Fibrillation atriale et diabète : rôle des anticoagulants oraux directs

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Cédric Hermans, Martin Buysschaert Publié dans la revue de : Mars 2021 Rubrique(s) : Actualité thérapeutique
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Résumé de l'article :

La fibrillation atriale non valvulaire (FANV) représente l’arythmie cardiaque la plus habituelle et une indication majeure de traitement anticoagulant oral. La FANV est particulièrement fréquente chez les patients diabétiques, exposés à un risque plus important de complications thrombotiques et/ou hémorragiques. Les anticoagulants oraux directs (AODs) remplacent progressivement les anti-vitamines K (AVKs) parmi les malades en FANV. Ils sont en effet aussi efficaces que les AVKs pour réduire les risques d’accidents emboliques cérébraux et systémiques tout en réduisant les d’hémorragies sévères et cérébrales. Plusieurs études récentes ont démontré que les AODs apportent les mêmes bénéfices en termes d’efficacité et de sécurité chez les sujets diabétiques en FANV par rapport aux non-diabétiques. Parmi les AODs, l’edoxaban, tel que suggéré par les résultats de l’étude ENGAGE AF-TIMI 48, semble se distinguer par une diminution significative du risque de complications hémorragiques sévères par rapports aux AVKs chez les patients diabétiques.

Mots-clés

Anticoagulants oraux directs (AODs), fibrillation atriale (FA), diabète, edoxaban

Article complet :

Introduction

La fibrillation atriale non valvulaire (FANV) représente une indication majeure d’anticoagulation orale. Introduits avec succès au cours de la dernière décennie, les anticoagulants oraux directs (AODs), inhibant de façon ciblée soit le Facteur Xa (FXa), soit le Facteur IIa (thrombine), se sont imposés comme des agents antithrombotiques de choix pour les patients en fibrillation atriale (FA), prescrits en première intention ou en remplacement d’un anti-vitamine-K (AVK). Il s’agit du dabigatran (Pradaxa®), du rivaroxaban (Xarelto®), de l’apixaban (Eliquis®) et de l’edoxaban (Lixiana®) (1).

Plusieurs études importantes ayant inclus des dizaines de milliers de patients ont en effet clairement démontré les avantages majeurs des AODs par rapport aux AVKs chez les malades avec FANV candidats à une anticoagulation orale (2-5). Une méta-analyse des quatre grands essais randomisés de phase III qui ont comparé les AODs aux AVKs pour la prévention des complications thromboemboliques de la FANV a mis en évidence un bénéfice clair d’un traitement par AOD avec une diminution de 19 % d’un critère d’évaluation combinant accidents vasculaires cérébraux et embolies systémiques ainsi qu’une réduction de 14 % de l’incidence des hémorragies majeures (6).

Plus récemment, plusieurs études, qu’il s’agisse de sous-analyses des essais cités ci-dessus ou de registres, ont exploré le profil d’efficacité et de sécurité d’utilisation des divers AODs dans des groupes de patients particuliers. Il s’agit notamment de malades diabétiques, de patients présentant une insuffisance rénale plus ou moins sévère et de sujets âgés voire très âgés. Le but de ces analyses est d’explorer si ces divers profils d’individus, chez lesquels la FANV est fréquente, retirent les mêmes bénéfices en termes d’efficacité et de sécurité des AODs par rapport aux AVKs que ceux inclus dans les vastes études reprises ci-dessus. Pour les patients diabétiques, à majorité de type 2, plusieurs publications récentes ont récemment revu le rôle et les bénéfices de ces AODs (7-10).

Dans le cadre de cet article, nous proposons de revoir les données les plus récentes et pertinentes de l’utilisation des AODs chez les sujets diabétiques en FANV, en particulier les résultats concernant l’edoxaban pour lequel un large effectif de diabétiques en FANV a été étudié dans le cadre de l’essai ENGAGE AF-TIMI 48 trial (11).

