Une équipe reconstruite et redynamisée

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Véronique Deneys, Bénédicte Brichard*, Alice Brochier, Julien Cabo, Katherine Carkeek*, Virginie Chapelle, Corentin Deckers, Anabelle Decottignies*, Jean-Philippe Defour*, Antoine Froidure*, Thibaut Gervais, Claudine Guerrieri, Salwa Hamdash, Sarah Peerae Publié dans la revue de : Février 2022 Rubrique(s) : Biologie Hématologique
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Résumé de l'article :

En 2021, un vent nouveau de créativité et de dynamisme a soufflé au sein du service grâce à l’arrivée de deux nouveaux collaborateurs médicaux.

Au sein du laboratoire d’hématologie spéciale, les protocoles diagnostiques en morphologie et en cytométrie de flux sont revus au fur et à mesure et les recommandations pour la recherche et l’interprétation des schizocytes ont été mises à jour. La recherche du syndrome des télomères courts par la technique de Flow-Fish a pris son essor et les indications cliniques sont de plus en plus nombreuses (fibrose pulmonaire, aplasie médullaire, …). Les résultats sont critiques pour la prise en charge des patients et pour le conseil génétique familial.

Le séquençage à haut débit (NGS) révolutionne depuis quelques années la pratique médicale de routine dans le domaine de l’hémato-oncologie. Ce séquençage ciblé permet la recherche de marqueurs à valeur diagnostique, pronostique ou thérapeutique et ouvre ainsi la voie à une médecine plus personnalisée. Le laboratoire de biologie moléculaire hématologique a continué à mettre la technologie au point et peut désormais réaliser un NGS pour l’ensemble des pathologies hémato-oncologiques prévues dans la convention INAMI. Les efforts seront également poursuivis pour développer dans le futur la technique de séquençage de l’ARN conseillée depuis le 1/1/2022 pour 2 pathologies en onco-hématologie.

Le système HLA joue un rôle central dans l’immunité humaine mais il constitue aussi l'un des principaux obstacles à la transplantation d’organe. L’implication des anticorps anti-HLA dans le rejet précoce et tardif est indiscutable. Le laboratoire d’immunologie leuco-plaquettaire a implémenté un nouveau test pour une identification plus spécifique des anticorps anti-HLA cliniquement plus pertinents, permettant de faciliter l’attribution d’un greffon.

Le COVID-19 n’a pas épargné le service de Biologie hématologique et a joué les trouble-fête à la Banque de sang. Non seulement les besoins transfusionnels de certains patients atteints du Sars-CoV-2 ont été assez conséquents, mais le laboratoire d’immunologie érythrocytaire a été confronté à la mise en évidence d’auto-anticorps anti-érythrocytaires induits par le virus, interférant avec les tests de routine et rendant de ce fait la recherche de sang compatible parfois très complexe.

Un des objectifs 2021 du Comité de Transfusion a été de développer le « Patient Blood Management » (PBM) au sein des différents services des Cliniques universitaires Saint-Luc. Le service de néonatologie a été choisi comme service pilote : la volonté a été de s’atteler au deuxième pilier du PBM, c’est-à-dire la diminution des pertes sanguines par la réduction des prélèvements sanguins chez les tout-petits. Un organigramme décisionnel a été établi, présenté aux équipes médicales et soignantes de pédiatrie et implémenté.

Ces différentes initiatives sont le fruit du travail des différentes équipes du service, ayant toujours pour objectif le respect du patient et la volonté de lui offrir une prise en charge optimale.

Mots-clés  Schizocytes, Flow-Fish, longueur télomérique, NGS, HLA, transplantation, Covid-19, Coombs direct, Patient Blood Management, transfusion néonatale sommaire

Article complet :

Schizo or not schizo ?
Madeleine Rousseaux, Marie-Astrid van Dievoet, Salwa Hamdash, Virginie Chapelle, Pascale Saussoy

En 2021, l’ICSH (International Council for Standardization in Hematology) a mis à jour ses recommandations pour la recherche de schizocytes. Cela impacte notamment le seuil de positivité.

Les schizocytes correspondent à des fragments érythrocytaires et sont donc de taille inférieure au globule rouge. Ils doivent être recherchés :

- En cas de suspicion de microangiopathies thrombotiques (MAT), constituées essentiellement du Syndrome Hémolytique et Urémique, et du Purpura Thrombotique Thrombocytopénique.

