Innovations 2019 en hépato-gastroentérologie et chirurgie de transplantation hépatique

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Géraldine Dahlqvist, Bénédicte Delire, Olivier Dewit, Laurent Coubeau, Yves Horsmans, Nicolas Lanthier, Tom Moreels Publié dans la revue de : Février 2020 Rubrique(s) : Hépato-gastroentérologie
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Résumé de l'article :

Concernant respectivement 30% et 3% de la population belge, la stéatose hépatique et sa forme sévère, la stéatohépatite non-alcoolique (NASH), constituent un véritable problème de santé publique. Il n’existe à ce jour aucun traitement pharmacologique dans le domaine de la NASH. Néanmoins, l’acide obéticholique a montré des résultats encourageants dans une étude de phase 3 et représente dès lors une éventuelle future option thérapeutique. Dans le domaine des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, le tofacitinib (Xeljanz®) est remboursé depuis septembre 2019 en cas d’échec d’un traitement de première ligne dans la rectocolite ulcéro-hémorragique. Il vient ainsi élargir l’arsenal thérapeutique de cette maladie et offre de nouvelles perspectives aux patients qui en sont atteints. Encore peu connu il y a une dizaine d’années, le virus de l’hépatite E bénéficie d’un regain d’intérêt depuis peu. En Europe et plus particulièrement en Belgique, le génotype 3 est responsable de la majorité des cas. Une infection par le virus de l’hépatite E doit être recherchée devant toute hépatite aiguë. L’atteinte peut être plus sévère dans deux sous-populations : les patients souffrant d’une hépatopathie chronique qui peut décompenser dans ce contexte et les patients immunodéprimés chez qui l’infection peut devenir chronique. L’année 2019 aura également été marquée par de grandes avancées dans le domaine de l’entéroscopie que ce soit grâce aux techniques permettant d’accéder au système biliopancréatique chez les patients présentant une altération de l’anatomie du tube digestif supérieur (bypass gastrique, …) ou grâce à l’usage de l’entéroscopie spiralée motorisée. L’ensemble de ces techniques est utilisé aux Cliniques universitaires Saint-Luc. Enfin, la dernière partie de cette revue sera consacrée à la transplantation hépatique et à l’étude clinique UCL-ALDAPT, dont l’objectif est d’évaluer la validité d’une procédure chirurgicale d’hépatectomie totale en 2 temps associée à une greffe auxiliaire par donation vivante.

Mots-clés

Stéatohépatite non-alcoolique, acide obéticholique, tofacitinib, rectocolite ulcéro-hémorragique, hépatite E, entéroscopie, transplantation hépatique par donation vivante

Article complet :

L’acide obéticholique comme traitement pharmacologique pour les patients atteints de stéatohépatite non-alcoolique fibrosante : des résultats intermédiaires prometteurs
Nicolas Lanthier, Yves Horsmans

Le nombre de personnes présentant un excès de graisse dans le foie (appelé stéatose hépatique) est en augmentation et concerne 30 % de la population en Belgique. Cette stéatose est associée principalement à la présence d’une obésité, d’un syndrome métabolique et/ou d’un diabète de type 2 malgré l’absence d’une consommation importante de boissons alcoolisées (supérieure à 3 verres par jour chez l’homme ou 2 verres chez la femme). Environ 10% de ces patients, soit 3% de la population belge, peuvent développer une maladie plus sévère, capable de détruire lentement le foie, appelée stéatohépatite non-alcoolique (NASH ou non-alcoholic steatohepatitis). La NASH est caractérisée à l’analyse histologique du foie par la présence d’une stéatose, d’une inflammation lobulaire et de dégâts aux cellules qui constituent le parenchyme hépatique (les hépatocytes). Suite au phénomène de souffrance ou de destruction chronique du foie, une fibrose hépatique peut se développer et mener in fine à la cirrhose, avec les complications associées potentielles (altération du fonctionnement du foie, cancer hépatique notamment). Il n’existe à ce jour aucun traitement pharmacologique pour les patients atteints de NASH. Cependant, de nombreuses études sont en cours, ciblant les patients avec NASH compliquée de fibrose intermédiaire ou avancée, dont les résultats sont mitigés, en raison de la physiopathologie complexe et multi-factorielle (1, 2).

