Innovations 2022 en Oto-rhino-laryngologie et chirurgie cervico-faciale

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Valerie Hox, Caroline Huart, Philippe Rombaux, Caroline de Toeuf, Sandra Schmitz, Alexandre Biermans, William Renwart, Marc Hamoir, Monique Decat, Daniele Desiati, Anaïs Gregoire Publié dans la revue de : Février 2023 Rubrique(s) : Oto-rhino-laryngologie
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Résumé de l'article :

Pour l'année 2022, le service d'Oto-Rhino-Laryngologie et Chirurgie Cervico-Faciale s'est concentré sur le bien-être de nos patients dans toutes les disciplines de notre spécialité. Tout d'abord, nous avons eu le plaisir d'obtenir le remboursement des produits biologiques tant attendus pour le traitement des patients atteints d’une rhinosinusite chronique avec des polypes nasaux. Ces nouvelles thérapies sont capables d'aider un nombre substantiel de patients dont la maladie ne peut être contrôlée par les traitements médicaux et chirurgicaux habituels. Ensuite, nous avons pu analyser une série de plus de 250 patients qui ont été opérés d'une parotidectomie avec un neuromonitoring peropératoire. Nous avons constaté que la préservation de la fonction du nerf facial était significativement meilleure par rapport aux données précédemment rapportées sur les parotidectomies sans neuromonitoring. Enfin, dans le domaine de l'implantation cochléaire pour les patients atteints d’une déficience auditive sévère, nous préparons l'avenir. De nouvelles techniques ont été développées pour préserver l'audition résiduelle lors de l'introduction de l'implant dans la cochlée, comme la chirurgie robotique et l'électrocochléographie peropératoire. Ces techniques nous permettront d'augmenter les indications de l'implantation, ce qui conduira à un plus grand nombre de patients qui seront aidés par cette technologie qui change la vie.

Mots-clés

Parotidectomie, monitoring peroperatoire nerf facial, rhinosinusite chronique, polypose nasosinusienne, biotherapie,implant cochléaire, ElectroCochléographie peroperatoire

Article complet :

La biothérapie pour la rhinosinusite chronique avec des polypes nasaux
Valerie Hox, Caroline Huart, Philippe Rombaux, Caroline de Toeuf

L’année 2022 a changé la vie des patients souffrant d’une rhinosinusite chronique avec polypes nasaux (polypose nasale), ainsi que celle des médecins qui les traitent. L’arrivée des médicaments biologiques, déjà disponibles pour nos collègues pneumologues pour traiter l’asthme sévère, était très attendue par les ORL pour traiter les patients souffrant d’une polypose nasale sévère. La polypose nasale est une maladie respiratoire chronique fréquente, avec une prévalence européenne de 4%. Elle est caractérisée par la présence d’une obstruction nasale, de sécrétions nasales, de maux de tête et d’une perte d’odorat (1). Le traitement consiste en corticoïdes nasaux avec des courtes cures de stéroïdes oraux et, en cas d’échec, une chirurgie endoscopique des sinus. Cependant, malgré ces options thérapeutiques, environ 15 % de ces patients ne sont pas contrôlés et environ 20 % d’entre eux doivent être réopérés dans les 5 ans (2). La majorité des patients nécessitant une reprise chirurgicale sont également asthmatiques et présentent parfois une intolérance à l’aspirine et aux AINS (3). Leur inflammation des voies respiratoires est caractérisée par la présence de lymphocytes T helper 2 qui produisent des cytokines de type 2, telles que IL-4, IL-13 et IL-5. Ces cytokines activent les cellules B pour produire des IgE et attirent les éosinophiles (4). Au cours des dernières années, trois biothérapies ont été approuvées pour le traitement des polypes nasaux : un anticorps monoclonal dirigé contre les IgE (omalizumab), un anticorps monoclonal dirigé contre l’IL-5 (mepolizumab) et un anticorps monoclonal dirigé contre la sous-unité commune des récepteurs pour l’IL-4/IL-13 (dupilumab) (5). Ils ont tous montré leur efficacité pour traiter les patients atteints de polypes nasaux sévères dans les études de phase III. Ils ont démontré une amélioration significative au niveau du contrôle des symptômes, de la taille des polypes nasaux et de la réduction du besoin de chirurgies et de cures de corticoïdes oraux (5).