FANV et diabete : une association fréquente

La FANV, une des arythmies cardiaques les plus fréquentes affectant jusqu’à 1.6 % de la population générale, représente un fardeau majeur de santé publique (12). La FANV est responsable d’un risque accru d’accident vasculaire cérébral (AVC), d’évènements thrombo-emboliques et d’autres pathologies cardio-vasculaires ainsi que d’admissions hospitalières et de mortalité. Il est bien établi que la prévalence de la FANV est plus importante chez les patients qui présentent des co-morbidités telles que l’hypertension artérielle, une décompensation cardiaque, une maladie rénale ou un diabète sucré.

En plus d’être un facteur de risque cardiovasculaire général, le diabète, en particulier de type 2, est également associé à une probabilité accrue de FANV. Les diabétiques sont en effet presque deux fois plus susceptibles de développer tôt ou tard une FANV que des personnes non diabétiques. Le stress oxydatif accru et l’inflammation induite par des glycémies élevées et très fluctuantes entraînent en effet un remodelage structurel, électrique et électromécanique ainsi qu’une importante dysfonction de l’innervation autonome des oreillettes, favorisant in fine l’apparition d’une FANV (13).

Par ailleurs, en raison d’une dysfonction endothéliale vasculaire et cardiaque, le diabète est associé à un état prothrombotique associant une réactivité plaquettaire accrue, une hyper-coagulabilité sanguine et une fibrinolyse réduite. Cet état prothrombotique est encore majoré chez les patients souffrant d’un diabète de longue évolution, en particulier s’il est traité par insuline. Le diabète est donc à juste titre un facteur important dans le calcul du score CHA2DS2-VASc utilisé en routine clinique pour estimer le risque d’accident thrombo-embolique associée à la FANV.

De plus, le duo « FANV-diabète » co-existe souvent avec d’autres comorbidités, de telle sorte que le risque d’évènements vasculaires est encore amplifié. Dans le registre EORP-AF (EURObservational Research Programme Atrial Fibrillation), la prévalence du diabète était de 20 % (14). Ces patients étaient plus âgés et présentaient davantage de comorbidités, une moins bonne qualité de vie et une mortalité accrue toutes causes confondues, cardio-vasculaires et non-cardiovasculaires, que les non-diabétiques. Les AVC qui surviennent dans ce contexte semblent aussi avoir un moins bon pronostic.

L’impact de la qualité du contrôle glycémique sur l’incidence de la FANV de novo est controversé même si certains auteurs ont rapporté qu’un mauvais équilibre glycémique augmentait le risque de survenue de cette arythmie (15,16). D’autres auteurs comme Fatemi et al. (17) au contraire ont démontré qu’un contrôle glycémique intensif ne semblait pas influencer l’incidence de la FANV. Comme mentionné par Wang et al. en 2019 (13), divers traitements antihyperglycémiants ou hypotenseurs utilisés chez les patients diabétiques dont la metformine, les thiazolidinediones, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion ou des récepteurs à l’angiotensine 2 pourraient réduire la FANV associée au diabète contrairement à l’insuline. L’effet spécifique sur le risque de FANV des nouveaux médicaments du diabète de type 2 qui ont démontré entre autres une cardioprotection doit encore être précisé (13). En outre, considérant un lien possible entre le stress oxydatif et l’inflammation dans le cadre d’une résistance à l’insuline et l’incidence de la FANV, les traitements ciblant ces voies pourraient aussi réduire la FANV favorisée par le diabète.

Diabète, FANV et risque hémorragique

En plus de l’augmentation des complications thromboemboliques et d’une mortalité plus élevée, principalement d’origine vasculaire, comparativement aux patients non-diabétiques, les personnes diabétiques souffrant de FANV présentent un risque accru d’hémorragies majeures lorsqu’ils sont traités par anticoagulants (18). Ces hémorragies sont le plus souvent gastro-intestinales. Par contre, le nombre d’hémorragies intracrâniennes n’est pas augmenté, peut-être parce que la microangiopathie diabétique rend les vaisseaux cérébraux moins susceptibles de se rompre (19).

