Hyperprolactinémie en pratique courante. Ce n’est pas si souvent un prolactinome !

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Dominique Maiter Publié dans la revue de : Mars 2018 Rubrique(s) : Endocrinologie
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Résumé de l'article :

Une hyperprolactinémie observée en pratique courante peut avoir de très nombreuses causes et, lorsqu’elle est modérée (25-100 μg/L) et lorsqu’elle ne s’accompagne pas de symptômes évocateurs, est le plus souvent liée à une autre cause qu’un prolactinome. Parmi celles-ci, on retrouve à l’avant plan une hyperprolactinémie transitoire non confirmée au contrôle ultérieur, une macroprolactinémie (forme circulante particulière qui doit toujours être éliminée de principe), les médicaments hyperprolactinémiants (principalement neuroleptiques et antiémétiques), et une hyperprolactinémie de déconnection en rapport avec une autre pathologie de l’axe hypothalamo-hypophysaire perturbant le contrôle dopaminergique inhibiteur sur la sécrétion basale de prolactine. Ce sont ces différentes causes que nous revoyons dans cet article. Le bilan diagnostique doit toujours en tenir compte, ainsi que de la présence éventuelle concomitante d’un incidentalome hypophysaire, avant de proposer au patient un traitement chronique par agonistes dopaminergiques.

Mots-clés

Prolactine, neuroleptiques, macroprolactinémie, prolactinome, tumeur hypophysaire

Article complet :

INTRODUCTION

La découverte, fortuite ou orientée, d’une hyperprolactinémie est fréquente en pratique clinique. De très nombreuses causes peuvent en être responsables (Tableau 1). Si les prolactinomes représentent la première cause d’hyperprolactinémie vraie et symptomatique chez les patients vus en consultation d’endocrinologie (1,2), ils ne constituent pas pour autant la cause la plus fréquente de toutes les situations d’hyperprolactinémie objectivée au laboratoire. Celles-ci incluent des élévations hormonales parfois très modérées, confirmées ultérieurement ou non, et symptomatiques ou non. Nous avons ainsi revu les échantillons de sang adressés au laboratoire de Biologie Endocrinienne des Cliniques Saint-Luc pour un dosage de prolactine (PRL) durant les mois de juillet et août 2014. Une hyperprolactinémie était observée dans 102 prélèvements sur les 568 échantillons provenant de sujets différents (soit 18% des échantillons; 22 cas/110 hommes ; 80 cas/458 femmes) (Figure 1A).

 

- Chez 59 de ces patients (58%), les valeurs de prolactine n’étaient que très modérément augmentées (< 40 µg/L ; valeurs normales : femmes pré-ménopausées < 25 µg/L ; hommes et femmes post-ménopausées : < 15 µg/L) et, lorsqu’elles avaient été contrôlées ultérieurement, elles étaient normales dans plus de la moitié des cas.

- Chez 33 patients (32% dont 31 femmes), la prolactinémie était compris entre 40 et 100 µg/L, et parmi les 30 cas avec un dossier clinique suffisamment étayé, seuls 8 d’entre eux (27%) avaient un diagnostic évoqué de microprolactinome. Les autres causes étaient médicamenteuses (n=4), une irradiation cérébrale (n=3), une hyperprolactinémie de déconnection (n=6), une hyperprolactinémie idiopathique (n=2), une grossesse (n=1) et un syndrome des ovaires micropolykystiques (n=1), alors que l’hyperprolactinémie n’était pas confirmée dans un prélèvement ultérieur dans les autres cas (n=5) (Figure 1B).

- Parmi les 10 sujets restants (10% - dont 8 femmes) avec prolactinémie supérieure à 100 µg/L, un diagnostic d’adénome hypophysaire à prolactine avait été posé chez 7 patients. Les 3 autres cas concernaient des patients traités par médicaments neuroleptiques.

Nous reverrons ici ces principales causes d’hyperprolactinémie autres que le prolactinome, et nous résumerons à la fin les principales étapes d’une démarche étiologique adéquate face à cette anomalie hormonale fréquente. Pour le lecteur intéressé par la problématique plus spécifique du prolactinome, nous le référons à d’autres articles publiés sur ce sujet (3,4).

