Innovations 2022 en Biologie hématologique

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Véronique Deneys1, Antoine Buemi2*, Virginie Chapelle1, Tom Darius2*, Martine De Meyer2*, Arnaud Devresse2,3*, Yannick France2*, Valérie Dumont2, Thibaut Gervais1, Eric Goffin3*, Louise Guillaume, Nada Kanaan³*, Youssra Khaouch1, Catherine Lambert1*, Urs Publié dans la revue de : Février 2023 Rubrique(s) : Biologie Hématologique
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Résumé de l'article :

L’année 2022 a été celle du retour progressif à la normale après la pandémie COVID-19. Une occasion d’optimiser les processus parfois mis à mal et de mettre à jour les procédures. Une opportunité de se lancer dans de nouveaux défis : réfléchir à l’acquisition de nouveaux équipements pour les années à venir, à l’implémentation de nouvelles techniques plus sensibles, plus rapides, mieux adaptées aux besoins des prescripteurs.

Au sein du Laboratoire d’hématologie spéciale, et en particulier dans le secteur de l’hémostase spécialisée, l’automatisation du dosage de la protéine ADAMTS13 était indispensable pour le diagnostic et le suivi biologique des patients présentant un purpura thrombotique thrombocytopénique immun (PTTi). Le décours de cette affection, peu fréquente, peut être rapidement péjoratif en l’absence d’un diagnostic précoce et d’une prise en charge adaptée, guidée par le dosage d’ADAMTS13. Ce dernier permet également d’identifier les patients à risque de rechute qui doivent ainsi bénéficier d’un traitement préventif.

La détermination des groupes sanguins érythrocytaires s’effectue la plupart du temps sans difficulté, par des techniques sérologiques. Cependant, dans certaines situations, il est nécessaire de recourir à des techniques de biologie moléculaire. Le Laboratoire d’immunohématologie – biologie moléculaire a implémenté une technique de PCR en temps réel qui permet de réaliser un génotypage érythrocytaire très étendu et de détecter des variants antigéniques passés inaperçus en technique sérologique. Il s’agit d’un outil indispensable pour la détermination de groupes sanguins chez des patients polytransfusés et pour la sélection de poches pour des personnes ayant un groupe sanguin variant ou en délétion.

On sait depuis plus de 50 ans que le système HLA joue un rôle central dans l’immunité humaine et qu’il constitue aussi l'un des principaux obstacles à la transplantation d’organe. L’implication des anticorps anti-HLA dans le rejet précoce et tardif est indiscutable. Le Laboratoire d’immunologie leuco-plaquettaire a implémenté en 2021 un nouveau test pour une identification plus spécifique des anticorps anti-HLA cliniquement plus pertinents, permettant de faciliter l’attribution d’un greffon. Durant cette année 2022, les dossiers des patients en attente d’une greffe rénale et qui présentaient des anticorps anti-HLA ont été revus et des contrôles ont été réalisés sur d’anciens sérums en utilisant la nouvelle technique. Ceci a permis de retirer des spécificités anticorps « interdites » chez plus de la moitié des patients augmentant ainsi leur chance de bénéficier d’un greffon compatible. Six patients ont reçu un greffon rénal portant un antigène HLA précédemment répertorié comme interdit avec l’ancienne technologie et retiré après la révision. Actuellement, ces patients ont, tous, montré un greffon fonctionnel sans complication immunologique. Ces résultats seront présentés au congrès de l’EFI (European Foundation for Immunogenetics) en avril 2023.

Bien que la transfusion soit une procédure thérapeutique courante et bénéfique pour le patient, elle peut s’accompagner de réactions transfusionnelles. Le diagnostic de celles-ci est parfois flou et malaisé. Le secteur Hémovigilance de la transfusion a dessiné de nouveaux algorithmes décisionnels à partir de la symptomatologie majeure présentée par le patient et du composant sanguin incriminé dans la réaction. Ces algorithmes ont pour but d’orienter vers un diagnostic et, pour ce faire, de déterminer les contrôles et les tests de laboratoire qui doivent être réalisés dans chaque situation. Ces algorithmes ont fait l’objet d’une publication dans la revue de la Société Francophone de Transfusion Sanguine.