Efficacité et sécurité des AODS (en général) chez le patient diabétique avec FANV

Plusieurs sous-analyses pré-spécifiées, ciblant les patients diabétiques recrutés dans de grandes études évaluant l’efficacité et la sécurité des AODs, ont été publiées au cours des dernières années, dont trois en 2015, RELY-AF avec le dabigatran (19), ROCKET-AF avec le rivaroxaban (20) et ARISTOTLE avec l’apixaban (21). Les résultats ont été résumés dans une méta-analyse publiée en 2017 (18) (Tableau 1). L’étude ENGAGE AF-TIMI 48 avec l’edoxaban a fait l’objet d’une publication plus détaillée en 2020 discutée ci-dessous (11).

Globalement, ces études montrent une efficacité supérieure des AODs par comparaison aux AVKs pour prévenir les embolies cérébrales ou systémiques, avec un Hazard Ratio (HR) de 0,80 (intervalle de confiance à 95 % 0,68-0,93, p = 0,004) chez les patients diabétiques. Ce bénéfice est comparable à la protection observée chez les patients non diabétiques (HR 0,83; 0,73-0,93, p = 0,001). Dans le même temps, le risque d’hémorragies majeures n’était pas significativement différent entre les deux modalités d’anticoagulation chez les personnes diabétiques (HR 0,94 ; 0,81-1,11) ou non diabétiques (HR 0,83, 0,67-1,03). Par contre, le risque d’hémorragie intracrânienne était significativement réduit avec les AODs (apixaban, dabigatran et rivaroxaban) par comparaison aux AVKs, à la fois chez les patients diabétiques (HR 0,57; 0,40-0,81, p = 0,002) et non diabétiques (HR 0,47; 0,32-0,68, p < 0,0001). En résumé, pour toutes ces comparaisons, aucune différence significative n’a été constatée entre les résultats obtenus chez les patients diabétiques et les personnes non diabétiques, ce qui témoigne d’un même profil d’efficacité et de sécurité dans les deux sous-groupes.

L’effet bénéfique d’un traitement par AOD dans la prévention des hémorragies majeures dans certaines études est peut-être lié au degré de contrôle de l’anticoagulation par AVK. Dans l’étude ENGAGE AF-TIMI 48, où le contrôle du traitement par warfarine était plus strict, un traitement par edoxaban était associé à une diminution significative du nombre d’hémorragies majeures tant chez les patients diabétiques que non diabétiques. Dans l’étude ROCKET AF, où les patients traités par warfarine avaient été moins longtemps sous anticoagulation optimale, l’incidence des hémorragies majeures n’était pas différente chez les malades sous AVK ou rivaroxaban, en présence ou non d’un diabète.

Edoxaban chez le patient diabétique en FANV : l'étude ENGAGE AF-TIMI 48 (11)

Dans l’essai princeps ENGAGE AF-TIMI 48, 21105 patients présentant une FANV documentée au cours des 12 mois précédents ont été randomisés entre warfarine en traitement standard ou edoxaban à forte (60 mg par jour) ou faible dose (30 mg par jour). La dose d’edoxaban était réduite de 50 % si la clairance de la créatinine était comprise entre 30-50 ml/min, si le poids du patient était égal ou inférieur à 60 kg ou encore en cas d’utilisation concomitante d’un inhibiteur de la glycoprotéine P.

Le critère d’efficacité primaire était la survenue d’un AVC ou d’un événement embolique systémique (EES). Le critère de sécurité primaire était la survenue d’une hémorragie majeure, telle que définie par l’International Society on Thrombosis and Haemostasis (ISTH). Le suivi médian au cours de cette étude était de 2,8 années. Ses principaux résultats ont été décrits dans un article de Louvain Médical en 2016 (22). En résumé, ils ont montré que l’edoxaban (60 mg/jour) était non inférieur à la warfarine dans la prévention des AVC et EES (HR 0.79, p< 0.001 pour la non infériorité). L’edoxaban a également réduit de manière significative les hémorragies majeures et les décès cardiovasculaires. L’étude a également mis en évidence un bénéfice clinique « net » d’un paramètre englobant les décès (toutes causes confondues), les AVC et EES ainsi que les saignements majeurs versus la warfarine (22).

