Le facteur plaquettaire 4 (FP4) : rôles et implications physiopathologiques

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Hélène Georgery, Cédric Hermans Publié dans la revue de : Janvier 2023 Rubrique(s) : Hématologie
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Résumé de l'article :

Le facteur plaquettaire 4 (FP4) est une molécule chargée positivement stockée dans les granules alpha des plaquettes sanguines. Elle est sécrétée lors de l’activation plaquettaire en cas de brèche endothéliale ou en présence de micro-organismes. Le FP4 se lie aux glycosaminoglycanes présents à la surface endothéliale et neutralise leurs propriétés anticoagulantes. Le FP4 peut également se lier à l’héparine, principalement non fractionnée, lors de la thrombopénie induite par l’héparine (TIH), à des constituants du cartilage ou d’autres polyanions chargés négativement (TIH dit spontané), dont certains constituants du vaccin à adénovirus contre le SARS-CoV-2 avec pour conséquence une thrombopénie post-vaccinale (TTIV). Ces molécules ont en commun de comporter des charges négatives induisant leur liaison au FP4 et un changement de conformation de ce dernier. Ce complexe est reconnu par les anticorps anti-FP4, activant les plaquettes et les cellules inflammatoires via le récepteur Fc, induisant un état pro-thrombotique et des thromboses veineuses, artérielles ou de la microcirculation. Le diagnostic de TIH repose sur la mise en évidence des anticorps anti-FP4-héparine par immunoassay en cas de suspicion clinique et de probabilité pré-test intermédiaire ou élevée, estimée par différents scores dont le score 4T est le plus couramment utilisé. Des tests fonctionnels peuvent également être réalisés. La prise en charge de la TIH consiste en l’arrêt de l’héparine et en l’instauration d’un traitement anticoagulant non-héparinique.

Que savons-nous à ce propos ?

Le facteur plaquettaire 4 (FP4) est stocké dans les plaquettes et possède un rôle pro-coagulant. L’exposition à l’héparine peut induire une thrombopénie et un état pro-thrombotique (TIH).

Le FP4 peut également être responsable d’une activation plaquettaire en l’absence d’héparine.

Que nous apporte cet article ?

Cet article décrit les fonctions du FP4 et ses implications dans la thrombopénie induite par l’héparine (TIH), dans la thrombopénie induite par le vaccin à adénovirus contre le SARS-CoV-2 (TTIV) et dans d’autres situations regroupées sous le terme de TIH auto-immune.

Mots-clés

Facteur plaquettaire 4 (FP4), thrombopénie, polyanion, COVID-19, héparine

Article complet :

Qu’est-ce que le facteur plaquettaire 4 (FP4) et à quoi sert-il ?

Le facteur plaquettaire 4 (FP4) est une protéine de 70 acides aminés (7,84 kDa) stockée à l’intérieur des granules alpha des plaquettes (1). Ces granules contiennent également d’autres facteurs pro-coagulants comme le facteur von Willebrand et le fibrinogène. Leur contenu est libéré en cas d’activation plaquettaire. Le déficit congénital en granule alfa est responsable d’une maladie hémorragique rare, appelée syndrome des plaquettes grises.

Le FP4 est chargé positivement grâce à la présence de groupements lysine et adopte une conformation tétramérique en présence de charges négatives (2).

La surface des cellules endothéliales est naturellement recouverte de glycosaminoglycanes, chargés négati-vement et dotés de propriétés anticoagulantes. Ces charges négatives sont neutralisées par le FP4 libéré lors de l’activation plaquettaire en cas de brèche endothéliale, mais également en présence de micro-organismes. Les bactéries sont, comme les glycosaminoglycanes, chargées négativement par la présence d’acides téichoïques (Gram +) ou de lipopolysaccharides (Gram -) à leur surface (2).

Ceci souligne le rôle anti-infectieux des plaquettes sanguines, méconnu mais bien démontré. Le FP4 participe en effet au recrutement des polymorphonucléaires neutrophiles et à l’exocytose de la myéloperoxydase et du lysozyme. Il stimule les cellules présentatrices d’antigènes, induit la prolifération des lymphocytes T et la cytotoxicité des lymphocytes NK. Il participe à la destruction du plasmodium falciparum intra-érythrocytaire via le récepteur de l’antigène Duffy, inhibe l’infection des lymphocytes CD4 par le virus HIV via la liaison des monomères de FP4 à la protéine gp120 et est également produit en réponse à la protéines S du SARS-CoV-2 (3).

