Stratégie du médecin généraliste face au patient déprimé

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Eric Constant Publié dans la revue de : Juillet 2019 Rubrique(s) : ECU-Congrès de médecine générale
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Résumé de l'article :

Le médecin généraliste est confronté tous les jours à des patients présentant des symptômes dépressifs. Il convient tout d’abord pour lui d’établir un diagnostic différentiel correct et d’établir un plan de traitement de première ligne. Souvent, ce premier traitement devra être revu, modifié, complexifié afin de permettre au patient d’obtenir une amélioration symptomatique substantielle et d’arriver à la rémission symptomatique, qui devrait constituer le but de toute prise en charge.

Mots-clés

Dépression unipolaire, antidépresseurs, syndrome de discontinuation, rémission symptomatique

Que savons-nous à ce propos ?

Le traitement de la dépression unipolaire implique non seulement la mise en place d’un traitement antidépresseur mais également sa révision, modification et adaptation.

Que nous apporte cet article ?

Cet article nous apporte une révision du diagnostic différentiel de la dépression unipolaire et de la stratégie du traitement de première ligne à adopter.

Article complet :

Introduction

Le médecin généraliste est actuellement en première ligne, non seulement pour le dépistage d’un état dépressif, mais également pour la mise en place d’un traitement antidépresseur. Cependant, quand on sait qu’environ seulement 1/3 des patients vont répondre au premier traitement antidépresseur instauré, il convient de connaître les stratégies existantes pour sortir le patient de cet état de résistance. Convient-il d’augmenter la dose du traitement antidépresseur instauré ? De changer de classe d’antidépresseur ? De garder le premier antidépresseur instauré et d’en ajouter un autre ? Ou d’ajouter un autre psychotrope à l’antidépresseur ? Si oui, lequel ? Quid de l’importance de la psychothérapie dans ce cas ? Autant de questions auxquelles le médecin généraliste est confronté quotidiennement. Il ne peut plus se contenter de seulement instaurer un traitement antidépresseur. Il doit également, dans son rôle de première ligne, pouvoir complexifier le traitement instauré pour donner une chance au patient d’atteindre la rémission.

Établir le diagnostic d’état dépresseur majeur  
 

Tous les symptômes de la dépression n’ont pas la même importance au niveau diagnostic. Les deux symptômes, dits cardinaux, de la dépression majeure, sont l’humeur dépressive (vécu de tristesse) et l’anhédonie (manque de plaisir dans les activités que l’on aime faire habituellement). Autrement dit, il n’y a pas d’état dépressif majeur sans qu’au moins un de ces deux symptômes cardinaux ne soit présent. Le DSM 5 (1), livre diagnostique des maladies mentales, nous dit qu’il faut qu’il y ait :

A. Au moins cinq symptômes présents, pendant une durée d’au moins 2 semaines parmi les suivants :
- humeur dépressive quasiment toute la journée, presque tous les jours ;
- anhédonie, diminution marquée de l’intérêt ou de plaisir pour quasi toutes les activités, presque tous les jours ;
- perte ou gain de poids ou augmentation ou diminution de l’appétit presque tous les jours ;
- insomnie ou hypersomnie ;
- agitation ou ralentissement psychomoteur ;
- fatigue ou perte d’énergie ;
- sentiment de dévalorisation ou culpabilité excessive ;
- diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision ;
- pensées de morts récurrentes.

B. Altération du fonctionnement social ou professionnel

C. Le tableau n’est pas imputable à une substance ou autre affection médicale (comme l’hypothyroïdie) ou psychiatrique (comme la schizophrénie ou le trouble schizo-affectif)

On le voit, deux patients qui sont déprimés peuvent être très différents l’un de l’autre : l’un peut être ralenti, manquer d’énergie, être hypersomniaque et manger plus que d’habitude, alors que l’autre peut être agité, insomniaque, et perdre du poids ! Bref, des poires et des pommes dans le sac…

Le diagnostic différentiel

Un diagnostic différentiel devra se faire au niveau somatique et psychiatrique.

