Attentes des médecins et des pharmaciens quant à la communication des données de santé : une étude transversale par questionnaire en Fédération Wallonie-Bruxelles

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Florent Guyaux (1), Annick Nonneman (2) Publié dans la revue de : Décembre 2023 Rubrique(s) : Médecine Générale
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Résumé de l'article :

Objectif

Cette étude vise à explorer les attentes des pharmaciens et médecins généralistes sur l’échange des données médicales au travers des réseaux de santé.

Méthodologie

Une étude transversale par questionnaire a été réalisée auprès de pharmaciens et médecins généralistes en Fédération Wallonie Bruxelles. Les données ont été analysées à l’aide de statistiques descriptives.

Résultats

Le questionnaire a permis d’obtenir un échantillon de 609 personnes. 83% des médecins veulent accéder à l’historique de délivrance de médicaments. 93% des pharmaciens voudraient accéder au résumé du dossier patient, le Sumehr complet (Summarized Electronic Health Record). 62% des médecins sont favorables au partage de ce Sumehr avec le pharmacien et pensent que cela améliorerait leur collaboration et le contrôle des traitements. En revanche, moins de 10% de médecins sont d’accord de partager des données plus exhaustives comme les rapports médicaux ou les biologies. 64% des médecins pensent que l’indication de traitement devrait être partagée de façon optionnelle avec le pharmacien. Plus de 70% de médecins et pharmaciens sont favorables à l’utilisation d’outils de communications spécifiques entre médecins et pharmaciens.

Conclusion

Les médecins généralistes et pharmaciens attendent des réseaux de santé de faciliter la communication, l’échange de données de santé et l’accès au schéma et à l’historique de médication. Leur sous-utilisation s’explique en partie par la non-connaissance des outils, la difficulté d’accès, les bugs, le respect de la vie privée, la non-implémentation des outils dans les logiciels métiers, l’encodage chronophage, la crainte du jugement de la prescription médicamenteuse ou encore la crainte du transfert de rôle du médecin généraliste vers le pharmacien.

Que savons-nous à ce propos ?

L’importance de la collaboration entre les médecins et pharmaciens a été mise en évidence dans plusieurs études. Et plus particulièrement dans la prise en charge des patients atteints d’une ou plusieurs pathologies chroniques et polymédiqués. En Belgique, les réseaux de santé se développent et différents outils tendent à améliorer le partage de données de santé entre prestataires de soins. Malgré cela, certaines barrières à la collaboration persistent.

Que nous apporte cet article ?

Cette étude a pour objectif d’explorer les attentes des pharmaciens et médecins généralistes en 2021 sur l’échange des données médicales au travers des réseaux de santé. Les situations pour lesquelles il y a une volonté de communiquer, les outils de communication et les types de données à partager sont aussi discutés.

Mots-clés

Données de santé, réseau, Médecins généralistes, pharmaciens

Article complet :

Contexte

L’importance de la collaboration entre les médecins et pharmaciens a été mise en évidence dans plusieurs études. (1) (2) Et plus particulièrement dans la prise en charge des patients atteints d’une ou plusieurs pathologies chroniques et polymédiqués (plus de 5 médicaments). Les résultats d’une étude allemande publiée en 2022 (3) montrent que ces mêmes patients apprécient une communication intensifiée entre leur médecin généraliste et leur pharmacien et considèrent l’amélioration du sentiment de sécurité comme étant importante.

En Belgique, en raison de l’augmentation marquée de la prévalence des maladies chroniques, les autorités tentent à mettre en place différentes mesures dont une gestion collaborative des malades chroniques avec pour objectif l’amélioration de la qualité des soins. (4) En fédération Wallonie-Bruxelles, la situation actuelle sur l’échange des données ne permet ni aux médecins de consulter l’historique des médicaments délivrés ni aux pharmaciens de prendre connaissance des données de santé du patient ou de l’indication de traitement.