La thrombopénie induite par l’héparine (TIH)

Définition

On distingue la TIH de type 1 et de type 2. La TIH de type 1 est la conséquence de l’effet direct non immun de l’héparine sur l’activation plaquettaire, survenant dans les 2 jours après l’exposition à l’héparine et de résolution spontanée malgré la poursuite de celle-ci. Nous nous intéresserons dans cet article uniquement à la TIH de type 2, phénomène immun survenant dans 0,2 à 3% des cas, 5 à 21 jours après l’exposition à l’héparine (4), principalement sous forme non fractionnée (HNF), par opposition à l’héparine de bas poids moléculaire (HBPM) (5). La TIH de type 2 associe une thrombopénie à un état pro-thrombotique veineux (thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire, …), artériel (accident vasculaire cérébral, infarctus du myocarde, …) ou microvasculaire (nécrose cutanée, …). On parle parfois de TTIH (thrombopénie et thrombose induites par l’héparine) en cas de thrombose confirmée. L’évènement thrombo-embolique peut parfois se présenter sous forme atypique, comme une nécrose hémorragique bilatérale des glandes surrénales (6).

Physiopathologie

Comme représenté sur la figure 2, les plaquettes sanguines activées libèrent le FP4, chargé positivement. Le FP4 adopte une conformation tétramérique en présence de charges négatives auxquelles il se lie et qu’il neutralise. Tout comme il reconnait physiologiquement les glycosaminoglycanes chargés négativement à la surface des cellules endothéliales, le FP4 se lie à l’héparine, également chargée négativement. Ce complexe FP4-héparine est reconnu par les anticorps anti-FP4-héparine, formant le complexe immun de la TIH. Ce complexe induit le « cross-linking » des récepteurs Fc des plaquettes, des polymorphonucléaires neutrophiles et des monocytes, générant la production de cytokines pro-coagulantes et pro-inflammatoires (facteur tissulaire, thrombine et sérotonine notamment) et de FP4, amplifiant le processus.

Notons que tous les anticorps anti-FP4 ne sont pas forcément pathogènes, n’entraînant pas systématiquement de TIH et qu’il n’y a pas d’intérêt de les détecter en l’absence de suspicion clinique (cfr infra).

L’héparine

L’héparine est un glycosaminoglycane composé d’une unité pentasaccharidique qui inhibe les facteurs de la coagulation IIa et Xa via sa liaison avec l’antithrombine et inhibe l’initiation de la coagulation médiée par le facteur tissulaire en potentialisant le Tissue Factor Pathway Inhibitor (TFPI). L’héparine existe sous forme non fractionnée (HNF), administrée par voie intra-veineuse notamment lors de chirurgies cardiaques ou des séances d’hémodialyse, et sous forme d’héparine de bas poids moléculaire (HBPM), administrée par voie en sous-cutanée dans le cadre du traitement et de la prévention des évènements thromboemboliques veineux. L’héparine est actuellement synthétisée à partir de la muqueuse intestinale de porc, dont l’approvisionnement provient en grande partie de la Chine. La synthèse chémo-enzymatique, la production d’héparine biosynthétique ou à partir de cellules d’ovaires d’hamsters chinois sont des pistes futures pour produire l’héparine en plus grandes quantités et avec une plus forte activité anticoagulante, permettant une réduction des doses et du risque de TIH (5).

L’HNF se distingue de l’HBPM par une plus forte inactivation du facteur IIa, une potentialisation moindre du TFPI, une clairance hépatique et par le système réticulo-endothélial, une demi-vie plus courte (1 à 2h contre 2 à 7h pour l’HBPM) et une chaîne de polyanions plus longue permettant un recrutement plus important des anticorps anti-FP4. L’interaction héparine - FP4 est en effet dépendante de la taille du polyanion, expliquant le risque majoré de TIH avec l’HNF par rapport à l’HBPM (2 à 3 % contre 0,2 à 0,6 % respectivement) (5).

L’indication du traitement par héparine a également un impact sur le risque de TIH, majoré en cas de prothèse totale de genou, probablement via la libération peropératoire de chondroïtine sulfate (composé du cartilage chargé négativement), et en cas de chirurgie cardiaque où la circulation extracorporelle contribue à l’activation plaquettaire et à la libération du FP4 (5).

