De l’immunothérapie, le nouveau Graal aux nouveautés en allogreffe de cellules souches hématopoïétiques

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Xavier Poiré, Nicole Straetmans, Sarah Bailly, Marie-Christiane Vekemans Publié dans la revue de : Février 2020 Rubrique(s) : Hématologie
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Résumé de l'article :

Cet article consacré aux innovations en onco-hématologie met à l’honneur les succès de l’immunothérapie et les défis actuels de l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques.

Le traitement des hémopathies malignes a, de tout temps, été dominé par le recours à la chimiothérapie ou la radiothérapie. La découverte des bases cytogénétiques et moléculaires de ces maladies a ouvert la voie des thérapies ciblées, et plus récemment, la meilleure compréhension des interactions complexes existant entre le système immunitaire d’un patient et d’éventuelles cellules tumorales voit éclore le domaine de l’immunothérapie, avec le développement des CAR-T, BiTEs, immunoconjugués et ‘checkpoint inhibitors’. Mais l’idée d’exploiter le système immunitaire du patient pour tenter de contrôler sa pathologie tumorale n’est pas un concept récent, puisque la greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques se base sur ce principe en utilisant les lymphocytes T du greffon pour éliminer les cellules tumorales du receveur.

L’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques reste quant à elle, à ce jour, un pilier des armes thérapeutiques en hématologie, et de nombreuses recherches tentent d’en améliorer les résultats. Afin de réduire le risque de rechute sans augmenter la toxicité, les conditionnements à toxicité réduite deviennent un nouveau standard. La maladie du greffon contre l’hôte serait mieux prévenue par l’administration de cyclophosphamide post-greffe. Enfin, bons nombres de rechutes post-greffe sont la conséquence d’un échappement immunitaire et une meilleure compréhension de leurs mécanismes ouvre la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques.

Mots-clés 

Immunothérapie, CAR T cells, BiTE, immunoconjugués, checkpoint inhibiteurs, allogreffe, maladie du greffon contre l'hôte

Article complet :

Immunothérapie en Hématologie, le nouveau Graal ?
Marie-Christiane Vekemans, Sarah Bailly

Introduction

Pendant des années, le traitement des hémopathies malignes a été dominé par le recours à la chimiothérapie ou la radiothérapie. La découverte des bases cytogénétiques et moléculaires de ces maladies a ouvert la voie des thérapies ciblées. La meilleure compréhension des interactions complexes existant entre le système immunitaire d’un patient et d’éventuelles cellules tumorales voit maintenant éclore le domaine de l’immunothérapie. L’idée d’exploiter le système immunitaire du patient pour tenter de contrôler sa pathologie tumorale n’est pas un concept récent. La greffe de cellules souches hématopoïétiques allogéniques exploite les propriétés des lymphocytes T pour éliminer les cellules tumorales, rôle mis en exergue par la possibilité d’obtenir des rémissions prolongées en recourant à l’administration de lymphocytes du donneur dans certaines hémopathies en rechute (1).

La thérapie cellulaire adoptive permet d’utiliser des cellules issues du système immunitaire d’un patient ou d’un donneur, et de les réinjecter au malade après manipulation et/ou expansion ex vivo. Ces techniques représentent une réelle avancée dans la prise en charge des lymphomes agressifs et des leucémies lymphoblastiques, et sont actuellement en cours de développement dans d’autres pathologies comme le myélome et la leucémie lymphoïde chronique. Nous revoyons ici certains aspects de l’immunothérapie utilisée en hématologie.

Les CAR-T

Les CAR-T (CAR pour chimeric antigen receptor) sont des molécules hybrides, constituées de plusieurs modules distincts: d’une part, une partie extracellulaire qui se lie à la cible, semblable à un anticorps monoclonal capable de reconnaître un antigène à la surface des cellules tumorales, et d’autre part, une partie intracellulaire, semblable à la structure d’un récepteur de lymphocyte T (TCR), capable d’induire, en cas de reconnaissance de l’antigène tumoral, une activation de ces lymphocytes, leur prolifération et leur rôle mémoire (2). Une des propriétés des CAR est d’agir indépendamment du complexe majeur d’histocompatibilité.

La structure des CAR a fortement évolué au cours du temps. L’ajout de domaines de co-stimulation caractérise les CAR de seconde génération qui sont actuellement approuvés en clinique, en améliorant la capacité d’activation des lymphocytes T et leur survie, de même que leurs possibilités d’expansion ex vivo. L’antigène cible le plus exploité est le CD19, abondamment représenté dans les pathologies B, lymphomes et leucémies. Les CAR de troisième génération comportent un second module de co-stimulation, tandis que les CAR de quatrième génération présentent une séquence permettant la production de cytokines, la reconnaissance de la cible entraînant l’activation d’un facteur de transcription permettant l’expression d’IL-12 ou IL-18 (3) (Figure 1).

Les CAR-T sont produits à partir de lymphocytes T isolés du sang périphérique du patient par leukaphérèse, avant d’être modifiés génétiquement à l’aide de vecteurs viraux, le plus souvent des lentivirus, codant la molécule du CAR considéré. Après expansion ex vivo, les cellules T modifiées sont retransférées dans le centre de départ pour y être réinfusées au patient en une seule procédure (Figure 2).

La production des CAR prend en moyenne 4 semaines, une période qui nécessite souvent le recours à une chimiothérapie d’attente de manière à éviter l’explosion de la maladie sous-jacente. L’infusion des CAR est aussi habituellement précédée d’une lympho-déplétion assurée par l’administration d’une association de fludarabine et de cyclophosphamide, de manière à éliminer les lymphocytes T régulateurs (Treg), et favoriser la sécrétion de cytokines, IL-7 et IL-15, impliquées dans l’expansion des lymphocytes T, et par là même, celle des CAR-T (4).

Le premier CAR-T à avoir obtenu l’autorisation de mise sur le marché est le tisagenlecleucel (Kymriah), un CAR anti-CD19 destiné à traiter des enfants atteints de LLA en rechute, sur base d’un taux de rémissions de 83% observés chez les 70 premiers patients inclus au cours des trois premiers mois de l’essai (5). Le second CAR-T est le axicabtagene ciloleucel (Yescarta) indiqué dans le traitement des lymphomes non hodgkiniens agressifs de l’adulte, en rechute ou réfractaires (R/R).