En 2019, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié un projet de stratégie mondiale pour la santé numérique. Les nouvelles technologies facilitent l’échange et le stockage des données de santé par la création de nouveaux outils.

Les Réseaux de Santé Wallon et Bruxellois (RS) concentrent pourtant les données médicales des patients sur une plateforme en ligne : les biologies, les protocoles d’imagerie, d’hospitalisation, de consultation médicale. Les données accessibles sont définies selon le type de prestataire et le type de donnée de santé, et défini selon une matrice d’accès bien déterminée. Par exemple, les protocoles des laboratoires et des hôpitaux ne sont pas accessibles aux pharmaciens d’officine.

Le téléphone constitue le moyen le plus répandu de communication. Pourtant, les réseaux de santé se développent et différents outils tendent à améliorer le partage de données de santé entre prestataires de soins. Le besoin d’outils de communication partagés comme facilitateurs à la collaboration interprofessionnelle dans les soins primaires est confirmé par une revue systématique d’études qualitatives publiées en 2014. (5)

L’outil Sumehr (Summarized Electronic Health Record), le résumé du dossier patient rédigé par le médecin généraliste et sauvegardé dans un cloud du RS et permet d’accéder à la liste des médicaments prescrits, les problèmes médicaux, les antécédents, les facteurs de risques, les facteurs de risques sociaux, les allergies et les intolérances médicamenteuses, les volontés du patient. Celui-ci est accessible aux médecins ainsi qu’aux pharmaciens hospitaliers. Le pharmacien d’officine a un accès très restreint au Sumehr, il peut théoriquement consulter l’item “facteurs de risques” du patient, mais aucun logiciel pharmacien n’a encore intégré le Sumehr ou le RS.

Le dossier pharmaceutique partagé (DPP) est un outil qui permet aux pharmaciens de consulter l’historique de délivrance, en ce compris les médicaments en vente libre encodés au nom du patient, des 12 derniers mois. Les médecins n’ont pas accès au dossier pharmaceutique partagé.

Le Schéma de médication multidisciplinaire partagé (SMMP) est un projet en cours de l’INAMI qui s’intitule VIDIS (Virtual Integrated Drug Information System) ayant pour objectif d’organiser et stimuler le partage de données entre tous les prestataires de soins impliquées dans le processus médicamenteux. Celui-ci a pour projet d’intégrer le schéma de médication, l’historique des médicaments délivrés dans les 6 derniers mois, les ordonnances électroniques en cours, les remboursements autorisés par la mutuelle, l’indication de traitement, les “notes de journal” (commentaires pouvant être ajoutés par les professionnels de la santé). Le praticien qui modifie le schéma de médication le synchronise également pour tous les autres. Ce schéma reflète ainsi la situation la plus actuelle de la prise de médicaments par le patient. Ce dernier a le droit de le visualiser. Certains logiciels métiers médecins l’ont intégré tandis que aucun logiciel métier pharmacien n’a encore intégré cet outil. A terme, il devrait y avoir une connexion entre ce système et les réseaux de santé.

L’étude a pour objectif de répondre aux questions suivantes : Pour quelles situations existe-t-il une volonté de communiquer ? Quels outils les professionnels envisagent-ils d’utiliser ? Quels types de données voudraient-ils consulter et sous quelles conditions ? En 2021, quelles sont les attentes des pharmaciens et médecins généralistes en FWB sur l’échange des données médicales au travers des réseaux de santé.

Méthodologie

Une étude transversale par questionnaire a été réalisée avec pour critères d’inclusion : pharmaciens ou médecins généralistes ou assistants travaillant en Fédération Wallonie-Bruxelles afin de dégager leurs attentes, intentions, opinions, comportements, valeurs et réticences. En vue de l’élaboration du questionnaire, des entretiens semi-dirigés ont été menées auprès d’experts faisant partie du RSW, de VIDIS, de syndicats et associations pharmaceutiques. Le questionnaire anonyme rempli par auto-administration comprenait des questions à choix multiples, des échelles de Likert et des champs libres.