Le suivi de la numération plaquettaire est recommandé par la société américaine d’hématologie (ASH) chez les patients recevant de l’héparine avec un risque de TIH intermédiaire (0.1 à 1% : HNF pour indication médicale ou obstétricale ou HBPM après une intervention chirurgicale ou un traumatisme majeur) ou élevé (>1% : HNF post-opératoire ou combinaison d’HNF et HBPM ou de fondaparinux) à partir du J0 (instauration de l’héparine) si le patient a déjà reçu de l’héparine dans les 30 jours précédant la nouvelle exposition ou au J4 s’il n’a pas reçu d’héparine les 30 jours précédents et cela jusqu’au J14 ou jusqu’à l’arrêt de l’héparine. Le dosage est recommandé tous les 2 à 3 jours en cas de risque intermédiaire et tous les 2 jours en cas de risque élevé (7).

La numération plaquettaire n’est par contre pas recommandée chez les patients à faible risque de TIH (<0.1%), incluant les patients sous HBPM prophylactique pour raison médicale, obstétricale ou après une intervention chirurgicale ou un traumatisme mineur et inclut également les patients sous fondaparinux (7).

Diagnostic de TIH

Le diagnostic précoce est primordial pour prévenir les complications sévères de la TIH et repose sur la mise en évidence des anticorps anti-FP4-héparine. Il est toutefois important de disposer d’une probabilité pré-test importante avant de doser ces anticorps car seule une partie de ces anticorps de classe IgG est capable de produire une forte activation plaquettaire responsable de TIH. Ceci est illustré dans la figure 3 par le modèle de l’iceberg, dont la base représente la positivité des anticorps anti-FP4-héparine sans répercussion clinique, le sommet la TIH et la pointe la TTIH (TIH avec thrombose). Il n’y a pas d’intérêt clinique à mettre en évidence des anticorps anti-FP4-héparine en l’absence de thrombopénie et de thrombose.

La société américaine d’hématologie (ASH) a émis des recommandations en 2018 concernant le diagnostic de TIH (7). Elle recommande chez les patients avec une suspicion de TIH d’utiliser le score 4T pour estimer la probabilité pré-test de TIH. En cas de probabilité intermédiaire ou élevée, elle recommande de doser les anticorps anti-FP4-héparine par la technique d’immunoassay. Si ce dernier est positif, l’ASH suggère d’également réaliser un test fonctionnel si disponible mais ajoute que les tests fonctionnels peuvent ne pas être nécessaires en cas de forte positivité de l’immunoassay. Elle recommande de ne pas doser les anticorps anti-FP4 et de ne pas réaliser de tests fonctionnels en cas de faible de probabilité de TIH sur base du score 4T (7). Cette approche diagnostique est illustrée dans la Figure 4.

Le score 4T présente toutefois certaines limites, comme une faible valeur prédictive positive et une forte variabilité inter-observateurs. Des auteurs ont rapporté une concordance d’à peine 65% entre cliniciens (internistes, intensivistes et urgentistes), hématologues référents et investigateur principal de l’étude concernant le résultat du score 4T chez plus de 2000 patients (8). Les désaccords concernaient principalement le timing et les diagnostics alternatifs de thrombopénie (8). Une autre limite est l’absence de prise en compte de l’utilisation d’une dose thérapeutique versus prophylactique d’héparine et d’héparine non fractionnée versus de bas poids moléculaire dans le score 4T.

D’autres scores d’évaluation pré-test existent, comme le score GFHT-HIT du Groupe Français d’études sur l’Hémostase et la Thrombose (4). Ce score est basé sur des éléments identifiés en analyse multivariée sur des données collectées de façon prospective dans une large population à haute prévalence de HIT. Les 8 éléments de ce score, plus objectifs que le score 4T, incluent: l’utilisation d’une dose thérapeutique d’héparine, l’utilisation d’héparine non fractionnée, un contexte de chirurgie cardiaque ou de traumatisme majeur, un intervalle de 5-21 jours entre l’initiation de l’anticoagulation et la suspicion de TIH, une chute de ≥ 40% du taux de plaquettes en ≤ 6 jours et la présence d’un évènement thrombo-embolique veineux ou artériel. Une pondération a été attribuée pour chacun de ces éléments et une cohorte de validation a montré une aire sous la courbe ROC de 0.77 (4). L’étape suivante serait l’élaboration d’un algorithme incorporant ce score et l’interprétation quantitative du dosage des anticorps anti-FP4-héparine. L’étude évaluant ce score GFHT-HIT n’a toutefois pas été conçue pour le comparer au score 4T et d’autres études cliniques et de validation externe sont nécessaires.