- En cas de MAT consécutives à une greffe de cellules souches hématopoïétiques (CSH).

- Des médicaments (gemcitabine, tacrolimus,… ) peuvent aussi être à l’origine de MAT.

- Les schizocytes se rencontrent également en cas de HELLP syndrome (hemolysis, elevated liver enzymes and low platelets count), de dysfonctionnement d’une valve cardiaque, en cas de métastases cancéreuses, dans le syndrome de Kasabach-Merritt, …

Leur seuil de positivité varie selon le contexte clinique et l’âge du patient. Chez un individu adulte normal, ils sont présents à moins de 0.5%, ou à moins de 1% selon les auteurs. En cas de suspicion de MAT, un pourcentage de schizocytes strictement supérieur à 1% est considéré comme positif. Ce seuil est applicable pour les adultes et les nouveau-nés à terme. Pour les nouveau-nés prématurés, le seuil s’élève à 5%. Par contre, il n’existe pas de consensus vis-à-vis du seuil chez les patients développant une MAT post-greffe de CSH. Certains auteurs mentionnent 4% ; d’autres moins de 2%. Des études supplémentaires sont donc nécessaires.

En cas de forte suspicion de MAT, si la recherche de schizocytes est négative, il est conseillé de renouveler quotidiennement cette recherche.

Classiquement, les MAT sont associées à une thrombopénie, mais ce n’est pas toujours le cas. Un bilan d’hémolyse doit également être associé à cette recherche, reprenant les réticulocytes, les LDH, la bilirubine non conjuguée et l’haptoglobine. Les schizocytes peuvent en effet être absents dans certains cas de MAT. La recherche de l’ADAMTS13 peut être utile en cas de suspicion de MAT avec un seuil de schizocytes non atteint.

Le pourcentage de schizocytes est déterminé par microscopie. Les recommandations mentionnent le comptage d’au moins 1000 hématies, sur un frottis sanguin réalisé dans les 3h qui suivent le prélèvement conservé à température ambiante.

Enfin, les schizocytes n’ont de valeur diagnostique que s’ils représentent l’anomalie érythrocytaire majoritaire ou l’unique anomalie érythrocytaire. Des fragments érythrocytaires peuvent notamment être rencontrés dans les carences en vitamine B12.

Références

  1. Zini G, d’Onofrio G, Erber WN, Lee SH, Nagai Y, Basak GW, et al. 2021 update of the 2012 ICSH Recommendations for identification, diagnostic value, and quantitation of schistocytes: Impact and revisions, Int J Lab Hematol. 2021;43:1264-1271.
  2. Zini G, d’Onofrio G, Briggs C, Erber W, Jou JM, Lee SH, et al. ICSH recommendations for identification, diagnostic value, and quantitation of schistocytes. Int J Lab Hematol. 2012 34:107-16.

L’analyse de la longueur télomérique par la technique de Flow-Fish
Marie-Astrid van Dievoet, Antoine Froidure, Jean-Philippe Defour, Bénédicte Brichard, Isabelle Scheers, Anabelle Decottignies, Pascale Saussoy

Grâce à une collaboration avec l’Institut de Duve (groupe du Prof A. Decottignies), l’analyse, par Flow-FISH, de la longueur de télomères a récemment été validée et implémentée aux Cliniques universitaires Saint-Luc. Nous sommes le seul laboratoire en Belgique à réaliser cette analyse. Actuellement cette analyse gagne en intérêt pour le diagnostic et la prise en charge des patients atteints d’un syndrome de télomères courts et le conseil génétique des membres de sa famille.

Les syndromes des télomères courts (STC) sont un groupe de pathologies génétiques causées par des mutations dans des composants de l’enzyme télomérase et d’autres gènes de maintenance télomérique. Les STC comprennent un spectre hétérogène de pathologies, notamment l’immunodéficience primaire (dyskeratosis congenita), l’insuffisance médullaire et la fibrose pulmonaire.

La méthode Flow-FISH mesure la longueur télomérique des cellules individuelles (« single cell ») par la cytométrie en flux automatisée et le FISH (Fluoresence In Situ Hybridisation). Une sonde, spécifique pour les télomères, est marquée par un fluorochrome et hybridée à l’ADN télomérique. Ensuite le degré de fluorescence est mis en évidence par la cytométrie en flux. La courbe de référence, réalisée par l’équipe du Prof A. Decottignies, pour l’interprétation des résultats couvre 491 sujets sains et est ainsi une des plus grosses cohortes de valeurs normales dans le monde. Cette technique montre peu de variabilité inter-laboratoires comparé, par exemple, à la PCR quantitative. Elle nécessite du sang frais (<48h entre prélèvement et prise en charge pré-analytique) avec une prise en charge du lundi au mercredi aux laboratoires des Cliniques Saint-Luc.

