L’exposome, le changement climatique et la santé

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Robert Barouki Publié dans la revue de : Juin 2025 Rubrique(s) : La santé à Bruxelles en 2050
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Résumé de l'article :

Né en 2005 grâce à Chris Wild, le concept d’exposome qui correspond à l’ensemble des expositions tout au long de la vie d’un individu ou d’une population, s’est enrichi de diverses contributions ces dernières années pour occuper une place centrale dans le champ environnement et santé. Des apports venant de la chimie analytique, la toxicologie, l’épidémiologie, la biologie systémique, la modélisation, des sciences sociales et des sciences environnementales ont permis de mieux préciser les objectifs des travaux sur l’exposome ainsi que les méthodes et les outils pour mieux l’explorer. Le changement climatique se traduit principalement par une modification de l’exposome. Cette vision est utile du point de vue de la prévention parce que, d’une part notre état de santé dans 25 ans dépend fortement de nos expositions actuelles et futures, d’autre part ces expositions sont par nature modifiables et cela met en exergue notre responsabilité collective et individuelle.

Article complet :

Le concept d’exposome est né à une date précise, en 2005, lorsque Chris Wild publie son l’article fondateur (1). Chris Wild était à l’époque directeur du Centre International de Recherche sur le Cancer à Lyon. En bon épidémiologiste, il s’intéressait aux déterminants du cancer et il avait constaté que si l’on avait beaucoup de données concernant le rôle du génome, les autres déterminants comme le régime alimentaire, les infections, les polluants, les stress divers et variés, étaient moins bien connus. Il a pris l’initiative de regrouper l’ensemble des déterminants non génétiques en un seul concept, l’exposome, qui recouvrait en plus une dimension temporelle puisque sa définition englobait l’ensemble des expositions tout au long de la vie (1). Ainsi, un nouveau concept était né en cette année 2005. La définition de Wild comporte deux caractéristiques essentielles : premièrement, toutes les expositions sont prises en compte, y compris les expositions chimiques, physiques, biologiques, psychologiques, sociales et comportementales, même si bon nombre d’entre elles sont en dehors du champ traditionnel de la toxicologie ; deuxièmement, le cycle de vie, y compris les périodes critiques de vulnérabilité, est pris en considération sous-entendant que des expositions in utero ou pendant la petite enfance peuvent avoir des impacts tout au long de la vie. Quelques années après le lancement du concept, des contributions de plusieurs auteurs sont venues le préciser ou le réorienter partiellement selon leur propre vision.

Les différentes approches de l’exposome

L’approche épidémiologique

Cette approche est en fait celle de Chris Wild et elle tend à être assez inclusive (« toutes les expositions, tout au long de la vie »). Elle a été complétée quelques années plus tard par Germaine Buck-Louis et Chris Wild lui-même. Buck-Louis avec une vision épidémiologique complémentaire, a souligné l’importance des facteurs régissant les expositions dans des communautés, notamment leurs modes de vie (2) . Chris Wild a, quant à lui, précisé les différents types d’exposition comprenant les contexte social et psychologique, les sources d’expositions externes aux facteurs chimiques, physiques et biologiques et l’exposome interne.

L’approche analytique

Les expositions aux substances chimiques ont été traditionnellement parmi les plus étudiées dans le champ environnement et santé. Il était donc tout à fait naturel que des chimistes analyticiens s’approprient le concept d’exposome pour tenter d’être le plus exhaustif possible dans leurs analyses. Steven Rappaport et Michael Smith ont été parmi les premiers à s’intéresser à cette notion et ils ont beaucoup mis en avant l’exposome interne que l’on pouvait aborder en analysant à très grande échelle les substances chimiques présentes dans les matrices biologiques comme le sang (xénobiotiques et de leurs métabolites propres, métabolites endogènes, métabolites microbiens et de leurs dérivés et de composés alimentaires qui subissent eux-aussi des transformations au sein des organismes) (3). Gary Miller et Steven Jones ont aussi beaucoup œuvré dans ce domaine (4). Cette vision a conduit à des développements technologiques importants et des efforts d’harmonisation internationaux (5).

