Maladies rares Réunion interdisciplinaire (décembre 2022)

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Publié dans la revue de : Janvier 2023 Rubrique(s) : Maladies rares
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Résumé de l'article :

Le 14 décembre dernier, l’Institut des Maladies Rares organisait une nouvelle réunion scientifique interdisciplinaire. Six des 11 thématiques abordées font l’objet d’une communication dans cette édition du Louvain Médical. Il s’agit des télomères, des atteintes pulmonaires de la polyarthrite rhumatoïde, de l'impact de l’inhibition de l'inflammasome sur le phénotype de la dystrophie musculaire de Duchenne et de l’évaluation de la force musculaire des patients atteints de la mucoviscidose. Citons également la prise en charge multidisciplinaire des enfants porteurs de trisomie 21 et finalement le dépistage systématique des conductrices de l’hémophilie. Ces communications et celles dont nous ne publions pas le résumé ont suscité un très grand intérêt. Elles témoignent de la très grande diversité des maladies rares prises en charge par l’institut et ses partenaires. Elles sont aussi le reflet du dynamisme des équipes de recherche et de l’originalité des multiples projets en cours.

Article complet :

La prise en charge multidisciplinaire des enfants porteurs de trisomie 21
Jelena Hubrechts
Cliniques universitaires Saint-Luc, Cardiologie pédiatrique et congénitale, Département de pédiatrie, B-1200 Bruxelles, Belgique , jelena.hubrechts@saintluc.uclouvain.be

Introduction

Outre un retard global du développement, les personnes porteuses d’une trisomie 21 sont prédisposées à développer de multiples problèmes médicaux. Certaines pathologies sont présentes dès la naissance, telles que des cardiopathies congénitales ou de la cataracte congénitale, d’autres se manifestent plus tardivement, comme par exemple la dysthyroïdie ou encore une surdité.

Historique

En 2001, Dr Guy Dembour a ouvert aux Cliniques universitaires Saint-Luc une « consultation multidisciplinaire » spécifiquement destinée aux enfants et adolescents porteurs de trisomie 21. À part un retard global de développement, ces patients présentent également des difficultés dans d’autres domaines. Ces possibles problèmes médicaux justifient un suivi annuel. L’organisation de « consultation multidisciplinaire » représente un gain de temps et d’énergie particulièrement apprécié par les familles. De plus, les réunions de concertation entre les différents professionnels impliqués permettent un suivi médical réellement globalisé donnant un regard d’ensemble sur l’évolution de l’enfant. Il est essentiel de dépister précocement les difficultés médicales afin d’éviter un handicap surajouté. Outre ce suivi purement médical, depuis 2012, nous proposons une évaluation particulière du développement psycho-moteur grâce à un programme du développement des enfants baptisé EIS (Evaluation – Intervention – Suivi).

Méthodologie

L’équipe est composée de médecins et paramédicaux motivés dans l’accompagnement d’enfants et adolescents différents afin de leur offrir le meilleur état de santé possible. Nous savons que leur développement est d’autant meilleur que leur santé est de qualité. Notre rôle, en termes de prévention de certaines maladies auxquelles les personnes avec une trisomie 21 sont exposées, est particulièrement important.

Nous avons une expertise particulière et utilisons des outils adaptés au besoin des enfants trisomiques (p.ex : outils de communication tel que le langage Sésame, suivi de croissance sur courbes adaptés), ce qui apportent « un plus » par rapport au « simple » suivi pédiatrique. (Figure 1)

Sur base de guidelines internationales, nous utilisons un calendrier spécifique de suivi médical (Tableau 1), ainsi qu’un carnet de santé spécifique. Chaque discipline connaît très bien les difficultés rencontrées et à dépister pour les enfants avec une trisomie 21 ce qui nous permet une organisation optimale des examens complémentaires lors de la consultation multidisciplinaire (biologie complète, electrocardiogramme, échocardiographie, radiographie de la colonne vertébrale, polysomnographie, électroencéphalogramme, potentiels évoqués auditifs, résonance magnétique cérébrale etc.)

