Contrôle des facteurs de risque Adhérence thérapeutique et arythmies

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Christophe Scavée Publié dans la revue de : Septembre 2018 Rubrique(s) : GRAPA
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Résumé de l'article :

Un rythme sinusal correspond au rythme cardiaque normal, c’est-à-dire piloté par le noeud sinusal qui est responsable de la contraction cardiaque harmonieuse et adaptée aux circonstances (contraction des oreillettes et contraction des ventricules).

L’arythmie correspond à un rythme cardiaque non sinusal. On parle de tachycardie lorsque la fréquence cardiaque est rapide. La bradycardie se définit comme une fréquence cardiaque lente. Les arythmies sont une cause importante de symptômes et de mort subite. En règle générale, à l’exception de la fibrillation auriculaire, les arythmies supraventriculaires provoquent principalement des palpitations, de l’anxiété, une oppression thoracique et des étourdissements, tandis que les arythmies ventriculaires sont potentiellement mortelles. Les symptômes et pronostics sont dès lors variables et totalement dépendant du statut cardiaque de l’individu, et de l’origine du trouble du rythme.

Article complet :

FACTEURS DE RISQUE ET ARYTHMIES

D’une façon générale, on peut affirmer que la majorité des facteurs de risque augmentent la susceptibilité individuelle de développer des arythmies. Parmi les arythmies les plus étudiées, il y a bien entendu la fibrillation auriculaire (FA). La fibrillation auriculaire est l’arythmie cardiaque la plus fréquente dans la population, avec une prévalence de 1.5 à 2% (2). Elle touche environ 150.000 personnes en Belgique, et plus de 30 millions de personnes à travers le monde (3). Le risque de développer de la fibrillation auriculaire augmente toujours avec l’âge (surtout à partir de 40 ans) (4). Dès cet âge, la probabilité de souffrir un jour de cette arythmie est de 25 %. Entre 55 et 60 ans, moins de 1 % de la population est touchée mais la prévalence de l’arythmie est bien plus importante par la suite. Ainsi, environ 20% des plus de 85 ans sont affectés. Il est intéressant de prendre cette arythmie comme exemple vu la documentation scientifique et les niveaux de preuves dont on dispose. Plusieurs facteurs de risque cardiovasculaires sont bien connus pour être des « prédicteurs » du développement de la FA comme le démontre l’analyse de cohorte de Framingham qui a identifié clairement les facteurs suivants : le vieillissement, l’hypertension, l’insuffisance cardiaque congestive, la maladie coronaire et artérielle, la cardiopathie valvulaire et le diabète (5). Une méta-analyse récente confirme ces données. D’autres facteurs de risque tels que le sexe masculin, l’hypertrophie ventriculaire, l’obésité et l’excès d’alcool sont également à prendre en compte (6).

 

OBÉSITÉ

Les études épidémiologiques suggèrent une augmentation de 4 à 5 % du risque de fibrillation auriculaire (FA) pour chaque point de BMI supplémentaire. L’obésité est associée à de la dysfonction diastolique, un état inflammatoire, des anomalies du système nerveux autonome et une dilatation de l’oreillette gauche. Ces éléments contribuent à promouvoir le développement de troubles du rythme dont la fibrillation auriculaire (7). Par ailleurs des « stocks » importants de graisses sont également corrélés avec le développement d’une fibrillation auriculaire, en particulier ceux situés autour du cœur. En d’autres termes il existe une relation directe entre obésité et fibrillation auriculaire.

 

HYPERTENSION ARTERIELLE

L’HTA augmente le risque de FA de 70-80% (8). Un contrôle de la tension artérielle, en particulier par les inhibiteurs du système rénine angiotensine permet dans une certaine mesure de réduire la FA. Toutefois ces études souffrent du manque d’analyse de facteurs confondants comme des apnées du sommeil, du diabète. Par ailleurs, le contrôle optimal de la tension artérielle réduit la taille de l’oreillette gauche et donc le risque de FA (9).