L’aproche toxicologique et computationnelle

Comme nous l’avons vu ci-dessus, Gary Miller a proposé des méthodes d’analyse de l’exposome couplée à l’analyse du métabolome. Cela reflétait le fait de considérer l’exposome comme comprenant non seulement la description des expositions mais aussi de leurs impacts biologiques associés (6). Il s’agit bien d’un point de vue toxicologique complété par une analyse que nous avons menée avec quelques collègues sur les multiples liens entre l’exposome et la toxicologie (interaction entre différents facteurs de stress, effets des mélanges, mécanismes d’action et AOP, etc.) (6). Cependant, une confusion est née entre la perception habituelle de l’exposome comme étant l’ensemble des expositions et l’extension proposée aux effets biologiques et toxiques. Avec Elliott Price et d’autres collègues, nous avons proposé de garder le terme « exposomique » pour décrire les expositions et d’utiliser le terme d’ « exposomique fonctionnelle » pour décrire les impacts des expositions, exactement comme la génomique fonctionnelle décrit les produits des génomes (7). Selon une vision similaire, Vermeulen et al. ont préconisé la caractérisation de l’exposome à une échelle similaire à celle du génome, et à son intégration avec les autres « omiques » dans un esprit de biologie systémique afin de répondre aux défis de santé auxquels sont confrontées cette génération et les générations futures (8). En allant encore plus loin dans la modélisation, Denis Sarigiannis et ses collaborateurs collègues ont présenté l’exposome sous l’angle de grands modèles numériques d’exposition aux multiples facteurs environnementaux (9).

L’approche écologique et planétaire

La conception initiale de l’exposome était très majoritairement dominée par des approches anthropocentrées. Il y eut donc des propositions pour mieux intégrer au sein de l’exposome, les aspects écosystémiques. Ainsi, l’« éco-exposome » a été défini comme recouvrant les influences bidirectionnelles entre les écosystèmes (dans toutes leurs diversités) et l’exposition humaine, mais d’autres définitions de l’éco-exposome focalisées sur les espèces vivantes dans les écosystèmes ont aussi été proposées (30–32). Cette vision est importante puisqu’elle tend à rapprocher le concept d’exposome du concept « one-health » ou « une seule santé » (13). La définition par l’OMS de « one-health » intègre la santé humaine, animale et celle des écosystèmes, ce qui nous rapproche de l’éco-exposome (14).

L’approche sociale

Si la notion d’exposome social ou psychosocial existait implicitement dès le début, elle a pu bénéficier récemment d’une structuration qui l’ancre dans le concept d’exposome global (15). Dans une analyse récente, nous avons proposé que l’exposome était le cadre propice à traduire les expositions d’origine sociale ou psychologique en termes biologiques, notamment grâce au cadre formel des « Adverse Outcome Pathways » ou AOP (16). Dans cette analyse, la trajectoire de vie d’un individu et le capital psycho-social qu’elle lui confère, constitue un déterminant majeur de ses expositions environnementales et de leurs impacts. Michelle Kelly-Irving et Cyrile Delpierre ont aussi proposé une meilleure caractérisation de l’exposome social en insistant sur le rôle des inégalité sociales comme déterminants primaire induisant une plus grande exposition à d’autres facteurs de stress chimiques, physiques ou psycho-sociaux (15).

Intégration de multiples facteurs de stress

Une caractéristique majeure de l’approche exposomique est de réaliser une évaluation globale de l’exposition et d’évaluer l’impact de la combinaison de multiples facteurs de stress. Cela nécessite une approche multidisciplinaire incluant une évaluation complète de l’exposition, des études épidémiologiques, la toxicocinétique et diverses méthodes computationnelles (17,18). Dans certains projets, une approche toxicologique est également incluse pour soutenir la causalité et identifier les voies mécanistiques.