BREFS RAPPELS PHYSIOLOGIQUES

Chez l’individu normal, la prolactine circulante est sécrétée exclusivement par les cellules hypophysaires lactotropes.

De même, une hyperprolactinémie est quasi toujours le résultat soit d’une sécrétion hypophysaire excessive de l’hormone, soit d’une accumulation anormale de prolactine sécrétée normalement par l’hypophyse.

L’hypothalamus exerce un effet principalement inhibiteur sur cette sécrétion de PRL, via la dopamine qui est produite par les neurones hypothalamiques tubéro-infundibulaires et se fixe sur des récepteurs dopaminergiques D2 au niveau des cellules lactotropes. La thyréolibérine (TRH), le peptide vasoactif intestinal (VIP), l’angiotensine II et les œstrogènes ont un effet stimulant sur la synthèse et/ou la sécrétion de PRL. D’autre part, une stimulation des mamelons ou la tétée d’allaitement induisent une libération réflexe de PRL, relayée par des voies nerveuses afférentes transitant par la moelle épinière.

La majorité de la prolactine circulante (85%) est de la prolactine native, monomérique et non glycosylée (199 acides aminés, poids moléculaire de 23 kDa). Il existe toutefois d’autres formes circulantes, notamment de la prolactine glycosylée (25 kDa), des fragments plus petits de 16 kDa, et surtout des agrégats de plusieurs molécules de PRL formant de plus grosses molécules: “big PRL” dimérique de 50 à 60 kDa ou “big-big PRL” multimérique de 150 kDa (cfr. paragraphe consacré à la macroprolactinémie). Ces formes, habituellement mineures, sont partiellement reconnues dans tous les immunodosages de prolactine actuellement utilisés et sont moins actives sur le plan biologique (5).

CAUSES PHYSIOLOGIQUES D’HYPERPROLACTINÉMIE

Celles-ci sont fréquentes, généralement responsables d’une hyperprolactinémie modérée (< 50 µg/l ou < 2x la valeur supérieure normale) et fluctuante, à l’exception de la grossesse et de la période du postpartum. Elles ne nécessitent aucun traitement et sont assez facilement exclues par le contexte ou la répétition à distance du dosage hormonal. Dans la plupart des cas, la cause exacte d’une hyperprolactinémie transitoire non confirmée reste inconnue.

La prolactine est sécrétée de manière pulsatile (10-12 pics sécrétoires/jour chez le sujet jeune) mais les pics sont surtout présents en fin de nuit et de faible amplitude. Les repas riches en protéines augmentent très légèrement les taux de PRL et il est donc préférable de faire les prélèvements en période pyréprandiale. Tout stress, physique ou psychologique, peut induire une augmentation passagère de la prolactinémie, surtout chez la femme jeune. Cette augmentation ne dépasse habituellement pas 40 µg/l (1). Le simple stress de la ponction veineuse affecte très peu le taux de prolactine (augmentation < 10 µg/L) et l’utilisation d’un cathéter inséré 30 minutes avant le prélèvement ou des prélèvements multiples à 15-20 minutes d’intervalle ne semblent pas affecter de manière significative les valeurs de la prolactinémie (6).

Les œstrogènes stimulent chroniquement la synthèse et la sécrétion de PRL (1). Ceci explique partiellement que les taux soient plus élevés chez la femme pré-ménopausée. De même, il existe des fluctuations des concentrations de PRL au cours du cycle menstruel, avec des taux légèrement plus élevés au moment de et juste après l’ovulation. Il y a toutefois peu de variation significative des valeurs hormonales à d’autres moments du cycle et les pilules œstro-progestatives classiques n’affectent pas la prolactinémie. La prolactine s’élève graduellement au cours de la grossesse, pour atteindre des taux de 200 à 400 µg/l en fin de 3ème trimestre. Après l’accouchement, les taux de PRL restent élevés en cas d’allaitement maternel et chaque tétée est suivie d’un pic de PRL. Toutefois, au cours des semaines suivantes, les taux de PRL vont progressivement diminuer et même parfois se normaliser alors même que l’allaitement se poursuit.