 

APNÉES DU SOMMEIL

Une obstruction aiguë des voies respiratoires supérieures augmente le retour veineux, la pression artérielle, cause une dilatation aiguë de l’oreillette gauche (réduction des périodes réfractaires) et cause de la FA. D’autres mécanismes neuro-hormonaux agissent sur la conduction cardiaque comme la stimulation sympathique, et la chute du transit nerveux à travers le nerf vague. Plusieurs études ont examiné l’utilisation de la CPAP sur le remodeling cardiaque, et les risques de FA. Les résultats semblent être concluants (10).

 

ALCOOL

L’association entre l’alcool et la santé est complexe. Les données suggèrent que l’alcool peut être associé à une certaine protection cardiovasculaire, toutefois compensée par une augmentation de la mortalité, des cancers et des traumas. Un excès d’alcool peut se définir par une consommation de > 30g/semaine. Or, une association entre consommation aiguë d’alcool et FA a été largement décrite sous le terme anglais «Holiday Heart Syndrome» qui rappelle que l’observation des cas de FA est plus fréquente durant les vacances ou les week-ends (les gens boivent plus). Les études ont confirmé qu’une consommation alcoolique régulière augmentait le risque de fibrillation auriculaire. Quel niveau ? Certains suggèrent que par 10 g d’alcool consommé, le risque est majoré de 8 % (11). Même des consommations faibles en alcool modifient les propriétés électriques du cœur et favorisent l’émergence d’arythmies comme les extrasystoles, le flutter (12). Et sur la FA ? Selon une revue récente (13) :

  • des niveaux faibles de consommation d'alcool (max 6-7 verres/semaine) ne sont pas associés à la FA ;
  • des niveaux modérés de consommation d'alcool sont associés à une augmentation du risque de FA chez les hommes mais pas chez les femmes ;
  • une consommation élevée d'alcool est associée à un risque accru de FA dans les deux sexes.

 

DIABÈTE

Le diabète augmente le risque de fibrillation auriculaire de 50 % (14). Le lien est en partie causé par l’obésité. Le diabète concerne 6.9% des gens avec un BMI<25, alors que 26% des obèses (BMI>30) en souffrent. Existe-t-il un effet de l’insuline ? Des mesures diététiques ? Ces questions ne sont actuellement pas résolues.

 

FACTEURS DE RISQUE ET ÉVOLUTION DE LA FA

FA paroxystique ou persistante, les mécanismes ne sont pas les mêmes. Dans la première forme, le rôle joué par les veines pulmonaires est prédominant, dans la seconde, la FA s’installe sur un « terrain » bien préparé, souvent à la faveur de certains facteurs de risque. Cette théorie est aujourd’hui bien validée et impacte directement la prise en charge et le pronostic de l’arythmie. Que ce soit l'obésité, hypertension, les apnées du sommeil, ces éléments sont indépendamment associés avec la dilatation auriculaire et provoquent la progression de la fibrillation auriculaire vers des formes plus persistantes (15,16).

 

GESTION DES FACTEURS DE RISQUE ET DÉVELOPPEMENT DE LA FA

Cette question a fait l’objet de plusieurs études. La première étude a été réalisée en 2012 aux Pays-Bas (17). Les patients étaient randomisés en 2 groupes dont un faisait appel au renforcement éducatif du patient (par des nurses) dans le suivi des recommandations en matière de traitement de la FA. Après un suivi moyen de 22 mois, il était noté une réduction significative de 35% de l’objectif principal composé de mortalité cardiovasculaire et hospitalisations (RR 0,65; IC 95% à 0,45-à 0,93; p = 0,017) (Figure 1).

Une autre étude publiée dans le Lancet a suivi pendant 30 mois des patients pris en charge également dans un programme intégré y compris avec des visites à domicile ou des consultations spécialisées (18). Les auteurs observaient une réduction des FA sans toutefois voir un impact sur l’objectif combiné hospitalisation et mortalité (RR 0,97, IC à 95% 0,76 à 1,23; p = 0,851). Une étude (LEGACY) visait spécifiquement les personnes obèses. Elle a évalué l'impact d’une perte de poids sur le contrôle du rythme de personnes atteintes de FA (19). Parmi les 1.415 patients, plus de 800 avaient un BMI ≥ 27 kg/m2, et se sont vus offrir une prise en charge de leur surpoids.

