La consommation d’écrans problématique chez les patients d’une équipe mobile de soins de crise pour enfants, adolescents et jeunes adultes

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Sophie Dechêne (1), Simon Hens (2) Publié dans la revue de : Juin 2025 Rubrique(s) : Pédopsychiatrie

Résumé de l'article :

Objectif

L’addiction aux écrans est considérée comme un problème de santé publique. Elle affecte la santé physique, mentale et sociale à tout âge. En tant qu’équipe mobile de crise pour enfants, adolescents et jeunes adultes (EAJA), nous nous posons la question de l’influence des écrans dans nos prises en charge en tant que facteur étiologique précipitant et perpétuant la crise ou les symptômes l’accompagnant.

L’objectif de cette étude est de déterminer, parmi les EAJA pris en charge par une équipe mobile de crise, le pourcentage de patients souffrant d’une problématique liée aux écrans (PLE). Dans une recherche de facteurs familiaux influençant cette association, nous avons fait l’hypothèse d’un lien entre celle-ci et deux caractéristiques familiales : le fait d’appartenir à une famille monoparentale et la présence d’une pathologie psychiatrique chez l’un des deux parents. Enfin, nous avons évalué l’association entre une consommation problématique d’écrans et une déscolarisation.

Méthode

Nous avons réalisé une étude transversale rétrospective1 de tous les patients dont la prise en charge par une équipe mobile de crise pour EAJA a débuté en 2022. Nous avons recueilli des données démographiques et cliniques par le biais des dossiers cliniques électroniques, ou notes cliniques des professionnels. Nous avons mesuré principalement la relation entre le patient et le monde virtuel, les circonstances familiales de parentalité, et le taux de déscolarisation.

Résultats

Au total, 148 patients ont été pris en charge en 2022 par l’équipe mobile de crise de la province du Hainaut en Belgique. L’âge médian des patients était de 14 ans, les patients étaient âgés de 3 à 19 ans, dont 59,5% étaient de sexe féminin selon une classification binaire en se basant sur le sexe de naissance. Chez 128 patients (86,5%), la consommation d’écrans a été abordée dans la prise en charge. Pour les autres 20 patients, le sujet des écrans n’a pas été discuté spontanément mais le professionnel avait constaté une consommation excessive chez deux patients. A l’heure actuelle, ce sujet est systématiquement abordé par les professionnels. Dans 95 situations sur 148 (64,2%), les professionnels estimaient que la consommation d’écrans du jeune était problématique. Dans 63 situations des 128 patients (49,2%), les professionnels estimaient que la consommation d’écrans était un frein à la résolution de la crise. Parmi ces 63 jeunes, 57% étaient de sexe féminin, 88,4% étaient des adolescents, c’est à dire âgé entre 12 et 18 ans inclus. Parmi ces adolescents, 61% étaient des filles. Le pourcentage de patients issus de famille monoparentale était similaire dans le groupe des patients souffrant d’une problématique liée aux écrans (PLE+) et dans le groupe total. 96 (64,7%) des familles rencontrées avaient au moins un parent et/ou personnes exerçant l’autorité parentale qui souffraient d’une pathologie psychiatrique ou semblaient en souffrir, et 70 (73,7%) parents et/ou personnes exerçant l’autorité parentale des patients PLE+ semblaient souffrir ou souffraient d’une pathologie psychiatrique dont 53 (75,7%) cas avérés et 17 (24,2%) cas suspectés par le professionnel de l’équipe. Sur les 95 patients PLE+, 36% étaient déscolarisés complètement, 32.5%, partiellement et 31.5% étaient scolarisés.

Conclusions

Une forte association existe chez les EAJA entre une consommation problématique d’écrans et des problèmes de santé mentale ayant requis une prise en charge ambulatoire de crise. Un nombre significatif des patients PLE+ avait un parent qui souffrait ou semblait souffrir d’une pathologie psychiatrique. Cette association ne permet aucune conclusion en terme de causalité mais rappelle un lien circulaire bien établi entre l’environnement familial et une consommation excessive d’écrans. Une PLE a été établie comme un frein à la résolution de la crise dans un pourcentage élevé de cas et une majorité des patients PLE souffrait de déscolarisation. Ces constatations identifient un besoin en termes de prise en charge de surconsommation d’écrans chez les EAJA qui se présentent en situation de crise auprès d’équipes mobiles. Elles mettent en évidence la nécessité de continuer à étudier ce problème de santé afin d’offrir à ces patients les soins requis.

Mots-clés

Enfants, adolescent, jeunes adultes, addiction à internet, déscolarisation, parents

1 Une étude transversale est une étude du moment ou de prévalence. L’étude transversale est une forme d’étude d’observation épidémiologique, réalisée dans une population donnée, à un moment déterminé, dans le but de collecter des informations sur les facteurs de risque et/ou certaines données. Une étude rétrospective est une étude pour laquelle les données analysées sont déjà disponibles au moment de l’accord du comité d’éthique. Il s’agit principalement d’analyses de dossiers médicaux de patients.

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