Il existe différentes approches pour étudier les effets des mélanges chimiques (19). Par exemple, si plusieurs produits chimiques présentent un mode d’action similaire ou ciblent le même résultat, l’addition des doses pondérée par des facteurs d’ajustement est l’approche la plus probable pour refléter leur effet combiné (20). En plus de la composition du mélange, un autre point à considérer est le schéma d’expositions séquentielles des différents produits chimiques (21). Les données des études épidémiologiques offrent la possibilité d’identifier des mélanges réalistes qui ont été associés à un effet indésirable chez l’homme à l’aide de divers outils statistiques. Sur la base de ces données, ces mélanges pourraient être testés expérimentalement pour vérifier la relation causale. Dans une étude élégante sur la cohorte de naissance Selma en Suède, un mélange de produits chimiques a été statistiquement associé à des résultats neurocomportementaux chez les enfants, et cela a été soutenu par au moins deux modèles expérimentaux utilisant des cultures cellulaires et des modèles de développement de Xénope (22).

Des études complètes sur l’exposome humain peuvent révéler des interactions entre l’exposition à des produits chimiques et d’autres facteurs de stress qui peuvent être confirmées par des approches toxicologiques. L’interaction entre des régimes alimentaires déséquilibrés, tels que les régimes riches en graisses ou en calories, et les contaminants chimiques a été étudiée pendant plusieurs années, en particulier lorsque des résultats métaboliques tels que le diabète étaient investigués (23). Les régimes riches en glucides et/ou en lipides peuvent moduler les effets toxiques des contaminants et entraîner des résultats qui ne sont pas clairement observés avec les seuls produits chimiques. Plusieurs études ont montré de telles interactions. Par exemple, un régime riche en graisses combiné à une exposition à la dioxine entraîne une augmentation synergique de la fibrose hépatique et de la stéatose, associée à une augmentation de l’expression des biomarqueurs associés (24). Dans une autre étude, les auteurs ont montré que les effets métaboliques des mélanges de contaminants à faibles doses dépendent du type de régime chez les rongeurs (25). Il a également été démontré que les profils de marqueurs épigénétiques étaient influencés par la combinaison de l’exposition prénatale au bisphénol A et de divers régimes chez les souris (26).

Dans plusieurs études épidémiologiques, il a été montré que le stress psychosocial et le stress chimique interagissent, particulièrement lorsque des résultats neurodéveloppementaux ou neuroendocriniens sont explorés (27–29). Le stress psychosocial a été plus difficile à explorer expérimentalement, mais il existe des modèles in vivo dans lesquels une telle investigation est possible, par exemple, les modèles de défaite sociale ou les modèles de stress intermittent chronique (30). Ainsi, il existe déjà des preuves des effets toxiques de la combinaison du stress psychosocial et du stress chimique, soutenant les résultats des études humaines. Avec le développement des approches exposomiques, de plus nombreuses données sur ces interactions seront recueillies, et les approches toxicologiques, malgré leurs limitations, testeront de plus en plus les interactions du stress psychosocial et des autres types de stress.

Comprendre les effets à long terme

L’une des tâches les plus difficiles en toxicologie est d’élucider les mécanismes des effets à long terme conduisant à des maladies chroniques et de trouver les bons modèles pour les étudier. Le long terme signifie des années, des décennies et peut-être des générations (effets transgénérationnels), ce qui constitue un défi tant pour la toxicologie mécanistique que réglementaire. Il est également important de distinguer l’impact des différents schémas d’exposition, en particulier les effets liés à une exposition continue à long terme et ceux liés à une réponse retardée après une exposition aiguë, car les mécanismes impliqués peuvent être très différents. La recherche sur l’exposome peut révéler de tels schémas, et la toxicologie devrait être en mesure de mieux comprendre les mécanismes impliqués et de fournir des modèles prédictifs et des outils qui pourraient être utiles dans une perspective réglementaire.