Au niveau somatique (2), il convient d’exclure :
- l’hypothyroïdie. Etant donné que le turnover de la sérotonine est abaissé en cas d’hypothyroïdie, toute tentative de soigner la dépression avec un antidépresseur sera vaine tant que l’état hypothyroïdien ne sera pas corrigé !
- des médicaments : béta-bloquants, corticoïdes, la méfloquine ;
- des toxiques : surconsommation d’alcool, cannabis, sevrage aux amphétamines ;
- des tableaux neurologiques comme un début de maladie de Parkinson ou un début de démence (surtout si le patient n’avait aucun antécédent dépressif jusqu’alors, et qu’il commence à déprimer après la cinquantaine, soixantaine).

Au niveau psychiatrique, il convient d’exclure :
- un trouble de l’adaptation avec une humeur dépressive. Il s’agit d’un tableau de symptômes émotionnels et comportementaux en réponse à un ou plusieurs facteurs de stress, identifiable dans les trois mois suivant l’exposition aux facteurs de stress mais qui disparait dans les six mois après la disparition des facteurs de stress. De plus, l’état clinique du patient, s’il comporte une humeur dépressive réactionnelle, n’est pas aussi complet que celui décrit ci-dessus pour l’état dépressif majeur ;
- un état dépressif dans le cadre d’une maladie schizophrénique ;
- un état dépressif dans un contexte de dépression saisonnière : associant généralement une hyperphagie avec hypersomnie plus souvent qu’une insomnie et perte d’appétit. La luminothérapie peut être très utile dans ce cas, outre les antidépresseurs ;
- un état dépressif dans le cadre d’une maladie bipolaire. Plusieurs éléments anamnestiques peuvent nous orienter vers une dépression bipolaire (3) : une hyperphagie associée à une hyperphagie, un ralentissement psychomoteur très important, un début précoce de la première dépression (< 25 ans), de multiples épisodes de dépression (>5), une histoire familiale de trouble bipolaire, une instabilité de l’humeur ou la survenue d’épisodes maniaques ou hypomanes, la résistance au traitement antidépresseur, une perte d’efficacité du traitement antidépresseur, un virage hypomane ou maniaque sous antidépresseur, des antécédents de dépression du post partum ;
- un état de burn-out (4). Il s’agit, cette fois, d’un syndrome d’épuisement professionnel caractérisé par un ensemble de symptômes et de modifications du comportement en milieu professionnel, consécutif à l’exposition à un stress permanent et prolongé. Cet état comprend des symptômes intellectuels (démotivation, diminution de productivité), émotionnels (sentiments d’impuissance, d’angoisses, irascibilité) et physiques (fatigue intense, affaiblissement, mal de tête, trouble digestif, ulcère, perte d’appétit, diminution de libido, sommeil perturbé). Le tableau 1 reprend les éléments principaux permettant de distinguer les deux états de dépression et de burn-out. En particulier, l’anhédonie n’est pas un symptôme cardinal, du moins au départ dans le burn-out. Mais le burn-out peut évoluer, à la longue, vers un état dépressif caractérisé avec anhédonie. Le traitement du burn-out implique surtout une mise à l’abri avec incapacité de travail prolongée (4 mois ?), une approche psychothérapeutique (relaxation, coaching, changement de style de vie, …) et parfois la prescription de psychotropes (pour traiter les troubles du sommeil, l’anxiété, voire une évolution vers une dépression).

Intensité de la dépression

Une fois le diagnostic de dépression établi, il convient de déterminer l’intensité de l’état dépressif car cela aura une implication au niveau du traitement à administrer.

L’intensité de la dépression sera fonction de la sévérité de chaque symptôme et de l’impact fonctionnel de la dépression sur la vie du patient.
Ainsi, elle sera :
- légère : intensité légère des symptômes et peu d’impact fonctionnel sur le travail et les loisirs ;
- moyenne à sévère : intensité importante et beaucoup d’impact fonctionnel.