Un composé, l’acide obéticholique, a cependant montré une efficacité dans une étude de phase 2 (3) et mené à une étude de phase 3 dont les résultats intermédiaires viennent d’être analysés (4). L’acide obéticholique est un agoniste semi-synthétique du récepteur farnésoïde X (FXR) situé au niveau de l’intestin et du foie, activé physiologiquement par les acides biliaires produits par le foie (acides biliaires primaires) et jouant un rôle dans la régulation de ces acides biliaires et du métabolisme glucidique et lipidique. Les résultats récents confirment que cette molécule diminue significativement la fibrose hépatique chez les patients traités (23% de patients avec régression de la fibrose dans le bras traité versus 12% dans le bras placebo). Une régression significative du taux sérique de transaminases et gamma-glutamyl transférase (γ-GT) ainsi que de l’inflammation et de la souffrance hépatique à la biopsie du foie est également notée avec le traitement. Des effets secondaires sont malheureusement présents, comme un prurit et une augmentation du LDL-cholestérol. Ceux-ci sont des obstacles potentiels à un traitement au long cours d’une maladie chronique (associée déjà de base à un risque cardio-vasculaire accru), bien qu’ils puissent être contrôlés par l’administration concomitante de colestyramine et/ou de statine. Le suivi des patients dans l’étude se poursuit et permettra d’analyser notamment d’autres bénéfices cliniques éventuels à long terme (mortalité globale, survenue de cirrhose, cancer du foie, événements cardio-vasculaires, …).

En conclusion, ces résultats positifs intermédiaires positionnent l’acide obéticholique comme une éventuelle option thérapeutique dans le futur chez les patients présentant une stéatohépatite non-alcoolique fibrosante. Néanmoins, l’avenir repose également sur le développement de nouvelles molécules actuellement en phase 2 ou 3 qui seront utilisées seules ou en combinaison. De nombreuses molécules de ce type sont en développement aux Cliniques universitaires Saint-Luc.

Références

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  2. Lanthier N. La NASH en 2018. Louvain Med. 2018;137:308-313.
  3. Neuschwander-Tetri BA, Loomba R, Sanyal AJ, Lavine JE, Van Natta ML, Abdelmalek MF, et al. Farnesoid X nuclear receptor ligand obeticholic acid for non-cirrhotic, non-alcoholic steatohepatitis (FLINT): a multicentre, randomised, placebo-controlled trial. Lancet. 2015;385:956-965.
  4. Younossi ZM, Ratziu V, Loomba R, Rinella M, Anstee QM, Goodman Z, et al. Obeticholic acid for the treatment of non-alcoholic steatohepatitis: interim analysis from a multicentre, randomised, placebo-controlled phase 3 trial. Lancet. 2019;394:2184-2196.

Le tofacitinib (Xeljanz®) : nouveau traitement dans la rectocolite ulcéro-hémorragique
Olivier Dewit

Les inhibiteurs des Janus Kinases (JAK) sont de petites molécules, qui par rapport aux traitements biologiques, ont l’avantage d’une administration orale, une action rapide et une courte demi-vie. Un autre avantage est l’absence d’immunogénicité qui dès lors permet d’éviter la perte d’efficacité au cours du temps liée à ce mécanisme. Les JAK forment un groupe de 4 récepteurs transmembranaires (Jak 1, 2, 3 et TYK2) qui vont (via la transduction du signal et l’activation de la transcription de protéines) moduler la régulation des gènes qui codent pour différentes protéines pro-inflammatoires. Le tofacitinib (tofa) cible l’ensemble des JAK avec une activité inhibitrice plus élevée pour JAK 1 et 3.