Nous nous focalisons ici sur les mécanismes de toxicité par lesquels une exposition courte à un facteur de stress conduit à des impacts sanitaires de nombreuses années plus tard. C’est évidemment le cas pour les composés génotoxiques (qui ne seront pas discutés davantage ici), mais un schéma similaire est également observé avec des substances non génotoxiques. Des études expérimentales et épidémiologiques ont montré que l’exposition à des produits chimiques non génotoxiques (en particulier les perturbateurs endocriniens) pendant certaines phases de développement était associée à un risque accru de maladie plus tard dans la vie (31,32). L’exposition peut être limitée dans le temps, mais elle peut avoir un impact particulier lorsque l’organisme cible est dans un état de vulnérabilité. La vulnérabilité développementale est probablement due au remodelage des tissus et des organes pendant certaines phases de développement et à des capacités de défense limitées. Bien que plusieurs mécanismes soient possibles, le plus probable pour les substances non génotoxiques est la régulation épigénétique telle que la méthylation de l’ADN, les modifications des histones et de certains ARN non codants (33). De telles régulations sont influencées par les conditions environnementales et sont héréditaires, au moins au niveau somatique (34). Par conséquent, ces altérations peuvent persister longtemps et entraîner des changements subtils dans la physiologie de différents organes, ce qui peut augmenter le risque de développer des maladies plus tard dans la vie.

Malgré des progrès considérables récents, nous avons encore besoin de plus de données liant les régulations épigénétiques aux effets sur la santé et de plus de données mécanistiques. Nous devons également renforcer les preuves montrant que le remodelage épigénétique développemental est une cause majeure de vulnérabilité et fournir plus de preuves pour soutenir la toxicité épigénétique (35,36). Des recherches supplémentaires sont également nécessaires pour examiner le rôle du microbiome dans la toxicité à long terme des produits chimiques (37,38).Conjointement au développement du concept d’exposome prenant en compte les expositions tout au long de la vie, un nouveau domaine a émergé en toxicologie expérimentale, mettant en lumière les effets transgénérationnels possibles des expositions ancestrales aux produits chimiques, appelé toxicologie générationnelle (39,40). Bien que davantage de preuves chez l’humain soient encore nécessaires, des preuves mécanistiques sont actuellement produites dans des modèles expérimentaux. En effet, bien que des modifications génomiques dans les cellules germinales pendant les expositions ne puissent être exclues, des modifications épigénétiques dans les cellules germinales (y compris les cellules germinales mâles et femelles) ont été démontrées et peuvent expliquer certaines transmissions des effets à travers les générations (41).

Changement climatique et exposome

Les effets du changement climatique anthropique (ci-après CC) sur la santé humaine correspondent à une modification de plus en plus visible de l’exposome (42). Le changement climatique influence les expositions aux facteurs de stress physiques (chaleur, UV), chimiques (ozone troposphérique, particules), biologiques (vecteurs et les maladies qu’ils transmettent, agents infectieux dans l’eau, pollens), ainsi qu’aux facteurs psychosociaux induits par les événements météorologiques extrêmes (43). Le concept d’exposome apparaît bien adapté pour analyser ces effets en intégrant tous ces facteurs ainsi que leurs interactions.