Utilisée dans des indications cliniques bien définies, la mesure de la longueur télomérique par Flow-FISH peut influencer les décisions cliniques. L’identification des patients souffrant d’un STC est critique pour leur prise en charge car ils sont notamment sensibles à la toxicité des agents endommageant l’ADN et d’autres thérapies cytotoxiques. Dans le cas d’une transplantation de cellules souches hématopoïétiques ou d’une greffe pulmonaire, le conditionnement pré-greffe doit ainsi se faire à intensité réduite, afin d’améliorer la survie chez ces patients STC. Dans le contexte d’une fibrose pulmonaire idiopathique, la longueur télomérique des leucocytes est un biomarqueur pouvant identifier des patients à risque de progression. Après transplantation pulmonaire, les patients souffrants de STC ont un risque plus élevé de toxicité médullaire des immunosuppresseurs.

La recherche de la longueur télomérique rajoute une information importante au séquençage de l’ADN en clarifiant l’importance fonctionnelle des variants. En plus, le degré de déviation de la longueur télomérique par rapport à la médiane contient de l’information pronostique par rapport au début approximatif de la maladie et le phénotype prédominant. Cette information fait de la mesure de la longueur télomérique une analyse critique pour le conseil génétique et l’évaluation des symptômes cliniques chez des patients avec des mutations pathogéniques.

Références

  1. Alder et J, Hanumanthu VS, Strong MA, DeZern AE, Stanley SE, Takemoto CM et al. Diagnostic utility of telomere length testing in a hospital-based setting. PNAS. 2018; 115:2358-2365.
  2. Aubert G, Hills M, Lansdorp PM. Telomere length measurement-caveats and a critical assessment of the available technologies and tools. Mutat. Res. 2012; 730:59-67.
  3. Newton CA, Zhang D, Oldham JM, Kozlitina J, Ma SF, Martinez FJ, et al. Telomere Length and Use of Immunosuppressive Medications in Idiopathic Pulmonary Fibrosis. Am J Respir Crit Care Med. 2019; 200:336-347.
  4. Roake C, Artande S. Regulation of human telomerase in homeostasis and disease. Nat Rev Mol Cell Biol. 2020 Jul; 21:384-397.
  5. Tokman S, Singer JP, Devine MS, Westall GP, Aubert JD, Tamm M, et al. Clinical outcomes of lung transplant recipients with telomerase mutations. J Heart Lung Transplant. 2015;34:1318-1324.

Indications du NGS en hémato-oncologie : quoi de neuf pour 2022 ?
Pascale Saussoy, Madeleine Rousseaux, Virginie Chapelle, Salwa Hamdash, Corentin Deckers, Sarah Peeraer, Corentin Streel

Le séquençage à haut débit (NGS) révolutionne depuis quelques années la pratique médicale de routine dans le domaine de l’hémato-oncologie. Ce séquençage ciblé permet la recherche de marqueurs à valeur diagnostique, pronostique ou thérapeutique et ouvre ainsi la voie à une médecine plus personnalisée (1). En outre, lorsque les tests NGS sont réalisés à grande échelle, ils peuvent conduire à des résultats plus exploitables et à une meilleure utilisation des thérapies ciblées en oncologie ( 2,3).

Mais cette technologie est complexe et nécessite plusieurs étapes qui sont toutes sources de variations et d’erreurs. Aussi, en 2016, la Belgique a développé un programme pilote pour évaluer la valeur ajoutée du NGS dans la pratique clinique en oncologie et en hémato-oncologie et la Commission for Personalized Medicine (ComPerMed) a fourni des directives spécifiques de standardisation en vue d’intégrer cette technologie dans notre système de remboursement des soins de santé (4).

Des conventions ont été conclues entre les laboratoires réalisant les tests NGS d’(hémato-)oncologie et l’INAMI pour la durée de cette phase pilote (2019-2022) (5). Ces conventions définissent l’ensemble des conditions à remplir par les laboratoires pour obtenir un remboursement des tests NGS et reprennent notamment pour chaque type de cancer, les gènes (et les régions) à cibler (6).

