Innovations en infectiologie en 2018 : ce que doit savoir le médecin généraliste

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Jean-Cyr Yombi Publié dans la revue de : Février 2019 Rubrique(s) : Infectiologie
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Résumé de l'article :

Dans divers domaines de la médecine, plusieurs innovations et/ou nouveautés ont été réalisées en 2018 et l’infectiologie n’échappe pas à la règle (1). Dans cet article, nous avons sélectionné les informations et nouveautés pertinentes que le médecin généraliste doit connaître.

Mots-clés

Infectiologie, VIH, innovations 2018

Article complet :

A. Les infections bactériennes

1. Mortalité liée à la pneumonie communautaire

La pneumonie communautaire (CAP) est une cause importante de morbidité et mortalité de par le monde. Aux Etats-Unis, une analyse rétrospective de 2320 patients adultes hospitalisés pour CAP a montré que 2.2% des patients meurent durant l’hospitalisation. La moitié de ces décès était directement attribuable à la CAP et plus de 60% de ces décès survenaient chez des patients de plus de 65 ans et qui avaient plusieurs comorbidités. Bien que dans cette étude, la mortalité ne semble pas être très élevée, elle souligne surtout que celle-ci est importante chez les patients âgés (>65 ans) ayant plusieurs comorbidités. Ces patients sont donc ceux qui doivent nécessiter une prise en charge rapide et une initiation rapide du traitement antibiotique (2).

2. Le rôle limité des antibiotiques dans la rhino-sinusite aiguë

Il faut rappeler que la plupart des rhino-sinusites aiguës sont des infections virales. Cependant, cette pathologie bénéficie d’une prescription importante d’antibiotiques. Dans une revue systématique de 15 études incluant à peu près 3000 patients adultes immunocompétents avec une rhino-sinusite aiguë non compliquée, on constate que près de la moitié des patients a évolué favorablement et spontanément au bout d’une semaine et que les deux tiers avaient évolué spontanément au bout de deux semaines, indépendamment de l’utilisation ou pas des antibiotiques. Cette étude démontre donc très clairement que l’utilisation des antibiotiques dans la rhino-sinusite aiguë non compliquée n’est pas utile (3).

3. Hydratation et cystite récidivante

Lorsqu’une patiente présente des cystites à répétition, il lui est habituellement conseillé de boire beaucoup d’eau dans le but de prévenir les récidives mais ceci n’avait jamais été étudié dans une étude contrôlée. Récemment, une étude randomisée incluant 140 femmes préménopausées avec des cystites récidivantes et qui, à la base, ne s’hydrataient pas suffisamment ont bénéficié d’un apport additionnel de 1.5 litres d’eau par jour dans le but de réduire l’incidence de cystite. Les résultats montrent qu’il y a une réduction de l’incidence des cystites de 50% comparée à celles qui ont continué à avoir un faible niveau d’hydratation. Ces données supportent très clairement donc une hydratation importante d’environ 2 à 3 litres par jour pour diminuer les récidives de cystite (4).

4. Utilisation des antibiotiques en prophylaxie chez les patients porteurs d’une BPCO

L’utilisation prophylactique des antibiotiques comme stratégie pour améliorer le pronostic des patients porteurs d’une BPCO a tendance souvent à être conseillée. Cependant, les risques et les bénéfices n’ont jamais été clairement évalués. Dans une revue systématique incluant 14 études randomisées ( près 4000 patients), l’utilisation prophylactique des antibiotiques, quel que soit le type, entraîne une réduction des exacerbations aiguës, 47 versus 61% avec le placebo. En ce qui concerne le nombre d’hospitalisations et toute cause de mortalité, il n’y avait pas de différence statistique entre utilisation ou non des antibiotiques à visée prophylactique. Les risques d’utilisation d’antibiotiques, notamment le développement des résistances, n’ont pas été correctement évalués dans cette revue systématique. En conclusion : la stratégie d’utilisation prophylactique des antibiotiques chez les patients BPCO, en vue d’améliorer le pronostic ne peut pas être généralisée à tous les patients. Cette attitude doit être réservée à un certain nombre de patient BPCO correctement sélectionné, en mesurant les risques et les bénéfices au cas par cas (5).