En médecine générale, une échelle d’auto-passation (échelle de dépression de Beck BDI II) (5) ne prendra que quelques minutes au patient en salle d’attente et pourra renseigner le clinicien sur l’intensité de l’état dépressif et surtout, en cours de traitement, sur l’évolution des symptômes. Par exemple, le patient sera moins anxieux et dormira mieux, mais n’aura toujours envie de rien et sera toujours aussi triste…

Il convient également d’évaluer le risque suicidaire de l’état dépressif ; ce qui nous renseigne également sur l’intensité de l’état dépressif (6). Il convient de distinguer l’idéation suicidaire passive (ex : il serait mieux si j’étais mort) de l’idéation suicidaire active (ex : un plan suicidaire à préciser). Il convient de rappeler qu’aborder la thématique suicidaire avec le patient n’induit pas d’idées suicidaires. Les facteurs de risque de suicide conventionnels sont :
- les antécédents personnels de tentative de suicide (ne jamais les banaliser !) ;
- les antécédents familiaux de suicide ;
- l’âge (les hommes plus âgés sont davantage à risque que les femmes âgées) ;
- les patients isolés ;
- les patients agités et anxieux sont plus à risque que ceux qui sont ralentis au niveau psychomoteur ;
- mise en ordre des affaires

Mise en route d’un plan de traitement

En cas de dépression légère, la psychothérapie de première ligne est aussi efficace que la médication antidépressive (7). En cas de dysthymie toutefois (anciennement appelée psychasthénie, une dépression légère qui dure plus de 2 ans), les antidépresseurs sont indiqués (8). En cas de dépression modérée à sévère, le traitement combiné antidépresseur + psychothérapie est toujours plus efficace que soit l’antidépresseur, soit la psychothérapie. Au plus une dépression est sévère, au plus la place de l’antidépresseur est indiquée. Si le médecin généraliste opte pour un antidépresseur, quelle classe choisir ? En général, le socle du traitement antidépresseur vise la sérotonine, puis la noradrénaline et enfin la dopamine (Figure 1). Il n’est par conséquent pas étonnant que les inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine (ISRS) soient les plus prescrits en première ligne. Il s’agit certainement du meilleur rapport efficacité et tolérance. Ne pas oublier que la sérotonine est également présente dans les plaquettes sanguines. Par conséquent, en cas d’antécédents d’hémorragie digestive ou prise d’anti-aggrégants, il convient de prescrire concomitamment du pantoprazole par exemple. Les antidépresseurs tricycliques, bien que très efficaces, ne sont plus prescrits en première ligne étant donné leurs nombreux effets secondaires (contre-indication en cas de maladie cardiaque, en cas de risque suicidaire élevé, de prostatisme ou d’hypotension).

La sérotonine est impliquée dans la régulation de l’humeur, l’appétit, l’anxiété, le sommeil, la régulation de la température mais aussi les effets secondaires comme les nausées, la fonction plaquettaire et fonction sexuelle. La noradrénaline est davantage impliquée dans l’attention, anxiété, l’humeur mais aussi l’éveil et l’énergie. Enfin, la dopamine apporte une touche au niveau de la motivation, du plaisir de la récompense et du fonctionnement moteur.

Quels sont les premiers symptômes à s’améliorer lorsqu’on instaure un traitement antidépresseur ?

Classiquement, dans les deux premières semaines, une amélioration sera possible au niveau de l’anxiété et du sommeil alors que la tristesse et l’anhédonie persistent. Il faudra attendre environ 4 semaines pour obtenir une amélioration au niveau de la tristesse et de l’anhédonie et 6 semaines ou plus pour que la cognition (attention, concentration, mémoire) s’améliore. Cette cinétique d’amélioration symptomatique importe cliniquement. Ainsi, nous pouvons aisément comprendre qu’un patient très déprimé avec des idéations suicidaires actives sera particulièrement à risque de passage à l’acte dans les 2 à 3 premières semaines de traitement (particulièrement si une benzodiazépine lui est prescrite pour son anxiété) car il sera moins anxieux et tout aussi déprimé et suicidaire. Le passage à l’acte suicidaire sera donc plus aisé !