  • Conseils prodigués en « face to face » avec des professionnels.
  • Examen clinique/3mois.
  • Modifications des habitudes de vie et utilisation d’un journalier.
  • Activités physiques.
  • Repas hautement protéinés et à bas index glycémique.

Une prise en charge d'autres facteurs cardio-métaboliques comme l'hypertension, l'hypercholestérolémie, l'intolérance glucidique, les apnées du sommeil, l'alcool ou le tabac, étaient pris en compte dans l'étude. Il était demandé aux patients diabétiques d'être pris en charge dans une clinique du diabète, aux patients hypertendus de contrôler deux à trois fois par jour leur tension artérielle, aux patients avec apnées du sommeil d'être correctement traités. Au final 355 patients ont été inclus. La perte de poids a été classifiée selon les objectifs atteints : groupe 1 (≥ 10%), groupe 2 (3% à 9%) et groupe 3 (<3%). Non seulement la charge de FA, mais également l’intensité des symptômes ont diminué davantage dans le groupe 1 par rapport aux groupes 2 et 3 (p <0,001). En analyse multivariée, la perte de poids y compris la réduction de fluctuation du poids étaient des prédicteurs indépendants du succès du contrôle de la FA. Une perte de poids ≥ 10% a entraîné une probabilité de survie sans arythmie multipliée par 6 ! Aucun antiarythmique ne peut en faire autant. À l’inverse, une fluctuation de poids >5% a partiellement obscurci ce bénéfice, avec un risque accru de récurrence de FA multiplié par 2. Selon les auteurs, la plus grande réduction de BMI (- 3,5 unités) dans le groupe interventionnel était accompagnée d'une réduction des autres facteurs de risque dont l’HTA, le SAS, le diabète, etc. Cela peut-il avoir un impact sur les chances de succès d’une ablation ? Faut-il considérer le nombre croissant d’obèses comme de bons candidats à l’ablation ? Question très judicieuse quand on voit à la consultation qu’un patient sur 3 référé pour ce type de traitement invasif est en nette surcharge pondérale, sinon obèse morbide. A cette question, répond ARREST-AF qui était une étude visant à réduire agressivement les facteurs de risque contribuant au développement de la FA et à observer l’impact de cette stratégie sur les risques de récidive après ablation (20). Sans surprise, la perte de poids et la gestion des facteurs de risque entraînaient une amélioration des symptômes de la FA et augmentaient de 5 fois la probabilité de maintenir le rythme sinusal après une ablation des veines pulmonaires. A 42 mois, 87% des patients dans le groupe d'intervention étaient en rythme sinusal, contre 18% dans le groupe témoin (P <0,001). Toujours des mêmes auteurs australiens, l’étude CARDIO-FIT a combiné la gestion des facteurs de risque avec un programme d'exercices sur mesure 3 à 5 jours/semaine (60-200min), d’intensité légère à modérée (21) (Figure 2). Les patients ont débuté l’étude par la réalisation d’un test d'effort pour déterminer leur capacité physique (MET ou équivalents métaboliques de pointe).

Leur aptitude cardiorespiratoire a été classée comme suit: faible (<85%), adéquate (86% à 100%) et élevée (> 100%). Une amélioration de la capacité physique s’exprimait par une augmentation d’au moins 2 METS.

La survie sans arythmie était la plus importante chez les patients ayant une grande capacité cardiorespiratoire. Par ailleurs, tant le nombre de FA, que l’intensité des symptômes étaient dépendants de l’amélioration physique obtenue au bout de la prise en charge. Ainsi ceux qui amélioraient leur score de 2 METS ou plus étaient plus souvent indemnes de FA. L’effet bénéfique de la perte de poids s’explique e.a. par la diminution du volume auriculaire gauche et de l'épaisseur du ventricule gauche conséquences de la perte de poids. La prise en charge de l'obésité ne se limite pas à la perte de masse corporelle mais permet un contrôle optimal des autres facteurs de risque cardio-vasculaires (Figures 3 et 4). La gestion des facteurs de risque demande une approche multidisciplinaire, donc de l’organisation, des efforts de la part de tous, au sein d’un véritable team qui coache les patients sur des périodes prolongées (Figure 2).