Le tofacitinib est remboursé en Belgique dans la rectocolite (RC) depuis septembre 2019, en cas d’échec des aminosalicylés et des corticoides et/ou des thiopurines utilisés pendant au moins 3 mois ET d’échec d’un biologique (ou intolérance ou contre-indication). Il ne s’agit donc pas d’un traitement de biothérapie de première ligne. Il est également utilisé en traitement de la polyarthrite rhumatoïde et de l’arthrite psoriasique. Son efficacité dans la RC a été démontrée dans des études cliniques randomisées contre placebo (au total 2 754 patients) tant dans l’induction que dans le maintien de la réponse (OCTAVE 1,2, SUSTAIN). Ces résultats sont observés chez les patients indépendamment de l’exposition antérieure à un traitement par anti-TNFalpha.

Le tofa s’administre per os, sous forme de comprimés. La posologie, indépendante du poids, est de 10mg 2x par jour pendant 8 semaines (voire 16 semaines). Après cette induction, le traitement de fond est ramené à 5 mg 2x par jour. Une forme à libération prolongée (une prise par jour de 11 mg ou 22 mg) arrivera bientôt pour les mêmes indications. Le tofa peut être associé à un traitement par corticoïdes ou par aminosalicylés, mais son association avec un immunosuppresseur ou un biologique n’est actuellement pas recommandée. Son mode d’action est rapide puisqu’une amélioration des symptômes peut déjà être observée chez certains patients après 3 jours de traitement.

Les contre-indications à son utilisation sont une hypersensibilité à la substance active, une tuberculose active, des infections graves comme une septicémie ou une infection opportuniste, une insuffisance hépatique sévère, un cancer au cours des 5 dernières années (principe de précaution devant la crainte qu’une baisse d’immunité induite par le traitement ne facilite la récidive).

Comme avec tous les médicaments ayant un effet immunodépresseur, les vaccins vivants atténués sont contre-indiqués : fièvre jaune, rougeole, oreillons, rubéole, BCG, varicelle, rotavirus. Si ces vaccins sont nécessaires, ils doivent être faits au moins 3 semaines avant le début du traitement. En revanche, les vaccins inactivés, comme celui de la grippe, de l’hépatite B ou du pneumocoque peuvent être réalisés.

Avant sa mise en route, on réalise le même bilan que pour les biothérapies : test de dépistage d’une tuberculose latente (radiographie de thorax et quantiféron ou intradermo-reaction à la tuberculine) et sérologies virales. Une attention particulière est apportée au virus Herpes Zoster. En effet sous tofa on observe une augmentation de l’incidence du zona, surtout aux doses élevées. Une vaccination est proposée en cas de sérologie négative. Plus généralement, le tofa augmente le risque d’infection bactérienne, mycobactérienne, virale, fongique et opportuniste, sans qu’il soit évident de distinguer le risque propre au tofa à celui des corticoïdes associés. Ces infections peuvent s’avérer graves suite à la baisse immunitaire et une surveillance rapprochée par le généraliste et/ou le gastroentérologue est donc nécessaire en cas de fièvre.

De même un suivi biologique régulier est préconisé comprenant un hémogramme, les tests hépatiques et un lipidogramme tous les mois pendant les 2 premiers mois puis tous les 3 mois. En effet, le tofa (comme les thiopurines) peut affecter les différentes lignées sanguines. Il peut également augmenter les tests hépatiques ainsi que le cholestérol sanguin. Une interaction médicamenteuse existe avec des inhibiteurs du cytochrome P450 (3A4 et 2C19) et justifie une adaptation des doses de tofa.

Plus récemment, une augmentation des accidents thromboemboliques (phlébite, embolie pulmonaire) a été enregistrée chez des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde âgés d’au moins 50 ans, présentant au moins un facteur de risque cardiovasculaire et traités par tofa à la dose de 10mg 2x/j. Ce risque n’était pas observé aux doses inférieures. Il est actuellement recommandé de ne pas prescrire de tofa à la dose de 10 mg chez ces patients. Ces effets n’ont pour le moment pas été décrits chez les patients traités par tofa pour une RC, mais la prudence reste de mise. L’effet du tofa sur le développement et l’évolution des tumeurs malignes et lymphomes n’est pas connu. Par mesure de précaution, l’utilisation de tofa pendant la grossesse et l’allaitement est contre-indiquée.