Dans le cadre de la sous-analyse des patients diabétiques, seuls les résultats des malades traités par 60 mg d’edobaxan ont été pris en compte. La présence ou l’absence de diabète a été déterminée par l’investigateur local lors de la randomisation. Les diabétiques ont été subdivisés en groupes insulino − et non-insulinotraités. Des modèles de régression multivariée ont été utilisés pour ajuster les caractéristiques de base dans les groupes stratifiés en fonction du statut diabétique. Les données relatives à la concentration d’edoxaban, à l’activité anti-Xa et à l’INR ont été pris en compte pour comparer les résultats obtenus parmi les sujets traités par edoxaban (60 mg/jour) à ceux sous warfarine.

Les critères d’efficacité primaire et de sécurité de la sous analyse des diabétiques étaient identiques à ceux de l’essai principal ENGAGE AF-TIMI 48 décrits ci-dessus. Les principaux critères d’évaluation secondaires de la sous-analyse étaient le décès d’origine cardiovasculaire, l’AVC/les EES ainsi que les événements cardiovasculaires indésirables majeurs (MACE, un composite d’infarctus du myocarde, AVC, EES, décès d’origine cardiovasculaire ou hémorragie) et le décès toutes causes confondues.

Caractéristiques et résultats de l’ensemble de la population étudiée : patients diabétiques versus non-diabétiques

Au total, 7624 des 21105 patients de l’essai ENGAGE AF-TIMI 48 étaient diabétiques, soit un taux de 36 %. 1270 (6 %) étaient traités par insuline. Il s’agit donc de la plus grande étude réalisée avec un AOD dans la FANV, avec également le plus long suivi (2,8 ans). De plus, pour la comparaison avec la warfarine, il est intéressant de noter que le temps passé dans la cible d’un INR entre 2 et 3 a été le plus élevé, en comparaison avec les trois études précédentes (Tableau 1). Il était aussi comparable chez les patients diabétiques (68,6 %) ou non diabétiques (68,4 %).

Il y avait moins de femmes diabétiques que non diabétiques (37 % contre 39 %, respectivement). Les patients diabétiques étaient plus jeunes (70 versus 73 ans) et avaient un indice de masse corporelle plus élevé (30,4 versus 27,8 kg/m²). Il convient de noter que les antécédents d’AVC ou d’accident ischémique transitoire étaient plus fréquents dans le groupe sans diabète que dans le groupe des diabétiques (33 % contre 21 %), tout comme l’insuffisance cardiaque congestive (63 % contre 48 %). Le score CHA2DS2-VASc moyen permettant de prédire le risque thromboembolique était de 4,6 dans le groupe diabétique et de 4,2 dans le groupe non diabétique. Lorsque le diabète n’était pas inclus dans le score, il était de 3,6 dans le groupe diabétique et de 4,2 chez les non diabétiques. Étant donné que les critères de participation à l’essai exigeaient un score CHADS2 minimum de 2, les patients non diabétiques présentaient des facteurs de risque d’AVC autres que le diabète.

Les résultats ajustés de la sous-analyse ont montré que le risque d’AVC/EES était similaire entre les patients diabétiques et non diabétiques (rapport de risque, 1,08) (Figure 1). Cependant, les patients diabétiques présentaient un risque ajusté plus élevé de décès cardiovasculaire que les sujets non diabétiques (HR 1,29), d’évènements cardiaques indésirables (HR 1,28), d’hémorragies sévères (HR 1,28) et du critère composite d’AVC, d’EES, d’hémorragie majeure ou de décès de toutes causes confondues (HR 1,25).