Selon la probabilité pré-test de TIH obtenue grâce à ces scores, le dosage des anticorps anti-FP4 par immunoassay peut être réalisé. L’exactitude de ces tests est incertaine en raison des différents types d’analyses, de fabricants, de seuils et de spécificité des anticorps (9). L’équipe du Pr Nagler a étudié la sensibilité et la spécificité des différents tests disponibles et a documenté une sensibilité de >95% et une spécificité de >90% pour 5 de ces tests et une moins bonne exactitude diagnostique avec les tests utilisant des seuils plus élevés (9).

Les tests fonctionnels, tels que l’activation plaquettaire induite par l’héparine et le test de libération de sérotonine (serotonin release assay ou SRA en anglais) ont une très haute sensibilité et spécificité mais donnent un résultat indéterminé dans approximativement 4% des cas et sont pourvoyeurs de faux positifs (10). Le taux de faux positifs est réduit si le dosage des anticorps anti-FP4-héparine par immunoassay est également positif (10). Les tests fonctionnels sont réalisables dans la plupart des pays en Europe. Ces tests fournissent également des informations sur l’activation plaquettaire indépendante de l’héparine, utile dans la TIH auto-immune.

Traitement de la TIH

La prise en charge de la TIH consiste en l’arrêt de l’héparine et l’instauration d’un traitement anticoagulant non-héparinique de quatre semaines ou de trois à six mois en cas de thrombose veineuse profonde confirmée. La récupération clinique est généralement observée dans les 5 à 15 jours après l’arrêt de l’héparine (11). Les différents traitements anticoagulants sont présentés dans la figure 5. L’argatroban, non disponible en Belgique, et la bivalirudine sont des inhibiteurs directs du facteur IIa, administrés en intra-veineux, mais leur coût, l’absence d’antidote spécifique et la nécessité d’un monitoring limitent leur utilisation. Le danaparoïde inhibe principalement le facteur Xa, peut s’administrer par voie intra-veineuse ou sous-cutanée, possède une longue demi-vie d’environ 25 heures, prolongée en cas d’insuffisance rénale, et nécessite également un monitoring. Le fondaparinux, inhibiteur indirect du facteur Xa, s’administre par voie sous-cutanée et est également éliminé par voie rénale. Enfin, les anticoagulants direct oraux (DOAC), comme le rivaroxaban, inhibiteur direct du facteur Xa, s’administrent oralement et constituent une option thérapeutique intéressante en cas de TIH. Le dosage plasmatique des DOAC et de l’activité anti-Xa sont réalisables avec le rivaroxaban et l’apixaban, notamment en cas de poids extrême ou d’insuffisance rénale. Ils présentent toutefois certaines interactions avec le cytochrome hépatique 3A4 et la glycoprotéine P.

La thrombopénie et thrombose induites par la vaccination contre le SARS-CoV-2 (TTIV)

Plus rare que la TIH, la TTIV (ou VITT en anglais) a été décrite pour la première fois en mars 2021. La liaison du FP4 à un des constituants du vaccin à adénovirus contre le SARS-CoV-2, vraisemblablement un polyanion chargé négativement, forme un complexe reconnu par les anticorps anti-FP4 et est responsable d’un tableau clinique similaire à la TIH, appelé TTIV.

La TTIV est décrite 5 à 24 jours (12) voire 30 jours (13) après l’administration du vaccin à adénovirus contre le SARS-CoV-2 (Astra-Zeneca et Johnson & Johnson), principalement après la première dose. Les thromboses étaient souvent multiples et atypiques, comme la thrombose du sinus veineux cérébral et la thrombose de la veine porte. La thrombopénie était souvent sévère avec un taux de plaquettes inférieur à 20 000/µL, contrairement à la TIH. Le fibrinogène était fréquemment abaissé et les dimères fortement élevés (12). Le diagnostic peut être facilité par le score 4T adapté à la TTIV et/ou des tests fonctionnels (13). Le traitement de la TTIV consiste en l’administration intraveineuse d’immunoglobulines et en un traitement anticoagulant non-héparinique. La transfusion plaquettaire n’est pas recommandée (12).

La TTIV concerne les vaccins à adénovirus. Dans leur étude publiée dans le New England Journal of Medecine, Barda et al. ont comparé deux groupes de plus de 800.000 patients, vaccinés ou non avec le vaccin à ARN messager Pfizer (BNT162b2) et n’ont pas montré d’excès de thrombose veineuse profonde (TVP), d’embolie pulmonaire (EP) ni de thrombopénie dans le groupe de patients vaccinés. Ils soulignent par contre le risque bien plus important de développer une TVP ou EP des suites de l’infection à SARS-CoV-2 qu’après la vaccination (risque relatif de 12.14 et 3.78 respectivement) (14).