Dans les lymphomes agressifs en R/R, en cas d’échec de l’autogreffe, la survie moyenne est de l’ordre de 6 mois (6). Les résultats sans précédents observés avec les CAR-T dans 2 études de phase 2 ont ouvert une voie thérapeutique nouvelle pour laquelle un remboursement a été accordé en 2019.

Dans l’étude ZUMA-1, l’axicabtagene ciloleucel a été administré, en l’absence de bridge, chez 101 patients atteints de lymphomes B réfractaires à leur dernière ligne de traitement ou en rechute après autogreffe, avec des taux de réponses globales (RG) et de réponses complètes (RC) de 82% et 54%, respectivement, pour une durée moyenne de réponse de 8.1 mois (7). Après un suivi médian de 15.4 mois, 40% des patients restaient en RC, avec une survie médiane à 18 mois de 52%. Ces résultats restent consistants chez les patients âgés, sans excès de toxicité (8). Dans l’étude JULIET, le tisagenlecleucel a été administré, après bridge, chez 93 patients atteints de lymphomes agressifs en rechute, avec des taux de RG et RC de 52% et 40%, respectivement. Après 6 mois, 30% des patients restaient en RC.

Les données de vie réelle sont aussi informatives quant au devenir des patients ne remplissant pas les critères d’inclusion de l’étude ZUMA, en raison de leurs antécédents (atteinte du SNC ou commémoratif d’allogreffe) ou de leur statut (indice de performance abaissé, thrombopénie, altération de la fonction rénale), avec des résultats tout à fait concordants, confirmant l’impact potentiel de cette thérapie dans une pathologie considérée comme incurable (9,10).

Dans le myélome (MM), la cible utilisée est BCMA (BCMA, B-cell maturation antigen), un récepteur largement présent à la surface des plasmocytes tumoraux, impliqué dans la survie cellulaire, la prolifération et l’acquisition de résistance (11). Du fait de sa faible expression au niveau des autres tissus, BCMA représente une cible idéale dans le MM. Les premières études cliniques ont montré des résultats encourageants chez des patients lourdement prétraités, avec des taux de RG de l’ordre de 88%. Malheureusement, les réponses sont habituellement transitoires, avec des moyennes de survie sans progression (SSP) aux alentours d’un an (12-15), le plus souvent suite à la perte de l’expression de BCMA. Les efforts actuels visent à améliorer la durée de la réponse en utilisant une cible double (BCMA et CD19) (16), ou en utilisant des inhibiteurs de sécrétases qui empêchent le clivage de BCMA de la surface cellulaire (17). D’autres cibles telles que les CD28, CD56 et CS1 font aussi l’objet de recherches (18).

Dans les leucémies lymphoïdes chroniques, le taux de réponses est inférieur à celui observé dans les autres lymphopathies. Seule une minorité de patients (20-30%) atteint la RC, avec une SSP à 18 mois de l’ordre de 25% (19-21), une situation en partie attribuée à un ‘épuisement’ des CAR-T. Dans l’avenir, la place des CAR-T sera probablement redéfinie en fonction de potentielles combinaisons avec d’autres thérapeutiques utilisées dans cette pathologie, comme l’ibrutinib (22,23).

En règle générale, les efforts actuels se centrent sur le développement d’autres CAR, comme les CAR dirigés contre WT1 dans la leucémie myéloïde aiguë (LMA), CD22 dans les lymphomes non hodgkiniens (LNH) et les leucémies lymphoblastiques aiguës (LLA), CD33 et CD123 dans les leucémies myéloïdes chroniques (LMC), ou les multi-CAR qui expriment plusieurs récepteurs chimériques spécifiques de différentes cibles antigéniques, que ce soit au sein d’une même cellule ou de cellules différentes administrées simultanément. On explore aussi la possibilité d’utiliser les CAR en association avec les inhibiteurs de point de contrôle (checkpoint inhibiteurs, CPI). Une attention particulière est aussi portée au développement de CAR allogéniques qui permettraient d’éviter de devoir obtenir des lymphocytes autologues, mais pourraient être stockés et utilisés à la demande (‘off-the-shelf’).

Il est important de rappeler que les CAR peuvent générer des évènements indésirables graves pouvant engager le pronostic vital du patient. En se fixant à leur cible, ils peuvent induire un relargage important de cytokines, dont l’IL-6, à l’origine du recrutement en cascade de cellules immunitaires, avec comme conséquence un tableau clinique comportant fièvre, frissons, tachycardie, mais aussi parfois atteinte multi-systémique avec syndrome de fuite capillaire, hypotension, hypoxie, syndrome d’activation macrophagique, atteinte rénale ou cardiaque aiguë. Ce tableau survient endéans les 2 premières semaines d’administration des CAR, les plus souvent les 2-3 premiers jours, et est habituellement réversible dans un délai de 2-3 semaines (24,25). Il affecte préférentiellement les patients lourdement prétraités et ceux présentant une grosse masse tumorale. Dans ce cas, l’utilisation d’un anticorps anti-IL6, le tocilizumab, permet de contrôler cette réponse inflammatoire excessive (26).

L’autre effet délétère fréquemment rapporté est la neurotoxicité (CRES, CAR-related encephalopathy syndrome). Elle se manifeste par des signes allant du tremblement, des céphalées ou de difficultés d’écriture à la désorientation, l’aphasie, la somnolence, les convulsions et l’œdème cérébral. Il s’agit probablement d’un effet de classe des thérapies cellulaires ciblant CD19 car il est aussi retrouvé avec le blinatumomab, dont le mécanisme étiologique est inconnu et qui répond de manière inconstante à l’administration d’anti-IL6, nécessitant plutôt le recours aux corticostéroïdes.

Des systèmes de gradation des symptômes ont été mis au point pour faciliter le suivi des cliniciens (24,26). A plus long terme, ont aussi été rapportées, des cytopénies prolongées, une déplétion en lymphocytes B responsable d’hypogammaglobulinémie profonde, et de rares néoplasies secondaires (28).