Le laboratoire de biologie moléculaire hématologique des Cliniques universitaires Saint Luc peut réaliser un NGS pour toutes les pathologies d’hémato-oncologie actuellement reprises dans les annexes scientifiques de la convention en application de l’article 56,1 (voir tableaux 1 et 2).

Ces indications ainsi que les gènes et les régions ciblés sont régulièrement revus par le ComPermed. Le tableau 2 reprend les pathologies supplémentaires qui seront remboursées à partir du 1er janvier 2022. Les efforts seront poursuivis aux CUSL pour développer dans le futur la technique de séquençage de l'ARN conseillée depuis le 1/1/2022 pour deux pathologies en onco-hématologie.

Références

  1. Delnord M, Van Valckenborgh E, Hebrant A, Antoniou A, Van Hoof W, Waeytens A, Van den Bulcke M. Precision cancer medicine: What has translated into clinical use in Belgium? Semin Cancer Biol. 2021; Jun 12:S1044-579.
  2. Gierman HJ, Pai N, Catasus C, Tam A, Labrador AM, Donaldson J, et al. A retrospective three-year analysis using real-world data on uptake of broad-based NextGen sequencing panels in community oncology practices. J. Clin. Oncol. 2020; 38 : e13668.
  3. De Falco V, Poliero L, Vitello PP, Ciardiello D, Vitale P, Zanaletti N, et al. Feasibility of next-generation sequencing in clinical practice: results of a pilot study in the Department of Precision Medicine at the University of Campania “Luigi Vanvitelli” ESMO Open. 2020; 5(2). e000675.
  4. Van Valckenborgh E, Hébrant A, Antoniou A, Van Hoof W, Van Bussel J, Pauwels, P, et al. .Roadbook for the implementation of next-generation sequencing in clinical practice in oncology and hemato-oncology in Belgium. Arch. Public Health. 2018; 76:1–7.
  5. Delcourt T, Vanneste K, Soumali MR, Coucke W, Ghislain V, Hebrant A, et al. NGS for (Hemato-) Oncology in Belgium: Evaluation of Laboratory Performance and Feasibility of a National External Quality Assessment Program. Cancers (Basel). 2020; 12:3180.
  6. INAMI. Convention en application de l’art. 56, 1 en vue du financement d’une étude pilote relative à l’introduction contrôlée du next generation sequencing dans le diagnostic de routine en oncologie et hémato-oncologie. (https://www.inami.fgov.be/fr/professionnels/etablissements-services/labo...)

Quand le laboratoire offre plus de chances aux patients en attente de greffe d’organe
Corentin Streel, Thibaut Gervais, Véronique Deneys

Le système HLA joue un rôle central dans l’immunité humaine mais il constitue aussi l’un des principaux obstacles à la transplantation d’organe. En effet, le nombre de preuves (1-3) soutenant l’effet délétère des anticorps anti-HLA sur les greffons et leur implication dans le rejet précoce et tardif est indiscutable. Les évènements responsables d’une allo-immunisation anti-HLA sont les expositions à des antigènes HLA étrangers lors d’une précédente transplantation, d’une transfusion de composés sanguins (concentrés érythrocytaires non déleucocytés ou concentrés plaquettaires) ou d’une grossesse (2).

Le polymorphisme complexe des gènes HLA et la nécessité d’une identification correcte des anticorps anti-HLA ont conduit au développement continu de nouvelles technologies de laboratoire pratiques et réalisables dans le domaine de la transplantation.

Actuellement, la technique la plus employée sont les tests très sensibles à base de billes à antigène unique (SAB) comme la méthode Luminex®. Cette dernière utilise des billes recouvertes d’un ensemble de molécules HLA clonées et purifiées, pour détecter et identifier les anticorps anti-HLA sériques. L’introduction de ces techniques dans la pratique clinique a révélé une immunisation non détectée auparavant chez certains patients et a permis l’attribution plus précise des spécificités HLA aux anticorps.

Cependant, il subsiste différents problèmes techniques et cliniques à résoudre, comme les diverses limitations de la technologie SAB, le rôle des anticorps anti-HLA qui ne fixent pas le complément, la détection d’anticorps contre les antigènes HLA dénaturés et leur rôle éventuel dans le rejet du greffon (3).