Cela comprend e.a. des consultations trimestrielles pour faciliter les objectifs suivants :

  • perte de poids d'au moins 10% ;
  • exercice d'intensité modérée fréquente (jusqu'à 250 min/semaine si possible) ;
  • réduction des lipides avec cholestérol LDL<100 mg/dl ;
  • contrôle glycémique optimal avec HbA1c ≤6,5% ;
  • pression artérielle <130/80 mmHg ;
  • SAS : C-PAP, indice d'apnée-hypopnée> 30/h ou> 20/h en présence d'hypertension résistante ou de somnolence diurne ;
  • arrêt complet du tabagisme ;
  • consommation d'alcool <30 g/semaine ou de préférence abstinence.

 

COMPLIANCE THÉRAPEUTIQUE

 

INTRODUCTION

Le but ultime de tout traitement médical prescrit est d'obtenir les meilleurs résultats possibles chez le patient traité. Cependant, malgré toutes les meilleures intentions du monde et le temps consacré de la part des professionnels de la santé, les « résultats attendus » ne sont jamais atteints si les patients « oublient » de se conformer au traitement prescrit. Mauvaise compréhension, crainte ou désintérêt du patient pour sa maladie peuvent avoir des effets graves et préjudiciables sur le pronostic de son affection. La non compliance thérapeutique est directement associée à de mauvais résultats thérapeutiques chez les patients atteints de diabète, d'épilepsie, de SIDA d'asthme, de tuberculose, d'hypertension et de transplantations d'organes (22). Chez les patients hypertendus, la mauvaise observance du traitement est la première cause d’un mauvais équilibre de la pression artérielle ce qui augmente en retour considérablement le risque d'accident vasculaire cérébral, d'infarctus du myocarde, d’arythmies et d'insuffisance rénale (23).

D’une façon générale, il faudra :

  • simplifier le schéma thérapeutique ;
  • adapter le schéma à chaque patient : individualiser la prescription ;
  • questionner lors de chaque contact sur l’adhérence, les effets secondaires ;
  • impliquer le patient dans le schéma thérapeutique ;
  • donner des explications claires ;
  • utiliser les stratégies comportementales.

En rythmologie, se conformer aux prescriptions implique non seulement l'observance du traitement antiarythmique, mais aussi anticoagulant (en cas de FA). Cette compliance doit s’accompagner d’une meilleure hygiène de vie, un bon régime alimentaire, de l'exercice ou des changements de style de vie comme démontré dans la première partie de cet article.

 

ANTIARYTHMIQUES

Les médicaments antiarythmiques restent une des pierres angulaires dans le traitement des arythmies. Toutefois les patients qui les reçoivent sont typiquement des "cibles mobiles", parfois intolérants, parfois résistants, parfois non compliants vis-à-vis du traitement prescrit. Respecter les indications/contre-indications, choisir selon le patient et sa maladie des médicaments qui sont à la fois « faciles » et bien tolérés, voilà une partie de la clé du succès.

Le dosage : 1x/j disponible

  • Anticalciques ralentisseurs (Verapamil), béta-bloquants (Atenomlol)
  • Apocard®
  • Cordarone®

La tolérance

80-85% des patients qui prennent la flécaïnide ou la propafénone tolèrent bien leur traitement.

  • Les hommes plus âgés vont probablement être intolérants à
    • Disopyramide
      • Effets anticholinergiques : propension à provoquer un prostatisme.
    • Quinidine (out of market)
      • Les patients souffrant de troubles gastro-intestinaux chroniques et / ou la diarrhée sont moins susceptibles de tolérer la quinidine.

