Quand les clous prennent une allure humaine

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Cédric Hermans Publié dans la revue de : Avril 2025 Rubrique(s) : Ama Contacts
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Résumé de l'article :

Autant la médecine est passionnante et riche de surprises, autant s’en extraire pour d’autres expériences et découvertes est inspirant.

Article complet :

Autant la médecine est passionnante et riche de surprises, autant s’en extraire pour d’autres expériences et découvertes est inspirant. D’autant plus vrai lorsqu’il s’agit de rencontrer des personnes hors du commun. Bien loin des innovations et des nouveautés scientifiques, ce sont des vieux sinon de très vieux clous rouillés qui font le bonheur de notre hôte, Fabrice Magnée. Forgés, soudés, pliés, assemblés, les clous prennent des formes et attitudes humaines que l’artiste a appris à dompter. Les œuvres sont aussi sobres qu’expressives. Rien ne semble arrêter la transformation de ces vieux clous en multiples œuvres. Celles-ci suscitent étonnement et admiration qui dépassent aujourd’hui largement le cadre de notre pays. 

C’est l’histoire et le parcours d’un artiste et de son œuvre originale et totalement hors du commun que nous souhaitons partager à travers ce portrait.

Fabrice, d’où vous est venue l’idée de transformer des vieux clous en œuvres d’art ? 

Je me le demande souvent ! C’est une question qui m’est souvent posée. Il y a plus de 20 ans quand j’ai créé le premier personnage, je crois que j’étais plus dans l’inconscient du geste. Il est né ainsi sans projet, sans préambule. Il était là. Je n’avais pas conscience de ce que cela allait devenir. C’était juste cinq clous qui, par la soudure, devenaient mille et une histoire. Le début d’une magnifique aventure. 

Chacun de vos clous a une longue sinon une très longue histoire ?

Oui, ces clous ont entre 200 et 1000 ans. Ils sont le fruit d’un travail qui était souvent réalisé par des femmes et des enfants jusque approximativement 1850 dans des conditions peu enviables pour un salaire de misère. Cet objet, si anodin, me renvoyait à ces personnes travaillant non pas pour vivre mais juste pour avoir de quoi survivre. 

Tous ces clous dans une vie antérieure étaient cachés, dissimulés souvent dans des édifices architecturaux. Vous leur offrez une nouvelle vie, cette fois dans la lumière. Quels sont les secrets des clous ? 

Si certains pouvaient parler, ils nous raconteraient la vie des religieuses de l’abbaye Notre Dame du Vivier, des moines de l’abbaye de Bonne Espérance, les secrets de chambres de personnels de maison d’ici et d’ailleurs, les 7 vies du palais provincial de Namur… 

Chaque clou est-il différent ? 

Oui. Un clou de plancher n’est pas un clou de toiture. La production étant manuelle, chaque artisan cloutier possède aussi une maîtrise différente dans l’art de façonner le clou, de battre le fer. Ces différences rendent chacun de mes personnages uniques. Dans l’atelier, cette pointe de fer n’est plus clou mais devient jambe, bras ou corps d’un personnage en devenir. Je ne le regarde plus avec l’œil du menuisier ou du charpentier mais bien avec l’œil du sculpteur qui recherche un mouvement qui sera utile à l’élaboration d’une œuvre.

Peut-on parler d’art écologique ? 

Je préfère parler de Récup’Art. Tout mon travail repose sur la récupération. Le point de départ de la plupart de mes sculptures est un morceau d’acier récupéré dans l’industrie ou un morceau de bois ramené d’un chantier de restauration ou de transformation d’un bâtiment ancien. Je ne fais jamais de projet, jamais de dessin. Il y a dans l’objet récupéré une forme, une structure qui m’inspire. De là nait une image, une histoire qui m’est propre, personnelle. Je me garde bien de dévoiler ma source d’inspiration. Je ne donne pas de titre à mes sculptures afin de laisser chacun libre d’imaginer. Donner un titre reviendrait pour moi à donner raison à l’un(e) et tort à l’autre. Je préfère que ma sculpture soit source d’inspiration de mille histoires, que les histoires évoluent ou changent avec le temps ou avec la lumière qui joue avec mes personnages. 

Vos œuvres interpellent et surprennent. Quelle est votre expérience la plus touchante ?

En plus de vingt ans de métier, j’ai vécu des moments magnifiques grâce à ces clous, des rencontres étonnantes. Des amitiés sont nées. 

Un jour, un couple est venu me rencontrer chez moi. Je leur présente quelques sculptures qui ornent l’intérieur de la maison. Lui parle, pose des questions, s’émerveille… Elle garde le silence. Nous entrons enfin dans l’atelier. Elle s’avance vers le tas de clous qui se trouve sur l’établi. Elle pose la main sur les clous. Elle semble émue, se tourne vers moi et dit : « Je comprends maintenant où est l’art ». Depuis, je les croise régulièrement lors d’expositions. 

Sans briser d’éventuels secrets, avez-vous d’autres projets pour les clous ? 

Lors de chaque exposition, il y a des pièces nouvelles à découvrir. C’est un plaisir pour moi d’observer les réactions, de recueillir les commentaires au sujet des dernières réalisations.

Ce que j’aime, c’est de me laisser surprendre et inspirer par une nouvelle forme laissée dans un morceau d’acier abandonné.

Où et comment découvrir vos œuvres ? 

La Yes Art Gallery à Sint Idesbald et la galerie Answer to a Wall de Leuven présentent mon travail de manière permanente. Chaque week-end du 10 novembre au 1er décembre, je présenterai mon travail dans le cadre du parcours d’artistes de Tourinnes-la-Grosse. 

Il est aussi possible de prendre contact par mail afin que je vous tienne informer de mes expositions.

Fabrice Magnée, Chaussée de Huy 7 à 5360 Natoye
fabrice_magneehotmail.com 0470 23 28 09