Les immunoconjugués

Les immunoconjugués (ou ADC, antibody-drug conjugates) représentent une nouvelle classe de médicaments qui combinent la spécificité d’un anticorps monoclonal avec une molécule cytotoxique, permettant de délivrer au niveau des cellules tumorales cibles, cette substance cytotoxique en épargnant les cellules saines et en limitant de ce fait la toxicité générale (Figure 3).

Le gemtuzumab ozogamicin (GO) est certainement le premier représentant des immunoconjugués utilisés dans le traitement des maladies hématologiques. Il s’agit d’un anticorps monoclonal IgG4 humanisé anti-CD33 lié à la calicheamicine, un puissant antibiotique se liant au DNA. Il est utilisé en association avec daunorubicine et aracytine dans le traitement de première ligne des LMA CD33+. Administré à la dose de 3mg/m2 (dose maximale de 5 mg) aux jours 1, 4 et 7 du cycle 1, et au jour 1 des 2 cycles de consolidation, il permet d’observer un taux de RC de l’ordre de 80%, avec un taux de survie globale (SG) à 2 ans de 53% (HR, 0.69) et une survie sans évènement (SSE) médiane de 15 mois (ce qui représente un gain de 6 mois par rapport à l’administration d’un placebo) (29).

Utilisé en monothérapie chez les patients plus âgés non candidats à un traitement intensif, le GO offre un taux de RC de l’ordre de 25%, si on le compare aux traitements de support (transfusions, antibiothérapie) (30).

Les effets secondaires les plus fréquents concernent la survenue de saignements, des infections sévères, des troubles hépatiques (y compris la maladie veino-occlusive (VOD)).

Le brentuximab vedotin (BV) est un immunoconjugué dirigé contre le CD30, un facteur de croissance de la famille TNF (tumor necrosis factor), peu exprimé à la surface des cellules normales, mais surexprimé dans différents lymphomes dont le lymphome de Hodgkin (LH), le lymphome anaplasique à grandes cellules et certains lymphomes T cutanés. L’anti-CD30 est couplé au monométhyl auristatin E, un agent capable d’interférer avec l’assemblage des microtubules impliqués dans la division cellulaire, provoquant l’arrêt du cycle cellulaire et de ce fait, l’apoptose.

Administré en monothérapie chez des patients atteints de LH en rechute après autogreffe, le taux de RG est de 75%, avec un taux de RC à 34%, pour une durée médiane de réponse de 6.7 mois (31). Avec un recul de 5 ans, la SG et la SSP sont respectivement de 41% et 22%, suggérant le possible contrôle de la maladie à long terme sous BV en monothérapie (32).

BV s’est aussi montré utile en traitement de consolidation administré avant ou après autogreffe dans les LH à haut risque de rechute, permettant d’améliorer la SSP de 24.1 à 42.9 mois (33), avec un gain significatif en termes de SSP à 5 ans (59% contre 41% dans le bras placebo) (34). Administré en bridge avant allogreffe, BV se révèle aussi efficace (en termes de SSP et SG) sans générer de toxicité supplémentaire (telle que la GVH) (35).

En première ligne, dans les LH en phase avancée (ECHELON-1), le BV remplace avantageusement la bléomycine du schéma ABVD en termes de SSP à 2 ans (81% vs. 74%), même si les taux de RG ne sont pas différents (36). Dans les autres lymphopathies, notons que le BV a certainement un intérêt dans les lymphomes anaplasiques à grandes cellules et certains lymphomes T cutanés agressifs.

Les effets secondaires concernent la survenue de polynévrites sensitivo-motrices, arthralgies et myalgies, en plus des phénomènes d’asthénie, nausées, vomissements et diarrhées, rash, fièvre, infections et neutropénie.

L’inotuzumab ozogamicin (IO) combine un anticorps monoclonal IgG4 humanisé à la calicheamicine. Sa cible est le CD22, un récepteur exprimé à la surface des lymphocytes B matures et de leurs correspondants malins, mais absent des cellules non-B, et donc des cellules souches. Utilisé en monothérapie en comparaison avec une chimiothérapie standard chez des patients atteints de LLA CD22+ en R/R, IO induit des taux de RC nettement supérieurs (73.8% vs. 30.9%), permettant à un nombre accru de patients d’accéder à l’allogreffe (39.6% vs. 10.5%). La survie médiane de 7.7 mois observée avec IO (contre 6.2 mois avec un traitement standard) se traduit par une diminution du risque de décès de 25% (37,38).

En combinaison avec une chimiothérapie de type CVAD, IO s’est également montré très efficace avec des taux de RG de l’ordre de 80% (RC, 59%), et des taux de survie médiane et de SSP à un an de l’ordre de 46% et 40%, respectivement (39). Chez les patients plus âgés (>60 ans), en première ligne, le taux de RG avoisine les 100%, avec des taux de RC très élevés (88%) et une SG à 3 ans de 53% (40).

Les effets secondaires les plus fréquemment rapportés avec IO sont d’ordre hématologique (neutropénie, thrombopénie, anémie). Fièvre, nausées et troubles hépatiques (risque accru de VOD en cas de transplantation) sont également décrits (38).

D’autres immunoconjugués sont actuellement en développement. Citons le moxetumomab pasudotox et le polatuzumab vedotin. Le moxetumomab pasudotox utilise un anticorps monoclonal murin ciblant CD22, couplé à une exotoxine provenant du pseudomonas aeruginosa, et a reçu une approbation de la FDA pour le traitement des hairy cell leukemia (HCL) en échec après 2 lignes thérapeutiques (41). Le polatuzumab vedotin est un anticorps monoclonal dirigé contre le CD79b, un composant du complexe récepteur B (BCR), couplé au monométhyl auristatin E, actuellement testé dans les lymphomes agressifs et les lymphomes folliculaires en R/R (42,43).

Dans le MM, le composé GSK 28577916 est un anticorps monoclonal IgG1 humanisé dirigé contre BCMA, et couplé à une toxine capable de perturber le système des microtubules. Administré en monothérapie chez des patients réfractaires à la fois aux IMiDS, aux inhibiteurs du protéasome et aux anticorps monoclonaux, il permet d’observer un taux de RG de l’ordre de 40% avec une SSP médiane de l’ordre de 6 mois (44,45).