En mars 2022, l’INAMI a approuvé le remboursement de la première biothérapie pour cette indication, l’omalizumab (Xolair®). Les critères de remboursement comprenaient la présence de polypes nasaux de grade IV, malgré des antécédents de chirurgie des sinus chez les patients souffrant de rhinosinusite sévère. Ces patients doivent être atteints d’un asthme concomitant, nécessitant au moins une cure de corticoïdes oraux au cours des deux dernières années. Les taux d’IgE sont fixés entre 30 et 1500 kU/L et la fréquence et le nombre d’injections de Xolair® sont adaptés à ce taux d’IgE ainsi qu’au poids corporel du patient.

Trois mois plus tard, le gouvernement belge a approuvé le remboursement du deuxième médicament biologique, à savoir le mepolizumab (Nucala®). Pour ce médicament, les critères de prescription étaient beaucoup moins stricts : les patients symptomatiques présentant des polypes nasaux bilatéraux, malgré une histoire de chirurgie, devaient remplir trois des quatre critères suivants : un traitement par stéroïdes oraux au cours des deux années précédentes, un taux sérique d’éosinophiles supérieur à 300/µl, la présence d’un asthme concomitant et/ou une perte significative de l’odorat.

Ce décalage entre les critères de prescription des deux thérapies a encouragé la prescription du Nucala® par rapport à celle du Xolair® par la plupart des ORL belges. Néanmoins, les études de phase III ont montré une efficacité et une sécurité similaires pour les deux médicaments. Bien qu’il n’y ait pas d’études comparatives, des revues systématiques récentes suggèrent en fait une meilleure efficacité du troisième médicament biologique, le Dupilumab (Dupixent®) (5, 6). Il a également été démontré que chez les patients atteints de polypes qui ne répondaient pas au mepoluzimab, le passage au Dupixent améliorait significativement les symptômes (7). Jusqu’à présent, ce médicament n’est malheureusement toujours pas remboursé dans notre pays.

Actuellement, aux Cliniques universitaires Saint-Luc, nous avons mis 19 patients atteints de polypes sous omalizumab ou mepolizumab avec des résultats généralement bons pour la plupart de ceux-ci. L’efficacité et la sécurité de ces nouvelles thérapies seront évaluées dans le cadre d’un essai national multicentrique (RELIBIO) auquel les CUSL participent.

Références

  1. Fokkens WJ, Lund VJ, Hopkins C, Hellings PW, Kern R, Reitsma S, et al. European Position Paper on Rhinosinusitis and Nasal Polyps 2020. Rhinology. 2020;58(Suppl S29):1-464.
  2. Hopkins C, Slack R, Lund V, Brown P, Copley L, Browne J. Long-term outcomes from the English national comparative audit of surgery for nasal polyposis and chronic rhinosinusitis. The Laryngoscope. 2009;119(12):2459-65.
  3. Veloso-Teles R, Cerejeira R. Endoscopic sinus surgery for chronic rhinosinusitis with nasal polyps: Clinical outcome and predictive factors of recurrence. Am J Rhinol Allergy. 2017;31(1):56-62.
  4. Tomassen P, Vandeplas G, Van Zele T, Cardell LO, Arebro J, Olze H, et al. Inflammatory endotypes of chronic rhinosinusitis based on cluster analysis of biomarkers. J Allergy Clin Immunol. 2016;137(5):1449-56 e4.
  5. Agache I, Song Y, Alonso-Coello P, Vogel Y, Rocha C, Sola I, et al. Efficacy and safety of treatment with biologicals for severe chronic rhinosinusitis with nasal polyps: A systematic review for the EAACI guidelines. Allergy. 2021;76(8):2337-53.
  6. Chong LY, Piromchai P, Sharp S, Snidvongs K, Webster KE, Philpott C, et al. Biologics for chronic rhinosinusitis. Cochrane Database Syst Rev. 2021;3(3):CD013513.
  7. Bavaro N, Gakpo D, Mittal A, Bensko JC, Laidlaw TM, Buchheit KM. Efficacy of dupilumab in patients with aspirin-exacerbated respiratory disease and previous inadequate response to anti-IL-5 or anti-IL-5Ralpha in a real-world setting. J Allergy Clin Immunol Pract. 2021;9(7):2910-2 e1.