5. Hélicobacter pylori et résistances aux antibiotiques

Le choix d’une antibiothérapie initiale dans le traitement de l’hélicobacter pylori est guidé par le risque de résistance de HP aux antibiotiques. Dans une méta-analyse incluant 178 études, la résistance primaire et secondaire à la Clarithromycine – Métronidazole et Levofloxacine était supérieure à 15% dans le monde mais avec des variations loco-régionnales. La résistante primaire à la Clarithromycine était basse dans les régions d’Amérique et d’Asie du sud-est. Ces données semblent montrent qu’il est important d’avoir une surveillance locale des résistances de HP aux antibiotiques prescrits en 1ère ligne en vue d’adapter les schémas thérapeutiques pour son éradication (6).

6. Fluoroquinolones et risque d’hypoglycémie est dysfonction du système nerveux central

Les fluoroquinolones sont les antibiotiques très prescrits dans la pratique quotidienne. Or, ces antibiotiques ne sont pas dénués d’effets secondaires importants. En juin 2018, la FDA (Food and Drug Administration) a tiré la sonnette d’alarme sur le risque d’hypoglycémie et des dysfonctions du système nerveux central (troubles de la mémoire, agitation, delirium) associé avec l’utilisation des fluoroquinolones. La possibilité de ces effets secondaires potentiellement graves attire notre attention sur le fait que les fluoroquinolones ne doivent pas être utilisés dans les infections non compliquées. Elles doivent être réservées à des infections sévères où les bénéfices sont supérieurs au risque encouru (7).

B. VIH

1. Les opportunités ratées d’un test de dépistage au VIH

Aux Etats-Unis, il a été estimé qu’environ 1.1 millions de personnes vivent avec le VIH et à peu près 15% ne sont pas diagnostiqués. En Europe, cette proportion est d’environ 15-16% ce qui est également le cas de la Belgique. Récemment, dans une enquête concernant des patients à haut risque d’acquisition du VIH, hommes ayant du sexe avec les hommes (HSH) et utilisateurs de drogue en intraveineux, on s’est rendu compte que 10% de ceux qui avaient été testés positifs n’étaient pas au courant de leur diagnostic et de ceux-là, 70% avaient consulté un médecin dans l’année qui précédait leur diagnostic et à peine la moitié s’était vue proposer un dépistage du VIH. Ces données, aux Etats-Unis, sont également transportables aux données en Europe et attirent notre attention sur le dépistage du VIH surtout chez les personnes à haut risque d’acquisition du VIH que sont les hommes ayant du sexe avec les hommes (HSH), les utilisations de drogue intraveineuse et les personnes en provenance des zones à haute endémicité du VIH (8).

2. Changement de paradigme dans le traitement de l’infection à VIH

Jusqu’à présent, le traitement standard de l’infection à VIH était une trithérapie comportant deux inhibiteurs non nucléosidiques de la reverse transcriptase (2 INRT) associés à soit à un inhibiteur de protéase bootée (IP) soit à un inhibiteur non nucléosidique de la reverse transcriptase inverse (INNRT) soit à un inhibiteur de l’intégrase (INI). Après quelques études déjà publiées, Deux larges études a été publiées cette année, en novembre 2018, il s’agit des études Gemini I et Gemini II incluant à peu près 1433 patients naïfs avec des charges virales inférieures ou égales à 500 000 copies /ml. Cette étude comparait une bithérapie associant le Dolutegravir (DTG) à la Lamivudine (3TC) versus le Dolutegravir (DTG) associé à l’Emtricitabine (FTC) et le Ténofovir Dysproxil Fumarate (TDF). Les résultats entre les bras bithérapie et trithérapie étaient similaires. Ces résultats ouvrent de nouvelles perspectives quant à l’utilisation des bithérapies nouvelles dans le traitement de l’infection à VIH chez le patients naïf. Cependant, il reste toute une série de questions à résoudre notamment celle de l’utilisation de ces schémas dans certaines populations, les femmes enceintes, les patients atteints de tuberculose, les patients porteurs d’une mutation de la M184V et ces schémas ne sont pas utilisables chez les patients qui sont co-infectés avec l’hépatite B puisque le schéma de bithérapie ne comporte pas un des traitements majeurs de l’hépatite B qui est le TDF. Enfin, nous devons encore attendre pour voir si cette approche donne des résultats similaires à ceux de la trithérapie conventionnelle à long terme ( 9).