Les BiTEs

Les BiTEs ou 'bispecific T-cell engagers' sont des molécules bispécifiques issues d'anticorps capables de rediriger les cellules immunes vers les cellules tumorales, en mettant en contact simultanément 2 antigènes, d’une part, un antigène cible présent à la surface de cellules tumorales, et d’autre part, un récepteur d’une cellule effectrice (CD3 des lymphocytes T ou CD16 des cellules NK) (Figure 4). A l’inverse des CAR-T, ces molécules sont plus simples à produire et purifier et plus facilement disponibles (‘off the shelf’).

Le blinatumomab en est le premier représentant. Ce composé met en contact à la fois le CD19 exprimé sur les cellules B et le CD3 exprimé sur les cellules T, permettant la lyse des lymphocytes B CD19+, et ce en l’absence de l’intervention du groupe majeur d’histocompatibilité. C’est le premier BiTE à avoir été approuvé chez des patients adultes atteints de LLA pré-B en R/R. Comparé à une chimiothérapie de sauvetage dans un essai de phase 3 (TOWER), le blinatumomab permet quasi de doubler la survie médiane (7.7 vs. 4 mois), avec des taux de RC nettement supérieurs (34 vs. 16%), et des rémissions plus prolongées (7.3 vs. 4.6 mois) (46). Des résultats similaires ont été observés chez les patients atteints de LLA phi+ en rechute après allogreffe, le blinatumomab permettant à 44% des patients en RC d’accéder à une seconde allogreffe (47).

Le blinatumomab s’est aussi imposé comme agent incontournable permettant de convertir une maladie résiduelle positive (MRD+), associée à un taux de rechute plus élevé et une survie limitée, en MRD- dans cette pathologie. 78% des patients obtiennent une MRD- après un cycle de traitement, avec une nette amélioration de la survie sans rechute (23.6 vs. 5.7 mois) et de la SG (38.9 vs. 12.5 mois) (48). Pour ces patients en MRD-, la survie médiane n’est pas atteinte à 3 ans (49).

Le blinatumomab est aussi étudié en première ligne, en association avec la chimiothérapie. Avec des taux de RC au-delà de 90%, il représente un réel espoir de pouvoir limiter le nombre de cycles de chimiothérapie administrés en induction et de réduire la durée du traitement de maintenance (50). De même, l’association de blinatumomab avec IO et chimiothérapie de type CVAD se révèle prometteuse (51).

Les principaux effets secondaires du blinatumomab concernent un syndrome de relarguage de cytokines et des symptômes neurologiques.

Dans le MM, le premier composé étudié est l’AMG-420. Ce composé permet d’observer des taux de réponses de plus de 70%, réponses habituellement observées dans le mois d’administration du produit, et perdurant plus d’une année dans certains cas (52).

D’autres approches sont actuellement en plein développement (Figure 5) (53). Les DART (dual-affinity retargeting bispecific antibody) se révèlent être plus performants que les BiTEs dans la lyse des cellules tumorales (54), à des concentrations nettement plus faibles.

Les TandABs (tandem antibodies) utilisent 2 sites de fixation pour chaque antigène. Leur poids moléculaire leur évite une clearance rénale trop rapide, allongeant leur demi-vie sans modifier leurs possibilités de pénétration tumorale (55,56). Les BiTEs et TriKEs (bispecific et trispecific killer cell engagers) permettent de réorienter les cellules NK vers leur cible tumorale (57). Les TriKEs incorporent l’IL-15 en sandwich de manière à favoriser l’expansion des cellules NK in vivo (58).

Les inhibiteurs des points de contrôle (checkpoint inhibitors)

Une des caractéristiques du cancer est sa capacité d’échapper au système immunitaire de l’hôte, en usurpant les voies métaboliques impliquant les points de contrôle ou ‘checkpoints’ (CPI) tels que CTL4 (cytotoxic T lymphocyte-associated antigen 4) et PD1 (programmed cell death protein 1). En exprimant les ligands des récepteurs des checkpoints, les cellules tumorales parviennent à bloquer sélectivement la réponse immunitaire anti-tumorale. L’utilisation d’anticorps monoclonaux dirigés contre CTL4, PD1 ou son ligand PD-L1 permet de restaurer cette immunité anti-tumorale (Figure 6).

En cancérologie, le LH est une entité particulière caractérisée par l’existence de rares cellules tumorales, les cellules de Reed-Sternberg, entourées d’un infiltrat inflammatoire aussi abondant qu’inefficace. Les cellules de Hodgkin surexpriment les ligands PD-L1 et PD-L2 qui, en interagissant avec PD1, inactivent les lymphocytes T. La surexpression de PD-L1 est aussi favorisée par des altérations génomiques impliquant le chromosome 9p24.1 qui encode pour les loci de PD-L1 et PD-L2, et des infections à EBV, fréquentes dans le LH (59).

Deux études de phase 1 ont permis l’approbation rapide par la FDA (Food and Drug Administration) de 2 CPI administrés en monothérapie, dans un groupe de patients atteints de LH en R/R, lourdement prétraités, en échec après BV et autogreffe. Ces études ont permis d’observer des taux de réponse de 87% avec nivolumab (RC, 17%) (60) et 65% avec pembrolizumab (RC, 21%) (61). Ces résultats ont été confirmés dans des études de phase 2, avec des taux de RG de l’ordre de 70%, et des médianes de survie non atteintes après un suivi médian de 9 mois pour le nivolumab (62), et 27.6 mois pour le pembrolizumab (63), au prix d’une toxicité rapportée chez quasi tous les patients, mais le plus souvent limitée.

L’association de nivolumab avec BV a aussi été étudiée avec des résultats intéressants (64). Une étude de phase 3 randomisant pembrolizumab contre BV chez des patients réfractaires à la chimiothérapie et inéligible à l’autogreffe ou en progression après autogreffe est en cours.

Chez des patients nouvellement diagnostiqués avec un LH en phase avancée, le nivolumab est administré en monothérapie pour 4 cycles puis en association avec ABD pour 4 cycles supplémentaires, induisant un taux de RG de 84% (RC, 67%) (65).