Le programme de stimulation globale du développement EIS (Evaluation – Intervention – Suivi)

Ce programme, appliqué par Céline Baurain, docteur en psychologie du développement, permet une évaluation du développement de l’enfant sur différents plans (motricité, langage, autonomie dans la vie quotidienne, …) de manière positive. Le programme montre également les habiletés émergentes de l’enfant afin de proposer aux familles des suggestions d’intervention au quotidien (par des activités ou des jeux par exemple). Ensuite, un suivi du progrès est prévu en consultation en mettant en avant les habiletés et le potentiel de l’enfant plutôt que ses difficultés et ses lacunes. Le but est d’offrir à l’enfant davantage de chances d’acquérir une certaine autonomie.

En pratique

La consultation multidisciplinaire de trisomie 21 a lieu 2 demi-journées par mois. Les patients voient chacun des intervenants pendant une demi-heure. Ensuite, les intervenants se réunissent dans la salle de réunion de la pédiatrie pour parcourir chacun des patients et discuter du projet individuel. Cette consultation compte actuellement aux CUSL plus de 400 patients.

L’équipe est constituée d’une cardiopédiatre, un pédiatre endocrinologue, une neuropédiatre, une psychologue, un médecin ORL, un ophtalmologue, un médecin spécialisé en réadaptation, une dentiste, une kinésithérapeute, une logopède et une secrétaire. Selon la nécessité, d’autres spécialités sont disponibles pour rencontrer les patients et leurs familles, notamment en unité de sommeil pédiatrique.

Dans certaines situations, l’équipe rencontre également des parents qui attendent un enfant avec trisomie 21 lors de la grossesse.

Relations nationales et internationales avec d’autres équipes dans le domaine

D’autres équipes belges organisent des consultations multidisciplinaires pour enfants porteurs de trisomie 21, permettant des échanges scientifiques intéressantes sur le plan national, notamment à l’UZ Leuven, UZ Antwerpen, HUDERF, Clinique CHC MontLégia, CHU St-Pierre Bruxelles et CHR-CHU Liège et Verviers.

Sur le plan international, nous avons construit une collaboration avec le Maroc, via l’association « AMSAT » (Association Marocaine de Soutien et d’Aide aux Personnes Trisomiques). L’ouverture d’un centre spécialisé médico-pédagogique en juin 2012 à Rabat a permis des consultations pédiatriques spécialisées pour un plus grand nombre de patients. En 2019, une partie de notre équipe CUSL s’est rendue sur place. Mme Baurain a pu enseigner le programme du développement EIS (Evaluation – Intervention – Suivi). Un échange en Belgique est prévu en 2023.

La prise en charge globale de l’enfant trisomique se complète évidemment avec un travail à domicile. L’implication de services d’aide précoce et d’accompagnement dans notre travail est indispensable, notamment par le Sapham et Saphir-Bruxelles, avec des réunions semestrielles pour discuter des « cas » complexes ensemble (situation familiale difficile, histoire médicale compliquée etc).

Des contacts avec différents groupements parents nous apportent un retour sur notre activité. Notamment, l’asbl Inclusion nous soutient en prenant en charge l’impression des carnets patients.

Activités scientifiques

Notre activité de consultation multidisicplinaire suscite un intérêt scientifique particulier. Entre autres, un symposium interuniversitaire autour de la trisomie 21 est organisé de manière bisannuelle. Différents sujets sont abordés, aussi bien médicaux, que paramédicaux, éthiques ou encore socio-économiques. Différents étudiants (en médecine, kinésithérapie ou autre) réalisent des travaux cliniques. Des brochures d’information pour les familles sont retravaillés très régulièrement selon les dernières guidelines et en collaboration avec l’équipe de l’HUDERF, CHR-CHU Liège et CHC Liège-Montlégia pour la version francophone.

Pour le futur

Plusieurs défis se présentent auxquels nous allons devoir faire face. Le nombre de patients pour cette consultation spécifique ne cesse d’augmenter. Le suivi est dès lors plus espacé pour les enfants au-delà de l’âge de 12 ans. L’ouverture d’une consultation de « transition » puis une prise en charge pluridisciplinaire en médecine adulte pour les patients après 18 ans, sera indispensable.

