Activité physique de pleine nature et santé des futures générations : un lien entre environnement, activité physique et pédiatrie

Précédent
Nicolas Peeters (1), Lucie Vancraeynest (2) Publié dans la revue de : Janvier 2024 Rubrique(s) : Durabilité et Soins de Santé: Quels Défis pour le Futur
Télécharger le pdf

Résumé de l'article :

Les bienfaits de l’activité physique sur la santé des enfants et adolescents sont nombreux et largement décrits. Alors que les recommandations de l’OMS en matière d’activité physique sont claires, seuls 27 à 33% des enfants et adolescents dans le monde les atteignent. La Belgique ne fait pas exception, avec un très faible pourcentage d’enfants et d’adolescents présentant un niveau d’activité physique suffisant. Outre les nombreux bienfaits de la nature sur la santé mentale et physique, la pleine nature peut jouer un rôle de facilitateur d’activité physique : les enfants et adolescents en contact avec des espaces verts auraient un plus haut niveau d’activité physique et un comportement moins sédentaire. En pleine nature, les enfants se dépensent plus intensément, et ce de manière plus spontanée. Faire sortir les enfants plus souvent et les reconnecter à la nature peut jouer un rôle favorable sur la santé de générations futures.

Mots-clés 

Activité physique en plein air, environnement, pédiatrie

Article complet :

État des lieux

Activité physique en pédiatrie

L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) recommande pour les enfants et adolescents âgés de 5 à 17 ans 60 minutes par jour d’activité physique d’intensité modérée à soutenue, auxquelles doivent s’ajouter des exercices d’intensité soutenue à raison de 3 fois par semaine. De plus, il est recommandé que les enfants et adolescents limitent leur temps sédentaire, en particulier le temps passé devant un écran (1). Les guidelines de la Société Canadienne de Physiologie de l’Exercice (SCPE) rejoignent ces recom­mandations, et détaillent également les recommandations pour les enfants âgés de moins de 5 ans, tout en précisant les notions de sommeil et de sédentarité (2).

L’« Active Healthy Kids Global Alliance », organisation rassemblant des chercheurs, professionnels de la santé et représentants de nombreux pays, a évalué en 2022 la proportion d’enfants et adolescents dans le monde qui rencontrent les recommandations en matière d’activité physique. Incluant 57 pays sur différents continents, le rapport a révélé que cette proportion n’atteignait que 27 à 33% (3).

En Belgique, plus particulièrement en Flandre, le niveau d’activité physique des enfants et adolescents a été évalué en 2016 et se situait dans la catégorie « F », représentant le plus faible niveau d’activité physique de l’échelle. Le pourcentage d’enfants et adolescents présentant un niveau d’activité physique suffisant a été évalué pour chaque tranche d’âge : il était de 2% chez les adolescents de 10 à 17 ans, de 7% chez les enfants de 6 à 9 ans, et de 96% chez les enfants de 3 à 5 ans (4). Si ce dernier chiffre est assez positif, globalement, on constate chez les enfants et adolescents belges et dans le monde un niveau d’activité physique insuffisant.

Les bienfaits de l’activité physique chez les enfants et adolescents sont nombreux. Une activité physique suffisante améliore les fonctions cardiorespiratoire et musculaire, ainsi que la santé cardio-métabolique (pression artérielle, dyslipidémie, taux de glucose et insulinorésistance). Elle améliore la santé osseuse, les fonctions cognitives (rendement scolaire, fonction exécutive) et la santé mentale (symptômes dépressifs réduits) (1).

Pleine nature et environnement

Le réchauffement climatique causé par l’activité humaine a de nombreuses conséquences au niveau mondial. Hormis l’augmentation des températures, ce sont également des crises sociales et politiques, une raréfaction des ressources, une déforestation massive, etc., auxquels nous faisons face. De ce fait, les défis actuels et à venir sont nombreux. La préservation des terrains boisés en fait partie, ceux-ci étant des déterminants primordiaux de la biodiversité mais aussi de la résorption du CO2 ainsi que de la qualité de l’air. Les terrains boisés sont également un facteur d’atténuation des extrêmes climatiques (5). Malgré les défis climatiques et la nécessité de préserver notre environnement naturel, on constate une déconnexion importante de la société dite moderne par rapport à son environnement, ainsi qu’une désacralisation de la nature assez inédite au vu de la relation que l’Homme a pu cultiver en tout temps avec celle-ci.