Principaux antidépresseurs prescrits, caractéristiques et effets secondaires

Les principaux effets secondaires durant la première et éventuellement seconde semaine, sont des effets secondaires digestifs (principalement les nausées). De la constipation ou diarrhée peut survenir. Une sudation excessive est également de mise. La dysfonction sexuelle est de règle dès qu’on augmente les taux sériques de sérotonine. En phase dépressive aiguë, cela n’est pas trop problématique car le patient ne pense pas à sa libido et fonction sexuelle, par contre en traitement de maintenance après rémission symptomatique, cela peut devenir problématique et faire l’objet d’une discussion avec le patient sur les alternatives au traitement (cf. caractéristiques des antidépresseurs à cet égard). Une hyponatrémie peut survenir dans 8% des cas sous ISRS ou venlafaxine (inhibiteur de la recapture de sérotonine et noradrénaline IRSN). Il peut être utile de faire une prise de sang un mois après l’instauration de l’antidépresseur pour la détecter. Elle est réversible à l’arrêt de l’antidépresseur. Parfois, la réinstauration de l’antidépresseur plus graduellement au niveau des posologies est une solution pour l’éviter.

Les tricycliques montrent l’atteinte cognitive la plus importante ainsi que des anomalies de conduction cardiaque. La nortriptyline est la moins anticholinergique des tricycliques.

Avec le citalopram (> 20 mg) ou l’escitalopram (> 10 mg) chez le sénior, une prolongation de l’espace QT a été observée. Il convient d’être particulièrement prudent à cet égard si d’autres médicaments augmentant l’espace QT sont prescrits au patient. Un suivi à l’électrocardiogramme peut s’avérer utile.

ISRS

- Fluoxétine : a une longue demi-vie (norfluoxétine : 9 jours) et beaucoup d’interactions médicamenteuses (inhibiteur du cytochrome 2D6 : impliqué dans la métabolisation de 25% des médicaments !). Il est le plus activateur des ISRS ;
- Paroxétine : beaucoup d’effets secondaires (bouche sèche, constipation, prise de poids) ainsi qu’une très courte demi-vie et donc à l’origine d’un syndrome de discontinuation. Il a beaucoup d’interactions médicamenteuses (inhibiteur 2D6 encore plus puissant que la fluoxétine);
- Sertraline : activateur (un léger agoniste dopaminergique) et peu d’inhibition 2D6. Son absorption maximale demande un estomac rempli ;
- Citalopram: un peu sédatif et peu d’interactions médicamenteuses. Risque de prolongation de l’espace QT à plus forte posologie ;
- Escitalopram : peu d’interaction médicamenteuses et profil neutre (ni sédation, ni activation) ;
- Fluvoxamine : très courte demi-vie et donc présentant un syndrome de discontinuation, inhibiteur puissant du cytochrome 1A2 et 2C19.

IRSN

- Venlafaxine: - il est sérotoninergique jusqu’à 112.5 mg et noradrénergique à partir de 150 mg. Il est activateur (> 150 mg). Vaste possibilités de dosages (75 mg à 375 mg) ;
- Duloxetine : déjà sérotoninergique et noradrénergique à la dose de 60 mg, intérêt dans la douleur, produit activateur.

Autres

- Mirtazapine : sédatif bien que noradrénergique. Il stimule l’appétit et possède des propriétés anticholinergiques (prise de poids, rétention urinaire, bouche sèche). Il est plus sédatif à faible dose (15 mg) et plus activateur à plus forte dose (30 ou 45 mg) ;
- Combinaison Venlafaxine à forte dose + Mirtazapine : combinaison très efficace (notamment dans les dépressions sévères) – un véritable rocket fuel !!
- Buproprion : actif sur les voies dopaminergiques et noradrénergiques. Pas de prise de poids et peu d’effets sexuels d’où son intérêt. Contre-indication : épilepsie car activateur. Peut causer anxiété, agitation et insomnie à forte dose ;
- Tricycliques : nortriptyline a le moins d’effets secondaires anticholinergiques et est stimulant. L’amitriptyline est sédative avec des effets anticholinergiques.

Stratégie en cas de non réponse au traitement instauré

Il convient de faire le point sur le traitement après environ 4 semaines de traitement (9).
- si réponse au traitement légère : continuer le traitement antidépresseur pendant 2 à 4 semaines avant la nouvelle évaluation du traitement ;…
- si aucune réponse : envisager un traitement « next-step ».

