Le vaccin antirougeoleux au centre de la tourmente

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Maurice Einhorn Publié dans la revue de : Juillet 2019 Rubrique(s) : Ama Contacts
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Résumé de l'article :

Si le terme de fake news est relativement nouveau, le phénomène en soi ne l’est guère. Les théories les plus fantaisistes et les contre-vérités les plus flagrantes n’ont pas attendu l’avènement d’Internet pour fleurir dans tous les domaines.

Article complet :

Si le terme de fake news est relativement nouveau, le phénomène en soi ne l’est guère. Les théories les plus fantaisistes et les contre-vérités les plus flagrantes n’ont pas attendu l’avènement d’Internet pour fleurir dans tous les domaines.

Le développement de la toile et particulièrement celui des réseaux sociaux leur a cependant donné un nouveau souffle. Dans un contexte où un nombre croissant de citoyens dans le monde se contentent desdits réseaux sociaux pour s’informer, et où l’idée même d’expertise tend à s’effacer dans l’opinion publique, les fake news se multiplient dans tous les domaines, la santé représentant aujourd’hui un terrain de choix pour la diffusion d’informations dénuées de tout fondement. Les médecins doivent donc s’attendre à ce qu’un nombre croissant de patients s’y réfèrent.

Le « danger des vaccins » représente, à cet égard, un thème de prédilection qui explose littéralement. Certains ne reculent devant rien pour propager leurs idées en la matière. Ainsi, l’association belge ‘Initiative citoyenne’ publiait-t-elle en 2014 sur son site un article à ce sujet sous le titre suivant : « Vaccins: l’OMS avoue qu’elle met la santé du monde en danger ».

L’obligation légale, récemment introduite en France, d’administrer aux enfants nés depuis janvier 2018 onze vaccins (diphtérie, tétanos, poliomyélite, Haemophilus influenzae B, hépatite B, rubéole, oreillons, pneumocoque, méningocoque C, coqueluche et rougeole) a fait reflamber cette polémique déjà ancienne. Outre l’argument de l’atteinte à la liberté de chacun de faire vacciner ou non ses enfants, les ‘anti-vax’ avancent deux raisons justifiant à leurs yeux le refus des vaccins, à savoir le risque d’effets secondaires plus graves que ceux des maladies concernées elles-mêmes (notamment, mais pas uniquement, à cause de la présence d’adjuvants comme l’aluminium) et la « rareté extrême » de ces dernières.

Ces arguments fallacieux fleurissent aujourd’hui sur les réseaux sociaux et concernent le plus souvent le vaccin contre la rougeole. La référence classique des opposants au vaccin antirougeoleux est le fameux article d’Andrew Wakefield établissant un lien de cause à effet entre le vaccin RRO et l’autisme et publié il y a un peu plus de 20 ans dans le Lancet (1998;351:637).

Malgré la décision du Lancet de rétractation de cette étude douze ans plus tard, les opposants à la vaccination continuent à s’y référer, attribuant sa rétractation à la « puissance des lobbies pharmaceutiques ».

Pour ce qui est de l’ «innocuité » de la rougeole, ni le chiffre de 110 000 décès dans le monde en 2017 consécutifs à l’infection par le virus de la rougeole, ni l’augmentation de 700 % des cas en Afrique et de 300 % en Europe au premier trimestre de l’année en cours relevée par l’OMS, ni la démonstration de la non-validité des arguments de Wakefield ne semblent perturber les adversaires de la vaccination. Ceux-ci oublient par ailleurs le fait bien établi que c’est grâce à la généralisation de la vaccination que l’incidence de la maladie a diminué de façon spectaculaire dans nos régions et que chaque fléchissement du nombre des vaccinations s’accompagne d’une remontée de celui des cas de rougeole.

Il suffit d’effectuer une recherche sur Google pour faire le constat de l’inquiétant succès des anti-vax, tant est spectaculaire le nombre de sites répercutant leurs théories.

Reste à voir si une information sérieuse et répétée sera suffisante pour combattre la diffusion alarmante des fake news en la matière.