C. Vaccinations

1. Hépatite A

Les recommandations pour la prévention du virus de l’hépatite A par le Comité Américain pour les pratiques d’immunisation ont été publiées en novembre 2018. Ce groupe recommande maintenant une prophylaxie avec une vaccination de l’hépatite A pour les enfants âgés de 6 à 11 mois qui voyagent dans les zones à risque. Ces nouvelles recommandations proposent également une prophylaxie post-exposition pour les adultes âgés de plus de 40 ans avec le vaccin de l’hépatite A, avec ou sans immunoglobuline plutôt que d’utiliser des immunoglobulines seules (10).

2. Timing de l’utilisation du vaccin anti-tétanique-dipthtérie et pertusis(Tdap) durant la grossesse

L’administration du Tdap durant la grossesse entraine une immunisation passive contre la coqueluche pour les enfants durant les premiers mois de vie. Dans une cohorte de plus de 600 femmes enceintes, le Tdap avait été administré entre 27 et 36 semaines de gestation et cette administration a été associée à haut taux d’anticorps anti-pertusis au niveau du sang du cordon chez les nouveau-nés comparés à l’absence de vaccination. Ces données supportent donc les recommandations selon laquelle le Tdap devrait être administré pendant la grossesse entre la 27 et la 36ème semaine de gestation (11).

3. Vaccination antirabique

La vaccination prophylactique antirabique doit être administrée aux personnes qui sont à haut risque d’exposition, personnes travaillant avec des animaux potentiellement à risque de rage, personnes voyageant dans des zones où la rage reste présente. Aux Etats-Unis et en Europe , un schéma à trois doses intra- musculaires de vaccination est recommandé. Cependant, pour les pays à ressources limitées, l’OMS a recommandé récemment un schéma à deux doses de vaccination administrées de façon intradermique ou intramusculaire au J0 et J7. Cette recommandation se base sur une étude d’à peu près 500 volontaires sains où un schéma à deux doses administré sur une semaine apparaît aussi immunogéne qu’un schéma à trois doses administré sur un mois (12).

D. Parasites

1. Toxoplasmose congénitale

Chez les femmes enceintes présentant une infection à Toxoplasma récente présumée ou documentée, la pyriméthamine-sulfadiazine plus l’acide folinique (leucovorine) (PSF) est administrée après 18 semaines de gestation afin de réduire le risque de toxoplasmose congénitale, mais les données appuyant cette approche sont limitées. Dans un essai randomisé comparant le PSF à la spiramycine chez 141 femmes enceintes présentant une séroconversion documentée avec un âge gestationnel moyen de 18 à 19 semaines, Il y’avait moins de fœtus présentant des anomalies cérébrales à l’échographie et une tendance à la diminution du nombre de cas de toxoplasmose congénitale dans le bras PSF. Lorsqu’un traitement maternel visant à réduire le risque de toxoplasmose congénitale est souhaité, cette étude suggère la PSF pour les grossesses de 18 semaines et plus et la spiramycine pour les moins de 18 semaines en raison du risque théorique de tératogenèse suite à une exposition à la PSF en début de grossesse.(13)

2. Plasmodium vivax

Plasmodium vivax est un des 5 agents responsable de la malaria. Il peut entraîner des récidives due à des formes dormantes (hypnozoîtes ) dans le foie. La prise en charge consiste à traiter l’épisode aigue et éradiquer ces formes dormantes par la prise de primaquine pendant 14 jours. La tolérance de la primaquine n’est pas bonne et elle entraîne une hémolyse chez les patients ayant un déficit en Glucose-6-phospho-deshydrogénase (G6PD). Plasmodium vivax a connu une année passionnante: le foie et la moelle osseuse ont été découverts en tant que nouveaux réservoirs dans lesquels le parasite pourrait s’accumuler sans être détectés, ce qui pourrait permettre d’améliorer le diagnostic. En outre, la FDA a approuvé cette année la tafénoquine comme nouveau traitement qui s’administre à dose unique pour la prévention de la rechute des infections à P. vivax. Ce traitement permettra de faciliter la compliance , mais ne résoudra pas le problème hémolyse dû au déficit en G6PD, et reste aussi les restrictions en cas de la grossesse, l’allaitement et âge < 16 ans (14)