Bien que des prémices le laissaient suspecter déjà en 2021, la situation de l’approvisionnement en concentrés érythrocytaires de groupe sanguin O négatif s’est encore fortement aggravée durant l’année 2022. La Banque de sang, en concertation avec la direction médicale et le Comité de transfusion, a dû y faire face en mettant en place différentes actions pour tenter d’endiguer l’« hémorragie ». Ceci fait l’objet d’une procédure particulière : mise en place d’indicateurs très stricts et surveillés de façon très étroite, priorisation des indications transfusionnelles, distribution unitaire exclusive (en dehors des situations hémorragiques), décision médicale de transfuser des concentrés érythrocytaires Rh positifs à des receveurs Rh négatifs. Diverses évaluations très précises de cette situation sont encore en cours et seront soumises prochainement à publications. Une action concertée a été mise en place au sein des hôpitaux du réseau et des initiatives sont également prises au niveau national.

Finalement, l’année 2022 a également été celle de la publication d’une nouvelle directive européenne et de nouveaux standards EDQM (European Directorate for the Quality of Medicines) définissant désormais le sang comme SoHO (Substance of Human Origin), au même titre que les cellules et les tissus. C’est la raison pour laquelle, il a été décidé que la Banque de sang et le laboratoire d’immunologie érythrocytaire rejoignaient le Département des Banques le 1er janvier 2023.

Mots-clés

ADAMTS13, PTTi, génotypage, groupes sanguins, HLA, greffe, immunisation, réactions transfusionnelles, O négatif, pénurie

Article complet :

Le PTTi au laboratoire : automatisation du dosage de l'ADAMTS13
Marie-Astrid van Dievoet, Catherine Lambert, Véronique Deneys, Madeleine Rousseaux, Pascale Saussoy

Le purpura thombotique thrombocytopénique immun (PTTi) est une microangiopathie thrombotique rare due à la présence d’autoanticorps qui causent un déficit sévère (<10%) de l’activité ADAMTS13 (A Disintegrin And Metalloproteinase with ThromboSpondin motif 1, membre 13). L’ADAMTS13 est nécessaire pour le clivage des multimères ultra-larges du facteur von Willebrand. En absence d’ADAMTS13 et en présence de hautes forces de cisaillement, ces multimères ultra-larges, circulant dans le sang, exposent leur domaine A1, responsable de l’interaction avec les plaquettes. Ceci engendre la formation de microthrombi riches en plaquettes et en facteur von Willebrand, obstruant la microcirculation. En découlent une thrombocytopénie, une hémolyse mécanique, des thromboses microvasculaires et des lésions ischémiques organiques, qui sont les principales caractéristiques du PTTi.

Les symptômes les plus fréquents du PTTi sont: des symptômes gastro-intestinaux, une asthénie, du purpura, une atteinte cardiaque et des symptômes neurologiques majeurs (1). Il existe des scores de probabilité d’être face à un PTTi (PLASMIC et FRENCH scores) (1). Ces scores ne remplacent pas le jugement clinique mais peuvent aider dans la décision de traitement avant l’obtention de l’activité ADAMTS13. Le diagnostic est confirmé par une activité ADAMTS13 <10%.

Le PTTi est à ce jour encore sous-diagnostiqué et le retard diagnostic reste un souci majeur sur le plan pronostic malgré des progrès thérapeutique majeurs au cours des dernières années. En l’absence de traitement adéquat, le taux de mortalité est très élevé et il s’agit donc d’une urgence diagnostique (1). Le taux de mortalité s’est toutefois radicalement modifié au cours des 20 dernières années grâce à l’arrivée de thérapies ciblées qui ont été développées en raison d’une meilleure connaissance de la physiopathologie du PTTi.

Les échanges plasmatiques thérapeutiques associés aux corticostéroides, rituximab et caplacizumab réduisent la mortalité et la morbidité de manière significative dans le PTTi (1). Le caplacizumab, interfère avec les interactions plaquettes-facteur von Willebrand, accélère la normalisation des plaquettes et diminue la mortalité, la récurrence, la durée des échanges plasmatiques et de l’hospitalisation (2).

La mesure de l’activité ADAMTS13 est non seulement indispensable pour établir le diagnostic du PTTi mais elle permet également d’évaluer la réponse thérapeutique et de détecter les patients à risque de rechute. Le monitoring de l’activité ADAMTS13 est en effet utilisé pour évaluer la nécessité de poursuivre le traitement par caplacizumab au-delà des 30 jours après arrêt des échanges plasmatiques (2). Enfin, le suivi de l’activité ADAMTS13 sur le long terme permet de détecter les patients à risque de rechute et d’instaurer sans délai un traitement préventif par rituximab (3).