Vérifier alors si la dose prescrite est adéquate et si la compliance est bonne. En cas de doute, revoir le diagnostic : possibilité d’autres affections médicales ou psychiatriques associées à traiter ? Lesquelles ? Y a-t ’il un trouble de personnalité associé compliquant la donne? Considérer les facteurs sociaux à la base de la dépression, aider le patient à trouver des solutions...

On refait ensuite le point après 6 à 8 semaines de traitement :
- si réponse modérée à importante : continuer le même traitement
- si réponse minime : envisager un traitement « next-step »

Qu’est-ce que le traitement « next-step » ?

A. Augmenter la dose de l’antidépresseur : si la réponse au traitement antidépresseur est au moins partielle et si les effets secondaires sont modestes. Encore faut-il que l’antidépresseur ait un effet dose-réponse démontré. C’est le cas pour la venlafaxine, escitalopram, les tricycliques et éventuellement la sertraline. Mais pas par exemple pour la paroxétine ou fluvoxamine… ;
B. Switch vers autre antidépresseur : si pas de réponse partielle et si les effets secondaires sont déjà importants. Le switch peut se faire en intra-classe (ex : un ISRS vers un autre ISRS) ou inter-classe (ex : d’un ISRS vers un IRSN) ; ce qui est le plus fréquent.
C. Polythérapie antidépressive : si au moins une réponse partielle à l’antidépresseur est présente et en cas de bonne tolérance ; ou si un switch vers autre antidépresseur a déjà été essayée et n’a pas été un succès. Associer deux antidépresseurs permet de cibler des symptômes résiduels. Il convient dès lors de se rappeler l’implication des divers neurotransmetteurs au niveau symptomatique :
- humeur dépressive : diminution de sérotonine et noradrénaline ;
- anhédonie : diminution de dopamine ;
- modification du poids : implication de la sérotonine ;
- insomnie (diminution de sérotonine) ou hypersomnie (diminution de dopamine) ;
- agitation (diminution de sérotonine) ou retard psychomoteur (diminution de dopamine) ;
- fatigue et baisse d’énergie (diminution de dopamine) ;
- honte et culpabilité (diminution de sérotonine) ;
- baisse de concentration et indécision (diminution de noradrénaline et dopamine) ;
- pensées suicidaires (diminution de sérotonine et noradrénaline).

Ainsi, en cas d’amélioration de l’anxiété, du sommeil et de l’humeur sous ISRS mais persistance d’une anhédonie relativement importante, il peut être utile et indiqué d’ajouter du bupropion au ISRS.

D. Polythérapie associant l’antidépresseur à un antipsychotique atypique (olanzapine, quétiapine, rispéridone, aripiprazole). Attention toutefois : la dose d’un antipsychotique atypique comme traitement adjuvent dans la dépression résistante ne se donne pas à la même dose que dans la schizophrénie ou la manie... On utilise ici de faibles doses. Exemples de posolgie : - quetiapine XR : 100 à 300 mg/jour : le seul à avoir l’indication en Belgique dans les dépressions unipolaires résistantes - rispéridone : 1 à 2 mg/jour - olanzapine : 2.5 à 5 mg/jour - aripiprazole : 2.5 à 5 mg/jour

E. Le psychiatre a encore dans sa boîte à outils d’autres combinaisons possibles : associer l’antidépresseur à la lamotrigine, modafinil, les psychostimulants (ex : rilatine), le lithium, les hormones thyroïdiennes, ...

NE PAS OUBLIER LA PSYCHOTHERAPIE !!

DURÉE DE TRAITEMENT

En cas de premier épisode dépressif, le traitement antidépresseur durera au moins six mois après la rémission symptomatique. Si le patient met deux mois pour arriver à la rémission symptomatique, la durée du traitement sera donc d’au moins 8 mois.

En cas de second épisode dépressif, la durée du traitement sera d’environ deux ans.

En cas de trois épisodes dépressifs ou davantage, la durée du traitement sera plus longue encore.