Respect des contre-indications

  • Une mise en garde évidente concerne certains médicaments qui doivent être évités en toutes circonstances
    • Toxicité cardiovasculaire plus grave chez les patients dont la fonction ou la conduction ventriculaire gauche est déprimée
      • Médicaments avec des propriétés inotropes négatives (altération de l’hémodynamique) telles que le disopyramide, flécaïnide, et propafénone devraient être évités.
      • Les antiarythmiques ralentissant la conduction auriculo-ventriculaire ne devraient pas être utilisés ou alors avec grande prudence chez les patients ayant une conduction anormale.

Tenir compte du métabolisme des médicaments/interactions

  • L’excrétion de digoxine est principalement rénale, et il est bien connu que la dysfonction rénale est un facteur de risque majeur pour la toxicité de la digoxine.
  • Le sotalol est également largement éliminé par les reins, et nécessite d’importantes réductions de dose en présence d’insuffisance rénale. Danger du QT long, en particulier si associé à une hypokaliémie.

 

ANTICOAGULATION

Dois-je prendre mon traitement ?

Bonne question, mainte fois entendue dans le cabinet de consultation. Cette question taraude les patients souvent après avoir pris connaissance dans la presse que certains traitements sont chers, inutiles ou dangereux, comme ils ont pu le lire en 2017, où sous le titre « Les anticoagulants jugés chers et inefficaces » F. Soumois du Soir écrivait sur le rapport du KCE : « Facturées dix fois plus cher, les nouvelles molécules seraient d’une action hasardeuse » (24). Difficile par après de rendre la confiance au patient. Or si le patient est convaincu du réel avantage de prendre son anticoagulant (ATCO), il le fera. Par ailleurs, tant la considération du patient que celle de son médecin sont susceptibles de jouer un rôle dans l’adhérence thérapeutique. Si le patient comprend les risques d’AVC lors d’un passage en FA, il devrait en toute logique suivre à la lettre la prescription. Une étude a quantifié l’impact du risque d’AVC sur le rapport qu’entretiennent les patients avec leurs ATCO (25).

  • 83% considéraient qu’un AVC majeur était égal ou pire que la mort.
  • 10% des patients estimaient que s’ils étaient victimes d’un AVC, ce dernier diminuerait leur qualité de vie de façon très modérée (moins de 50%).

Avoir pris le temps d’expliquer la relation FA-AVC est un des éléments fondateurs de la compliance thérapeutique.

 

Quel anticoagulant me convient le plus ?

1) La warfarine

Discuter de warfarine avec les patients est parfois très désarçonnant, tant le vécu peut être variable. Un grand nombre de patients supposés être sous warfarine finalement ne la prennent pas, d’autres qui devraient la prendre ne la reçoivent pas. Torts partagés ! Pourquoi ? Selon l’étude de Gage (26), la majorité des patients considèrent que la prophylaxie de l’AVC avec la warfarine n’a pratiquement aucun impact négatif sur leur qualité de vie (du moins pas plus que l’utilisation de l’aspirine). Toutefois, 16% des patients ont estimé que leur qualité de vie sous l’ATCO était profondément affectée. Un autre essai mais randomisé cette fois a examiné l’impact de l’AVK sur la qualité de vie (27). Les résultats sont intéressants.:

  • selon 11% : « prendre la warfarine restreint mon style de vie » ;
  • selon 22% : «je m’inquiète beaucoup des effets secondaires de la warfarine » ;
  • selon 3% : « si je ne prenais pas de warfarine, je ferais plus d’exercice ».