L’ISTH (International Society for Thrombosis and Hemostasis) recommande la mesure de l’activité ADAMTS13 idéalement dans les 72 heures après apparition des symptômes (4). Les tests d’activité d’ADAMTS13 se font en deux étapes (Figure 1). Dans la première étape, le plasma du patient est incubé avec le substrat (du facteur von Willebrand complet ou des peptides tronqués contenant le site de clivage). Le substrat est alors clivé par l’ADAMTS13 présent dans le plasma du patient. Dans la deuxième étape le produit de clivage est détecté et quantifié. Ce produit de clivage est proportionnel au taux d’ADAMTS13 présent dans le plasma du patient. Une méthode rapide, automatisée, utilisant une technique de chimiluminescence, a été validée et implémentée aux Cliniques universitaires Saint-Luc en 2022 (HemosIL Acustar ADAMTS13 Activity). Cette technique permet de doser l’ADAMTS13 endéans l’heure. Ceci est un avantage important par rapport à la méthode ELISA, précédemment utilisée, qui était longue (3-4 heures) et réclamait un personnel qualifié. Une bonne corrélation avec la méthode de référence a été démontrée dans la littérature (5). Il s’agit par contre d’une analyse onéreuse (€ 200-300 HTVA) avec un remboursement inadéquat (25% d’un B3000 = +- €26), qui nécessite alors une prescription motivée par un faisceau d’arguments cliniques et biologiques.

En conclusion, la mesure de l’activité ADAMTS13 est cruciale pour assurer le diagnostic et le suivi des patients présentant un PTTi. La méthode rapide et automatisée implémentée aux Cliniques universitaires Saint-Luc en 2022 est une avancée majeure qui améliore la prise en charge et le suivi des patients avec PTTi. Cette analyse doit toutefois faire objet d’une prescription pertinente.

Références

  1. Coppo P, Cuker A, George JN. Thrombotic thrombocytopenic purpura: toward targeted therapy and precision medicine. Res Pract Thromb Haemost. 2018; 3: 26-37.
  2. Scully M, Cataland SR, Peyvandi F, et al; HERCULES Investigators. Caplacizumab Treatment for Acquired Thrombotic Thrombocytopenic Purpura. N Engl J Med. 2019 Jan 24;380:335-346.
  3. Jestin M, Benhamou Y, Schelpe AS, et al. French Thrombotic Microangiopathies Reference Center. Preemptive rituximab prevents long-term relapses in immune-mediated thrombotic thrombocytopenic purpura. Blood. 2018 Nov 15;132:2143-2153.
  4. Zheng XL, Vesely SK, Cataland SR, et al. ISTH guidelines for the diagnosis of thrombotic thrombocytopenic purpura. J Thromb Haemost. 2020 Oct;18:2486-2495.
  5. Valsecchi C, Mirabet M, Mancini I, et al. Evaluation of a New, Rapid, Fully Automated Assay for the Measurement of ADAMTS13 Activity. Thromb Haemost. 2019; 119(11): 1767-1772.

Implémentation d’une technique de génotypage érythrocytaire par PCR en temps réel
Thibaut Gervais, Corentin Streel, Véronique Deneys

La détermination des groupes sanguins érythrocytaires s’effectue la plupart du temps sans difficulté, par des techniques sérologiques.

Ces méthodes deviennent cependant inopérantes dans plusieurs cas :

- Patient présentant un coombs direct positif (1) (fixation in vivo d’IgG ou de complément à la surface des hématies), rendant la réaction de coombs indirecte inutilisable.

- Absence d’antisérums, ou antisérums faiblement agglutinants, ou antisérums définissant mal un système ou antigène donné (2).

- Patient présentant une « double population » à l’hémagglutination, indiquant le plus souvent une transfusion récente (3).

- Hémagglutination faible, ou discordante, selon le réactif ou la méthode utilisé.

On peut ajouter certains cas, plus rares, ou un échantillon adéquat contenant des globules rouges intacts n’est pas disponible, par exemple :

- Liquide amniotique

- Cellules-souches hématopoïétiques congelées destinées à une greffe, quand le donneur de celles-ci n’a pas été déterminé en amont.