En effet, tous les anticorps identifiés ne peuvent pas être considérés comme cliniquement pertinents car ils ne semblent pas tous jouer un rôle in vivo dans le phénomène de rejet.

Les principaux défis auxquels sont actuellement confrontés les laboratoires d’histocompatibilité consistent à interpréter les données complexes fournies par ces tests et permettre une définition précise de l’allo-immunisation anti-HLA du patient (4). Dans le domaine de la greffe d’organes solides, une identification correcte est primordiale car elle permet, en pré-transplantation, d’améliorer les chances des patients à recevoir un greffon compatible et, en post-transplantation, de monitorer au mieux les phénomènes de rejet.

Actuellement, seuls deux fournisseurs proposent des kits commerciaux pour la détection et l’identification des anticorps anti-HLA : One Lambda® (filiale de ThermoFisher®) et Immucor®.

Auparavant, au sein du laboratoire d’histocompatibilité des Cliniques universitaires Saint-Luc, la recherche d’anticorps anti-HLA était réalisée grâce à des kits du fournisseur One Lambda®. Or, la littérature récente (4,5) et le manque de spécificité de ce dernier ont poussé le laboratoire, à la fin de l’année 2020, à tester les produits d’Immucor® afin d’améliorer la spécificité (moins de « Faux positifs »), sans réduire la sensibilité (pas de « Faux négatifs ») et donc obtenir un meilleur reflet de l’allo-immunisation anti-HLA des patients.

Au sein du laboratoire, un travail de validation a été réalisé sur divers sérums de patients aux profils d’allo-immunisation anti-HLA différents. Ce travail a confirmé la présomption en faveur du test Immucor® qui identifie les spécificités HLA les plus pertinentes (surtout aux valeurs moyennes ou faibles du signal) en raison de la dénaturation moins prononcée des antigènes HLA à la surface des billes.

Pour des patients en attente de greffe (principalement rénale), la présence de certains anticorps rend certaines spécificités HLA « unacceptable » et empêche donc une éventuelle greffe.

Certaines spécificités identifiées précédemment par One Lambda® pourraient donc être considérées comme des faux positifs. Pour certains patients hyperimmunisés, au cas par cas en collaboration avec les coordinateurs de greffe, il est intéressant d’intégrer les nouvelles données immunologiques avec leurs antécédents et leur dossier médical. Cette démarche a déjà permis de modifier le profil d’immunisation d’une dizaine de patients en attente de greffe dans le programme d’attribution d’Eurotransplant et ainsi rendre l’attribution d’un greffon plus facile, comme ce fut le cas pour une patiente en 2021.

Références

  1. Loupy A, Haas M, Roufosse C, Naesens M, Adam B, Afrouzian M, et al. The Banff 2019 Kidney Meeting Report (I): Updates on and clarification of criteria for T cell and antibody-mediated rejection. Am J Transplant. 2020;20:2318-31.
  2. Abbas AK, Lichtman AH, Masson PL, Pillai S, Scott J. Les bases de l’immunologie fondamentale et clinique. Elsevier Health Sciences.2020.
  3. Rosser C, Sage D. Approaches for the characterization of clinically relevant pre-transplant human leucocyte antigen (HLA) antibodies in solid organ transplant patients. International Journal of Immunogenetics. 2021;48:385-402.
  4. Park BG, Park Y, Kim BS, Kim, YS, Kim HS. False Positive Class II HLA Antibody Reaction Due to Antibodies Against Denatured HLA Might Differ Between Assays: One Lambda vs. Immucor. Ann Lab Med. 2020;40:424-427.
  5. Karahan GE, de Vaal Y, Bakker K, Roelen D, Claas FH, Heidt S. Comparison of different luminex single antigen bead kits for memory B cell-derived HLA antibody detection. Hla. 2021;98:200-206.

Quand le Sars-CoV-2 joue le trouble-fête à la banque de sang...
Véronique Deneys, Alice Brochier, Julien Cabo, Claudine Guerrieri, Corentin Streel

À l’instar d’autre virus, le SARS-CoV-2 est responsable de diverses complications auto-immunes (1) parmi lesquelles on peut observer des anémies hémolytiques auto-immunes (2) parfois fortement symptomatiques (3).