Dans le MM, la surexpression de PD1 contribue aussi à l’évasion immune des cellules tumorales, permettant leur prolifération. Deux études de phase 3, combinant le pembrolizumab au lénalidomide (KEYNOTE 183) ou au pomalidomide (KEYNOTE 185) ont montrés des résultats encourageants, y compris chez les patients réfractaires aux IMiDs. Ces études ont cependant été suspendues suite à la survenue de décès toxiques, principalement d’origine pulmonaire (66,67).

Dans les autres pathologies, les réponses aux CPI sont différentes, aucune pathologie ne présentant la même sensibilité aux CPI que le LH. Ceci est probablement liée à une moindre expression de PD-L1 à la surface des cellules tumorales, sans exclure le rôle du microenvironnement.

Conclusion

L’immunothérapie est actuellement en plein développement et a d’ores et déjà conquis une place indiscutable dans la prise en charge des hémopathies malignes. De nombreux composés ont dépassé le stade de développement, entrent le domaine des études cliniques, avec en pointe de mire, un rôle de mieux en mieux défini, un usage en monothérapie ou en association avec les traitements conventionnels, moyennant une sécurité accrue, en tenant compte des contraintes budgétaires et en garantissant l’accessibilité pour tous.

Où en est-on en Belgique ? qu’en est-il des remboursements ?

Le coût de tous ces traitements innovants reste un frein à leur utilisation dans certaines situations, et ceux-ci ne sont pas tous remboursés en Belgique malgré que leur efficacité ait été approuvée par les grandes administrations internationales, la FDA et/ou l’EMA (European Medicines Agency). Dans ce contexte, la participation aux essais cliniques reste une voie d’accès potentiel à ces nouvelles thérapies.

Les CAR-T cells

Depuis septembre 2019, un seul CAR-T, le tisagenlecleucel (ou Kymriah) est remboursé en Belgique dans certaines situations très précises que sont le lymphome B diffus à grandes cellules en R/R, chez des patients de plus de 18 ans, en excellent état général (ECOG 0-1), après au moins 2 lignes de traitements systémiques. L’administration de ce traitement est réservée à quelques centres en Belgique qui sont l’Universitair Ziekenhuis à Gand, les Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles, l’Universitair Ziekenhuis à Leuven et le centre Hospitalier Universitaire du Sart Tilman de Liège. Il est également remboursé dans la LLA de type B chez des patients de moins de 25 ans, en R/R après allogreffe de cellules souches hématopoïétiques.

L’axicabtagene ciloleucel (ou Yescarta) fait l’objet d’un programme compassionnel dans le cadre des lymphomes B diffus à grandes cellules et B diffus à grandes cellules primitifs du médiastin en R/R, après un minimum de 2 lignes de traitement. Ce programme est disponible à l’UZ Leuven.

Les immunoconjugués

Le gemtuzumab ozogamicin (ou Mylotarg) est remboursé en Belgique en association avec une chimiothérapie à base d’anthracycline et de cytarabine pour les patients âgés de plus de 15 ans atteints d’une LMA, exprimant le CD33. Le remboursement est limité aux patients avec un profil de risque cytogénétique inconnu, favorable ou intermédiaire. Il ne comprend par les leucémies promyélocytaires.

Le brentuximab vedotin (ou Adcetris) est remboursé en Belgique pour les patients âgés de plus de 18 ans souffrant d’un LH exprimant le CD30, en R/R après transplantation autologue de cellules souches hématopoïétiques (CSH) ou après au moins 2 thérapies antérieures lorsque l’autogreffe de CSH n’est pas une option. Ce traitement est également remboursé chez les patients souffrant d’un lymphome T anaplasique à grandes cellules en R/R après chimiothérapie. Un retraitement est possible lorsqu’une première réponse a été observée.

Il existe depuis peu un usage compassionnel du Brentuximab dans le cadre du traitement de patients adultes souffrant d’un lymphome T périphérique exprimant le CD30, en traitement de première ligne, en association avec une chimiothérapie de type CHP.

L’inotuzumab ozogamicin (ou Besponsa) fait l’objet d’un remboursement en Belgique chez les patients adultes souffrant d’une LLA B phi négative CD22 positif en R/R, ou d’une LLA B phi positive CD22 positif en R/R. Une demande de remboursement doit être réalisée pour chaque cycle de traitement.

Le polatuzumab vedotin (ou Polivy) n’est pas remboursé actuellement mais fait l’objet d’un programme compassionnel dans le cadre des lymphomes B diffus à grandes cellules en R/R, après minimum 2 lignes de traitements, inéligibles à une greffe de cellules souches hématopoïétique et en association avec la Bendamustine.

Les BiTEs

Blinatumomab (ou Blincyto) est le seul BiTE approuvé par les agences internationales EMA et FDA. Chez l’adulte, il est remboursé en Belgique dans le cadre du traitement d’induction des patients adultes présentant une LLA B Phi négatif en R/R, dans le but d’une procédure de greffe de CSH. Il est également remboursé en traitement de consolidation pour des patients souffrant de LLA B Phi négatif en R/R, mis en rémission après 2 cycles d’induction (<5% de blastes), et en vue de mener à une greffe de CSH.

Il existe par ailleurs en Belgique un usage compassionnel du Blincyto pour les patients présentant une maladie résiduelle positive d’une LLA B, après au moins 3 traitements de chimiothérapie.

Les inhibiteurs des points de contrôle (checkpoint inhibitors)

Nivolumab (ou Opdivo) est remboursé en Belgique, en hématologie, chez les patients adultes atteint d’un lymphome de Hodgkin classique, en R/R après autogreffe de CSH et après BV.

Pembrolizumab (ou Keytruda) est remboursé en Belgique, en hématologie, pour le traitement de patients adultes atteints d’un lymphome de Hodgkin classique en R/R après échec d’une greffe de CSH autologue et d’un traitement par BV, ou inéligibles à une greffe et après échec d’un traitement par BV (monothérapie). Les autres traitements cités et/ou autres potentielles indications ne sont actuellement pas remboursés en Belgique, et font ou feront probablement l’objet de discussions avec l’INAMI.

