Nodule de la Sœur Marie-Joseph : la face visible de l’iceberg

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Laura Wislet, Henri Thonon Publié dans la revue de : Mai 2021 Rubrique(s) : Image
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Résumé de l'article :

Une lésion de l’ombilic doit attirer l’attention du praticien et ne pas être banalisée puisqu’il s’agit dans deux tiers des cas d’une maladie néoplasique, primitive ou métastatique. Le nodule de la Sœur Marie-Joseph est une lésion métastatique ombilicale rare, qui survient dans 1 à 3 % des adénocarcinomes abdomino-pelviens. Sa découverte doit conduire à la réalisation d’une biopsie cutanée et d’un scanner abdomino-pelvien. Les possibilités thérapeutiques comprennent la chirurgie et/ou la chimiothérapie, mais le plus souvent, la prise en charge est palliative. En effet, d’apparition tardive dans l’histoire oncologique, ce nodule est souvent associé à un mauvais pronostic.

Que savons-nous à ce propos ?

Le nodule de la Sœur Marie-Joseph est une lésion rare, correspondant à une métastase ombilicale d'un adénocarcinome abdominopelvien. Vu son apparition tardive dans la maladie oncologique, son pronostic est souvent sombre. Sa mise au point comprend une biopsie de la lésion et un scanner abdominopelvien. Le traitement est souvent palliatif mais la chirurgie et la chimiothérapie peuvent être proposées et offre une meilleure survie.

Que nous apporte cet article ?

Cette lésion étant rare, le fait d'exposer un nouveau cas permet d’améliorer les connaissances des praticiens, et d'éviter que cette lésion ne soit banalisée.

Mots-clés 

Nodule, ombilic, métastase, adénocarcinome, Sœur Marie-Joseph

Article complet :

Introduction

Le nodule de la Sœur Marie-Joseph est une métastase cutanée localisée au niveau de l’ombilic, présente dans 1 à 3 % des adénocarcinomes abdomino-pelviens (1). D’apparition tardive dans l’évolution de la maladie elle est associée à un mauvais pronostic. Dans un tiers des cas, elle représente la première manifestation de la maladie cancéreuse (2, 4).

Cas clinique

Une patiente de 93 ans est adressée au service des urgences par son médecin traitant pour mise au point d’une lésion cutanée ombilicale apparue en quelques semaines et devenue douloureuse depuis quelques jours. L’interrogatoire systématique de la patiente met en évidence une perte d’appétit depuis une semaine et des diarrhées depuis plusieurs mois. Elle ne signale pas de perte de poids ni de douleur abdominale ou d’altération de l’état général. Ses antécédents sont marqués par une démence d’Alzheimer débutante, une maladie lithiasique rénale, une dégénérescence maculaire liée à l’âge et une thrombose veineuse profonde récente traitée par anticoagulant direct. À l’examen clinique de l’abdomen on objective une tuméfaction ombilicale de 15 mm de diamètre, ferme, douloureuse, érythémateuse et légèrement suintante. La palpation profonde de l’abdomen, diffusément douloureuse, révèle une masse abdominale de 10 cm de diamètre. Le péristalistisme est présent et normal. Devant la suspicion d’adénocarcinome abdomino-pelvien sous-jacent, un scanner abdominal injecté est réalisé. Cet examen montre un processus expansif pelvien en rapport étroit avec le rectum et le sigmoïde ainsi qu’une carcinomatose péritonéale. On note également la présence de lésions spléniques et hépatiques. Une biopsie de la lésion ombilicale permet de poser le diagnostic de métastase d’un carcinome séreux papillaire grade III.

Discussion

Le diagnostic différentiel d’un nodule ombilical comprend des affections bénignes comme un botryomycome, une omphalite, les hernies et les localisations ombilicales de la maladie de Crohn ou de l’endométriose (1,2). Mais ce type de lésion peut également correspondre dans deux tiers des cas à une tumeur maligne primitive ou une métastase (3). Le nodule de la Sœur Marie-Joseph est une métastase cutanée ombilicale d’un adénocarcinome abdomino-pelvien dans la plupart des cas (90%). Un carcinome épidermoïde, un mélanome ou un sarcome sont retrouvés plus rarement (10%). C’est la sœur et infirmière Marie-Joseph qui en 1928, à la clinique Mayo dans le Minnesota, a découvert l’association entre ce nodule et un carcinome de l’estomac et lui a donné son nom. Il est décrit pour la première fois par Sir Hamilton Bailey en 1949 dans son livre “Physical signs in clinical surgery” (3,4). Ce nodule se présente sous la forme d’une tuméfaction arrondie, irrégulière, indurée, souvent douloureuse et suintante, parfois prurigineuse. Il peut prendre différentes couleurs : blanc, violet, rouge, brun. Il mesure généralement entre 5 et 20 mm de diamètre, mais peut atteindre jusqu’à 10 cm. Parfois ulcéré, fissuré ou nécrotique, son évolution est parfois caractérisée par un écoulement de sang, de pus ou de liquide séreux (2,4).