En Belgique, le rapport « Planète Vivante » publié en 2020 par le Fonds Mondial pour la Nature (WWF) fait état d’une biodiversité en souffrance (particulièrement chez les populations d’oiseaux), des ravages causés par les engrais et pesticides ainsi que du dessèchement des sols et des forêts. Le rapport précise que cette situation est en partie réversible, grâce au développement de projets visant à protéger la nature dans un but de redéploiement de la biodiversité (6).

Santé et pleine nature

« Le changement climatique est la plus grande menace pour la santé à laquelle l’humanité est confrontée. » (communiqué de presse OMS, Genève, 2021) (7).

Hormis l’importance que représentent les terrains boisés pour l’environnement, des interconnexions entre nature et santé ont également été mises en évidence. L’OMS soutient, dans un rapport très complet publié en 2021, que la nature fournit les conditions de base à la santé humaine, que l’environnement la protège et qu’à l’inverse, la pression exercée sur celle-ci menace la santé humaine (7). Etre en contact avec des espaces verts est corrélé avec une amélioration de nombreux paramètres physiologiques, notamment la pression sanguine diastolique, le rythme et la variabilité cardiaque, le taux de cortisol salivaire et de cholestérol HDL ainsi que le risque de naissance prématurée ou encore le risque de développer un diabète de type II. Chez des enfants peu exposés à la nature, on constate plus de risque de retard dans le développement moteur comparé aux enfants plus exposés (8). Concernant la santé mentale, il a été démontré que vivre proche de la nature a de nombreux effets bénéfiques : parmis ceux-ci un sentiment de bonheur (9), diminue le stress (10) et favorise la créativité (11).

De plus, les espaces verts sont des facilitateurs d’interactions sociales. En extérieur, l’on va plus facilement vers autrui, ce qui réduit entre autres la prévalence des dépressions et troubles anxieux (12). L’exposition à la lumière du jour a également des effets sur le taux de vitamine D (13) et les dépressions saisonnières, et l’exposition à des micro-organismes variés pourrait renforcer le système immunitaire (14). Un autre bienfait de la nature est son effet médiateur sur les extrêmes climatiques, la pollution et la qualité de l’air (15).

Une étude menée spécifiquement avec des enfants et adolescents constate que l’immersion en pleine nature induit entre autres une amélioration des performances cognitives et académiques, mais également une augmentation de l’estime de soi et de la capacité de résilience (16).

Activité physique en pleine nature

Les espaces verts ont aussi un effet positif sur la santé, par leur potentiel catalyseur d’activité physique. Une revue systématique a mis en évidence la plus-value, chez l’adulte, d’une activité physique en environnement extérieur naturel, comparé à une activité physique en intérieur. Les sujets ayant bénéficié d’exercice physique en plein air rapportaient une plus grande satisfaction et une plus grande intention de se réengager dans l’activité physique, comparé aux sujets ayant bénéficié d’exercice physique en intérieur (17).

Ce phénomène se vérifie également chez les enfants et adolescents : l’immersion en pleine nature permet effectivement d’augmenter leur niveau d’activité physique (16,18). Les enfants et adolescents qui passent du temps en extérieur sont spontanément plus actifs et moins sédentaires (19).

Conclusion

Il existe une dépendance entre santé et environnement : l’exposition à des espaces verts présente de nombreux bénéfices pour la santé physique et mentale, et ce à tout âge. À l’extérieur, les enfants bougent davantage et pendant des durées plus longues. Le milieu extérieur permet la prise de risque, ce qui favorise le développement moteur et cognitif des enfants, mais aussi la compréhension de leur environnement. La découverte de la nature qui les entoure permet aux enfants et adolescents de s’y reconnecter, ce qui influence directement leur santé. Prendre soin de son environnement, c’est donc prendre soin de soi.

Recommandations pratiques

L’activité physique en milieu naturel est à promouvoir, et ce pour toutes les générations. Plus que des recommandations orales, la prescription écrite (« green prescription ») de celle-ci semble avoir un réel impact (20). En fin de compte, c’est aussi en termes de santé humaine que la question de la préservation de notre environnement doit se poser.