CAUSES PATHOLOGIQUES D’HYPERPROLACTINÉMIE AUTRES QUE LE PROLACTINOME

Celles-ci sont nombreuses et reprises dans le Tableau 1. Elles s’accompagnent quasi toujours de taux de PRL inférieurs à 150 µg/L. Nous ne reverrons ici que les causes les plus fréquentes.

 

1. La macroprolactinémie

Il s’agit d’une hyperprolactinémie artéfactuelle, liée à la présence en quantité anormalement importante de molécules de ‘big-big’ PRL en circulation (PM > 150.000). Celles-ci sont constituées le plus souvent d’un complexe de plusieurs molécules de PRL monomériques et d’un anticorps de type IgG. Elles représentent normalement moins de 5% des formes circulantes. Ces macromolécules de prolactine ont une clairance diminuée et s'accumulent donc dans la circulation (7). Elles ne passent toutefois pas les barrières capillaires, à l’exception peut-être de celles de la glande mammaire et du placenta.

C’est une cause fréquente d’hyperprolactinémie, représentant 15 à 35% des cas selon les séries (8). Sa fréquence et son amplitude dépendent toutefois du type d’immunodosage de prolactine utilisé dans le laboratoire Ainsi certains dosages immunologiques automatisés reconnaissent particulièrement bien la macroprolactine (Roche Elecsys I®, Abbott Architect®,...) pouvant rapporter des concentrations en PRL très importantes, allant jusqu’à des valeurs de 200 µg/L, alors que d’autres dosages la reconnaissent moyennement (DPC Immulite®) ou très peu (Beckman Access®, Roche Elecsys II®,...) (5,9).

Dans la plupart des cas, une macroprolactinémie n’entraîne pas ou peu de symptômes mais des troubles du cycle, une galactorrhée ou des problèmes de libido ou de fertilité peuvent être retrouvés plus fréquemment que dans la population normale, dans 25 à 50% des cas (8). Le syndrome classique aménorrhée-galactorrhée est cependant très rare (10). Il faut penser à cet artéfact si les concentrations de prolactine varient beaucoup en fonction de l’immunodosage utilisé (5,11), si la patiente est asymptomatique ou présente des symptômes atypiques, et/ou si l’IRM hypophysaire est normale. Cependant, vu la fréquence de la macroprolactinémie, il est fortement conseillé d’éliminer ce diagnostic de principe afin d’éviter des examens complémentaires inutiles, et surtout un traitement inapproprié (8).

La chromatographie de filtration sur gel qui sépare les molécules en fonction de leur poids moléculaire est la méthode de choix mais elle est coûteuse et chronophage. Le test de précipitation au polyéthylène glycol (PEG) est utilisé dans la plupart des laboratoires. Le PEG entraine une précipitation de la macroprolactine qui est éliminée par centrifugation. Le diagnostic de macroprolactinémie est retenu si le pourcentage de récupération de la prolactine dans le surnageant est inférieur à 40% et exclu si la récupération est supérieure à 60%. Une zone grise persiste pour des pourcentages compris entre 40 et 60%. Une concentration absolue normale de prolactine dans le surnageant est également un critère diagnostique important de macroprolactinémie ‘pure’ (12). Les intervalles de référence de ces valeurs normales doivent cependant être bien validés en fonction du type de dosage utilisé dans le laboratoire (13).

Tout récemment, la comparaison des valeurs de prolactinémie obtenues par deux dosages avec immunoréactivité très différente pour la macroprolactine couplée à la précipitation par PEG a été proposée comme une méthode simple permettant d’éviter la filtration sur gel dans un nombre significatif de cas (11).

 

2. Les affections de l’hypothalamus et de la tige pituitaire

Une tumeur hypothalamique ou de la tige pituitaire (craniopharyngiome, kyste de la poche de Rathke, gliome, hamartome, métastase, ...), une maladie infiltrative du système nerveux central (sarcoïdose, histiocytose, granulomatose...), une hypertension intracrânienne ou des lésions hypothalamiques induites par une radiothérapie peuvent entraîner une élévation de la prolactine par perte du contrôle dopaminergique inhibiteur. Les mêmes mécanismes sont responsables de l’hyperprolactinémie dite ‘de déconnection’ constatée lors de section traumatique ou de compression de la tige pituitaire par un macroadénome hypophysaire non lactotrope, un autre processus tumoral (méningiome,..) ou une expansion herniaire de liquide céphalo-rachidien sous tension dans la selle turcique (arachnoidocèle ou “selle turcique vide”) (1).