Références

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Allogreffe de cellules souches hématopoïétiques : quoi de neuf ?
Xavier Poiré, Nicole Straetmans

Introduction

À une époque d’avènement de thérapie ciblée et surtout d’immunothérapie, l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques reste à ce jour un outil thérapeutique majeur dans la plupart des pathologies hématologiques malignes. Cette procédure représente la toute première thérapie immunitaire jamais testée pour laquelle nous avons plus de 50 ans d’expérience. Certes, cela reste une immunothérapie non ciblée associée à des effets "off-targets" dont la redoutable maladie du greffon contre l’hôte, et à une morbi-mortalité significative qui limite encore actuellement son application à des patients sélectionnés. De nombreuses études sont encore conduites dans ce domaine afin d’améliorer les succès et réduire la toxicité ce dont il a été encore question lors du dernier congrès de la société américaine d’hématologie (ASH) qui s’est tenu à Orlando en décembre dernier. Nous pouvons les classer en 3 grandes voies : les conditionnements à toxicité réduite, le cyclophosphamide post-greffe et l’échappement immunitaire.

Le conditionnement à toxicité réduite

Le conditionnement est le traitement administré avant la greffe et dont le rôle est de réduire suffisamment l’immunité du receveur afin de ne pas rejeter la greffe, mais également de faire suffisamment de place dans la moelle osseuse afin d’y loger les nouvelles cellules hématopoïétiques. Les premiers conditionnements étaient ce qu’on appelle myéloablatif, c’est-à-dire détruisant complètement la moelle et le système immunitaire. Leur haute toxicité limitait leur utilisation aux patients jeunes et sans comorbidité. Dans les années 90, est apparu le concept de conditionnement d’intensité réduite qui se base essentiellement sur un traitement immunosuppresseur, permettant la prise de greffe et pariant entièrement son succès sur l’effet greffon contre maladie afin d’éradiquer la malignité sous-jacente. Ce type de conditionnement, nettement moins toxique, permet de proposer la greffe de cellules souches hématopoïétiques à des patients plus âgés et/ou plus fragiles. Depuis, de nombreuses études rétrospectives comparant conditionnement myéloablatif et conditionnement réduit ont abouti aux mêmes conclusions : plus de mortalité avec les conditionnements myéloablatifs, et plus de rechute avec les conditionnements réduits, menant au bout du compte à une survie similaire. En 2017, sont parues deux larges études prospectives tentant de résoudre le dilemme entre conditionnement myéloablatif et conditionnement réduit. La première, européenne, a été conduite chez des patients atteints de myélodysplasie. Dans cette étude, aucune différence en termes de survie sans rechute entre conditionnement myéloablatif et conditionnement réduit n’a été mise en évidence (1). La seconde, conduite aux Etats-Unis, incluait tant des syndromes myélodysplasiques que des leucémies myéloïdes aiguës. Cette étude a dû être stoppée précocement suite à un excès significatif de rechutes dans le bras conditionnement réduit (2). Depuis, de nombreux investigateurs, principalement aux Etats-Unis, soutiennent que l’intensité du conditionnement est d’une importance capitale, en particulier dans les leucémies myéloïdes aiguës. Pour supporter cette attitude, un nouveau type de conditionnement est apparu ces dernières années, appelé, le conditionnement à toxicité réduite qui vise à augmenter l’intensité de la chimiothérapie afin d’éviter la rechute, sans toutefois en augmenter la toxicité. Différentes approches ont été proposées pour ce faire telles que inclure de nouvelles drogues dans le conditionnement comme le tréosulfan, réduire la dose totale de busulfan, remplacer le cyclophosphamide par la fludarabine ou encore réduire la dose totale d’irradiation corporelle totale (3) (Figure 1).

Deux abstracts présentés au récent congrès de l’ASH 2019 ont abordé la question du conditionnement à toxicité réduite. Une première étude rétrospective de la société européenne de greffe de moelle (EBMT) conduite auprès de 518 patients atteints de leucémie myéloïde aiguë en première rémission compare deux de ces conditionnements à toxicité réduite : l’association de fludarabine à une irradiation corporelle totale de 8 Gy (FluTBI8) d’une part, et l’association de fludarabine à 3 jours de busulfan (FluBu3) d’autre part. Dans cette étude, du moins chez les patients de moins de 50 ans, FluTBI8 était associé à une survie sans leucémie à 2 ans de 75%, comparé à seulement 58% après FluBu3 (p=0.02). Au-delà de 50 ans, l’utilisation d’irradiation corporelle doit rester exceptionnelle vu la toxicité qui y est associée. Néanmoins, FluTBI8 est un excellent conditionnement entre 40 et 50 ans, ou chez des patients jeunes mais plus fragiles (4). Une seconde étude conduite par le MD Anderson Cancer Center développe une plateforme de conditionnement dans laquelle les patients sont exposés à des hautes doses de busulfan intra-veineux administrées de façon fractionnée et en suivant strictement la pharmacocinétique individuelle afin de cibler des taux thérapeutiques mais non toxiques. Cinquante-deux patients d’âge médian de 62 ans présentant tous types de pathologies hématologiques malignes ont été inclus. Bien qu’il s’agisse d’une population globalement à haut risque exposée à de hautes doses busulfan, les résultats montrent une survie impressionnante de 83% à un an, sans excès significatif ni de rechute, ni de mortalité toxique (5). Ces résultats exceptionnels laissent suspecter un biais de sélection, mais n’en reste pas moins intéressant. Malheureusement, en Belgique, nous n’avons pas accès au remboursement du busulfan intra-veineux, et nous ne pouvons donc pas prétendre à l’utilisation d’un tel schéma. Avons-nous d’ailleurs dans notre pays accès à un conditionnement à toxicité réduite valable ? Pour répondre à cette question, on peut citer cette étude rétrospective du registre international de greffe de moelle (CIBMTR) publiée en 2018 conduite auprès de plus 2000 patients souffrant de myélodysplasie ou de leucémie myéloïde aiguë comparant différents types de conditionnement. Cette étude montre que l’association de fludarabine et de melphalan sans globulines anti-thymocytaires (ATG) est associé à la meilleure survie sans maladie, en réduisant significativement le taux de rechute, et ce, sans excès de mortalité ou de maladie du greffon (6). Les résultats de cette étude ont conduit la Société belge d’hématologie (BHS) à conduire une étude prospective comparant l’association fludarabine et melphalan avec ou sans ATG. Malheureusement, nous avons dû interrompre prématurément cette étude suite à un excès de toxicité dans les 2 bras. Néanmoins, cette année à l’ASH, différentes études se sont à nouveau intéressées au conditionnement fludarabine-melphalan. Une première étude du MD Anderson Cancer Center réalisée auprès de 400 patients de plus de 60 ans souffrant de leucémie myéloïde aiguë montre qu’en comparant différents types de conditionnements, celui amenant à la meilleure survie sans maladie est l’association de fludarabine et melphalan, avec ce dernier administré à une dose réduite de 100 mg/m2. Ces résultats ont également été confirmés chez les patients avec un indice de performance réduit (7). Une autre étude rétrospective du CIBMTR incluant environ 1000 patients de plus de 60 ans avec un diagnostic de myélodysplasie compare deux types de conditionnements, fludarabine et busulfan, versus fludarabine et melphalan. Une fois de plus, l’association fludarabine et melphalan permet une meilleure survie sans maladie malgré un excès de mortalité. Le bénéfice en terme de réduction de rechute surpasse l’excès de mortalité, faisant de l’association fludarabine-melphalan un conditionnement de choix dans les syndromes myélodysplasiques (8). Enfin, une dernière étude rétrospective du CIBMTR s’est intéressée à différents types de conditionnements dans les lymphomes non Hodgkinien. Dans cette étude incluant environ 1800 patients, l’association fludarabine-melphalan induit cette fois une survie sans maladie moins bonne, principalement due à un excès significatif de mortalité., (9). Ce que nous pouvons dès lors retenir sur l’association fludarabine-melphalan est qu’il s’agit d’un conditionnement efficace, du moins dans les pathologies myéloïdes.