Télomères trop courts, trop vite
Anabelle Decottignies
Laboratoire GEPI de Génétique et Epigénétique, Institut de Duve, Université catholique de Louvain, B-1200 Bruxelles

Les télomères, horloges biologiques de nos cellules, sont des structures protectrices à l’extrémité de nos chromosomes. Ils s’érodent naturellement au fil des divisions cellulaires, entrainant peu à peu les cellules vers la sénescence. Une fois atteinte, la sénescence empêche toute division cellulaire ultérieure et la régénération tissulaire. L’usure de nos télomères contribue donc à l’épuisement des capacités de régénération des tissus et au développement de certains dysfonctionnements liés à l’âge, comme la chute d’immunité. Parmi d’autres pathologies, certaines formes de fibrose pulmonaire ont également été associées à une érosion trop importante des télomères.

Si la sénescence cellulaire est le reflet d’un processus physiologique qui constitue une barrière à la transformation cancéreuse, elle peut être accélérée chez les patients porteurs de mutations germinales dans des gènes importants pour le maintien des télomères, causant des maladies de vieillissement prématuré rares appelées téloméropathies (1). Le vieillissement accéléré atteint tous les organes, pouvant entrainer, chez ces patients, un large éventail de symptômes tels qu’une aplasie médullaire, une dyskératose congénitale, une fibrose pulmonaire ou hépatique. Ces patients présentent également une prédisposition au développement de cancers de tous types à un âge précoce. Dans les cas les plus sévères, une hypoplasie cérébellaire et un retard intra-utérin peuvent survenir. La sévérité de la pathologie ainsi que l’âge d’apparition des symptômes sont conditionnés par la nature du gène muté (17 gènes ont été identifiés à ce jour) et le nombre de générations écoulées depuis la première apparition de la mutation au sein de la famille. Le mode de transmission -autosomique dominante ou récessive ou liée à l’X- est aussi dépendant de la mutation.

L’étendue du tableau clinique de ces patients ne permet souvent pas de poser un diagnostic aisé. La mesure de la longueur des télomères par une technique combinant hybridation fluorescente in situ (FISH) à l’aide d’une sonde télomérique et analyse par FACS (Flow-FISH) a récemment été mise au point dans notre laboratoire de l’Institut de Duve et implémentée aux Cliniques universitaires Saint-Luc (2), le seul laboratoire belge à réaliser cette analyse pour le diagnostic et la prise en charge des patients atteints d’un syndrome de télomères courts. L’analyse par Flow-FISH nécessite du sang frais et un délai de max 48h entre le prélèvement et la prise en charge pré-analytique au service de biologie hématologique des Cliniques Saint-Luc (contact: Dr Marie-Astrid van Dievoet).

Bien que l’analyse par Flow-FISH permette une estimation fiable de la longueur des télomères, elle ne permet pas toujours de poser un diagnostic définitif. En effet, dans certains cas, la mutation entraîne un raccourcissement des télomères à la limite de la normalité ou, dans d’autres cas, n’affecte pas la longueur mais l’état du télomère, paramètre non quantifiable par l’analyse de Flow-FISH et non détectable sur cellules sanguines. C’est dans ce cadre que, en collaboration avec la Professeure Caroline Huart (ORL, CUSL), nous avons développé une approche peu invasive de collecte de cellules d’épithélium nasal via un frottis s’apparentant à un autotest de dépistage du COVID-19.

L’analyse de sénescence cellulaire et des dégâts télomériques sur ce matériel cellulaire apporte des éléments phénotypiques supplémentaires qui, combinés à l’analyse de Flow-FISH, facilitent le diagnostic. L’établissement des valeurs de référence des analyses sur frottis nasal dans la population saine, de la naissance à un âge avancé, est en cours de réalisation, ainsi que l’acquisition des premières preuves de concept au départ d’échantillons de patients avec téloméropathie, en collaboration avec le Professeur Antoine Froidure (Pneumologie, CUSL).