Son arrivée dans l’arsenal thérapeutique de la RC offre de nouvelles perspectives aux patients et permet, dans certains cas de modifier l’histoire naturelle de la maladie en évitant le recours à la colectomie.

Références

  1. Sandborn WJ, Su C, Sands BE, D’Haens, et al. Tofacitinib as Induction and Maintenance Therapy for Ulcerative Colitis. N Engl J Med. 2017;376(18):1723-36.
  2. Colombel JF. Herpes Zoster in Patients Receiving JAK Inhibitors For Ulcerative Colitis: Mechanism, Epidemiology, Management, and Prevention. Inflamm Bowel Dis. 2018; 24(10):2173-82.
  3. Sands BE, Taub PR, Armuzzi A, Friedman GS, Moscariello M, Lawendy N, et al. Tofacitinib Treatment Is Associated With Modest and Reversible Increases in Serum Lipids in Patients With Ulcerative Colitis. Clin Gastroenterol Hepatol. 2019.
  4. Bechman K, Subesinghe S, Norton S, et al. A systematic review and meta-analysis of infection risk with small molecule JAK inhibitors in rheumatoid arthritis. Rheumatology (Oxford, England). 2019; 58(10):1755-66.
  5. Verden A, Dimbil M, Kyle R, Overstreet B, Hoffman KB. Analysis of Spontaneous Postmarket Case Reports Submitted to the FDA Regarding Thromboembolic Adverse Events and JAK Inhibitors. Drug safety. 2018;41(4):357-61.

L’hépatite E en 2019
Géraldine Dahlqvist

Le virus

Découvert en 1983, un regain d’intérêt est observé depuis une dizaine d’année pour ce virus de la famille des Hepeviridae. Le genre des Orthohepevirus comprend 4 espèces. L’espèce A est potentiellement infectante pour l’homme et comprends 8 génotypes. Les génotypes 1 et 2 qui n’infectent que l’homme et les génotypes 3 et 4 qui sont des zoonoses, sont les plus fréquemment rencontrés (1).

Epidémiologie

Le virus de l’hépatite E est responsable de 3x106 cas d’hépatite aigüe symptomatique dans le monde chaque année avec 70,000 décès par an.

Les génotypes 1 et 2, de transmission féco-orale, se rencontrent essentiellement dans les pays d’Afrique et d’Asie. Le génotype 3 responsable de zoonoses est ubiquitaire et est responsable de la grande majorité des cas européens.

En Belgique on observe une majorité d’infection par le génotype 3 chez les hommes. 64% des infections sont diagnostiquées chez des adultes de 40 à 64 ans. On observe une augmentation des cas diagnostiqués, essentiellement secondaire à une augmentation des recherches d’infection par l’hépatite E (2).

Les formes cliniques

L’hépatite E peut se manifester de différentes façons en fonction du génotype et de la population atteinte.

Les génotypes 1 et 2 sont essentiellement responsables d’hépatite aiguë avec des formes sévères chez les femmes enceintes, responsable d’une mortalité élevée de l’ordre de 25%. Il existe une possibilité de transmission verticale, souvent d’évolution péjorative chez le nouveau-né infecté. Il n’y a pas de traitement spécifique, les mesures globales sont identiques aux autres formes d’hépatite.

Les génotypes 3 et 4 donnent des hépatites aiguës symptomatiques dans moins de 5% des cas. On la rencontre plus fréquemment chez des hommes, d’âge médian de 63 ans. La transmission se fait via de la viande de porc, de gibier, du lait, des fruits de mer et les transfusions sanguines de donneurs de sang infectés.

Des cas de décompensation aigüe de maladie hépatique chronique sont décrits. La sévérité est identique aux autres causes de décompensation de cirrhose. Un traitement par ribavirine peut être donné et s’est montré efficace dans certains cas décrits dans la littérature.

Les génotypes 3 et 4 sont enfin responsables d’une forme chronique de la maladie chez des patients immunodéprimés (HIV, maladie hématologique, greffe d’organe solide, traitements immunosuppresseurs). Les facteurs de risque sont un taux de lymphocytes bas et les traitements par inhibiteurs de calcineurine (tacrolimus.) Le mode de transmission est le même que pour la forme aiguë. La forme chronique est l’absence de clairance du virus après 3 à 6 mois. Cette infection chronique peut être responsable d’une atteinte hépatique chronique fibrosante avec des évolutions décrites vers la cirrhose, ayant même nécessité des transplantations. Une régression de fibrose est possible après un traitement efficace.