L’analyse des données pharmacodynamiques et pharmacocinétiques de l’edoxaban à forte dose, stratifiées selon le statut diabétique a permis de constater que les paramètres étaient généralement similaires entre les patients diabétiques et non diabétiques, notamment les concentrations minimales d’edoxaban (34,3 et 37,2 ng/ml, respectivement ; P = 0,04), l’activité anti-Xa exogène minimale (0,59 et 0,68 UI/ml ; P = 0,11) et le pourcentage de changement par rapport à la ligne de base de l’activité anti-Xa endogène maximale (P = 0,66).

Effets des AODS vs AVKS chez les patients diabétiques vs non-diabétiques

Les résultats de l’étude principale ENGAGE AF-TIMI 48 ont montré que les taux d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) étaient réduits de 13 % sous edoxaban à dose élevée vs AVK. La sous-analyse n’a révélé aucune modification significative de cet effet de la réduction des AVC/EES avec l’edoxaban, par rapport à la warfarine, lorsqu’elle était stratifiée en fonction du statut diabétique (réductions de 16 % contre 7 % dans les groupes sans diabète et avec diabète, respectivement ; P pour l’interaction = 0,54). Les auteurs ont également observé des réductions similaires de risque des autres effets évalués avec l’edoxaban vs warfarine lorsque les patients étaient stratifiés en fonction du statut diabétique (Figure 1).

Effets des AODS vs AVKS chez les patients sous insuline versus sans-insuline

Il est relevant de noter que les patients diabétiques traités par insuline (n= 1270) présentaient un risque ajusté plus élevé pour tous les critères évalués, par rapport aux sujets diabétiques non insulino-traités. Il s’agissait notamment de l’AVC/EES (HR 1,44), du décès d’origine cardiovasculaire (HR 1,83), de la survenue d’évènements cardiaques indésirables graves (HR 1,78) et de l’hémorragie majeure (HR 1,31). Finalement, les auteurs ont comparé les critères d’évaluation de l’étude entre l’edoxaban à forte dose et la warfarine, avec et sans prise d’insuline. Aucun des résultats d’efficacité et de sécurité n’a mis en évidence de modification de l’effet du traitement liée à l’utilisation de l’insuline.

Si l’on compare les résultats de l’essai ENGAGE AF-TIMI 48 avec ceux des trois autres études RE-LY, ROCKET-AF et ARISTOTLE (Tableau 1), l’édoxaban est le seul AOD à avoir démontré une réduction statistiquement significative du risque de saignements majeurs chez les patients avec FANV et diabète, en comparaison avec la warfarine. Pour rappel, dans l’étude ARISTOTLE, une réduction du risque de saignements majeurs avec l’apixaban par rapport à la warfarine a été observée chez les patients non diabétiques, mais pas chez les diabétiques (valeur P d’interaction entre les deux sous-groupes de patients = 0,003). Une interaction semblable statistiquement significative entre patients avec et sans diabète n’a pas été démontrée avec dabigatran, rivaroxaban et edoxaban. Les raisons susceptibles d’expliquer cette différence entre l’apixaban et les autres AODs n’apparaissent pas clairement.

Les explications de cette réduction statistiquement significative du risque de saignements majeurs chez les patients diabétiques avec FANV traités par edoxaban, en comparaison avec la warfarine ne sont pas claires. On peut évoquer la taille de l’étude et le contingent important de patients inclus sans toutefois pouvoir exclure totalement d’éventuels biais tels que la différence de prise d’aspirine ou de distribution de comorbidités majorant le risque d’hémorragie entre les sous-populations étudiées.

