La formation par la simulation en formation initiale

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Dominique Vanpee Publié dans la revue de : Avril 2022 Rubrique(s) : Ama Contacts
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Résumé de l'article :

La simulation est une méthode pédagogique prenant une place grandissante dans les formations en soins de santé. Intégrée aux autres formes d’enseignement/apprentissage, elle potentialise le développement des compétences professionnelles.

Article complet :

La simulation est une méthode pédagogique prenant une place grandissante dans les formations en soins de santé. Intégrée aux autres formes d’enseignement/apprentissage, elle potentialise le développement des compétences professionnelles.

Pour Parent et Jouquan (1), la compétence est définie comme un savoir-agir complexe qui mobilise, grâce à des capacités de nature diverse, un ensemble de ressources complémentaires élaborées à partir de savoirs multiples et organisées en schémas opératoires, pour traiter de façon adéquate des problèmes à l’intérieur de familles de situations professionnelles, définies au regard de rôles, de contextes et de contraintes spécifiques.

Notre formation médicale de base reste encore actuellement, malgré de nouveaux développements au niveau du centre de compétence clinique, trop classique à savoir un enseignement de connaissances théoriques dispensées en amphithéâtre et de savoirs pratiques essentiellement abordés en stage. Cette formation certes très importante est, dans les conditions actuelles, insuffisante pour le développement des compétences professionnelles.

Les stages cliniques occupent sans nul doute une place centrale dans le développement des compétences professionnelles du médecin en formation mais certaines conditions pédagogiques ne sont pas toujours présentes pour l’acquisition optimale de celles-ci.

L’intégration de la simulation au cursus de formation répond donc à une nécessité pédagogique (accélération du développement des compétences cliniques) mais aussi éthique (jamais sur le patient la première fois).

Les techniques de simulation peuvent être utilisées pour enseigner des habilités techniques, procédurales et non techniques. Différentes modalités existent (patients simulés, patients virtuels sur une plateforme informatique, mannequins simulateurs de patients haute-fidélité, parties anatomiques reconstituées, etc.) qui ne pourront être détaillées ici.

D’un point de vue pédagogique, la simulation permet – comme les stages - un apprentissage expérientiel offrant aux étudiants non seulement des opportunités d’apprentissage mais aussi une réflexion accompagnée sur l’action à travers le débriefing. Cet apprentissage expérientiel - moyennant certaines conditions pédagogiques qui ne seront pas explicitées ici - permet comme démontré dans la littérature - Evidence Base Education - le développement de compétences transférables en pratique clinique.

La simulation médicale permet de réaliser un entraînement en temps réel où l’étudiant mobilise lui-même les connaissances acquises en cours théoriques dans le but d’améliorer ses compétences techniques (gestes, etc.) et non techniques dans un environnement bienveillant permettant de discuter de façon constructive des erreurs sans conséquences négatives.

Si l’enseignement des connaissances a fait ses preuves pour l’acquisition des bases théoriques, il reste d’une efficacité toute relative pour transmettre le savoir-faire et le savoir-être : une compétence clinique ne s’acquiert que par la pratique et ne se développe que par une pratique répétée.

Un scénario prenant en compte la complexité d’un problème de soins devra ainsi impliquer de la part des participants, la mise en œuvre de compétences et de capacités à la fois techniques, collaboratives, relationnelles (parfois émotionnelles) et cognitives.

Prenons un exemple basique très concret : « compétence suture ».

Nous avons, pour la plupart d’entre nous et dans le meilleur des cas, appris à faire des nœuds de suture sur des pieds de porc ou autres supports didactiques. C’est déjà très bien mais l’étudiant a-t-il les compétences pour réaliser une suture en pratique clinique ? La réponse est probablement non si l’on se met dans une logique de compétences. En effet, la « compétence suture » intègre plusieurs habilités techniques (type de nœud, de fils, désinfection de la plaie, ...), non techniques (communication empathique avec le patient adulte, recommandation du suivi, prise en compte de la douleur, collaboration éventuelle avec un autre soignant, etc.) et cliniques (comment distinguer une éventuelle réaction vagale ou une réaction anaphylactique sur anesthésique local ? quelle prophylaxie tétanos ? etc.). Il est possible grâce à des simulations dites hybrides, qui associent un patient simulé et une partie du corps (par exemple, un bras en plastique attaché à ce patient), de scénariser les différentes situations évoquées ci- dessus.

La simulation offre des opportunités d’apprentissages qui seront ensuite débriefées dans un cadre pédagogique bienveillant. Il n’y a en effet que très peu d’intérêt pour le développement des compétences de faire de la simulation sans un débriefing performant.

Le débriefing est la phase qui succède à la mise en situation. Il s’agit d’une étape capitale dans une séquence de simulation. En effet, dans le courant de l’apprentissage expérientiel (2), l’apprentissage s’inscrit dans une succession d’étapes dont l’accent est toujours mis sur des allers-retours entre une action et une phase importante de réflexion sur l’action.

Je pense que, dans le cadre de la révision du master en médecine à l’UCLOUVAIN, une réflexion toute particulière devrait donc avoir lieu pour étudier les possibilités d’intégrer, plus en avant dans le cursus de formation, les différentes techniques de simulation. Cela me semble utile et nécessaire si nous avons comme objectif le développement des compétences professionnelles des médecins en formation. La même réflexion devrait avoir lieu au niveau du master de spécialisation.

Affiliations

Dominique Vanpee, CHU UCL Namur, IRSS, MEDE

Références

  1. Florence Parent et al. Intégration du concept d’intelligence émotionnelle à la logique de l’approche pédagogique par compétences dans les curriculums de formation en santé Pédagogie Médicale 2012 ; 13 (3) : 183–201.
  2. Kolb DA (1984) Experiential learning: experience as the source of learning and development. Englewood Cliffs (NJ), Prentice Hall