Références

  1. Revy P, Kannengiesser C, Bertuch AA. Nat Rev Genet 2022. doi:10.1038/s41576-022-00527-z
  2. Froidure A, Mahieu M, Hoton D, Laterre P-F, Yombi JC, Koenig S, Ghaye B, Defour J-P, Decottignies A. Aging 2020. 12:19911-22. doi:10.18632/aging.104097

 

L'inhibition de l'inflammasome par MCC950 réduit la pyroptose et améliore le phénotype de la dystrophie musculaire de Duchenne
Nicolas Dubuisson
Cliniques universitaires Saint-Luc, service de Neurologie, Centre de référence neuromusculaire, B-1200 Bruxelles

Objectif

Le but de cette étude est de préciser le rôle de l’inflammasome NLRP3 dans la physiopathologie de la dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) et d’explorer le potentiel thérapeutique du MCC950, un inhibiteur spécifique de l’inflammasome NLRP3.

État de la question

La DMD fait partie du groupe des dystrophies musculaires et est la myopathie héréditaire la plus fréquente au monde avec une incidence évaluée à 1 naissance sur 5000. Bien que la cause primaire de la maladie soit une mutation génétique conduisant à un manque de dystrophine. Il existe également un processus secondaire impliquant une inflammation sévère et chronique qui est responsable de la progression de la maladie au cours du temps. Notre équipe de chercheur a démontré par le passé que le complexe inflammasome NLRP3 joue un rôle crucial dans ce processus inflammatoire chronique. En effet, l’activation du complexe NLRP3 va induire une réaction inflammatoire importante qui est en partie médiée par la pyroptose.

Il s’agit d’une forme de mort cellulaire médiée par une protéine spécifique, la gasdermine D (GSDMD). Jusqu’à présent, ce phénomène de pyroptose n’a jamais été décrit ni dans un muscle sain ni dans le muscle dystrophique.

Méthodes

Pour réaliser notre objectif, nous avons utilisé des souris mdx, le modèle animal le plus connu de la DMD. Ces souris, âgées de quatre semaines ont été traitées par voie orale pendant 2 mois avec le MCC950 (mdx-T) puis comparées à des souris non traitées (mdx) et à des souris dites sauvages (WT). Au bout des 8 semaines de traitement, des tests fonctionnels in vivo ont été réalisés pour mesurer la force globale et l’endurance des souris. Des analyses biochimiques et moléculaires ex vivo ont également été effectuées pour évaluer l’état des muscles des souris. Enfin, des tests in vitro ont été réalisés sur des cultures de cellules musculaires provenant de patients DMD.

Résultats

Après traitement par MCC950, les souris mdx ont présenté une réduction significative de l’inflammation, de l’infiltration macrophagique et du stress oxydatif (-20 à -65 %, P<0,05 vs mdx non traité). Elles présentent considérablement moins de nécrose musculaire (-54 %, P<0,05 vs mdx) et de fibrose (-75 %, P<0,01 vs mdx), ainsi qu’une force et une résistance musculaire à la fatigue qui sont améliorées (+20 à 60 %, P < 0,05 vs mdx). Ces effets bénéfiques résultent de l’inhibition de la forme active de la gasdermine D (N-GSDMD) (-42 %, P < 0,001). Enfin, l’action anti-inflammatoire et l’effet anti-pyroptotique du MCC950 ont également été confirmés sur les cellules musculaires humaines issues de patients DMD.

Conclusion

L’inhibition spécifique de l’inflammasome NLRP3 atténue significativement la sévérité de la maladie chez les souris. Cela conduit à moins d’inflammation et de pyroptose et à une meilleure fonction musculaire. L’atout supplémentaire de cette étude est la découverte de l’implication de la GSDMD dans la DMD, qui est efficacement inhibée par le MCC950. Cibler l’inflammasome NLRP3 est donc une approche thérapeutique efficace pour une meilleure prise en charge de la DMD.

