis celle, plus importante, liée au passage des études de médecine de 7 à 6 ans, survenu en 2012. L’examen d’entrée testant les connaissances des étudiant.es notamment en physique, chimie et biologie, le poids de ces matières pouvait en effet être réduit au cours de la première année, ouvrant ainsi la porte à d’autres modifications et adaptations du programme d’enseignement. Celles-ci se sont basées sur l’évaluation des enseignements de BAC entre 2012 et 2017. Une nouvelle évaluation du Master est en cours, quatre ans après que les premiers médecins formés en 6 ans aient été diplômés. Les délais peuvent paraître longs mais sont nécessaires pour avoir une vision complète et critique.

La réforme du Bachelier

La Commission d’enseignement de l’École de Médecine (CEMD) a entamé la seconde réforme du Bachelier avec plusieurs objectifs.

Le premier d’entre eux concernait la modification du contenu et du volume horaire des trois matières testées lors de l’examen d’entrée. Le premier quadrimestre des études, jusqu’alors très scientifique et basé sur seulement 4 matières, a été repensé. Les crédits accordés aux cours de physique et chimie ont été diminués ; les heures ont été étalées au cours de l’année ; les contenus du 2ème quadrimestre ont été modifiés pour mieux s’adapter à la formation, quelque peu différente, des étudiant.es en médecine, en médecine dentaire et en sciences biomédicales. Les cours de biologie et de biochimie ont aussi été revus : l’un d’entre eux a glissé d’une année ; leur volume horaire global a été légèrement réduit mais leur poids en termes de crédits a été majoré.

Le deuxième objectif était lié au souhait d’optimaliser l’intégration de données cliniques dès la première année. Un cours d’introduction à l’approche médicale et à la littérature scientifique a ainsi été créé ; le cours de psychologie médicale a été avancé d’un an, celui d’histologie générale d’un quadrimestre. La première année des études a ainsi été diversifiée, donnant une meilleure vision de la médecine à des jeunes de 18-19 ans.

Le troisième objectif visait à améliorer la qualité de l’enseignement. La concertation entre enseignants de matières très proches s’est renforcée. Les systèmes enseignés ont été un peu mieux regroupés. Le cours de pharmacologie, auparavant commun avec les étudiant.es en dentisterie, a été individualisé.

Le quatrième objectif était d’introduire un stage clinique en 3ème année de BAC. Le passage des études de 7 à 6 ans ayant réduit tant les périodes de cours que celles de stages et ayant amené des cours cliniques en BAC-3, un stage clinique plus précoce avait tout son sens. Le choix s’est porté sur un stage en médecine générale car celui-ci permet aux étudiant.es d’être confronté.es à des problèmes de santé variés. Il permet également à l’École de Médecine de valoriser cette spécialité.

Le cinquième objectif concernait la charge de travail des étudiant.es. Le volume horaire en médecine est en effet supérieur à celui observé dans d’autres formations. La réforme a permis de réduire ce volume de 10% environ et de mieux équilibrer les quadrimestres et années. Cette réduction est cependant encore imparfaite et devra se poursuivre ces prochaines années, un peu comme l’ont fait d’autres écoles de médecine qui se sont lancées après la nôtre dans une réforme.

Le programme de Bachelier doit permettre aux étudiantes d’acquérir des connaissances scientifiques fondamentales qui les aideront à comprendre les bases moléculaires, morphologiques et fonctionnelles des maladies. Il doit aussi leur permettre d’enrichir leurs compétences humaines et relationnelles avant d’être en contact avec des patients.

La réforme du Master

La modification de la durée des études de médecine a aussi entrainé des changements en Master. Malgré une diminution de la durée des cours, des cours d’allergologie, d’algologie, de gériatrie, de soins palliatifs et de médecine factuelle ont pu être créés par la CEMD. Ceux d’hématologie et d’oncologie ont été individualisés. Ces créations répondent à l’évolution de la médecine. La durée des stages a malheureusement été réduite, principalement celle des stages au choix, stages au cours desquels les étudiant.es fixent leur orientation professionnelle future.

Une réforme du master s’imposait dès lors. Ses objectifs principaux sont : l’adaptation de l’enseignement à la formation d’un médecin universitaire de base ; la suppression de redondances inutiles ; l’organisation potentielle de cours en plus petits groupes ; une approche pédagogique différente basée notamment sur la simulation, le patient virtuel, l’intelligence artificielle et la participation plus proactive de l’étudiant.e à sa formation ; une augmentation de la durée des stages et leur introduction à différents moments du cursus ; une augmentation des évaluations par des méthodes autres que les questions à choix multiples.

Les défis sont importants en raison du nombre actuel d’étudiant.es qui empêchent une approche telle le compagnonnage, en raison des contraintes et obligations des enseignant.es qui sont aussi des clinicien.nes, en raison du financement des études et des soins de santé.

La première étape de cette réforme consiste à faire un état des lieux (matières enseignées, nombre d’enseignant.es, originalité des cours, questions d’examen, …) et à rencontrer les enseignant.es. Des comparaisons avec ce qui se fait dans d’autres universités et pays suivront. La lecture du rapport de l’Agence pour l’évaluation de la qualité de l’Enseignement supérieur, attendu dans le courant 2022, amènera aussi d’autres pistes et peut-être obligations. Ces démarches précéderont la réforme proprement dite qui devra actualiser les objectifs d’apprentissage des futurs médecins.

Ces médecins devront toujours être capables de maitriser leurs démarches diagnostiques, définir des attitudes thérapeutiques, reconnaître et prendre en charge des situations d’urgence, établir une relation adéquate avec leurs patient.es et respecter des règles légales, déontologiques et éthiques.

Conclusions

L’adaptation des études de médecine à l’évolution de la médecine a été et reste compliquée en raison de facteurs extérieurs à l’université tels l’imposition de la réduction de leur durée, les différents changements des systèmes de sélection voulus par le politique, les flous persistants concernant l’offre médicale et les numéros INAMI. L’augmentation et la diversification des connaissances médicales compliquent aussi l’approche pédagogique.

Une évaluation régulière des programmes est indispensable. Elle prend du temps et les changements à appliquer ne sont pas toujours faciles à accepter par les différents intervenants. Ces différents défis doivent être relevés en pensant à cette réflexion de Gandhi : « Il faut être fier d’avoir hérité de tout ce que le passé avait de meilleur et de plus noble. Il ne faut pas souiller son patrimoine en multipliant les erreurs passées ».

Affiliations

Stéphan Clement de Clety1, Sandrine Ntamashimikiro1,2 

1. Commission d’enseignement de l’École de Médecine
2. Cellule de développement pédagogique Faculté de Médecine et de Médecine dentaire, Université catholique de Louvain