 

Depuis 2015, plus de 250 parotidectomies sous contrôle du nerf facial par neuro-monitoring ont été réalisées dans l’unité de chirurgie cervico-faciale du service d’Oto-Rhino-Laryngologie des Cliniques universitaires Saint-Luc
Sandra Schmitz, Alexandre Biermans, William Renwart, Marc Hamoir

La parotidectomie est une intervention chirurgicale habituellement réalisée dans le traitement chirurgical des tumeurs de la glande parotide ainsi que pour traiter les métastases ganglionnaires intra-parotidiennes des cancers cutanés (mélanomes, carcinomes à cellules de Merkel, carcinomes spinocellulaires situés au niveau de la face et du cou. L’intervention nécessite l’identification du tronc du nerf facial extra crânien ainsi que la dissection minutieuse de ses branches de division. La chirurgie a pour objectif la réalisation d’une résection complète de la tumeur permettant un contrôle local optimal tout en réduisant la morbidité essentiellement vis à vis du nerf facial (1).

Dans l’unité de chirurgie cervico-faciale du service d'Oto-Rhino-Laryngologie des Cliniques universitaires St Luc, le Prof Sandra Schmitz et son équipe pratiquent en routine la surveillance du nerf facial par neuro-monitoring au cours des parotidectomies depuis mars 2015. Auparavant, la surveillance peropératoire du nerf facial par neuro-monitoring n’était utilisée que dans les réinterventions et/ou lorsqu’une difficulté d’identification du nerf facial était prévue. Entre 2015 et 2022, 255 parotidectomies ont été réalisées sous neuro-monitoring du nerf facial.

Dans 74% des cas opérés, une tumeur bénigne a été diagnostiquée tandis que l’examen anatomo-pathologique a confirmé un diagnostic de cancer dans 26% des cas.

La classification House-Brackmann a été utilisée pour grader la fonction du nerf facial (2).

Si une discrète atteinte du nerf facial (grade II House-Brackmann) a été normalement constatée dans les premiers jours postopératoires chez près d’un patient sur deux, celle-ci était naturellement plus fréquente lors d’interventions oncologiques plus lourdes avec évidement ganglionnaire et lorsqu’une parotidectomie totale avec résection du lobe profond nécessitant une mobilisation complète du nerf facial était indiquée. Dans la grande majorité des cas d’atteinte légère, celle-ci régressait pour disparaitre complètement endéans les 3 premières semaines suivant l’intervention. Actuellement, l’utilisation en routine du neuro-monitoring du nerf facial en chirurgie parotidienne réduit la durée de l’intervention et par conséquent le risque de parésie du nerf facial en postopératoire (3).

Depuis l’utilisation en routine du neuro-monitoring, une récupération complète de la fonction du nerf facial a été constatée chez 92%, 97% et 99% des patients après 3, 6, and 12 mois respectivement. Ces résultats sont supérieurs à ceux publiés précédemment sans neuro-monitoring (4,5). Dans notre expérience, une intervention plus limitée telle une parotidectomie partielle du lobe superficiel est suivie moins souvent d’une parésie du nerf facial en postopératoire immédiat. Dans la littérature, l’extension de la résection au niveau de la glande parotide est un facteur bien reconnu de risque plus élevé de parésie du nerf facial en période postopératoire (3-5).

En outre, le neuro-monitoring du nerf facial est utilisé avec succès dans d’autres interventions où une branche motrice du nerf facial, telle la branche marginale mandibulaire, est à risque : tumeurs de la glande sous maxillaire, adénites infectieuses (mycobactérie atypique), prélèvements des ganglions sentinelles au niveau de la loge sous mandibulaire …

Références

  1. Shah, J.P.; Patel, S.G.; Singh, B. Salivary Glands. In Head and Neck Surgery and Oncology, 4th ed.; Shah, J.P., Ed.; Elsevier: Philadelphia, PA, USA, 2012; pp. 526–569.
  2. House, J.W.; Brackmann, D.E. Facial Nerve Grading System. Otolaryngol. Neck Surg. 1985, 93, 146–147, doi:10.1177/019459988509300202.
  3. Terlinden, N.; Hamoir, M.; Van Maanen, A.; Schmitz, S. Perioperative Complications after Parotidectomy Using a Standardized Grading Scale Classification System. Surgeries 2021, 2, 20–34. https:// doi.org/10.3390/surgeries2010003
  4. Mehle, M.E.; Kraus, D.H.; Wood, B.G.; Benninger, M.S.; Eliachar, I.; Levine, H.L.; Tucker, H.M.; Lavertu, P. Facial nerve morbidity following parotid surgery for benign disease: The Cleveland clinic foundation experience. Laryngoscope 1993, 103, 386–388.
  5. Guntinas-Lichius, O.; Klussmann, J.P.; Wittekindt, C.; Stennert, E. Parotidectomy for Benign Parotid Disease at a University Teaching Hospital: Outcome of 963 Operations. Laryngoscope 2006, 116, 534–540.