 

Atteintes pulmonaires de la polyarthrite rhumatoïde - analyse interim de l’étude FINDRA
Antoine Froidure
Cliniques universitaires Saint-Luc, service de Pneumologie, au nom des investigateurs*

*Antoine Froidure, Patrick Durez, Benoît Ghaye, Marie Doyen, Stéphanie Dierckx, Marie Perrot, Maria Stoenoiu, Deniz Zan, Aleksandra Avramovska, Sandra Koenig

La prévalence de l’atteinte pulmonaire dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) reste indéterminée, en particulier en début de maladie. Nous avons mis en place une étude pour dépister les pneumopathies interstitielles diffuses (PID), la bronchiolite et les nodules dans la PR débutante. Les résultats de ce travail pourraient guider de futures stratégies de dépistage des anomailes respiratoires chez les patients à risque.

L’étude Factors of ILD in Newly Diagnosed RA (FINDRA, NCT04002765) est un essai prospectif. Nous avons proposé l’inclusion des patients avec une PR nouvellement diagnostiquée selon les critères ACR/EULAR. Nous avons défini la maladie précoce comme des symptômes présents depuis au moins 1 an et au maximum 10 ans. Après consentement éclairé, les patients ont bénéficié d’une évaluation respiratoire complète consistant en un questionnaire environnemental, un scanner thoracique avec acquisition expiratoire et épreuves fonctionnelles respiratoires (EFR). Les images du scanner ont fait l’objet d’une analyse centralisée pour la présence d’une pneumopathie interstitielle diffuse (PID, résultat principal), de piégeage expiratoire et de nodules (résultats secondaires).

Au 31 octobre 2021, 245 patients avaient été inclus. Nous avons exclu 32 patients de la présente analyse en raison d’examens en attente (scanner et/ou EFR). 148 (59 %) des 213 patients étaient des femmes. 99 (53 %) étaient des ex-fumeurs ou des fumeurs actifs, avec une médiane de 20 paquets-années. 34 (16%) ont été exposés à un toxique professionnel. Des anomalies interstitielles ont été détectées chez 25 patients (12 %). Les patients atteints de PID étaient significativement plus âgés (68 vs 54,5, P<0,0001) et 48 % étaient des hommes. La DLCO médiane était plus faible dans le groupe PID (71% contre 84%, P = 0,0003). Un piégeage d’air compatible avec une bronchiolite était présent chez 123 patients (58 %). Les patients avec piégeage étaient plus âgés (57 vs 49, P<0,0001). Ni le sexe ni le tabagisme n’étaient liés à la présence de piégeage d’air. Enfin, 23 patients (11 %) avaient au moins un nodule détecté sur HRCT.

En conclusion, dans cette analyse intermédiaire, nous avons détecté une PR-ILD et des signes de bronchiolite chez respectivement 12 et 58 % des patients. L’âge était un facteur de risque pour les deux et la PID était plus fréquente chez les hommes.

Outre le recrutement de nouveaux patients, nous prévoyons l’analyse de variants génétiques potentiellement associés aux atteintes pulmonaires de la PR. Enfin, nous réaliserons des prélèvements respiratoires profonds (via endoscopie) chez certains patients sélectionnés afin d’étudier l’environnement alvéolaire.

Le 1-minute sit-to-stand test, un moyen rapide et efficace pour déterminer la force musculaire des patients atteints de la mucoviscidose
Sophie Gohy
Service de Pneumologie, Centre de référence pour la mucoviscidose, Cliniques universitaires Saint-Luc, Bruxelles, Belgique

La faiblesse musculaire est fréquente chez les patients atteints de la mucoviscidose et conditionne en partie le pronostic de la maladie (1). Elle s’évalue classiquement par la mesure de la force quadricipitale grâce à un dynamomètre. Le 1-minute sit-to-stand test (1STST) est une méthode récente pour évaluer l’endurance et la force musculaire des patients, notamment en consultation grâce à sa célérité. Elle consiste à se lever et s’asseoir autant de fois que possible d’une chaise, sans s’aider des membres supérieurs, durant une minute. Des valeurs de références existent et permettent de normaliser le résultat en fonction de l’âge (2).