Bien qu’il existe habituellement une bonne corrélation entre le volume de la tumeur hypophysaire et les concentrations sériques de PRL (Figure 2), le diagnostic différentiel entre un macroprolactinome peu sécrétant (par ex. nécrotico-hémorragique ou kystique) et un autre type de macroadénome (non fonctionnel,…) avec hyperprolactinémie de déconnection peut constituer un vrai problème pour le clinicien. Le seuil maximal d’une hyperprolactinémie de déconnection varie selon le sexe et selon les études. Il se situe aux environs de 60 µg/L chez l’homme et aux environs de 150 µg/L chez la femme (14-16). Au-delà de ces valeurs, le diagnostic de prolactinome est donc hautement probable.

La valeur diagnostique des tests de stimulation (TRH, métoclopramide) est très faible. Ainsi l’injection de TRH induit une réponse significative de la prolactinémie dans environ 70% des hyperprolactinémies de déconnection mais aussi dans 35% des prolactinomes (17). De plus, la réponse à la TRH ou aux antidopaminergiques ne permet pas de prédire avec une fiabilité suffisante si l’IRM hypophysaire sera normale ou pas (18).

Par contre en cas de doute, un test thérapeutique de 3 à 4 mois par agonistes dopaminergiques (cabergoline, 2 x 0,5 mg/semaine) peut être utile. Ce traitement peut en effet induire une diminution rapide et significative de la taille tumorale dans la majorité des cas de macroprolactinome (19,20), alors qu’il n’aura que peu ou pas d’effet sur une autre variété de tumeur sellaire (macroadénome non fonctionnel, kyste de la poche de Rathke, …).

3. Les médicaments

Les médicaments hyperprolactinémiants représentent la cause la plus fréquente d’hyperprolactinémie non tumorale (19,21).

Les neuroleptiques (ou agents antipsychotiques) et les antiémétiques sont les plus fréquemment incriminés (Tableau 2). Ainsi 40 à 90% des patients sous phénothiazines (levopromazine), butyrophénones (halopéridol) ou thioxanthènes (flupentixol), et 50 à 100% des patients sous benzamides (sulpiride, amisulpride) ou rispéridone ont une hyperprolactinémie (22,23). Dans une étude de 106 patients sous neuroleptiques, une hyperprolactinémie était observée respectivement chez 81, 35 et 38% des patients prenant de la rispéridone, de l’olanzapine, ou des antipsychotiques typiques (23). Cette hyperprolactinémie peut être symptomatique et induire de la galactorrhée, une aménorrhée et/ou des troubles sexuels.

 

Les taux de PRL associés à la prise de ces médicaments sont le plus souvent compris entre 25 et 100 µg/L, mais peuvent parfois excéder 200 µg/L avec la métoclopramide, la rispéridone, et certaines benzamides comme le sulpiride ou l’amisulpride (25). Les mécanismes impliquent bien sûr l’effet anti-dopaminergique de ces médicaments qui peut toutefois avoir un impact variable sur la prolactinémie, notamment en fonction du sous-type de récepteurs dopaminergiques présents sur les cellules lactotropes.

Les antidépresseurs tricycliques, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (SSRI), les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), ainsi que les antihistaminiques H2 comme la cimétidine ou la ranitidine peuvent aussi élever - plus modestement - la prolactinémie, en augmentant le tonus sérotoninergique qui stimule la sécrétion de prolactine (26). Il en est de même des dérivés de la morphine et de la cocaïne, et de certains médicaments hypotenseurs – relativement peu utilisés – comme l’alpha-méthyldopa, la réserpine ou le verapamil, qui peuvent être aussi responsables d’une hyperprolactinémie modérée par blocage des voies dopaminergiques à divers niveaux (26). L’effet des œstrogènes a déjà été mentionné précédemment. Il reste cependant controversé (21).