Le laboratoire de Biologie Hématologique (Plateforme de Biologie Moléculaire), a validé une méthode de détermination de certains systèmes érythrocytaires au moyen de réactions PCR. La plupart des systèmes pour lesquels il y a un lien direct entre l’allèle et la protéine exprimée peuvent être typés avec précision. Les méthodes moléculaires, au départ d’ADN génomique, permettent en général de déterminer le génotype ou le phénotype correct en n’étant pas limité par les divers éléments cités ci-dessus.

Cette méthode présente en outre d’autres avantages :

- Elle permet de déterminer certains variants, c’est-à-dire certains allèles différant entre eux par seulement un ou quelques nucléotides. Cette faible différence de séquence n’entraîne pas un changement de structure suffisant au niveau de la protéine, pour pouvoir être détecté par une réaction antigène-anticorps. Les variants ayant une importance transfusionnelle sont surtout ceux du gène RHD (anciennement « Rhésus ») (D faible ou partiel) (4) : certains requièrent une transfusion à partir d’un donneur RHD négatif. On peut également citer la mise en évidence des allèles nuls, c’est-à-dire ceux ayant une séquence codante, mais qui pour diverses raisons ne s’expriment pas : le plus fréquent est le Fyb nul (Duffy b nul) (5).

- Elle apporte une aide à l’élucidation des différents anticorps présents chez une personne polyimmunisée, facilitant l’accès à des poches compatibles.

- Elle permet également de mieux sélectionner des poches compatibles et d’éviter des alloimunisations lorsque le receveur n’est pas porteur d’un allèle « fréquent » par rapport à la population de donneurs (différences ethniques).

Le laboratoire est à même de typer (6) : le système ABO (et certains variants), le gène RHD (et certains variants faibles ou partiels), le gène RHCE (et certains variants), ainsi que les allèles majeurs, et certains variants, des systèmes Kell, Kidd, Duffy, MNSs. D’autres allèles d’autres systèmes, ainsi que certains de leurs variants, pouvant avoir une importance transfusionnelle, peuvent aussi être déterminés : Kp, Colton, Diego, Vel, …etc.

La détermination moléculaire intervient en général en seconde ligne, lorsque des difficultés ou anomalies de détermination sont mises en évidence par les techniques sérologiques usuelles.

Le laboratoire a en outre amélioré la méthode utilisée. Jusqu’à présent, elle demandait une étape de migration des fragments amplifiés par PCR dans un gel d’agarose, suivie d’une interprétation visuelle, et donc forcément un peu subjective, de la présence et de l’intensité de ceux-ci.

Actuellement, la méthode est une PCR en temps réel (7) utilisant des réactions multiplexées avec quatre fluorophores différents. L’instrument mesure, tout au long de la réaction PCR, la variation de fluorescence. Cette méthode permet de se passer d’une étape, ce qui réduit de moitié le temps nécessaire à sa réalisation.

Références

  1. ­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­­Reid ME, Lomas-Francis C. Blood Group Antigen Facts-Book. 2nd ed. San Diego: Academic Press; 2004.
  2. Rios M, Hue-Roye K, Lee AH, et al. DNA analysis for the Dombrock polymorphism. Transfusion. 2001; 41: 1143–1146.
  3. Reid ME, Rios M, Powell VI, et al. DNA from blood samples can be used to genotype patients who have recently received a transfusion. Transfusion. 2000; 40: 48–53.
  4. Westhoff CM. The structure and function of the Rh antigen complex. Semin Hematol. 2007; 44: 42–50.
  5. Tournamille C, Colin Y, Cartron JP, et al. Disruption of a GATA motif in the Duffy gene promoter abolishes erythroid gene expression in Duffy-negative individuals. Nat Genet. 1995; 10: 224–228.
  6. JPAC Joint United Kingdom (UK) Blood Transfusion and Tissue Transplantation Services Professional Advisory Committee – Guidelines for the Blood Transfusion Services – Chapter 15 : Molecular typing for red cell antigens.
  7. Denomme G, Schanen M. Mass-scale donor red cell genotyping using real-time array technology. Immunohematology. 2015; 31:69-74.