Après pré-test auprès de quatorze assistants en médecine générale, médecins généralistes et pharmaciens, le questionnaire a été diffusé sur une période s’étendant du 02-12-2020 au 19-01-2021 afin d’obtenir un échantillon de convenance.

Il a ensuite été partagé via les newsletters de l’e-santé, du réseau Santé Bruxellois Abrumet, de la Société Scientifique de Médecine Générale, de l’Association Pharmaceutique Belge (APB), aux membres de l’Association Belge des Syndicats Médicaux (ABSyM), aux unions pharmaceutiques francophones, aux groupements de pharmacie et coopératives, aux associations médicales régionales, aux pharmacies indépendantes, aux maîtres de stages de médecine générale.

Il était possible de compléter certaines réponses issues du questionnaire par un texte libre. Ces données ont été considérées dans l’analyse comme qualitatives. Les données quantitatives ont été analysées à l’aide de statistiques descriptives.

Résultats

Le questionnaire a obtenu un échantillon de 609 personnes et 302 réponses en texte libre. Sur les 609 participants, il y a eu une répartition de 60% de femmes, 39% d’hommes, 13% travaillant à Bruxelles contre 86% en Wallonie, 44% de pharmaciens et 49% de médecins généralistes.

Utilisation et réticences aux réseaux de santé

Alors que 83% des médecins utilisent le RSW au moins plusieurs fois par semaine, 95% des pharmaciens disent ne jamais l’utiliser. En ce qui concerne le schéma de médication multidisciplinaire partagé, 60% des médecins et 87% des pharmaciens disent ne jamais l’utiliser.

33% des médecins et 42% des pharmaciens disent ne pas avoir de réticence à l’utilisation des réseaux de santé, contre 3% des médecins et 1% des pharmaciens qui disent ne pas avoir confiance. Les points principaux soulevés sont les plantages et bugs répétés (44% des médecins et 22% des pharmaciens), la difficulté d’accès et d’inscription aux réseaux (23% des médecins et 29% des pharmaciens) ainsi que la protection des données et de la vie privée (25% des médecins et 15% des pharmaciens).

Partage des données

Concernant le partage du Sumehr avec le pharmacien, 54% des médecins et 90% des pharmaciens estiment utile le partage des antécédents, respectivement 59% et 94% des facteurs de risques, 53% et 95%, le partage des problèmes de santé. En revanche les résultats se rapprochent, 86% et 95%, concernant la présence d’une insuffisance rénale.

Des résultats similaires sont observés pour d’autres aspects de la collaboration toujours en lien avec le partage du Sumehr : 62% de médecins et 93% de pharmaciens, pensent que cela permettrait de mieux contrôler les traitements, 60% de médecins et 91% de pharmaciens pensent que cela améliorerait leur collaboration, et 85% des pharmaciens pensent que cela améliorerait leur pratique. Seuls 29% des médecins et 6% des pharmaciens pensent que c’est une atteinte à la vie privée.

Moins de 10% de médecins généralistes sont prêts à communiquer au pharmacien les biologies sanguines, les rapports d’hospitalisation, les rapports des urgences, de spécialistes ou les notes des généralistes. Pourtant, les pharmaciens sont entre 35% à 60% à demander leur consultation. 66% des médecins ne veulent partager aucune des informations citées.

A propos de l’indication de traitement, seuls 14% des médecins et 1% des pharmaciens pensent qu’elle ne devrait pas être communiquée au pharmacien. 40% des médecins et 81% des pharmaciens pensent qu’elle permettrait de mieux contrôler les traitements. 64% des médecins pensent que cette indication devrait être optionnelle et 5% obligatoire. Tandis que 25% des pharmaciens pensent que cette indication devrait être optionnelle et 32% obligatoire.