L’intensité du conditionnement a-t-elle toujours son importance ? La réponse à cette question est selon nous négative. En effet, nombreux sous-types de néoplasies hématologiques sont reconnues pour leur caractère chimio-réfractaire et une intensification du conditionnement dans ce contexte ne peut amener qu’à un excès de toxicité sans aucun bénéfice final. C’est le cas des leucémies myéloïdes aigues arborant un caryotype monosomique ou une mutation TP53, où plusieurs études nous démontrent l’inefficacité de conditionnement plus intense (10, 11). Face à ces maladies résistantes, il faut songer à des voies thérapeutiques alternatives pouvant contourner ces mécanismes de résistance. On peut ainsi utiliser des traitements alternatifs afin d’amener les patients dans de meilleurs conditions de réponse au moment de la greffe de cellules souches hématopoïétiques. C’est ce qui nous est démontré dans une petite étude sur des patients atteints de leucémie myéloïde aiguë ou myélodysplasie avec mutation TP53. Dans cette étude, un traitement par agents hypométhylants avant la greffe augmentait les chances de disparition du clone arborant la mutation TP53 et cette disparition était associé à une meilleure survie post-greffe, quel que soit l’intensité du conditionnement. Ceci démontre qu’avec un traitement moins intensif, mais surtout alternatif, il est possible d’amener les patients dans de meilleurs conditions à la greffe, ce qui se traduit en un gain de survie significatif post-greffe (12). Une autre façon de repenser le conditionnement est d’introduire de nouvelle drogue directement dans le conditionnement. C’est ce qui a été tenté dans une étude de phase 1 menée au Dana Farber Cancer Institute dans laquelle 3 doses différentes de venetoclax, un inhibiteur de bcl-2, ont été associées à un conditionnement fludarabine-busulfan. Aucune toxicité majeure et aucun impact sur la prise de greffe n’ont été observés. Sur cette petite cohorte de 16 patients avec pathologie myéloïde, la survie globale était de 76% à 6 mois. Une éradication des clones résistants comme ceux arborant un caryotype complexe ou une mutation TP53 a pu également être observée (13).

Le cyclophosphamide post-greffe

De nos jours, le succès de l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques reste encore limité par la survenue de la maladie du greffon (GvH). La meilleure prophylaxie de cette complication redoutable reste encore à définir. L’administration de cyclophosphamide post-greffe a été initialement introduit comme prophylaxie de la GvH dans les greffes haplo-identiques par l’équipe de Baltimore. Le principe est d’administrer le greffon après le conditionnement sans aucune prophylaxie dans un premier temps. Il s’en suit que les lymphocytes allo-réactifs contenus dans le greffon vont être activés par les molécules HLA du receveur, les faisant entrer en cycle cellulaire. Ces cellules allo-réactives responsables de la GvH, une fois activées vont être détruites par le cyclophosphamide administré au jour +3 et +4 après la greffe. Les lymphocytes non-allo-réactifs vont quant à eux être épargnés de l’effet dû au cyclophosphamide et vont ainsi permettre une reconstitution immunitaire post-greffe (14) (Figure 2).