Précédemment, nous avons montré que le nombre de répétition du 1STST est diminué à 79% des valeurs prédites chez les patients atteints de mucoviscidose et que les résultats du test sont corrélés à la force musculaire mesurée par le dynamomètre, ainsi qu’à la fonction respiratoire (en terme de volume expiré maximal en une seconde) (3). Le 1STST s’améliore lors de l’administration d’antibiotiques intraveineux, tout comme la fonction respiratoire et le BMI et ce, d’autant plus que le patient est hospitalisé avec un programme de revalidation concomitant (3). Depuis l’arrivée des modulateurs du CFTR, nous espérons que la force musculaire des patients va augmenter et nous effectuons actuellement une étude pour tester cette force musculaire avant et après traitement par la bithérapie (ivacaftor et tezacaftor) disponible depuis 04/2021 en Belgique, puis par la trithérapie (tezacaftor, elexacaftor et ivacaftor), remboursé depuis 09/2022. En parallèle du 1STST, les patients effectuent également une mesure la force musculaire quadricipitale par le dynamomètre et un test de marche de 6 minutes.

Les nouveaux traitements fondamentaux dans la mucoviscidose changent totalement l’avenir de cette maladie et donnent beaucoup d’espoir et de perspectives aux patients ainsi qu’à leurs familles.

Références

  1. Mathieu Gruet, Thierry Troosters, Samuel Verges. Peripheral muscle abnormalities in cystic fibrosis: Etiology, clinical implications and response to therapeutic interventions. J Cyst Fibros. 2017 Sep;16(5):538-552. doi: 10.1016/j.jcf.2017.02.007.
  2. Alexandra Strassmann, Claudia Steurer-Stey, Kaba Dalla Lana, Marco Zoller, Alexander J Turk, Paolo Suter, Milo A Puhan. Population-based reference values for the 1-min sit-to-stand test. Int J Public Health. 2013 Dec;58(6):949-53. doi: 10.1007/s00038-013-0504-z.
  3. Sophie Hardy, Silvia Berardis, Anne-Sophie Aubriot, Gregory Reychler, Sophie Gohy. One-minute sit-to-stand test is practical to assess and follow the muscle weakness in cystic fibrosis. Respir Res. 2022 Sep 23;23(1):266. doi: 10.1186/s12931-022-02176-6

Dépistage systématique des conductrices de l’hémophilie : modalités, résultats et défis
Evelien Krumb
Cliniques universitaires Saint-Luc, Hématologie adulte / IREC (UCLouvain)

L’hémophilie est un trouble de la coagulation rare, caractérisé par un manque en facteur de coagulation VIII (hémophilie A, HA) ou en facteur de coagulation IX (hémophilie B, HB). En raison de sa transmission héréditaire liée au chromosome X, l’hémophilie affecte principalement des sujets masculins et se manifeste par des hémarthroses récurrentes en l’absence d’un traitement prophylactique efficace.

Les sujets féminins porteuses de la mutation génétique (aussi appelées « conductrices ») peuvent la transmettre à leur descendance et, de façon intéressante, peuvent elles-mêmes être atteintes d’un déficit en facteurs de la coagulation. [1] Différents mécanismes sous-jacents à ce dernier phénomène ont été identifiés, celui qui est le plus souvent cité étant la « lyonisation extrême » ou, en d’autres termes, un déséquilibre dans l’inactivation des chromosomes X chez les sujets féminins. [2] Chez les conductrices de l’hémophilie, le risque hémorragique accru se traduit principalement par des saignements prolongés suite aux interventions chirurgicales ou dentaires, ou des saignements gynécologiques anormaux. Dans de très rares cas, le tableau clinique se rapproche de celui des patients hémophiles sévères masculins. [1,3] En outre, il existe des conductrices avec une concentration plasmatique en facteur de coagulation entre 0.40 et 0.60 UI/mL, donc à la limite inférieure de la normale, qui présentent tout de même un risque hémorragique accru. [1,3]