83% des médecins souhaitent consulter l’historique des médicaments et 80% des pharmaciens souhaitent le partager automatiquement ainsi que 71% des médecins contre 65% pour les médicaments en vente libre.83% des pharmaciens et 54% des médecins souhaitent partager le schéma de médication pharmaceutique.

Concernant le partage avec le médecin de l’historique des médicaments délivrés, 89% des médecins et 88% des pharmaciens pensent que cela diminuerait le mésusage médicamenteux (abus, shopping médical), 83% de médecins et 94% de pharmaciens pensent que cela améliorerait la prise en charge multidisciplinaire, 65% des médecins et 78% des pharmaciens pensent que cela faciliterait leur pratique. Seuls 13% des médecins et 5% des pharmaciens pensent que c’est une atteinte à la vie privée.

Communication et outils d’échanges

Les outils envisagés pour les échanges interprofessionnels sont le téléphone pour 69% des médecins et 42% des pharmaciens. Communiquer directement au moyen du logiciel métier est envisagé par 54% des médecins et 50% des pharmaciens, et par mail est envisagé par 46% des médecins et 55% des pharmaciens.

A propos du schéma de médication partagé, 74% des pharmaciens et 51% des médecins ne sont pas d’accord avec son manque d’utilité. Au contraire, 80% des médecins et 97% des pharmaciens pensent qu’il permettrait de mieux contrôler les traitements, 72% des médecins et 92% des pharmaciens pensent qu’il améliorerait leur collaboration. Enfin, 49% des médecins et 74% des pharmaciens pensent que la consultation du schéma de médication par le patient est bénéfique.

A propos de la création d’outils permettant de faire des demandes spécifiques au pharmacien, 84% de médecins et 97% de pharmaciens y seraient favorables pour dépister les abus médicamenteux, 49% des médecins et 77% des pharmaciens pour adapter la dose à la fonction rénale, 66% des médecins et 96% des pharmaciens pour rechercher des interactions médicamenteuses.

93% et 94% respectivement des médecins et pharmaciens souhaitent pouvoir notifier le mésusage médicamenteux (abus, shopping médical). 80% des pharmaciens souhaitent notifier les interactions médicamenteuses et 48% des médecins souhaitent en recevoir la notification. 66% des médecins voudraient être avertis des substitutions ou modifications de traitement, contre 49% de pharmaciens. 90% de pharmaciens souhaiteraient pouvoir notifier les médicaments indisponibles contre 61% de médecins souhaitant recevoir cette information.

Discussion

Le Sumehr

Il ressort de l’étude que les pharmaciens veulent accéder aux informations médicales du Sumehr. Ceci leur permettrait de connaître les problèmes de santé du patient éventuellement responsable d’interactions ou contre-indications médicamenteuses. Une étude qualitative réalisée en Flandre publiée en 2021 (6) suggère une meilleure qualité de la revue de médication lorsqu’elle comprend l’indication, les allergies et certaines valeurs de laboratoire. Elle montre que les médecins généralistes sont ouverts aux suggestions des pharmaciens. Ces données de littérature sont confirmées par les résultats de l’étude. En effet, 93% des pharmaciens voudraient accéder au Sumehr complet alors que la matrice d’accès actuelle ne le permet pas. Une majorité des médecins sont favorables à son partage avec le pharmacien et pensent que cela améliorerait leur collaboration et le contrôle des traitements. Seuls 29% des médecins considèrent cet accès comme une atteinte à la vie privée.

