Innovations diagnostiques et thérapeutiques en rhumatologie

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Bernard R. Lauwerys Publié dans la revue de : Février 2019 Rubrique(s) : Rhumatologie
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Résumé de l'article :

Les développements thérapeutiques se multiplient en rhumatologie, en particulier dans le domaine des rhumatismes inflammatoires et systémiques.

Mots-clés

Polyarthrite rhumatoïde, arthrites juvéniles, lupus érythémateux disséminé, médecine précise

Article complet :

Nouveautés thérapeutiques et biosimilaires

Les développements thérapeutiques se multiplient en rhumatologie, en particulier dans le domaine des rhumatismes inflammatoires et systémiques. Pour les patients atteints de polyarthrite rhumatoïde, ne répondant pas à un traitement par au moins deux cDMARDs (conventional Disease Modifying Anti-Rheumatic Drugs tels que le methotrexate, leflunomide, salazopyrine), plusieurs catégories d’agents biologiques (bDMARDs, pour biological DMARDs) étaient déjà disponibles : agents bloquant le TNF (etanercept, infliximab, adalimumab, golimumab, certolizumab pegol), agent bloquant le récepteur de l’interleukine(Il)-6 (tocilizumab), anticorps anti-CD20 (rituximab), agent bloquant la co-stimulation des lymphocytes T (CTLA4-Ig). Au cours des derniers mois sont venus se rajouter à cet arsenal déjà impressionnant un autre anticorps anti-IL6R (sarilumab) ainsi qu’une nouvelles classe d’agents thérapeutiques, les inhibiteurs de JAK-kinases (tofacitinib, baricitinib), rentrant dans la catégorie des tsDMARDs (pour targeted synthetic DMARDs), catégorie qui va encore s’étoffer dans les prochains mois. Les inhibiteurs de JAK-kinases sont administrés oralement et ont un profil de réponse et de tolérance similaires à celui des bDMARDs, si ce n’est une fréquence supérieure (3%, contre 1% pour les bDMARDs) de zonas.

Les patients atteints d’arthrite psoriasique polyarticulaire font également l’objet d’un traitement séquentiel par cDMARDs (methotrexate, leflunomide, salazopyrine), tsDMARDs (apremilast) et bDMARDs incluant les agents bloquant le TNF et un agent bloquant l’IL-23 (ustekinumab). Depuis peu, les patients peuvent également bénéficier d’un traitement par un anticorps bloquant l’IL-17 (secukinumab, également utilisé en dermatologie pour le traitement des psoriasis cutanés réfractaires) après échec des cDMARDs ou d’un agent bloquant le TNF. Le secukinumab est également remboursé chez les patients atteints de spondylarthrite ankylosante, après échec des anti-inflammatoires non-stéroïdiens ou d’un agent bloquant le TNF.

C’est également depuis 2018 que le canakinumab, un anticorps monoclonal anti-IL1b, est remboursé chez les patients atteints de formes systémiques d’arthrites juvéniles idiopathiques (maladie de Still, à départ pédiatrique) ainsi que chez les patients atteints de formes sévères et réfractaires de maladies auto-inflammatoires (fièvre méditerranéenne familiale, syndrome hyper-IgD, Muckle-Wells). Bien qu’il s’agisse d’un médicament particulièrement onéreux, l’accès à un traitement bloquant l’IL-1 était un développement particulièrement attendu pour ces jeunes patients accablés par les manifestations de leur maladie.

Le remboursement des agents biologiques constitue une dépense significative pour la sécurité sociale, et on ne peut que se réjouir de l’introduction progressive sur le marché belge des médicaments biosimilaires. Ces molécules, rigoureusement identiques aux bDMARDs originaux, disposent d’un profil d’efficacité, de tolérance et de rétention (80% à un an) similaires aux bDMARDs originaux, tant en initiation de traitement qu’en switch, ce qui n’a rien d’étonnant dans la mesure où il s’agit de molécules qui leur sont strictement identiques.

Médecine personnalisée

Disposer de multiples traitements permettant d’induire la rémission de maladies rhumatismales sévères est une bénédiction pour les patients et leurs médecins, mais crée également des nouveaux challenges. Dans la polyarthrite rhumatoïde, induire la rémission de la maladie précocement prédit une évolution plus favorable au long cours. Dans ce contexte, l’induction de la rémission précoce est le focus actuel de plusieurs études en cours dans notre pays (en particulier la cohorte observationnelle Cap48, coordonnée au sein de notre service). Mais devant un arsenal aussi étendu de médicaments avec des modes d’action aussi variés, comment prendre une décision adéquate face à des situations individuelles hétérogènes en termes de sévérité de la maladie et d’impact fonctionnel ? Développer des algorithmes de médecine personnalisée, et tester leur efficacité supérieure à la stratégie actuelle par essais et par erreurs motive une importante partie des investigations actuelle dans notre spécialité.

C’est dans ce domaine de recherche, visant à optimaliser la qualité des soins délivrés à nos patients que le Service de Rhumatologie des Cliniques Saint-Luc continue à investir, tant dans le domaine des rhumatismes inflammatoires (polyarthrite rhumatoïde, arthrite psoriasique) que des rhumatismes systémiques (lupus érythémateux disséminé) (1-5). Notons au passage les importants développements réalisés dans notre service dans le domaine des biopsies synoviales, réalisées de manière ambulatoire et minimalement invasive à l’aiguille, par voie mini-arthroscopique ou écho-guidée (Figure 1). Ce matériel est utilisé à des fins de recherche, dans le but d’identifier des marqueurs précoces de sévérité de la maladie, et de réponse au traitement. Suite à nos travaux, des applications diagnostiques de routine (RheumaKit) ont déjà été commercialisées, dans le but de réaliser un diagnostic précoce de polyarthrite rhumatoïde chez des patients atteints d’arthrite indifférenciée. Cette dynamique nous donne un aperçu de ce que sera dans quelques années notre pratique médicale, basée sur l’intégration dans une prise de décision individuelle de données provenant des articulations chez les uns, du rein et des urines chez les autres, ou d’autres sites en fonction de l’organe ciblé par la maladie.

Correspondance

Pr. Bernard R. Lauwerys

Cliniques universitaires Saint-Luc

Service de Rhumatologie

Avenue Hippocrate 10 B-1200 Bruxelles, Belgique

Pôle de pathologies rhumatismales systémiques et inflammatoire

Institut de Recherches Expérimentales et Cliniques

Université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique

Références

  1. Houssiau FA, Lauwerys BR. Current management of lupus nephritis. Best Pract Res Clin Rheumatol. 2013; 27: 319-28.
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  2.  Pamfil C, Makowska Z, De Groof A, Tilman G, Babaei S, Galant C, et al. Intrarenal activation of adaptive immune effectors is associated with tubular damage and impaired renal function in lupus nephritis. Ann Rheum Dis. 2018; 77: 1783-1789.
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  3. Orr C, Vieira-Sousa E, Boyle DL, Buch MH, Buckley CD, Cañete JD, et al. Synovial tissue research: a state-of-the-art review. Nat Rev Rheumatol. 2017; 13: 463-475.
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  4. Triaille C, Lauwerys BR. Synovial tissue: turning the page to precision medicine in arthritis. Frontiers in Medicine 2019, In press.
  5. https://eularsynovitis.wordpress.com/synovial-biopsies/ Présentations données lors du premier cours européen sur les biopsies synoviales, organisé à Bruxelles en septembre 2018.