Le traitement de 12 semaines par de la ribavirine est le traitement de premier choix. En cas d’inefficacité ou de rechute, une 2e période de trois mois est préconisée. En cas de résistance ou de rechute, ou de non-réponse, un traitement par interferon pegylé alpha est une dernière possibilité en dehors des cas survenant chez des patients transplantés d’organes solides (sauf après transplantation hépatique) (3).

Le virus de l’hépatite E est également responsable de formes cliniques extra-hépatiques, principalement neurologique mais également rénale, pancréatique, hématologique.

Les atteintes neurologiques sont des névralgies amyotrophiantes, des syndromes de Guillain-Barré, des méningoencéphalites… Le mécanisme n’est pas encore clairement élucidé. Il pourrait s’agir d’une propriété neurotrope de certaines souches virales mais également d’une réaction immunologique médiée par du mimétisme moléculaire. Le traitement par ribavirine n’est pas clairement préconisé dans la littérature sauf pour les atteintes rénales de type glomérulonéphrite en cas d’infection virale chronique par le virus de l’hépatite E.

Prévention

La principale prévention des infections est l’hygiène pour les génotypes 1 et 2 et une cuisson adéquate de la viande à cœur à 70° pour les génotypes 3 et 4, principalement pour la viande de porc, le gibier. Ces précautions se basent sur la disparition in vitro de l’activité infectieuse du virus dans des conditions de cultures à 70° pendant au moins 2 minutes ou 80° pendant 1 minutes.

Enfin, il existe un vaccin, développé en Chine depuis 2011 pour les génotypes 1, qui aurait également une protection pour le génotype 4. Des études plus larges de toxicité et d’efficacité au long cours sont nécessaires (4).

Références

  1. Lhomme, S, et al. Clinical Manifestations, Pathogenesis and Treatment of Hepatitis E Virus Infections. J Clin Med. 2020; 9(2): p. E331.
  2. Suin, V, et al. Epidemiology and genotype 3 subtype dynamics of hepatitis E virus in Belgium, 2010 to 2017. Euro surveillance : bulletin Europeen sur les maladies transmissibles = European communicable disease bulletin, 2019. 24(10): p. 1800141.
  3. Kamar, N, et al. Ribavirin for Hepatitis E Virus Infection After Organ Transplantation: A Large European Retrospective Multicenter Study. Clin Infect Dis. 2019 Dec 3; pii: ciz953.
  4. European Association for the Study of the Liver. EASL Clinical Practice Guidelines on hepatitis E virus infection. J Hepatol. 2018 Jun;68(6):1256-1271.

Endoscopie de l’intestin grêle en 2019
Tom Moreels

L’accès endoscopique à l’intestin grêle (l’entéroscopie) reste toujours un défi malgré les nouveautés dans le domaine endoscopique. Néanmoins, le développement de nouveaux entéroscopes et leur perfectionnement continu permettent maintenant d’atteindre les structures digestives qui se trouvent en dehors du spectre de l’endoscopie conventionnelle.

On reconnaît globalement trois évolutions importantes depuis 2019 dans le domaine de l’entéroscopie. L’entéroscopie simple ou double ballon à l’aide d’un overtube est maintenant devenue le ‘gold standard’ pour atteindre le système biliopancréatique chez les patients qui ont bénéficié d’une chirurgie altérant l’anatomie du tube digestif haut et de l’intestin grêle, comme le bypass gastrique ou la greffe hépatique sur une anse montée (1).

Toutes les interventions endoscopiques conventionnelles au niveau des voies biliaires et du pancréas sont maintenant rendues possibles grâce à l’usage de ces nouveaux entéroscopes, évitant ainsi une éventuelle intervention chirurgicale.