Dans cette crise sans précédent liée à la pandémie COVID-19, les banques de sang ont été sérieusement impactées. D’une part, la charge de travail a augmenté, car la prise en charge de certains patients s’est accompagnée d’importants besoins transfusionnels et la mise en évidence d’auto-anticorps a compliqué la sélection de poches de sang compatible. D’autre part, le personnel a été réduit, pour cause de maladie ou de quarantaine.

Une étude réalisée aux Cliniques universitaires Saint-Luc, portant sur 225 patients a révélé un test direct à l’antiglobuline (Coombs direct) positif chez 44% d’entre eux, signant la sensibilisation des hématies. Le Coombs direct était de spécificité IgG dans 91.2% des cas (IgG seule : 58.8%, IgG + complément : 32.4%) et complément dans 8.8%. Une relation avec la gravité de l’affection pourrait être évoquée : en effet, le pourcentage de positivité était de 56% chez les patients admis en unité de soins intensifs et de 35% pour les patients en unités dites classiques (p<0.01) (4).

Dans tous les cas, il s’agissait d’auto-anticorps. L’étiopathogénie de cette réaction auto-immune n’est pas encore entièrement élucidée. Deux hypothèses ont été proposées : il pourrait s’agir d’anticorps reconnaissant des antigènes cryptiques « dévoilés » sur les globules rouges de patients COVID dans le cadre du contexte inflammatoire lié à leur affection ; cette hypothèse est confortée par le fait que, dans notre étude, les globules rouges de patients COVID réagissent avec des plasmas « contrôles » (4) et que ceci a été décrit dans d’autres affections virales. La seconde hypothèse évoque une réaction croisée liée à la présence d’un épitope commun entre la protéine Spike du SARS-CoV-2 et la protéine ankyrin-1 présente à la surface des hématies, mais cette hypothèse ne semble pas suffire à elle seule.

Les auto-anticorps sont connus pour interférer dans les tests à réaliser avant transfusion (5). En effet, ils masquent la présence d’éventuels allo-anticorps sous-jacents. Pour résoudre ce problème, un logigramme décisionnel a été établi au sein du laboratoire de la banque de sang des CUSL (6). Celui-ci décrit une prise en charge adéquate dans le processus transfusionnel et permet d’éviter le risque de réactions hémolytiques sévères.

De rares cas d’anémies hémolytiques auto-immunes ont également été rapportés après vaccination (2). La relation entre anémie hémolytique auto-immune d’une part et affection ou vaccination contre le SARS-CoV-2 d’autre part mérite des investigations ultérieures approfondies.

Références

  1. Wang EY, Mao T, Klein J,Dai Y, Huck JD et al. Diverse functional autoantibodies in patients with COVID-19. Nature. 2021;595:283-288.
  2. Jacobs JW, Booth GS. COVID-19 and immune-mediated RBC destruction: A systematic review. Am J Clin Pathol. 2021; Dec 17:1-8.
  3. Brazel D, Eid T, Harding C. Warm and cold autoimmune hemolytic anemia in the setting of COVID-19 disease. Cureus. 2021;13:e18127. DOI 10.7759/cureus.18127.
  4. Brochier A, Cabo J, Guerrieri C, Belhir L, Laterre PF, Deneys V. Autoimmune hemolytic anemia in COVID-19 patients, the “transmissible” direct Coombs test. H Hematol Clin Res. 2021. Doi.org/10.29328/journal.jhcr.1001016.
  5. Jacobs J, Eichbaum Q. COVID-19 associated with severe autoimmune hemolytic anemia. Transfusion. 2021;61:635-640.
  6. Cabo J, Brochier A, Saussoy P, van Dievoet MA, Capirchio L, Delire B, Deneys V. Positive direct antiglobulin test in COVID-19 patients: Decision-making process. Transfus Clin Biol. 2021: 28:414-419.

Implémentation du Patient Blood Management en néonatalogie
Sarah Peeraer, Corentin Streel, Julien Cabo, Corentin Deckers, Guillaume Tran, Katherine Carkeek, Christine Pirlet, Véronique Deneys

Le « Patient Blood Management » (PBM) ou « gestion personnalisée du sang » est une approche transfusionnelle centrée sur le patient dont l’un des piliers est de minimiser les pertes sanguines liées aux prélèvements sanguins itératifs, point crucial en néonatalogie où les patients ont un volume sanguin restreint (1,2).