Afin de promouvoir une prise en charge correcte des femmes atteintes d’un déficit en facteur VIII ou IX (< 0.40 UI/mL), le terme « femmes hémophiles » a récemment été introduit. [4] Par ailleurs, si les concentrations plasmatiques en facteur VIII ou IX sont supérieures ou égales à 0.40 UI/mL, les hématologues parlent maintenant de « conductrices symptomatiques » en cas de symptômes hémorragiques associés et de « conductrices asymptomatiques » en l’absence de symptômes. [4]

Malgré les multiples implications hématologiques et personnelles découlant du statut de conductrice, la majorité d’entre elles ne sont pas diagnostiquées. Elles ne bénéficient donc pas d’une prise en charge adéquate, qui devrait comprendre un conseil génétique, une évaluation du risque hémorragique et, le cas échéant, l’administration d’un traitement hémostatique.

Dans les services d’hématologie adulte et pédiatrique des Cliniques universitaires Saint-Luc (CUSL), nous avons lancé en 2021 l’étude clinique « PROCARRIERS1 », ayant pour but d’identifier et de dépister proactivement toutes les conductrices de l’hémophilie dans les familles des patients hémophiles, ainsi que de comparer les conductrices de l’HA avec celles de l’HB concernant les concentrations plasmatiques en facteurs de coagulation, le phénotype hémorragique et les circonstances du diagnostic. La méthodologie de l’étude est décrite dans la figure 1. Le protocole de cette étude a été approuvé par le Comité d’éthique des CUSL.

Une analyse intermédiaire de notre étude montre que 219 patients dans 178 familles atteintes d’HA et 59 patients dans 49 familles atteintes d’HB sont actuellement suivis et que ces familles comprennent respectivement 643 (HA) et 231 (HB) femmes. 158 conductrices de l’HA et 68 conductrices de l’HB ont été confirmées comme porteuses de la mutation génétique sous-jacente. 185 conductrices obligatoires et 369 conductrices potentielles n’ont pas encore été dépistées. Chez les conductrices pour lesquelles les concentrations plasmatiques basales de facteur VIII (FVIII) ou de facteur IX (FIX) sont disponibles, 24% (n=41) présentent un déficit en FVIII et 33% (n=24) un déficit en FIX. Chez les femmes pour lesquelles l’âge au moment du diagnostic par test génétique est connu (201 HA, 93 HB), l’âge moyen au moment du diagnostic est de 31 (HA) et 30 (HB) ans.

Bien que nous ayons mis à jour les pedigrees de tous nos patients et que nous ayons entrepris des démarches proactives auprès des conductrices potentielles de l’hémophilie, le dépistage de ces dernières est encore largement incomplet dans notre centre, en raison d’obstacles tels qu’une communication intrafamiliale insuffisante ou un manque de sensibilisation à la problématique des conductrices. La stigmatisation de l’hémophilie dans certaines familles et/ou cultures peut également entraver le dépistage des conductrices. Bien qu’il soit souhaitable d’établir le statut de conductrice chez toutes les femmes, le dépistage systématique est à la fois difficile et ambitieux. Par conséquent, un ordre de priorité doit être établi, en commençant par les femmes en âge de procréer. Les patients atteints d’hémophilie, qui servent d’intermédiaires pour contacter les femmes non dépistées, doivent être sensibilisés à l’importance du dépistage des conductrices.

Références

  1. Plug I, Mauser-Bunschoten EP, Bröcker-Vriends AH, et al. Bleeding in carriers of hemophilia. Blood. 2006;108(1):52-56. doi:10.1182/blood-2005-09-3879
  2. Miesbach W, Alesci S, Geisen C, Oldenburg J. Association between phenotype and genotype in carriers of haemophilia A. Haemophilia. 2011;17(2):246-251. doi:10.1111/j.1365-2516.2010.02426.x
  3. d’Oiron R: Carriers of Hemophilia A and Hemophilia B. In: Inherited Bleeding Disorders in Women, 2nd Edition. Wiley Blackwell; 2019:65-79.
  4. van Galen KPM, d’Oiron R, James P, et al. A new hemophilia carrier nomenclature to define hemophilia in women and girls: Communication from the SSC of the ISTH. J Thromb Haemost. 2021;19(8):1883-1887. doi:10.1111/jth.15397