Nombre de facteurs expliquent donc la non adhérence au traitement. À nouveau, prendre le temps de parler avec le patient est un moment essentiel dans la consultation. Si dans l’ensemble, aucune différence significative dans la qualité de vie globale n’a été observée entre les patients traités par warfarine et ceux qui ne l’étaient pas, les auteurs ont noté que les complications hémorragiques vécues par certains entraînaient une détérioration de la perception de leur santé. Au Royaume-Uni, des études portant sur des patients âgés (> 75 ans) ont mesuré la qualité de vie avant et 6 mois après le début du traitement par warfarine sans pouvoir démontrer un impact sur leur QOL pour autant qu’ils ne saignent pas ! Dans une autre étude, concernant des patients atteints de fibrillation auriculaire sous warfarine aucun point négatif n’était observé concernant « l’impact sur la vie quotidienne » et « la satisfaction des patients », les auteurs constatant que, dans la plupart des cas, la warfarine était bien tolérée. En fait la qualité de vie semblait davantage influencée par les comorbidités sous-jacentes du patient (28). Ceci dit la persistance thérapeutique n’a pas toujours été exceptionnelle. Dans ACTIVE W, des patients ont été randomisés sous warfarine versus clopidogrel plus aspirine (29). Le risque cumulatif d’arrêt définitif n’était que de 7,8% pour l’anticoagulation orale contre 13,8% pour le traitement par antiagrégants. Dans l’étude BAFTA (Birmingham Atrial Fibrillation Trial of the Aged), à 2.7 ans en moyenne, 33% des patients âgés randomisés sous warfarine ont arrêté le traitement, contre 24% des patients randomisés à l’aspirine (30). Les facteurs qui prédisent la non observance du traitement sont :

  • l'âge : les plus jeunes ;
  • le sexe masculin ;
  • comorbidités ;
    • Un moindre risque d’AVC confère une plus mauvaise observance.
    • Altération des fonctions cognitives.
    • Evénements hémorragiques.
  • la pauvreté et le manque de soutien ;
  • alcool/drogues

 

2) Les NOAC

Une abondante littérature concernant les nouveaux anticoagulants inonde Pubmed. Les nouveaux anticoagulants ou NOAC, tels que les inhibiteurs directs de la thrombine et les inhibiteurs du facteur Xa, sont probablement les meilleures alternatives à la warfarine. Le plus grand avantage est le dosage fixe (pour un patient donné) sans nécessité de monitoring thérapeutique. Est-ce une supériorité pour autant en termes de compliance ? De fait les NOAC sont moins susceptibles d’être interrompus, car il n’y a pas besoin de surveillance de l’INR, ils ont un régime posologique stable, moins d’interactions avec d’autres médicaments. Étonnamment, des études ont montré que la non-adhérence à ces nouvelles molécules n’atteint parfois que 50% si aucune mesure spéciale (= éducative) n’est prise (31). Selon l’essai SPORTIF III testant le ximegalatran vs la warfarine (32), alors que le ximélagatran était pris deux fois par jour à des doses fixes, 18% ont arrêté prématurément ce traitement contre 14% avec la warfarine ! Toutefois, l’essai SPORTIF V n’a quant à lui trouvé aucune différence significative dans la proportion de patients qui arrêtaient le traitement (10,6% dans le groupe warfarine contre 10,0%) (33). Dans l’étude RE-LY, comparant le dabigatran (150 2x ou 110 2x), à la warfarine, l’AVK était stoppé dans 16,6% contre 21% pour le dabigatran (FU de 2 ans en moyenne) ! Dans une étude récente, la compliance globale lors de la prise de rivaroxaban était plus optimiste et atteignait 84,1% à 6 mois, et de 80,3% à 12 mois (34). La « non compliance » était associée à un plus grand nombre de médicaments à prendre, de maladies connexes et à l’obésité.

 

EN CONCLUSION

Arythmies et facteurs de risque sont bel et bien associés. Les recommandations sont simples puisqu’il faut encourager le contrôle des facteurs modifiables pour ensuite optimaliser la prise en charge du trouble du rythme en particulier la FA. La stratégie la plus efficace et actuellement recommandée est l’intégration dans le schéma thérapeutique de professionnels venants d’horizons aussi divers que la pneumologie, l’endocrinologie, la réadaptation cardiaque. Par ailleurs, renforcer la compréhension qu’a le patient de sa maladie et de son traitement est la meilleure garantie pour s’assurer d’une bonne compliance et d’un suivi strict des recommandations faites par le cardiologue.

 

CORRESPONDANCE

Pr. Christophe Scavée

Responsable de l’Unité de Rythmologie
Cliniques universitaires Saint-Luc
B-1200 Bruxelles

 

RÉFÉRENCES

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