La TIH auto-immune et la TIH spontanée

Un tableau clinique similaire à la TIH a été décrit chez des patients jamais exposés à l’héparine et non vaccinés contre le coronavirus.

La TIH spontanée fait partie de la TIH auto-immune, qui regroupe, comme illustré sur la figure 6, plusieurs entités avec exposition à l’héparine (TIH retardée qui commence ou s’aggrave après l’arrêt de l’héparine, TIH persistant plus d’une semaine après l’arrêt de l’héparine, TIH associée au flush d’héparine et TIH associée au fondaparinux) et sans exposition à l’héparine (TTIV et TIH spontanée) (15).

Le mécanisme physiopathologique de la TIH spontanée est similaire à la TIH classique à savoir le changement de conformation du FP4 chargé positivement en présence d’un polyanion chargé négativement et la reconnaissance de ce complexe par les anticorps anti-FP4. Ces polyanions peuvent être un fragment d’ADN, d’ARN, un composant de la paroi bactérienne, un médicament, des polyphosphates, la chondroïtine sulfate ou un glycosaminoglycane. Un facteur favorisant, comme un traumatisme, une réaction inflammatoire ou une infection bactérienne est classiquement retrouvé (15). Des TIH spontanées ont été décrites en cas de chirurgie orthopédique (prothèse totale du genou), d’infection à SARS-CoV-2, de parodontite chronique, de cancer et de gammapathie monoclonale.

La TIH spontanée est diagnostiquée par la mise en évidence des anticorps anti-FP4 et la réalisation de tests fonctionnels mesurant la sérotonine libérée par les plaquettes lors de l’activation de celles-ci. Ces tests ne sont pas disponibles en routine.

L’activation secondaire du complément libère l’héparine naturellement présente dans les mastocytes et peut recruter les anticorps classiques de la TIH, raison pour laquelle l’héparine est contre-indiquée dans le traitement de la TIH auto-immune.

La prise en charge consiste donc en un traitement anticoagulant non-héparinique. En outre, si le patient était préalablement traité par anti-vitamine K, l’arrêt de ce dernier et l’administration de vitamine K sont nécessaires car les anti-vitamines K inhibent deux anticoagulants physiologiques, la protéine C et la protéine S, en plus d’inhiber la synthèse des facteurs de la coagulation II, VII, IX et X. Des gammaglobulines peuvent être administrées en intra-veineux si une action rapide est nécessaire (2).

Conclusions

Le FP4 est sécrété par les plaquettes sanguines activées en cas de brèche endothéliale ou en présence de micro-organismes (réaction physiologique) mais également en présence d’héparine principalement sous forme non fractionnée lors de la TIH, de constituant du vaccin à adénovirus contre le SARS-CoV-2 lors de la TTIV (ou VITT en anglais), de constituant du cartilage ou d’autres polyanions chargés négativement lors de la TIH auto-immune. Ces molécules ont en commun de comporter des charges négatives induisant un changement de conformation du FP4 et leur liaison à ce dernier, générant un complexe reconnu par les anticorps anti-FP4. Ce complexe active les plaquettes et les cellules inflammatoires, induisant un état pro-thrombotique parfois compliqué de thrombose veineuse, artérielle ou de la microcirculation (Figure 7). Les anticorps anti-FP4 sont mis en évidence par immunoassay en cas de suspicion clinique intermédiaire ou élevée de TIH estimée par différents scores sont le score 4T et le score GFHT-HIT et sont également dosés en cas de suspicion de TTIV ou de TIH auto-immune. Les tests fonctionnels sont surtout utiles en cas de mise en évidence d’anticorps anti-FP4, à moins que le dosage de ces derniers ne soit fortement positif. La prise en charge de la TIH consiste en l’arrêt de l’héparine et en l’instauration d’un traitement anticoagulant non-héparinique.

Affiliations

1. MACCS, service d’hématologie et de néphrologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, B-1200 Bruxelles
2. Service d’hématologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, B-1200 Bruxelles

Correspondance

Dr Hélène Georgery
Cliniques universitaires Saint-Luc
Service de Néphrologie
Avenue Hippocrate 10
B-1200 Bruxelles
helene.georgery@saintluc.uclouvain.be

Références

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