Ce nodule de la Sœur Marie-Joseph est rare, il est présent dans 1 à 3 % des adénocarcinomes abdomino-pelviens (1). On le retrouve plus fréquemment chez l’homme que chez la femme. Les lésions primitives doivent être recherchées en priorité au niveau de l’estomac (25%), de l’ovaire (12%), du colon (10%) ou du pancréas (7%). L’Endomètre, le col utérin, les voies biliaires et l’intestin grêle sont des localisations plus rares (4). Dans un tiers des cas, l’origine du cancer primitif n’est pas identifiée. La découverte d’un tel nodule doit impérativement mener à la réalisation d’un scanner abdomino-pelvien et d’une biopsie de la lésion afin d’obtenir un diagnostic anatomopathologique (2). Par contre, bien que la plupart des auteurs référencés ci-dessous conseillent le dosage des marqueurs tumoraux dans un but diagnostic, les dernières recommandations d’oncologie sont en défaveur de cette attitude (5). Cette lésion néoplasique secondaire est généralement associée à une situation oncologique avancée avec la présence de métastases profondes en particulier hépatiques comme c’est le cas chez la patiente. Le pronostic est globalement sombre avec une survie moyenne de onze mois (2,4) bien que des survies dépassant les quatre ans soient décrites (6). La prise en charge est souvent palliative (1,3). Lorsqu’un traitement est possible, l’association d’une chirurgie à l’administration d’une chimiothérapie est associée à une meilleure survie (21 mois) qu’un traitement par chimiothérapie (10.3 mois) ou chirurgie (7.4 mois) seule (3).

Conclusion

Bien que peu fréquent, le nodule de la Sœur Marie-Joseph doit être reconnu par le praticien car il représente souvent le seul signe d’une maladie oncologique sous-jacente.

Affiliations

  1. Université catholique de Louvain, Cliniques universitaires Saint-Luc, service des Urgences, B-1200 Bruxelles
  2. CHU-UCL Namur site Godinne, B-5530 Yvoir

Correspondance

Dr. Henri THONON
CHU-UCL Namur Site Godinne
Service des urgences
Avenue G. Therasse 1
B-5530 Yvoir
Henri.thonon@uclouvain.be

Références

  1. Touré PS, Tall CT, Dioussé P, Berthé A, Diop MM, Sarr MM, et al. Nodule de Sœur Marie-Josèphe révélateur de carcinomes digestif et ovarien: à propos de 4 cas. Pan Afr Med J. 2015 ; 22: 269.
  2. El khadir A., Hliwa W, Alaoui R. Métastase cutanée ombilicale (ou nodule de Sœur Marie-Joseph) révélatrice d’un adénocarcinome grêlique - A propos d’un cas. HEGEL - HEpato-GastroEntérologie Libérale. 2013; (4) : 264.
  3. Gabriele R, Conte M. Umbilical Metastasis: Current Viewpoint. Adult Umbilical Reconstruction. 2017 ; 367-380.
  4. Palaniappan M, Jose WM, Mehta A, Kumar K, Pavithran K. (Umbilical metastasis: a case series of four Sister Joseph nodules from four different visceral malignancies. Curr Oncol. 2010; 17(6) : 78-81.
  5. Fizazi K, Greco FA, Pavlidis N, Daugaard G, Oien K, Pentheroudakis G. Cancers of unknown primary site: ESMO Clinical Practice Guidelines for diagnosis, treatment and follow-up. Ann Oncol. 2015 ; 26 : v133-v138.
  6. Razafindrafara Herilalio Elisabath, et al. Un deuxième cas de nodule de Soeur Marie-Joseph à Madagascar. Revue malgache de cancérologie. 2017 ; 2(1) : (42-8.