La révision du profil d’immunisation des patients hyperimmunisés anti-HLA permet d’accélérer le chemin vers la greffe
Corentin Streel, Arnaud Devresse, Yannick France, Valérie Dumont, Thibaut Gervais, Martine De Meyer, Tom Darius, Antoine Buemi, Michel Mourad, Eric Goffin, Nada Kanaan, Véronique Deneys

La transplantation rénale constitue un des meilleurs traitements actuels (1) pour les patients présentant une insuffisance rénale chronique. L’accès à un greffon va dépendre de plusieurs facteurs dont l’immunisation anti-HLA (Human Leukocyte Antigen) qui joue un rôle majeur dans les phénomènes de rejet. Le vPRA (virtual panel reactive antibody) est un calcul qui indique la proportion de donneurs d’organes potentiels dans une population virtuelle qui sont incompatibles avec le patient d’un point de vue immunologique. Les patients hyper-immunisés HLA ont par définition un vPRA > 80% et ont donc un accès limité à la transplantation rénale (2).

Les tests SAB (single antigen bead) en phase solide réalisés au laboratoire HLA sont utilisés pour évaluer le profil d’immunisation anti-HLA des candidats en liste d’attente pour une greffe rénale et calculer ainsi le vPRA.

Il existe actuellement en Belgique deux fournisseurs pour les tests SAB (OneLambda® et Immucor®). Nous avons cherché à savoir si les différents kits SAB avaient un impact sur le vPRA des patients hyperimmunisés en liste d’attente. En effet, certaines études montrent que le test SAB d’Immucor® présente une meilleure spécificité avec un taux de faux positifs plus bas (3-4).

La transition des tests OneLambda® vers Immucor® aux Cliniques universitaires Saint-Luc a eu lieu en novembre 2020. En août 2021, nous avons mis en place une procédure visant à réviser le profil immunologique de tous les patients inscrits sur la liste d’attente rénale avant novembre 2020, avec un vPRA ≥80%.

Si une divergence significative entre les profils historiques testés par OneLamda® et les profils plus récents testés par Immucor® était révélée, les sérums les plus pertinents obtenus avant novembre 2020 ont été retestés par Immucor®. Les spécificités HLA identifiées uniquement par OneLambda® mais pas par Immucor® sur au moins deux sérums ont été retirées de la liste des antigènes interdits.

Après la révision immunologique, plus de la moitié des patients ont montré une diminution significative du vPRA. Six patients ont reçu un greffon rénal portant un antigène HLA précédemment répertorié comme interdit avec OneLambda® et retiré après la révision. Actuellement, ces patients ont, tous, montré un greffon fonctionnel sans complication immunologique.

Nos données suggèrent que le test Immucor® SAB a montré une meilleure spécificité et a été associé à une diminution du vPRA chez un nombre significatif de patients hyper-immunisés sur liste d’attente, augmentant ainsi leurs chances d’être transplantés. La révision des différents dossiers des patients avec une immunisation anti-HLA va certainement permettre de greffer d’autres patients qui vont être suivis de façon rapprochée par l’équipe de néphrologie et le laboratoire HLA afin de détecter plus rapidement un éventuel rejet.

Références

  1. Kaballo MA, Canney M, O’Kelly P, Williams Y, O’Seaghdha CM, Conlon PJ. A comparative analysis of survival of patients on dialysis and after kidney transplantation. Clin Kidney J. 2018 ;11: 389-393
  2. Heidt S, Haasnoot GW, van der Linden-van Oevelen MJH, Claas FHJ. Highly Sensitized Patients Are Well Served by Receiving a Compatible Organ Offer Based on Acceptable Mismatches. Front Immunol. 2021 ;12:687254
  3. Ravindranath MH, Jucaud V, Ferrone S. Monitoring native HLA-I trimer specific antibodies in Luminex multiplex single antigen bead assay: Evaluation of beadsets from different manufacturers. J Immunol Methods. 2017 ; 450:73-80
  4. Bertrand D, Farce F, Laurent C, et al. Comparison of Two Luminex Single-antigen Bead Flow Cytometry Assays for Detection of Donor-specific Antibodies After Renal Transplantation. Transplantation. 2019 ;103:597-603

Nouvelle prise en charge des réactions transfusionnelles à la banque de sang
Sarah Peeraer, Virginie Chapelle, Louise Guillaume, Corentin Streel, Véronique Deneys

Bien que la transfusion soit une procédure thérapeutique courante et bénéfique pour le patient, elle peut s’accompagner de réactions transfusionnelles. Il existe différentes manières de classifier ces réactions : selon leur physiopathologie, leur temporalité (aiguë versus retardée), leur caractère infectieux ou non infectieux ou encore selon leur sévérité (1, 2).