Deuxièmement, un abord transmural par échoendoscopie est également possible afin de drainer le système biliopancréatique par la technique EDGI (EUS-directed transgastric intervention) (1). Cette technique est actuellement en pleine évolution, aussi dans le service d’Hépato-Gastroentérologie des Cliniques universitaires Saint-Luc.

Finalement, l’étude multicentrique Européenne SAMISEN, à laquelle notre service participe également, envisage la mise en route dans la pratique quotidienne de l’entéroscopie spiralée motorisée. Cet entéroscope est muni d’un overtube spiralé motorisé qui permet une progression dans l’intestin grêle avec une vitesse continue et une meilleure efficacité permettant de réaliser une entéroscopie complète (2). Il est attendu que ce nouvel entéroscope changera la pratique endoscopique.

Références

  1. Moreels TG. Endoscopic retrograde cholangiopancreatography in Roux-en-Y gastric bypass patients. Minerva Chir. 2019;74:326-333.
  2. Moreels TG. Update in enteroscopy: New devices and new indications. Dig Endosc. 2018;30:174-181.

Mise en route du projet UCL-ALDAPT : étude clinique évaluant la validité d’une procédure chirurgicale d’hépatectomie totale en 2 temps associée à une greffe auxiliaire par donation vivante
Laurent Coubeau

La transplantation hépatique cadavérique est limitée par le pool d’organe disponible et le nombre de patients en liste d’attente a presque doublé sur les 10 dernières années. Le fossé se creuse entre l’offre et la nécessité vitale d’organe rendant compte d’une mortalité en liste d’attente de 20% à 30% (1). Ces chiffres de mortalité ne prennent de surcroit pas en considération les patients Drop-Out quittant la liste d’attente en raison d’un échappement dans la prise en charge oncologique. Ces patients ne mourront pas en liste mais seront orientés vers une prise en charge médicale avec peu d’espoir de rémission.

Une option pour pallier cette problématique est de recourir à l’utilisation de la donation vivante : un donneur sain va dans une procédure d’hépatectomie pouvoir faire bénéficier un receveur d’une partie de son foie. La greffe par donation vivante est initialement envisagée chez l’enfant pour des raisons évidentes de volumétrie : le volume nécessaire au receveur pédiatrique est plus faible que pour un adulte. La révolution de l’Adult to Paediatric Living Donor Liver Transplantation (A2P LDLT) a rapidement opéré en Europe après les premiers cas de 1989 au Japon (2). Notre centre a quant à lui réalisé en Juillet 1993 la troisième procédure non asiatique sous l’égide du Pr Otte et l’équipe du Pr Reding réalise actuellement cette chirurgie complexe de façon hebdomadaire. Les patients adultes présentant une hépatopathie terminale avec indication de greffe sont néanmoins plus fréquents que les enfants. L’A2A LDLT (Adult to Adult) a donc rapidement démarré après les prémices pédiatriques et la première greffe vers un adulte est réalisée par le Pr Makuuchi en 1994 (3).

Outre l’avantage indéniable de permettre à des patients d’avoir accès à la greffe, la LDLT est programmable dans le temps et ne nécessite pas d’attente prolongée en liste. On sait la place de l’électif dans le schéma séquentiel oncologique néoadjuvant et adjuvant. La greffe peut donc prendre place de façon optimale dans une fenêtre de tir oncologique : après stabilisation de la maladie et avec un moindre risque de Drop-out lié à l’attente en liste.

La greffe hépatique par donneur vivant est régie par les mêmes principes de la chirurgie hépatique : la nécessité d’un volume résiduel suffisant chez le donneur et d’un volume implanté suffisant pour le receveur. Les marges de sécurité sont cependant plus élevées qu’en chirurgie hépatique classique avec un impératif volumétrique résiduel chez le donneur de 40% du foie initial et un ratio poids du greffon/poids receveur supérieur à 1%. La segmentation gauche-droite du parenchyme hépatique nous confronte cependant à une répartition volumétrique Gauche/Droite 1/3-2/3 voire 1/4-3/4. Le volume du foie gauche est alors trop faible pour assurer l’hépatostat du receveur et un prélèvement hépatique droit compromettrait dangereusement la fonction résiduelle du donneur. C’est cette problématique qui malgré l’extraordinaire essor initial de l’A2A LDLT a contraint beaucoup de centres européens à limiter leur activité (4), et pousse les centres d’excellence asiatiques à mettre en place des techniques innovantes mais plus risquées : utilisation de 2 donneurs (5). Ces extrapolations chirurgicales probablement inaccessibles à nos centres rend compte de l’importance du problème : « Nous sommes prêt à opérer d’une hépatectomie majeure deux donneurs pour un seul receveur … ».