Dans une enquête anglaise publiée en 2003 sur le transfert électronique des données relatives aux prescriptions, la majorité des patients n’étaient pas disposés à autoriser que le pharmacien ait accès à leur dossier médical ni que le médecin généraliste ait accès sur l’utilisation des services autres que ceux liés aux prescriptions. L’étude souligne l’importance de l’éducation des patients sur les bénéfices de ces partages ainsi que sur le consentement du patient. (7)

Ces résultats sont également confirmés par une étude danoise de 2020 décrivant et évaluant des revues de médications conduites par une équipe interdisciplinaire (médecins généralistes et pharmaciens) sur base des données suivantes : liste des médicaments récemment prescrits, y compris la dose et les indications, les diagnostics, les données de laboratoire pertinentes et les antécédents médicaux. (8) L’étude montre que dans 18% des cas, le médecin généraliste arrête le médicament ou en réduit la dose après concertation avec le pharmacien. Les interventions du pharmacien n’ont cependant pas démontré de réduction significative sur la mortalité ou le nombre d’hospitalisations. Aucune étude, à ce jour, n’a pu démontrer de bénéfice clinique des revues de médications, cependant un bénéfice a pu être démontré en termes de réduction de médicaments potentiellement inappropriés. (9) (10) (11) (12) (13)

En dehors des items du Sumehr, il y a une divergence d’opinion sur le partage du dossier médical du patient avec le pharmacien. Moins de 14% de médecins sont prêts à libérer cet accès lorsque 35 à 47% des pharmaciens voudraient accéder aux biologies sanguines, aux rapports de spécialistes ou d’hospitalisation.

Dossier Pharmaceutique Partagé

Un des rôles du pharmacien est de vérifier les traitements afin d’éviter les erreurs liées à la médication. Une revue systématique de littérature publiée en 2011 (14) démontre que 20% des patients prenant des médicaments en ambulatoire déclarent un effet indésirable lié au médicament dont 16 à 41% sont dus à des erreurs évitables. Une étude prospective hollandaise HARM réalisée en 2006 démontre que les médicaments seraient responsables de 5,6% des hospitalisations non planifiées dont 46% pourraient être évitées par un meilleur suivi. (15) Les erreurs médicamenteuses sont couteuses pour la société, et les technologies actuelles semblent offrir de nouvelles perspectives pour mieux contrôler celles-ci. (16)

83% des médecins veulent accéder à l’historique de délivrance. Cela leur permettrait de connaître la liste de médicaments, prescrits ou non, pris par le patient dont ceux ordonnés par d’autres prescripteurs. Ils pourraient alors contrôler la quantité de boîtes de médicaments délivrées, les abus, vérifier la compliance et limiter le nombre d’erreurs quant au traitement chronique parfois méconnu par le patient.

L’accès aux données de délivrance de médicaments en vente libre permettrait aux médecins de détecter plus facilement des interactions médicament-maladie et médicament-médicament, en ce compris les compléments alimentaires. Ce partage resterait cependant limité car tous les médicaments en vente libre ne sont pas systématiquement encodés par le pharmacien ni forcément pris par le patient.

Schéma de Médication Multidisciplinaire Partagé

Il n’existe pas de données démontrant un bénéfice du SMMP en termes de réduction des effets indésirables et de mortalité. Cependant, celui-ci permettrait d’obtenir un schéma de médication clair, pour le patient comme pour les professionnels de la santé, et de connaître la raison de la prescription (diagnostic, un symptôme ou une intention thérapeutique). Il serait utile aux médecins dans la compréhension et réévaluation du traitement chronique, notamment pour les médicaments prescrits par d’autres prescripteurs.

Les bénéfices du partage de l’indication du traitement dans les prescriptions médicamenteuses permettent entre autres une meilleure éducation et adhésion du patient au traitement, de réduire les traitements inadéquats, la réévaluation des traitements chroniques et une amélioration de la communication au sein de l’équipe soignante. (17)

Les résultats montrent que 64% des médecins sont pour ce partage de l’indication avec le pharmacien du moment qu’elle soit optionnelle et non obligatoire. 81% des pharmaciens déclarent qu’elle leur permettrait de mieux contrôler les traitements. A ce stade la possibilité d’ajouter l’indication de traitement fait encore débat au sein des associations professionnelles qui évoquent le secret médical.