La décision médicale de transfuser un patient doit toujours être basée sur l’évaluation du rapport bénéfice/risque, dans le but d’encourager une utilisation rationnelle des produits sanguins (1).

Tout incident ou réaction suivant une transfusion doit être déclaré au référent hémovigilance de la banque de sang, qui déclarera ensuite les cas les plus critiques aux autorités compétentes (AFMPS). Selon le rapport d’hémovigilance belge de 2018, la plupart des réactions transfusionnelles ont été rapportées suivant l’administration de globules rouges, composants sanguins les plus fréquemment transfusés. Cependant, si l’on tient compte du nombre de produits sanguins administrés et du nombre de réactions transfusionnelles déclarées, ce sont les concentrés plaquettaires qui sont le plus fréquemment associés à des réactions transfusionnelles (3).

Le laboratoire de biologie clinique joue un rôle central dans le diagnostic des réactions transfusionnelles. En 2022, la banque de sang des Cliniques universitaires Saint-Luc a implémenté plusieurs algorithmes décisionnels pour guider les analyses de laboratoire à effectuer en fonction des symptômes cliniques présentés par le patient durant ou après la transfusion de composants sanguins. Ces algorithmes d’investigations biologiques ont été développés de façon à se baser sur les symptômes présentés par le patient, plutôt que sur la réaction transfusionnelle présumée, dans le but de rationaliser le nombre de tests de laboratoire à réaliser, mais également afin de simplifier le diagnostic différentiel.

Devant toute réaction transfusionnelle, un contrôle administratif à la banque de sang est systématiquement effectué. Il consiste à vérifier le groupe sanguin et le résultat de la recherche d’anticorps anti-érythrocytaires irréguliers (RAI) du patient pour s’assurer de l’adéquation des données immuno-hématologiques avec le composant transfusé, afin de détecter toute erreur d’attribution (1).

Le tableau suivant résume les principaux signes et symptômes des réactions transfusionnelles aigues (survenant dans les 24 heures) à identifier, leurs diagnostics différentiels ainsi que les analyses biologiques pouvant orienter le diagnostic. Les algorithmes plus détaillés ont été publié dans la revue « Transfusion clinique et biologique » (DOI: 10.1016/j.tracli.2022.10.006).

Références

  1. Guillaume L, Chapelle V, Peeraer S, Streel C, Deneys V. Biological investigations of transfusion reactions: Contribution of symptom-based decisional algorithms. Transfus Clin Biol. 2022 Oct 20:S1246-7820(22)00335-4. doi: 10.1016/j.tracli.2022.10.006. Epub ahead of print. PMID: 36273773.
  2. Ackfeld T, Schmutz T, Guechi Y, Le Terrier C. Blood Transfusion Reactions-A Comprehensive Review of the Literature including a Swiss Perspective. J Clin Med. 2022 May 19;11(10):2859. doi: 10.3390/jcm11102859. PMID: 35628985; PMCID: PMC9144124.
  3. AFMPS. Hémovigilance en Belgique: Rapport annuel 2018.

Le sang O négatif : bon usage de ce nouvel or rouge
Véronique Deneys, Urszula Luyten, Youssra Khaouch, Christine Pirlet, Corentin Streel

En Belgique, depuis une dizaine d’années, l’implémentation du Patient Blood Management, a permis une diminution importante de la consommation de concentrés érythrocytaires déleucocytés (CED) (1) de l’ordre de 13.5% entre 2013 et 2021. Malheureusement, parallèlement à cet effet, la distribution de CED de groupe O négatif a, quant à elle, augmenté de 5.2%. Ceci peut être expliqué par différents éléments (2) :

- le sang O négatif est considéré (parfois à tort) comme universellement compatible ce qui justifie le (sur)stockage dans les banques de sang pour la mise à disposition immédiate en cas de besoins urgents pour un patient dont le groupe sanguin n’est pas connu ;

- le choix des CED pour les patients ayant bénéficié d’une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques doit tenir compte des groupes sanguins respectifs du donneur et du receveur, et le O négatif est alors parfois le seul choix ;

- en néonatalogie, le sang O négatif est souvent justifié par les risques d’incompatibilité fœto-maternelle ;

- les besoins très importants et croissants de sang pour les (exsanguino-)transfusions chez les patients drépanocytaires qui ont, pour la plupart d’entre eux (environ 60%), un groupe sanguin rarement exprimé dans la population caucasienne des donneurs de sang en Belgique (2%) ;

- pour répondre aux besoins des patients ayant des alloanticorps anti-érythrocytaires, les établissements de transfusion sanguine réalisent préférentiellement des phénotypes étendus sur les CED de groupe O négatif puisque ces poches peuvent être transfusées à une majorité de receveurs.