Correspondance

Pr. Jean-Cyr Yombi
Cliniques universitaires Saint-Luc
Service de médecine interne et pathologies infectieuses
Université catholique de Louvain
Av Hippocrate 10
B-1200 Bruxelles

Références

  1. https://www.uptodate.com/contents/whats-new-in-infectious-diseases
  2. Waterer GW, Self WH, Courtney DM,et al. In-Hospital Deaths Among Adults With Community-Acquired Pneumonia. Chest. 2018 Sep;154(3):628-635.
    ouvrir dans Pubmed
  3. Lemiengre MB, van Driel ML, Merenstein D, et al. Antibiotics for acute rhinosinusitis in adults. Cochrane Database Syst Rev. 2018 Sep 10;9:CD006089.
    ouvrir dans Pubmed
  4. Hooton TM, Vecchio M, Iroz A, et al. Effect of Increased Daily Water Intake in Premenopausal Women With Recurrent Urinary Tract Infections: A Randomized Clinical Trial. JAMA Intern Med. 2018. 178(11) :1509-1515.
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  5. Herath SC, Normansell R, Maisey S, Poole P. Prophylactic antibiotic therapy for chronic obstructive pulmonary disease (COPD). Cochrane Database Syst Rev. 2018; 10:CD009764.
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  6. Savoldi A, Carrara E, Graham DY, Conti M, Tacconelli E. Prevalence of Antibiotic Resistance in Helicobacter pylori: A Systematic Review and Meta-analysis in World Health Organization Regions. Gastroenterology. 2018 Nov;155(5):1372-1382.e17.
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  7. United States Food and Drug Administration https://www.fda.gov/Safety/MedWatch/SafetyInformation/SafetyAlertsforHum... (Accessed on August 17, 2018).
  8. Wejnert C, Prejean J, Hoots B, et al. Prevalence of Missed Opportunities for HIV Testing Among Persons Unaware of Their Infection. JAMA. 2018 Jun 26;319(24):2555-2557.
  9. Cahn P, Madero JS, Arribas JR,et al. Dolutegravir plus lamivudine versus dolutegravir plus tenofovir disoproxil fumarate and emtricitabine in antiretroviral-naive adults with HIV-1 infection (GEMINI-1 and GEMINI-2): week 48 results from two multicentre, double-blind, randomised, non-inferiority, phase 3 trials. Lancet. 2019 Jan 12;393(10167):143-155.
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  10. Nelson NP, Link-Gelles R, Hofmeister MG, et al. Update: Recommendations of the Advisory Committee on Immunization Practices for Use of Hepatitis A Vaccine for Postexposure Prophylaxis and for Preexposure Prophylaxis for International Travel. MMWR Morb Mortal Wkly Rep 2018; 67:1216.
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  11. Healy CM, Rench MA, Swaim LS, et al. Association Between Third-Trimester Tdap Immunization and Neonatal Pertussis Antibody Concentration. JAMA. 2018 Oct 9;320(14):1464-1470.
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  12. Soentjens P, Andries P, Aerssens A. et al. Pre-exposure intradermal rabies vaccination: a non-inferiority trial in healthy adults on shortening the vaccination schedule from 28 to 7 days. Clin Infect Dis. 2019 ;68 (4): 607-614.
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  13. Mandelbrot L, Kieffer F, Sitta R, et al. Prenatal therapy with pyrimethamine + sulfadiazine vs spiramycin to reduce placental transmission of toxoplasmosis: a multicenter, randomized trial. Am J Obstet Gynecol. 2018 Oct;219(4):386.e1-386.e9.
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  14. Tafenoquine. FDA press release (August 22, 2018). Available at: https://www.fda.gov/NewsEvents/Newsroom/ PressAnnouncements/ucm618047.htm. Accessed September 5, 2018.