Devant une hyperprolactinémie induite par médicaments, il faut d’abord envisager l’arrêt du traitement si celui-ci est possible. En règle générale, cette interruption du médicament responsable est suivie endéans quelques jours à quelques semaines d’une normalisation des taux de PRL (en fonction de la demi-vie biologique du médicament). Si ce n’est pas le cas, une autre cause, éventuellement tumorale, doit être envisagée. Si le médicament doit être poursuivi et que le patient est asymptomatique, une simple surveillance est indiquée. Plus complexe est l’attitude à adopter face à un patient symptomatique (par ex. galactorrhée invalidante) chez lequel l’arrêt du traitement antipsychotique est contre-indiqué par le psychiatre. Dans ce cas, il faut suggérer le recours à un autre neuroleptique et/ou antidépresseur n’entrainant habituellement pas ou peu d’hyperprolactinémie (aripiprazole, clozapine, escitalopram, venlafaxine (26). Si ce changement de traitement s’avère toutefois impossible, un traitement par de faibles doses d’agoniste dopaminergique peut être administré prudemment. Ce traitement est cependant parfois peu efficace et, à fortes doses, risque d’aggraver les troubles psychiatriques sous-jacents.

 

4. L’hypothyroïdie primaire

L’hypothyroïdie primaire est une cause classique mais relativement rare d’élévation de la prolactinémie, habituellement < 50 µg/l (1,27). Elle doit être sévère et prolongée, et peut alors entrainer un aspect hyperplasique, pseudo-tumoral de la glande hypophysaire (28), probablement lié à la stimulation chronique des cellules lactotropes et thyréotropes. Les mécanismes responsables de l’hyperprolactinémie sont d’une part l’élévation de la production de TRH qui stimule la sécrétion de prolactine, d’autre part une diminution de la clairance métabolique de la prolactine. L’administration d’hormones thyroïdiennes corrige rapidement toutes ces anomalies (Figure 3).

5. L’insuffisance rénale chronique

Une hyperprolactinémie modérée (25-100 ng/ml) est présente chez 80% des femmes et environ 30% des hommes porteurs d’une insuffisance rénale terminale, et chez 10 à 20% de patients avec une insuffisance rénale chronique modérée. Cette hyperprolactinémie est liée à la fois à une augmentation de la sécrétion de PRL et à une diminution de sa clairance (29).

 

6. Le syndrome des ovaires micropolykystiques

Une hyperprolactinémie modérée (< à 50 µg/L) est retrouvée chez 10 à 15 % des femmes avec un syndrome des ovaires micropolykystiques (30). Les causes en sont mal connues et l’association entre les deux entités pourrait n’être que fortuite (31). On invoque toutefois le rôle potentiel de l’hyperoestrogénémie chronique du syndrome OMPK ou une stimulation de l’axe GnRH-LH. Il est intéressant de noter que les concentrations de prolactine se normalisent le plus souvent sous traitement par pilule oestro-progestative. Dans le cas contraire, une autre étiologie doit être recherchée.

 

7. L’hyperprolactinémie idiopathique

Il s’agit d’une élévation modérée (25-100 µg/l) et fluctuante de la prolactinémie, confirmée à plusieurs reprises, sans adénome hypophysaire identifiable à l’imagerie par résonance magnétique (IRM) réalisée de manière optimale (18) et sans autre cause évidente d’élévation de la PRL. Elle est vraisemblablement secondaire à une hyperplasie des cellulaires lactotropes ou à un adénome microscopique (< 2-3 mm). L’évolution spontanée se caractérise par une régression spontanée de l’hyperprolactinémie (30 à 40%), une stabilité (50%) ou rarement une évolution vers un microadénome hypophysaire typique (10 à 20%) (1,3). Un traitement ne se justifie que si l’hyperprolactinémie est symptomatique.

 

8. Causes exceptionnelles

Parmi celles-ci, mentionnons simplement :

- de très rares tumeurs non pituitaires produisant de la prolactine soit au départ de tissu hypophysaire ectopique au sein des ovaires (32), soit au départ d’une tumeur à cellules épithélioïdes périvasculaires ou PECome (33) ;

- la mise en évidence – à ce jour unique - d’une mutation avec perte de fonction du gène du récepteur à la prolactine, responsable d’hyperprolactinémie familiale (34).