Afin de s’assurer que 1º) le sang O négatif soit disponible pour les personnes qui en ont réellement besoin et pour lesquelles il n’y a pas de choix alternatif 2º) que le sang O négatif soit distribué de façon équitable et 3º) que les campagnes de prélèvement de sang respectent la santé de tous les donneurs (en particulier ceux de groupe sanguin O négatif, déjà fort sollicités), une rationalisation de l’utilisation de sang O négatif doit être mise en place afin d’éviter les périodes chroniques de pénurie en ce nouvel or rouge (3).

Pour ce faire, et suite aux épisodes répétés de pénurie en CED O négatifs, une procédure spécifique a été mise en place aux Cliniques universitaires Saint-Luc, basée sur les recommandations internationales (4,5).

1. En cas de pénurie d’approvisionnement par les établissements de transfusion :

- Information de la situation donnée à tous les prescripteurs

- Priorisation des indications de transfusion selon une procédure acceptée en Comité de transfusion des CuSL

- Application du Patient Blood Management de façon stricte et en particulier distribution unitaire exclusive, en dehors des situations hémorragiques actives

- Autorisation indispensable d’un superviseur pour toute sortie de CED O négatif

- Surveillance des stocks plusieurs fois par jour et contacts journaliers avec le fournisseur

- Décision de transfuser des CED Rh positif chez des receveurs Rh négatifs selon le contexte clinique du patient et avec autorisation d’un superviseur (application d’une procédure plus stricte de suivi)

2. En dehors de toute pénurie et pour éviter que celle-ci ne s’installe :

- Décision de transfuser des CED Rh positif chez des receveurs Rh négatifs en situation hémorragique importante (femmes au-delà de l’âge de procréer, hommes de plus de 20 ans)

- Mise en place d’indicateurs de performance pertinents En plus de ces mesures concrètes, des initiatives ont été prises par les CuSL afin de diffuser ces procédures dans les hôpitaux du réseau HUNI et au-delà (préparation d’une enquête au niveau national via la plateforme BeQuinT du SPF Santé publique).

Références

  1. Deneys V, Courcelles, Pirlet C, Streel C. Tempête sur le O négatif : « dégât collatéral » du Patient Blood Management. Louvain Med. 2022 ;141 :7-13
  2. Zeller MP, Barty R, Aandahl A, et al. An international investigation into O red blood cell unit administration in hospitals : the Group O Utilization Patterns (GROUP) study. Transfusion. 2017;57:2329-37.
  3. Australian Red Cross Blood Service. The use of O RhD negative red blood cells according to duidelines audit report 2018. In https://www2.health.vic.gov.au/hospitals-and-health-services/patient-car...
  4. Dunbar NM, Yazer MH, the OPTIMUS Study Investigators on behalf of the Biomedical Excellence for Safer Transfusion (BEST) Collaborative. O-product transfusion, inventory management, and utilization during shortage : the OPTIMUS study. Transfusion. 2018;58:1348-1355. -
  5. Foukaneli D et al. 2018 Survey of Group O D negative Red cell Use (NHSBT) – in https://hospital.blood.co.uk/audits/national-comparative-audit/re^prts-grouped-by-year/2018-survey-of-goup-o-d-negative-red-cell-use/-of-goup-o-d-negative-red-cell-use/

Affiliations

Service de Biologie Hématologique, Cliniques universitaires Saint-Luc UCLouvain, Université catholique de Louvain Bruxelles, Belgique
* Contributeurs équivalents
** Cheffe du service de Biologie Hématologique

1. Immuno-hématologie, Département des Laboratoires Cliniques, Cliniques universitaires Saint-Luc, Université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique
2. Service de chirurgie abdominale et de transplantation rénale, Cliniques universitaires Saint-Luc, Université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique
3. Service de néphrologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, Université catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique

Correspondance

Pr. Véronique Deneys
Cliniques universitaires Saint-Luc
Biologie hématologique
Avenue Hippocrate 10 B -1200 Bruxelles