Affiliations

1. Kinésithérapeute pédiatrique, Cliniques universitaires Saint-Luc, B-1200 Bruxelles
2. Kinésithérapeute

Correspondance

M. Nicolas Peeters
Kinésithérapeute pédiatrique
Tél. +32 493 99 92 59
nicolaspeeters.physio@gmail.com

Références

  1. Activité physique [Internet]. [cited 2022 Nov 17];Available from: https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/physical-activity
  2. Children & Youth 5-17 Years – 24-Hour Movement Guidelines [Internet]. [cited 2022 Nov 17];Available from: https://csepguidelines.ca/guidelines/children-youth/
  3. Global Matrix 4.0 - Active Healthy Kids Global Alliance [Internet]. Active Healthy Kids Global Alliance. [cited 2022 Nov 17];Available from: https://www.activehealthykids.org/4-0/
  4. Wijtzes AI, Verloigne M, Mouton A, et al. Rapport: Fysieke activiteit van Belgische Kinderen en Jeugd 2016 [Internet]. Leuven, KU: 2016. Available from: http://www.viasano.be/brochure/Rapport-lang.pdf
  5. Pacheco P, Mo K, Dudley N, et al. Deforestation fronts: Drivers and responses in a changing world. Gland, Switzerland: WWF; 2021.
  6. WWF | Rapport Planète Vivante [Internet]. [cited 2022 Nov 17];Available from: https://lpr.wwf.be/fr
  7. WHO, Regional Office for Europe. Nature, biodiversity and health: an overview of interconnections. 2021;
  8. Twohig-Bennett C, Jones A. The health benefits of the great outdoors: A systematic review and meta-analysis of greenspace exposure and health outcomes. Environ Res. 2018;166:628–37.
  9. MacKerron G, Mourato S. Happiness is greater in natural environments. Global Environmental Change. 2013;23(5):992–1000.
  10. Triguero-Mas M, Donaire-Gonzalez D, Seto E, et al. Natural outdoor environments and mental health: Stress as a possible mechanism. Environ Res. 2017;159:629–38.
  11. Atchley RA, Strayer DL, Atchley P. Creativity in the Wild: Improving Creative Reasoning through Immersion in Natural Settings. PLoS One. 2012;7(12):e51474.
  12. Maas J, Verheij RA, de Vries S, Spreeuwenberg P, Schellevis FG, Groenewegen PP. Morbidity is related to a green living environment. J Epidemiol Community Health. 2009;63(12):967–73.
  13. van der Wielen RP, Löwik MR, van den Berg H, et al. Serum vitamin D concentrations among elderly people in Europe. Lancet. 1995;346(8969):207–10.
  14. Rook GAW, Lowry CA, Raison CL. Microbial “Old Friends”, immunoregulation and stress resilience. Evol Med Public Health. 2013;2013(1):46–64.
  15. Wolch JR, Byrne J, Newell JP. Urban green space, public health, and environmental justice: The challenge of making cities ’just green enough.’ Landscape and Urban Planning. 2014;125:234–44.
  16. Mygind L, Kjeldsted E, Hartmeyer R, Mygind E, Bølling M, Bentsen P. Mental, physical and social health benefits of immersive nature-experience for children and adolescents: A systematic review and quality assessment of the evidence. Health Place. 2019;58:102136.
  17. Thompson Coon J, Boddy K, Stein K, Whear R, Barton J, Depledge MH. Does participating in physical activity in outdoor natural environments have a greater effect on physical and mental wellbeing than physical activity indoors? A systematic review. Environ Sci Technol. 2011;45(5):1761–72.
  18. Janssen I, Rosu A. Undeveloped green space and free-time physical activity in 11 to 13-year-old children. Int J Behav Nutr Phys Act. 2015;12:26.
  19. Gray C, Gibbons R, Larouche R, et al. What Is the Relationship between Outdoor Time and Physical Activity, Sedentary Behaviour, and Physical Fitness in Children? A Systematic Review. Int J Environ Res Public Health. 2015;12(6):6455–74.
  20. Environment EC for, Spa HHU of EMSK, Truro RCH, Cornwall, Tr1 3hd. Nature on Prescription Handbook | ECEHH [Internet]. European Centre for Environment and Human Health | ECEHH. [cited 2022 Nov 17];Available from: https://www.ecehh.org/research/nature-prescription-handbook/