 

9. Quelques mots sur le prolactinome

Comme déjà signalé, si les concentrations de prolactine sont supérieures à 150 µg/l (60 µg/L chez l’homme), en l’absence de macroprolactinémie et de traitement par certains neuroleptiques forts, le diagnostic de prolactinome est hautement probable et l’IRM mettra généralement la lésion en évidence. Il s’agira d’ailleurs assez souvent d’un microadénome de taille > à 5 mm rendant l’éventualité d’un incidentalome hypophysaire peu probable. Un traitement médical par agonistes dopaminergiques sera logiquement instauré.

Si le niveau de prolactinémie est plus faible, compris entre 30 et 150 µg/L et que le bilan diagnostique a conduit à la mise en évidence à l’IRM d’un adénome hypophysaire tout en excluant une autre cause évidente, le diagnostic de prolactinome reste généralement évoqué. Il faut se rappeler toutefois que la confirmation formelle de ce diagnostic est souvent manquante en l’absence de traitement neurochirurgical et de vérification anatomo-pathologique. Or, dans de telles conditions, l’exactitude diagnostique n’est que de 75% environ, comme bien démontré dans une série de 409 adénomes hypophysaires opérés (dont 233 macroadénomes) avec un diagnostic préopératoire « avéré » de prolactinome. Dans 101 cas (25%), l’examen anatomo-pathologique avait démontré un autre diagnostic ! (adénome non fonctionnel, adénome somatotrope, craniopharyngiome,…) (35).

Il est donc important de rester vigilant à l’éventualité d’une autre cause d’hyperprolactinémie, en particulier un autre type de tumeur sellaire qui pourrait continuer à croître malgré le traitement bien conduit par agonistes dopaminergiques et la correction parfaite de l’hyperprolactinémie !

ÉVALUATION DIAGNOSTIQUE

En guise de conclusions, un arbre décisionnel est proposé concernant le bilan étiologique d’une hyperprolactinémie, en tenant compte du niveau de prolactine, inférieur ou supérieur au seuil arbitraire de 100 µg/L. En pratique, comme nous l’avons vu, celui-ci doit plutôt être fixé à 60 µg/L chez l’homme et 150 µg/L chez la femme pré-ménopausée ou sous traitement hormonal substitutif de sa ménopause (Figure 4).

Si le taux de PRL est faiblement élevé (< 100 µg/L), il faut d’abord répéter le dosage en évitant si possible lors du deuxième prélèvement les situations pouvant entrainer une augmentation de la prolactine (abstention de tout médicament hyperprolactinémiant pendant les jours précédents ; éviter une période postprandiale précoce, le milieu du cycle ou un stress préalable important). Si l’hyperprolactinémie est confirmée, toutes les causes doivent être ici envisagées. L’anamnèse exclura une cause médicamenteuse et le contexte clinique ainsi que le laboratoire doivent permettre d’exclure une macroprolactinémie, une grossesse débutante, une hypothyroïdie périphérique, une insuffisance rénale ou hépatique.

En l’absence de cause évidente, l’IRM hypophysaire est indiquée. Son interprétation devra se baser sur la présence de symptômes évocateurs, la corrélation entre les taux hormonaux et la taille de la tumeur ainsi que sur le bilan hypophysaire élargi (penser notamment à exclure une acromégalie !). Si l’IRM réalisée dans de bonnes conditions est normale, on conclura à une hyperprolactinémie idiopathique en proposant toutefois un contrôle de l’imagerie à un an.

Si le taux de PRL est élevé, supérieur à 100 µg/l, un prolactinome est probable, et ce d’autant plus que la valeur hormonale est élevée. En l’absence de cause évidente comme un traitement par certains neuroleptiques déjà cités, il faut réaliser d’emblée l’IRM hypophysaire. Celle-ci montrera une pathologie hypophysaire dans la majorité des cas. Le bilan sera ensuite complété en fonction des résultats (évaluation de la fonction gonadique, des autres hormones hypophysaires, examen ophtalmologique, ostéodensitométrie, etc...).

 

Correspondance

Pr. Dominique MAITER
Cliniques universitaires Saint-Luc
Service d'Endocrinologie et Nutrition
Avenue Hippocrate, UCL 54.74
B-1200 Bruxelles, Belgique.
Tél 32-2-764.54.75
Fax 32-2-764.54.18
dominique.maiter@uclouvain.be

 

Références

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