Implant cochléaire : notre défi !
Monique Decat, Daniele Desiati, Anaïs Gregoire

Le premier implant cochléaire a été mis en place il y a plus de trente ans dans notre service.

Il était alors destiné à toute personne totalement sourde bilatéralement. Un appareil auditif est un amplificateur des sons mais lorsque le niveau est à zéro …1000 fois zéro reste zéro . C’est alors que se posait la question de la mise en place d’un implant cochléaire qui pourra directement stimuler les terminaisons nerveuses dans la cochlée.

Depuis lors, beaucoup de choses ont changé.

1. L’âge de l’opération : depuis le dépistage néonatal systématique, nous pouvons diagnostiquer une perte d’audition très tôt. Lorsque cette perte est tellement importante qu’un appareil auditif ne suffira pas, nous pouvons mettre en place un implant. Les plus jeunes bébés implantés ont environ 6 mois.

2. Les implants : actuellement, nous mettons en place 3 marques d’implant cochléaire. (Cochlear ® MedEl ® Advanced Bionics ® ). Les processeurs internes et externes ont évolués avec un meilleur traitement du son et une excellente connectivité répondant au monde actuel. Et surtout le porte électrode que l’on introduit dans la cochlée est beaucoup plus fin : 0.2 mm à 0.6 mm !

3. Les indications : (non exhaustives) actuellement la perte auditive ne doit plus être totale mais insuffisante pour être bien corrigée avec un appareil auditif : la perte moyenne sur 3 fréquences (500,1000,2000 ou 4000 Hz) doit être supérieure ou égale à 70 dB, le pic V du Bera doit être sup ou égal à 75 db et le score vocal inférieure ou égal à 50% à 70dB SPL. Il y a donc de plus en plus de patients qui sont opérés avec des restes auditifs sur les fréquences graves. Le chirurgien doit donc être le moins traumatisant possible en essayant de préserver une partie de la fonction cochléaire.

Ce sera notre défi pour l’avenir : insertion d’un implant cochléaire en préservant les restes auditifs. Pour cela nous allons réaliser des mesures peropératoires nous indiquant l’état du fonctionnement cochléaire (ElectroCochléographie peropératoire) en attendant la chirurgie robotisée.

Références

  1. Gendre A, Quinn S, Jones H, Hintze J, Simões-Franklin C, Walshe P, Viani L, Glynn F. National study of hearing preservation rates and outcomes after cochlear implantation in Ireland. Cochlear Implants Int. 2022 Sep;23(5):241-248. doi: 10.1080/14670100.2022.2061102. Epub 2022 Apr 13.PMID: 35418277
  2. Kant E, Jwair S, Thomeer HGXM. Hearing preservation in cochlear implant recipients: A cross-sectional cohort study.Clin Otolaryngol. 2022 May;47(3):495-499. doi: 10.1111/coa.13927. Epub 2022 Mar 15. 3.
  3. Shoman NM. Robotics and cochlear implant surgery: goals and developments. Curr Opin Otolaryngol Head Neck Surg. 2022 Oct 1;30(5):314-319. doi: 10.1097/MOO.0000000000000837.PMID: 36036531 Review.
  4. Buechner A, Bardt M, Haumann S, Geissler G, Salcher R, Lenarz T. Clinical experiences with intraoperative electrocochleography in cochlear implant recipients and its potential to reduce insertion trauma and improve postoperative hearing preservation. PLoS One. 2022 Apr 22;17(4):e0266077. doi: 10.1371/journal.pone.0266077. eCollection 2022.

Affiliations

Service d’Oto-rhino-laryngologie et de Chirurgie Cervico-Faciale, Cliniques universitaires Saint-Luc, B-1200 Bruxelles

Correspondance

Pr. Valérie HOX
Service Oto-rhino-laryngologie – Rhinologie
Cliniques universitaires Saint-Luc
Avenue Hippocrate 10
B-1200 Bruxelles
IREC/Pôle Pneu/ORL/Dermato
Université Catholique de Louvain