Un nouvel algorithme transfusionnel, spécifique à cette population de patients et basé sur les guidelines les plus récentes, a été implémenté dans notre établissement depuis novembre 2021. L’objectif de cette nouvelle approche transfusionnelle est double. Elle permet de limiter les prises de sang répétées chez le nouveau-né et de rationnaliser l’utilisation du sang O RhD négatif afin de préserver les stocks de ce groupe sanguin exprimé uniquement par +/- 7% de la population caucasienne (3). De surcroit, la pénurie de sang vécue en Belgique due à la pandémie de SARS-CoV-2 a placé les banques de sang hospitalières dans une situation inédite. Les stocks de concentrés érythrocytaires, et plus particulièrement ceux du O RhD négatif, sont passés sous le seuil critique. Au sein des Cliniques universitaires Saint-Luc, le service de néonatologie a été identifié comme un consommateur important de O RhD négatif. En effet, l’ancienne politique institutionnelle était de transfuser tous les patients de moins de 4 mois en O- (4).

Avant toute transfusion d’un bébé de moins de 4 mois de vie, il est impératif de déterminer la présence éventuelle d’allo-anticorps anti-érythrocytaires circulants chez la mère, potentiellement dangereux en transfusion (5,6). Le système immunitaire d’un nouveau-né étant immature durant ses premiers mois de vie, les allo-anticorps retrouvés dans son plasma sont donc exclusivement d’origine maternelle. Il faut donc privilégier, dès que possible, un prélèvement chez la mère pour trois raisons : il est plus simple à réaliser, il évite la prise de sang souvent difficile chez le bébé et permet d’améliorer la sensibilité de la recherche d’anticorps irréguliers (RAI) (concentration plus élevée en anticorps dans le plasma maternel) (6).

Lorsque la RAI maternelle est négative et sans antécédent d’allo-immunisation, le bébé sera transfusé avec des concentrés érythrocytaires de groupe O, et aucune analyse supplémentaire ne devra être réalisée jusqu’à l’âge de 4 mois (5,6).

Si un allo-anticorps est mis en évidence en cas de RAI positive ou s’il existe un antécédent d’allo-immunisation, le concentré érythrocytaire de groupe O doit être sélectionné en tenant compte de la spécificité de ces anticorps. De plus, un test de compatibilité entre le plasma maternel et les globules rouges de la poche doit obligatoirement être réalisé avant toute transfusion. Une RAI sera réalisée chez le bébé tous les 15 jours. Lorsque celle-ci se négative, plus aucun test pré-transfusionnel ne devra être réalisé jusqu’aux 4 mois de l’enfant (6).

Le groupe RhD de la poche sélectionnée doit respecter à la fois le RhD de la mère et de son enfant (4,5). Par conséquent, lorsqu’ils sont tous deux de groupe RhD positif, une poche de sang O+ peut être délivrée.

Cette nouvelle stratégie transfusionnelle permet de limiter l’utilisation systématique de O- en néonatalogie. De plus, sa mise en place a permis de diminuer les prélèvements sanguins chez les nouveau-nés avec une réduction du risque d’anémie iatrogène (5).

Références

  1. Shastry S. Moving to the next level of precision medicine with Patient Blood Management. Global Journal of Transfusion Medicine. 2021; 6 (1): 3-5
  2. Rhamy J. Blood belongs in the patient, not in a tube. AABB. 2021; Ref type : online source Reid ME, Lomas-Francis C. in The Blood Group Antigen Facts Book. 2nd edition. Elsevier Academic Press, London 2004.
  3. Lau W. Neonatal and pediatric transfusion. Clinical Guide to Transfusion (Canadian Blood Services). 2017; Chapter 13. Ref type : online source
  4. Villeneuve A, Arsenault V, Lacroix J, Tucci M. Neonatal red blood cell transfusion. Vox Sanguinis. 2021; 116 (4): 366-378.
  5. New HV, Berryman J, Bolton-Maggs PH, Cantwell C, Chalmers EA, Davies T et al. Guidelines on transfusion for fetuses, neonates and older children. British Journal of Haematology. 2016; 175 (5): 784-828.

Affiliations

Service de Biologie Hématologique, Cliniques universitaires Saint-Luc UCL, Université catholique de Louvain Bruxelles, Belgique
* Contributeurs équivalents
** Cheffe du service de Biologie Hématologique

Correspondance

Pr. Véronique DENEYS
Cliniques universitaires Saint-Luc
Biologie hématologique
Avenue Hippocrate 10 B – 1200 Bruxelles