Une équipe norvégienne a combiné la transplantation hépatique partielle à une hépatectomie de l’entièreté du foie en 2 temps (6). Cette technique dite RAPID (Resection And Partial Liver Transplantation with Delayed total hepatectomy) est initialement décrite après récupération d’un lobe gauche d’origine cadavérique prélevé par splitting. Un premier temps opératoire consiste à réaliser une hépatectomie gauche (segments II,III et IV) associée à une implantation orthotopique du lobe gauche du donneur (segment II,III). Le foie droit natif est alors déportalisé par ligature du pédicule portal droit. La réorientation du flux portal complet vers le greffon en stimule la régénération. La majoration volumétrique rapide du greffon autorise une hépatectomie droite de complétion endéans les 15 jours. Les résultats du cas princeps sont satisfaisants et ouvrent la porte à l’extension du procédé à l’utilisation de greffon prélevé par donation vivante (Living Donor RAPID (7)). Il est à notifier que l’ensemble des procédures réalisées (10 cas reportés au monde à ce jour) est lié à la pathologie colorectale. Les patients présentaient tous des métastases non résécables de cancer colorectal (uCRMets).

Nous avons publié en novembre 2019 notre expérience préliminaire de RAPID soulignant la révolution potentielle de cette technique chirurgicale sur l’A2A LDLT (8). Nous avons également apporté quelques modifications techniques d’affinement : résection d’emblée de la convergence portale, réalisation d’une procédure full-left systématique chez le donneur, flexibilité dans la transsection du parenchyme malade et hépatectomie de complétion par laparoscopie.

Les Cliniques universitaires Saint-Luc ouvrent donc dans ce contexte un projet clinique ALDAPT : « Associating Living Donor Left APOLT* and Right Portal vein ligation for Total Staged Hepatectomy » : Etude Clinique ouverte prospective monocentrique de phase II évaluant la validité d’une procédure chirurgicale d’hépatectomie totale en 2 temps associée à une greffe auxiliaire par donation vivante. L’objectif du projet ALDAPT est d’évaluer les résultats précoces péri-opératoires d’une nouvelle technique chirurgicale de greffe auxiliaire associée à une hépatectomie complète décomposée en 2 temps chirurgicaux. La survie globale à un an est donc l’objectif principal. La morbi-mortalité oncologique liée à la récidive de la maladie primitive impactera cette survie mais sera considérée comme indépendante de l’expérimentation.

*Auxiliary Partial Orthotopic Liver Transplantation

Le projet scientifique devra parallèlement décrire les principes qui sous-tendent ce nouveau modèle de régénération hépatique in situ. Différents éléments collectés durant la recherche nous aideront à répondre à cette question. Notre hypothèse est également la possibilité d’étendre ce procédé à d’autres pathologies que les uCR-METs. La nécessité d’une parenchymotomie du foie natif implique cependant l’absence d’hépatopathie sous-jacente contre-indiquant ce geste initial. Le projet ALDAPT étend par conséquent la technique RAPID aux patients avec métastases non résécables de tumeur neuroendocrine (NET-METs) ainsi qu’au cancer hépatocellulaire (HCC) développé sur cirrhose bien compensée sans hypertension portale. L’étude sera ouverte à 20 patients toute indication confondue et rigoureusement sélectionnés par un comité de validation oncologique.

Le projet ALDAPT ouvre la possibilité de résoudre la problématique de la greffe donneur-vivant d’un adulte vers un autre adulte avec parallèlement un objectif de moindre risque pour le donneur et le receveur.

