Complotisme et anti-vaxx

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Maurice Einhorn Publié dans la revue de : Juillet 2021 Rubrique(s) : Ama Contacts
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Résumé de l'article :

L’épidémie de COVID-19 a donné lieu à toutes sortes de spéculations quant à son origine.

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L’épidémie de COVID-19 a donné lieu à toutes sortes de spéculations quant à son origine. Si l’explication d’une « fuite » virale du laboratoire de Wuhan ne peut être simplement balayée d’un revers de la main, les adeptes des véritables théories complotistes y ont trouvé du grain à moudre en abondance. « L’incertitude, la peur et la complexité de la pandémie de COVID-19 ont alimenté des théories du complot. Celles-ci prétendent ‘expliquer’ les causes de la pandémie et désigner qui en bénéficie. Une étude mondiale menée dans 28 pays a révélé que plus de trois personnes interrogées sur dix pensent que la propagation du virus de la COVID-19 est sciemment organisée par une puissance étrangère ou une autre force », souligne la Commission européenne dans une mise au point globale concernant le phénomène du complotisme. L’OMS a, de son côté, lancé une campagne de sensibilisation au risque de propagation d’informations fausses et erronées sur la pandémie.

Le point commun de toutes ces manifestations conspirationnistes ? « Dénoncer une prétendue machination secrète expliquant la pandémie et désigner des responsables : le plus souvent Big Pharma, George Soros, Bill Gates ou encore, en France, le gouvernement », explique le quotidien Le Monde.

Dès le moment où l’on a entrevu la possibilité de la mise au point rapide d’un vaccin, c’est la mouvance de ceux que l’on appelle aujourd’hui les anti-vaxx qui a commencé à se manifester plus ou moins bruyamment. On voit actuellement de plus en plus souvent des manifestations d’une convergence de ces deux dérives. Si l’on ne peut pas totalement écarter l’hypothèse d’un virus « échappé » du laboratoire de Wuhan, une hypothèse moins marginale qu’on pourrait le penser, les complotistes, eux, voient l’origine de la pandémie dans la dissémination volontaire du virus utilisé comme une arme contribuant au développement de l’hégémonie chinoise. La maîtrise relativement rapide de l’épidémie en Chine, parallèlement à son expansion dans les autres pays, même leur apparaît comme une véritable « preuve » à l’appui de leur thèse.

La diffusion des premiers vaccins anti-COVID a, par ailleurs, donné libre cours aux diatribes classiques des anti-vaccinateurs, revenant sans cesse sur les arguments irrationnels qui sont les leurs depuis des décennies. Un de leurs arguments fallacieux classiques, à savoir que la rougeole et la coqueluche par exemple seraient, à les entendre, des maladies tout à fait bénignes, est évidemment difficile à appliquer à la COVID-19, une maladie qui s’accompagne assez souvent de complications redoutables. On a dès lors vu fleurir ces derniers temps l’expression de véritables théories complotistes qui ne s’accompagnent plus guère d’explications pseudo-médicales ou scientifiques, mais voient dans la vaccination de masse actuelle une des manifestations les plus criantes d’un complot dont seraient victimes les personnes vaccinées. Cela a commencé par la certitude qu’ont les anti-vaxx complotistes les plus radicaux de l’incorporation de micropuces dans les vaccins, ce qui permettrait de suivre et de contrôler les populations. Le nom de Bill Gates est souvent cité comme étant à la base de cette initiative, certains l’épinglant même comme le « créateur » de la pandémie.

L’exemple le plus effrayant de ces théories complotistes est celui de ‘Natural News’, mouvement d’extrême-droite, qui diffuse des newsletters envoyées à la chaîne dans le monde entier. Pour Michael Allen Adams, son fondateur, qui parle des « fascistes médicaux », de la « tyrannie médicale » et du « faucisme » (allusion à Anthony Fauci, directeur des National Institutes of Health), allant jusqu’à établir des comparaisons avec les nazis, il est essentiel de dévoiler ce qui se cache derrière la vaste campagne de vaccination actuelle, à savoir le projet de tuer des Américains à l’aide du vaccin, pour les remplacer par des immigrés illégaux. Il n’en veut pour preuve que le fait que les CDC encouragent très fortement les citoyens US à se faire vacciner et qu’ils ne font absolument pas la même chose chez les illégaux. On remarquera en passant que c’est là l’une des variantes de la théorie complotiste du « grand remplacement », lancée par l’écrivain d’extrême-droite Renaud Camus.

Michael Adams, se fondant sur son interprétation très personnelle d’une publication du Salk Institute, croit par ailleurs pouvoir en conclure que ce très respectable institut « vient de reconnaître que les vaccins anti-COVID sont des armes de dépopulation ». Tous ces discours, pour délirants qu’ils soient, ont un impact particulièrement négatif en termes de santé publique dans la mesure où ils alimentent la peur du vaccin largement répandue dans la population, particulièrement chez les jeunes, d’autant plus que l’abondante publicité faite autour d’accidents thrombotiques survenus après l’administration du vaccin d’AstraZeneca a évidemment fortement alimenté l’argumentaire des anti-vaxx, même si le lien de cause à effet en la matière n’a guère été démontré à cet égard et si cette véritable campagne néglige totalement l’existence de thromboses liées à l’infection virale elle-même.