Cette plateforme de prophylaxie de la GvH a démontré son efficacité dans plusieurs études et a largement contribué à l’explosion de l’utilisation des greffes haplo-identiques actuellement. Une large étude rétrospective de l’EBMT réalisée sur plus de 3000 greffes haplo-identiques a été présentée à l’ASH en décembre dernier, comparant le cyclophosphamide post-greffe aux autres méthodes de déplétion lymphocytaire T, tant ex vivo que in vivo. Le cyclophosphamide post-greffe permet une amélioration significative de la survie globale et de la survie sans maladie principalement en rapport à une réduction de la mortalité toxique. En termes de prévention de la GvH, le cyclophosphamide post-greffe permet une meilleure survie sans rechute et sans GvH. Et en s’intéressant plus spécifiquement aux patients ayant reçu le cyclophosphamide en post-greffe, il apparait que les patients ayant un greffon de cellules souches médullaires présentent les meilleurs résultats en terme de prophylaxie de la GvH en comparaison aux cellules souches périphériques (15). Le fait que les cellules souches d’origine médullaire protègent des manifestations sévères de la GvH comparées aux cellules souches d’origine périphérique n’est pas une surprise et était déjà connu de longue date en dehors de contexte haplo-identique. Néanmoins, les collectes de cellules souches médullaires restent plus difficiles à organiser et plus traumatiques pour les donneurs, rendant leur application à tous les patients difficiles à concevoir de nos jours. Si le cyclophosphamide post-greffe est à ce point efficace pour prévenir la GvH dans le contexte haplo-identique, certains investigateurs ont commencé à utiliser cette stratégie dans d’autres contextes de greffe. Ainsi, une étude rétrospective de l’EBMT a été conduite auprès de 2000 patients souffrant de leucémie myéloïde aiguë en première rémission et ayant reçu une greffe au départ d’un donneur géno-identique. L’ATG y est comparé au cyclophosphamide post-greffe. Aucune différence en termes de survie globale, survie sans maladie, incidence de rechute ou mortalité toxique n’a été observée. Néanmoins, l’ATG était associé dans cette étude à une réduction significative du taux de GvH chronique(16). Dans cette étude, la majorité des patients ont reçu des cellules souches périphériques, ce qui peut expliquer les résultats obtenus sur la GvH chronique. L’ATG n’a donc pas dit son dernier mot en particulier en présence de cellules souches périphériques et de conditionnements plus intenses. Enfin, une étude prospective du groupe HOVON a été présenté en session plénière. Ils y comparent une immunosuppression standard faite de ciclosporine et mycophénolate mofétil à l’utilisation de cyclophosphamide post-greffe. Ils ont inclus 52 patients dans le bras standard et 99 patients dans le bras cyclophosphamide post-greffe. L’âge médian était de 58 ans. Tous types de pathologies hématologiques étaient autorisés. Il s’agissait essentiellement de conditionnements réduits et de cellules souches périphériques. Aucune différence en termes de survie globale, survie sans maladie, incidence de rechute et mortalité toxique n’a été observée. Par contre, le cyclophosphamide post-greffe était associé à une réduction significative tant de la GvH aiguë que chronique, se traduisant au final en une meilleure survie sans rechute et sans GvH (17). Le principal problème de cette étude est l’absence d’ATG dans le bras standard. Néanmoins, le cyclophosphamide post-greffe apparait comme une prophylaxie prometteuse de la GvH et deviendra peut-être un nouveau standard. Reste à savoir si l’ATG devra y être associé, surtout avec l’utilisation de cellules souches périphériques et en présence de conditionnement plus intense. Sans oublier la toxicité cardiaque associée au cyclophosphamide post-greffe qui risque de limiter son utilisation chez les patients plus âgés et/ou plus fragiles.

L’échappement immunitaire

La rechute post-greffe reste à ce jour la principale cause d’échec de cette procédure. Le développement d’une meilleure prévention de cette rechute ou d’une prise en charge de la rechute passe par une meilleure compréhension des mécanismes amenant à cette rechute. Dans le contexte de l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques, l’échappement immunitaire est un de ces mécanismes de rechute. Cette fuite immunitaire peut être liée à une perte des molécules HLA à la surface des cellules néoplasiques. Reconnaître la perte de l’HLA comme mécanisme de rechute est important car dans ce cas, l’utilisation de lymphocytes du donneur sera sans effet, et si une seconde greffe doit être réalisée, un donneur alternatif devra être choisi. Un autre mécanisme immunitaire de rechute est la sous-expression des molécules HLA de classe II à la surface des cellules néoplasiques, principalement par des mécanismes épigénétiques. Enfin, la surexpression de molécules inhibitrices comme PDL1 par les cellules néoplasiques est un autre mécanisme par lequel les cellules malignes échappent à l’effet immunitaire de la greffe. L’utilisation de checkpoint inhibiteurs pourrait restaurer cette effet immunitaire (18). L’équipe de Luca Vago à Milan a beaucoup travaillé sur ses mécanismes d’échappement immunitaire et sur les moyens de les traiter. Dans un modèle murin de rechute de leucémie myéloïde aiguë par perte de l’HLA, ils ont pu démontré l’efficacité d’un anticorps bi-spécifique dirigé contre CD3 et CD33 permettant ainsi de contourner l’interaction HLA/TCR qui n’est plus effective (19). Dans un autre modèle murin explorant la rechute par sous-expression des molécules HLA de classe II, ils ont pu montrer que c’était le complexe PRC2 qui était responsable de la non-expression des molécules HLA de classe II. En utilisant un inhibiteur d’EZH2, une sous-unité de PRC2, ils ont été capables de démontrer une ré-expression des molécules HLA de classe II avec restauration d’une immunité effective contre les cellules néoplasiques (20). Bien que préliminaires, ces résultats montrent que l’inhibition d’EZH2 apparait ainsi comme une nouvelle stratégie de prise en charge des rechutes post-greffe qui reste à explorer.

Conclusions

En conclusion, bien que l’année 2019 n’apporte aucune découverte majeure dans le domaine de l’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques, plusieurs nouvelles données nous permettent d’appréhender de nouvelles techniques ou approches. Ainsi, le concept de conditionnement à toxicité réduite deviendra de plus en plus utilisé permettant une meilleure efficacité sans augmentation de la toxicité. Dans ce contexte, l’association fludarabine-melphalan apparait comme un bon candidat principalement dans les pathologies myéloïdes qui va être exploré dans une étude prospective de la BHS. Néanmoins, face à des maladies hautement chimio-réfractaires, des traitements alternatifs restent à définir. En termes de prophylaxie de la GvH, l’administration de cyclophosphamide post-greffe apparait comme un nouveau standard dans le contexte de greffe haplo-identique mais également après greffe géno- ou phéno-identique. Reste à savoir si l’ATG devra garder ou non une place dans cette plateforme. Enfin, une meilleure compréhension des mécanismes d’échappement immunitaire en post-greffe ouvre la perspective de nouvelle stratégie thérapeutique des rechutes après allogreffe de cellules souches hématopoïétiques.

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Affiliations

Cliniques universitaires Saint-Luc, Service d’Hématologie adulte

Correspondance

Pr. Marie-Christiane Vekemans
Pr. Xavier Poiré

Cliniques universitaires Saint-Luc
Service d’Hematologie adulte
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B-1200 Bruxelles
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