Edoxaban chez le patient diabétique en FANV : données de la vraie vie

Une récente étude « real-world », en Italie, confirme les résultats de la sous-analyse de ENGAGE AF-TIMI 48 (23). Sur la base du score de propension avec des groupes égaux de diabétiques, un traitement par edoxaban − comparativement aux AVKs − a entraîné une diminution importante des complications thromboemboliques et des hémorragies cérébrales, mais aussi des hémorragies majeures (HR 0.43). Cependant, l’étude était trop limitée (n=557) pour atteindre une signification statistique. Dans cet essai, un traitement concomitant par antiagrégants plaquettaires était le seul facteur de risque significatif pour les hémorragies majeures dans cette étude (HR 2.41, p=0001). Par ailleurs, le traitement par insuline (HR 1.76, p=0.004) et les taux élevés d’HbA1c (HR 1.17, p=0.002) étaient des facteurs prédictifs significatifs de complications thromboemboliques. La diminution des critères d’évaluation cliniques chez les patients traités par edoxaban était significativement plus importante que celle observée dans les grandes études cliniques. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que le traitement par AVK est moins optimal en pratique réelle que dans les grandes études cliniques. Des taux d’anticoagulation trop faibles et trop élevés, plus fréquents, entraînent vraisemblablement d’une part une prévention insuffisante des complications thromboemboliques et, d’autre part, des hémorragies majeures plus fréquentes.

Conclusions

Plusieurs études ont évalué et comparé l’efficacité et la sécurité des AODs par rapport à celles des AVKs parmi les patients diabétiques versus non-diabétiques en FANV.

Ces études permettent de tirer les conclusions détaillées ci-dessous :

Un risque supérieur d’événements thrombo-emboliques et de saignements a été observé chez les patients avec FANV et diabète par rapport à ceux avec FANV sans diabète.

Dans toutes les études publiées, les malades avec FANV et diabète bénéficient d’une réduction supérieure du risque d’AVC et d’embolies systémiques avec AODs par rapport aux AVKs. Tous les AODs démontrent un profil d’efficacité consistant chez les patients avec FANV avec ou sans diabète. Aucune interaction n’a été démontrée pour l’efficacité des AODs et le diabète. Les bénéfices des AODs en termes de réduction des accidents thrombotiques sont donc conservés chez les diabétiques par rapport aux AVKs

Les AODs réduisent les risques d’hémorragie cérébrale par comparaison aux AVKs avec une efficacité comparable.

L’edoxaban a montré dans le cadre de l’étude ENGAGE AF-TIMI 48, comprenant un effectif important de patients diabétiques supérieur aux autres études et avec un profil plus sévère de risque thrombotique et hémorragique, une diminution significative du risque de saignements majeurs. L’edoxaban est le seul AOD à avoir démontré une réduction significative du risque de saignements majeurs chez les sujets avec FANV et diabète.

Le traitement par insuline n’a pas d’impact sur l’efficacité et la sécurité d’utilisation de l’edoxaban.

En dehors des bénéfices ci-dessus, la facilité d’utilisation de l’edoxaban et des autres AODs (absence de monitoring, interactions médicamenteuses et alimentaires limitées, réversibilité rapide) constituent autant d’argument pour privilégier les AODs par rapports aux AVKs chez les patients diabétiques.

Affiliations

1. Service d’Hématologie Adulte, Département de Médecine Interne, Cliniques universitaires Saint-Luc, B-1200 Bruxelles
2. Professeur émérite, Service d’Endocrinologie et Nutrition, Département de Médecine Interne, Cliniques universitaires Saint-Luc, B-1200 Bruxelles

Correspondance

Pr. Cédric Hermans, MD, PhD, FRCP (Lon, Edin)
Université catholique de Louvain (UCLouvain)
Cliniques universitaires Saint-Luc
Haemostasis and Thrombosis Unit / Division of Adult Hematology
ORCID : C Hermans : orcid.org/0000-0001-5429-8437
Twitter : @HermansCedric

Conflits d’intérêt
C.H. déclare avoir perçu des honoraires de consultance pour participation à des Advisory Boards de la Société Daiichi-Sankyo.
C.H. et M.B. déclarent avoir perçu des honoraires pour la rédaction d’articles scientifiques de la Société Daiichi-Sankyo.

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