Communication au travers des réseaux

Les médecins envisagent surtout le téléphone comme voie de communication, mais 54% d’entre eux considèrent également une communication au travers de leur logiciel ou 46% par courrier électronique. Les pharmaciens sont moins enclins à utiliser le téléphone. Plus de 70% de médecins et pharmaciens sont favorables à l’utilisation d’outils de demandes spécifiques du médecin vers le pharmacien et inversement, essentiellement pour le dépistage des abus médicamenteux ou pour la recherche d’interactions médicamenteuses.

Les réticences à l’utilisation des réseaux de santé sont en majeure partie liées à la non-connaissance des outils, aux plantages et bugs répétés, à la difficulté d’accès et d’enregistrement aux réseaux ainsi qu’à la protection des données et de la vie privée.

Les craintes suivantes ont également été évoquées par un certain nombre de médecins : les risques de non-implémentation des outils dans les logiciels métiers, de dépannages de médicaments soumis à prescription par les pharmaciens, de délivrance de produits en vente libre, de commercialisation des données, l’appropriation des compétences des médecins, la crainte de jugement de la prescription médicamenteuse, l’encodage chronophage, les défauts de consentement éclairé du patient. Certains pharmaciens ont précisé leur souhait de collaboration, ont fait part de leur sentiment d’être exclus du processus médical, de leur dépendance aux outils informatiques, du besoin de rémunération pour certains actes ou encore des problèmes de communication dans les abus médicamenteux.

Forces et limites

L’échantillon de 609 personnes est extrapolable à la population de 15 744 médecins et pharmaciens travaillant en Fédération Wallonie-Bruxelles. Trois non-médecins ont été exclus (Total des répondants : 612). Le faible taux de réponse (3,86%) constitue un biais de non-réponse, par refus de participation. Les participants sont répartis selon la disposition suivante : 59% de femmes, 39% d’hommes, 13% travaillant à Bruxelles contre 86% en Wallonie, 44% de pharmaciens et 49% de médecins généralistes. Toutes les tranches d’âge ont été représentées, avec une surpondération des plus de 30 ans de pratique chez les médecins généralistes qui correspond au manque d’une catégorie “plus de 40 ans”.

Il existe un biais de sélection par volontariat, conduisant à une surreprésentation des personnes intéressées par le sujet. Les répondants sont peut-être également ceux qui ont un avis le plus tranché sur la question du partage de données (en sa faveur ou défaveur). Ce biais est cependant réduit par la taille importante de l’échantillon. Aucune notion de profit ni de lien de subordination n’est à déclarer.

Conclusion

Les pharmaciens et médecins généralistes interrogés attendent des réseaux de santé de faciliter la communication, l’échange de données de santé, l’accès au schéma et à l’historique de médication. Ils semblent favorables à l’utilisation des outils technologiques actuels lorsque cela répond à un besoin spécifique dans la prise en charge du patient.

Leur sous-utilisation s’explique en partie par la non-implémentation des outils dans les logiciels métiers, la difficulté d’accès et d’enregistrement aux réseaux, les bugs, le respect de la vie privée, le manque de formation ou la méconnaissance des outils, l’encodage chronophage, la crainte de jugement de la prescription médicamenteuse ou encore la crainte du transfert de rôle du médecin généraliste vers le pharmacien.

Affiliations

CAMG - Centre Académique de Médecine Générale, B-1200 Bruxelles ; Faculté de médecine et médecine dentaire - UCLouvain
1. Médecin généraliste (Conception du protocole de recherche, recueil des données, interprétation des résultats, écriture du manuscrit)
2. Pharmacienne (recherche de littérature, écriture, et relecture du manuscrit)

Correspondance

Mme Annick Nonneman
CAMG - Centre Académique de Médecine Générale
Faculté de médecine et médecine dentaire – UCLouvain
Avenue Hippocrate, 57 bte B1.57.02
B-1200 Woluwe-Saint-Lambert, Belgique
annick.nonneman@uclouvain.be

Références

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