Le CC affecte les quantités et la distribution de plusieurs facteurs environnementaux qui peuvent entraîner des conséquences biologiques et sanitaires. Afin d’analyser ces effets, les modifications des facteurs de stress environnementaux induits par le CC dans différentes matrices sont examinées ci-dessous. Les deux principales matrices analysées sont l’air et l’eau et les contributions des facteurs modifiés par le CC ainsi que celles d’autres déterminants environnementaux tels que la pollution sont examinées. L’une des conséquences du changement climatique est l’augmentation de l’ozone troposphérique (44). L’ozone est produit à partir de produits chimiques d’origine naturelle et d’origine humaine, tels que la combustion de combustibles fossiles. L’ozone est un toxique pulmonaire connu ; ses effets pourraient s’ajouter à d’autres polluants atmosphériques pour augmenter les maladies pulmonaires (45). Une augmentation de la sécheresse associée au changement climatique augmentera également les particules atmosphériques. Il existe des différences significatives dans la nature des particules qui augmentent avec le changement climatique (poussière, sable, fumée des feux de forêt) par rapport au trafic et il est probable que de telles augmentations auront des effets systémiques sur la santé humaine (46). Les particules de poussière et de sable lient une variété de produits chimiques, parfois sur de longues distances. Les feux de forêt augmenteront également les polluants avec des effets considérables (43). Les pollens et les allergènes augmenteront également avec le CC et cela aura un impact notamment sur un certain nombre de maladies respiratoires (47). Les pollens peuvent interagir avec des agents infectieux et d’autres polluants atmosphériques pour aggraver les maladies. La qualité de l’air sera considérablement modifiée par le changement climatique dans de nombreuses régions du monde, en particulier celles où la sécheresse devrait augmenter. D’autre part, toute réduction substantielle de la combustion du charbon et d’autres combustibles fossiles (pour ralentir le taux de CC) agira pour contrer une telle détérioration de la qualité de l’air. Plusieurs facteurs environnementaux modifiés par le CC provoquent des événements biologiques tels que l’inflammation, le stress oxydatif et la dysrégulation immunitaire conduisant finalement à des maladies pulmonaires et autres. La diminution de la disponibilité et de la qualité de l’eau liée à la sécheresse entraînera une augmentation des concentrations de produits chimiques pour les humains et les autres espèces (48). Un autre facteur critique est la multiplication des événements extrêmes et des inondations. Ces phénomènes propagent des agents infectieux ainsi que des produits chimiques potentiellement toxiques qui dégradent l’eau et le sol (49). L’augmentation de la chaleur, un autre effet important du changement climatique, peut modifier les propriétés des produits chimiques auxquels les personnes sont exposées, notamment leur solubilité, leur persistance et leur volatilité (48). Cependant, à ce stade, il est difficile de tirer une conclusion générale quant à savoir si l’effet de la chaleur sur la toxicité chimique est négatif ou positif. De même, la qualité du sol dépendra des propriétés physiques et métaboliques des contaminants chimiques.

Plusieurs effets du CC sur la santé résultent d’une exposition accrue aux polluants environnementaux. Des exemples de ces impacts sur la santé sont détaillés ci-dessous. Immunotoxicité et infections. Une caractéristique du CC est une distribution modifiée (dans certains cas accrue) des maladies infectieuses en raison de changements dans la localisation des vecteurs, des cycles de vie accélérés des agents pathogènes au sein de certains vecteurs et via des agents pathogènes contaminant l’eau. Il a été démontré que de nombreux produits chimiques interfèrent avec le système immunitaire, conduisant dans certains cas à une immunosuppression (50). C’est en particulier le cas des dioxines et des substances poly- et perfluoroalkylées (PFAS). Des concentrations plus élevées de PFAS sont corrélées à une diminution des réponses vaccinales chez les enfants et à un risque accru d’infection (51). Dans le cas des composés de type dioxine, les mécanismes d’immunotoxicité semblent être liés aux fonctions immunitaires du récepteur de la dioxine (récepteur des hydrocarbures aryliques) en particulier dans les organes de barrière (par exemple, l’intestin et la peau) (52). De plus, les composés de type dioxine et les PFAS sont des produits chimiques très persistants et resteront des contaminants très préoccupants dans les prochaines décennies, même si leur production mondiale est rapidement réglementée (PFAS) ou limitée (dioxines). Il n’est pas encore prouvé que les immunotoxiques affecteront les agents infectieux associés au CC, mais cela est biologiquement plausible.

Neurotoxicité et changement climatique. De nombreux produits chimiques se sont avérés être des neurotoxiques probables ou avérés (53). Les deux principaux effets sont la neurotoxicité développementale et adulte, en particulier les maladies neurodégénératives. Il existe plusieurs interactions possibles entre les neurotoxiques et le changement climatique. Le stress oxydatif neuronal se produit dans les maladies neurodégénératives (54). Certains des impacts du CC sur la santé sont également en partie médiés par le stress oxydatif ; ces conséquences pourraient donc être additives ou synergiques. De plus, le rôle de la chaleur excessive et de la déshydratation peut également causer des dommages neurologiques. Une étude plus approfondie des neurotoxines, y compris leurs interactions avec les agents infectieux et la pollution de l’air, dont le profil de risque peut également être modifié en raison du CC, est importante.