Idéalement, la posologie du traitement de maintenance sera celle du traitement en phase aiguë de dépression. Il conviendra toutefois d’éventuellement ajuster le traitement du patient en cas d’effets secondaires (ex : réduction de la posologie de venlafaxine de 225 mg à 150 mg par exemple en cas de sudation excessive).

Il est capital de complexifier le traitement antidépresseur si nécessaire pour viser la rémission symptomatique car une amélioration symptomatique sans atteindre la rémission est source de rechutes (même épisode dépressif) et récidives (nouveaux épisodes dépressifs dans le futur).

Dans le cas de dépressions sévères avec des caractéristiques mélancoliques (désespoir intense, délire de culpabilité, autodépréciation importante, fort ralentissement général), il convient de toujours associer un antipsychotique au traitement antidépresseur. On ne traite pas une dépression mélancolique en monothérapie antidépressive !

Le syndrome de discontinuation

Les patients et praticiens confondent souvent la dépendance pharmacologique avec le syndrome de discontinuation. Il y a une dépendance aux benzodiazépines (tolérance : nécessité d’augmenter les doses pour garder la même efficacité et effet rebond d’anxiété à l’arrêt de la benzodiazépine) et un syndrome de discontinuation aux antidépresseurs (9).

Le syndrome de discontinuation comprend des symptômes de sevrage débutant dans les 3 jours après l’arrêt du traitement antidépresseur et d’une durée moyenne de 1 à 2 semaines.

Il est possible avec tout antidépresseur, quelle que soit sa classe (ISRS, IRSN, tricycliques,…) mais il dépend de la demi-vie de l’antidépresseur. Seuls, les antidépresseurs à demi-vie courte (ex : paroxétine, fluvoxamine, venlafaxine) vont donner un syndrome de discontinuation. La fluoxétine, par contre, à longue demi-vie ne donnera jamais de syndrome de discontinuation !

Le tableau 2 en reprend les principaux symptômes (en anglais) grâce au moyen mnémotechnique anglais FINISH.

Sa physiopathologie s’explique par une déficience temporaire de sérotonine dans la fente synaptique lorsque l’antidépresseur est arrêté. Le transporteur se met à recapter directement la sérotonine au niveau présynaptique alors que le récepteur post-synaptique devra réaugmenter son affinité pour la sérotonine et cela lui prend une à deux semaines…

Les patients confondent souvent cet état avec une rechute dépressive. Il y a des symptômes en commun avec une rechute/récidive dépressive : une dysphorie, changement de l’appétit, insomnie, problèmes cognitifs, fatigue. Par contre, certains symptômes sont spécifiques du syndrome de discontinuation : vertiges, sensation de choc électrique, nausées, lancements dans la tête. Dans la rechute dépressive, les symptômes réapparaissent plus graduellement et après un plus long terme après l’arrêt de l’antidépresseur que dans le syndrome de discontinuation.

Que faire Docteur ? Tout d’abord la prévention ! Il convient de diminuer progressivement l’antidépresseur sur 6 à 8 semaines et non sur une ou deux semaines s’il a une courte demi-vie ! Ce timing sera plus court si dose faible et plus long si arrêt d’un traitement de maintenance.

Si toutefois les symptômes de discontinuation apparaissent :
- rassurer le patient : c’est réversible, ce n’est pas grave, cela va disparaître dans les 2 semaines ;
- si les symptômes sont modérés à sévères : réinstaurer la posologie initiale et diminution plus graduelle.

Recommandations pratiques

Conclusion

Le traitement de la dépression unipolaire reste un challenge pour le médecin généraliste qui y est tous les jours confronté. Si la mise en place d’un traitement antidépresseur est assez aisée, la révision du traitement et son adaptation nécessite du doigté et une connaissance de la psychopharmacologie suffisante. Il convient d’être ambitieux dans le résultat à viser afin de réserver le meilleur avenir thymique à nos patients.

Correspondance

Pr. Eric Constant
Clinique Notre-Dame des Anges
B-4000 Liège
Professeur invité, Université catholique de Louvain

Références

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  2. Mitchell AJ, Vaze A., Rao S. Clinical diagnosis of depression in primary care: a meta-analysis. Lancet. 2009; 374(9690):609-19.
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