Les avantages projetés du projet ALDAPT sont par conséquent :

. la minimisation du risque opératoire pris chez le donneur : procédure standardisée avec sacrifice parenchymateux plus faible ;

. l’absence d’exposition du donneur aux complications tardives de la régénération du foie gauche après donation droite (satiété précoce, hernie incisionnelle sur laparotomie en J) ;

. la minimisation du risque opératoire chez le receveur : la présence du foie droit natif résiduel assurerait une fonction résiduelle en cas de perte du greffon ;

. cette fonction résiduelle nous permettrait de ne pas impliquer la liste d’attente EuroTransplant en cas d’échec du greffon (considération éthique) ;

. l'accès majoré à la greffe hépatique chez des patients avec un candidat donneur ne permettant ni un greffon gauche par défaut de volume, ni un greffon droit par excès de prélèvement.

Un prélèvement par donneur vivant d’un volume identique à celui nécessaire pour un enfant permettrait donc de remplacer un foie complet d’adulte. Cette technique nous permettrait d’encore minimiser l’impact et le risque pour le donneur. Parallèlement, la persistance d’un foie résiduel natif offre la sécurité fonctionnelle en cas de défaillance du greffon auxiliaire. La sélection des receveurs reste également la clé de voûte du projet avec des impératifs précis de maladie uniquement hépatique et stable sous traitement…

Références

  1. Kim WR, Lake JR, Smith JM, et al. OPTN/SRTR 2013 Annual Data Report: liver. Am J Transplant. 2015;15 Suppl 2:1-28.
  2. Strong RW, Lynch SV, Ong TH, Matsunami H, Koido Y, Balderson GA. Successful liver transplantation from a living donor to her son. N Engl J Med. 1990;322(21):1505-1507.
  3. Ichida T, Matsunami H, Kawasaki S, et al. Living related-donor liver transplantation from adult to adult for primary biliary cirrhosis. Ann Intern Med. 1995;122(4):275-276.
  4. Nadalin S, Capobianco I, Panaro F, et al. Living donor liver transplantation in Europe. Hepatobiliary Surg Nutr. 2016;5(2):159-175.
  5. Lee S, Hwang S, Park K, et al. An adult-to-adult living donor liver transplant using dual left lobe grafts. Surgery. 2001;129(5):647-650.
  6. Line PD, Hagness M, Berstad AE, Foss A, Dueland S. A Novel Concept for Partial Liver Transplantation in Nonresectable Colorectal Liver Metastases: The RAPID Concept. Ann Surg. 2015;262(1):e5-9.
  7. Rauchfuss F, Nadalin S, Konigsrainer A, Settmacher U. Living donor liver transplantation with two-stage hepatectomy for patients with isolated, irresectable colorectal liver-the LIVER-T(W)O-HEAL study. World J Surg Oncol. 2019;17(1):11.
  8. Coubeau L, Iesari S, Ciccarelli O, Bonaccorsi-Riani E, Dahlqvist G, Reding R. Two-stage recipient hepatectomy and left-liver transplantation to minimize risks in adult-to-adult living donor liver transplantation: new concepts. Liver Transpl. 2019.
  9. Lerut J, Iesari S, Vandeplas G, et al. Secondary non-resectable liver tumors: A single-center living-donor and deceased-donor liver transplantation case series. Hepatobiliary Pancreat Dis Int. 2019;18(5):412-422.

 

Affiliations

  1. Service d’Hépato-gastroentérologie, Cliniques universitaires Saint-Luc, UCLouvain, Bruxelles, Belgique.
  2. Laboratoire de Gastroentérologie et Hépatologie, Institut de recherche expérimentale et clinique, UCLouvain, Bruxelles, Belgique.
  3. Service de Chirurgie et Transplantation Abdominale, Cliniques universitaires Saint-Luc, UCLouvain, Bruxelles, Belgique.
  4. Pôle de Chirurgie Expérimentale et Transplantation, Institut de Recherche Expérimentale et Clinique, UCLouvain, Bruxelles, Belgique.

Correspondance

Dr. Bénédicte Delire
Cliniques universitaires Saint Luc
Service de Gastro-entérologie
B-1200 Bruxelles (Belgique)
benedicte.delire@uclouvain.be