Santé mentale. Il est désormais admis que le CC peut entraîner une série d’effets sur la santé mentale, notamment via l’exposition à des phénomènes météorologiques extrêmes (55). Il est plausible que ces conditions puissent interagir avec l’exposition aux produits chimiques, aggravant ou générant diverses maladies neurocognitives, y compris chez les enfants.

Toxicité pulmonaire et cardiaque. La pollution de l’air est générée par le trafic, l’industrie et l’agriculture et est susceptible d’être augmentée par le CC (45). Cela conduit finalement à des maladies pulmonaires et cardiaques. Il est important de noter que la chaleur contribue également aux effets délétères sur ces organes.

Santé reproductive. Des preuves récentes ont suggéré que les voies associées au CC nuisent à la santé reproductive, par des moyens tels que la pollution de l’air, l’exposition aux feux de forêt et à une chaleur excessive (56). Différents mécanismes sont impliqués selon la nature du facteur de stress. De nombreux produits chimiques sont également connus pour entraîner une reprotoxicité, en particulier les perturbateurs endocriniens (57).

Cancer. Un risque accru de cancer associé au CC est plausible en raison de l’exposition accrue aux UV et à certains produits chimiques, via les voies évoquées ci-dessus (58). L’impact réel est à ce stade difficile à évaluer. Une augmentation des agents infectieux pourrait également entraîner une augmentation des cancers.

Ces exemples indiquent que les CC et les agents chimiques ont des effets communs sur la santé. On ne sait toujours pas si les interactions entre ces facteurs de stress sont additives, synergiques ou autres. Dans certains cas, les interactions sont biologiquement plausibles (par exemple, les immunosuppresseurs et les agents infectieux), mais dans d’autres cas, cela reste spéculatif. Une meilleure compréhension de la toxicologie pourrait aider à mieux caractériser ces interactions.

L’horizon 2050

Notre fond génétique en 2050 sera sensiblement le même que le nôtre aujourd’hui et il continuera à influencer notre santé de la même manière. Ce qui peut changer est l’exposome ! Notons d’abord que l’exposome d’aujourd’hui aura une influence importante sur notre santé en 2050 puisque nous avons vu que des expositions même aigües ont des impacts biologiques et cliniques qui se manifestent bien plus tard dans la vie, voire sur plusieurs générations. Une analyse approfondie des régulations épigénétiques impliquées est nécessaires tant pour comprendre ces effets différés que pour pouvoir prédire les impacts sanitaires. Par ailleurs, le changement climatique, la perte de biodiversité et la pollution globale de la planète auront un effet marqué sur notre santé que nous avons détaillé dans ce texte. Pour garder une note positive, signalons que lorsque nous prenons des mesures d’atténuation du CC, souvent nous agissons aussi positivement sur d’autres facteurs sanitaires. Ainsi si on réduit l’utilisation d’énergie fossile, nous avons moins de gaz à effet de serre mais aussi moins de particules et de pollution de l’air. Si nous réduisons l’élevage et consommons moins de viande, nous pouvons diminuer les gaz à effet de serre, gagner en biodiversité et réduire l’incidence des maladies cardio-vasculaires et les cancers digestifs. Mais il est aussi vrai que certaines mesures d’atténuation peuvent avoir des effets néfastes (pollution liée aux mines de métaux rares) et il sera nécessaire dans ce cas de trouver des compromis. Gageons que nous saurons faire pour le bien des générations actuelles et futures.

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Affiliation

*Pr Robert Barouki, Inserm, Institut thématique de santé publique, Paris, France
Robert.barouki@inserm.fr