Coagulopathie et COVID-19 : physiopathologie et prise en charge

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Cédric Hermans Publié dans la revue de : Avril 2021 Rubrique(s) : Webinaires
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Résumé de l'article :

Pour perpétuer et revivre l’expérience du premier webinaire, ce sont deux résumés concis, didactiques et pratiques que vous offre ce numéro du Louvain Médical. Le premier fait le point sur la coagulopathie du COVID-19, le second sur les indications et modalités de l’anticoagulation prolongée dans le décours de la thrombose veineuse et/ou de l’embolie pulmonaire, deux sujets pertinents.

Article complet :

COVID-19 : une maladie thrombotique

Les thromboses tant artérielles (AVC, infarctus du Myocarde) que veineuses (TVP, EP) représentent un enjeu majeur de santé publique. Ce dernier est largement amplifié par la pandémie COVID-19. Au-delà d’une maladie infectieuse affectant surtout le tractus respiratoire, il est aujourd’hui clairement établi que le COVID-19 est une maladie thrombotique complexe.

Si les thromboses veineuses et les embolies pulmonaires représentent des complications redoutées parmi les patients hospitalisés, les TVPs et EPs sont particulièrement fréquentes chez les patients avec COVID-19 sévère. Ces derniers sont par ailleurs à risque de développer des micro-thromboses touchant quasi tous les lits vasculaires artériels.

D-Dimères élevés et microthrombi pulmonaires : stigmates et complications du COVID-19 sévère

Très tôt lors de la pandémie, il a été mis en évidence que les patients hospitalisés pour COVID-19 présentaient une élévation importante des D-Dimères. Cette élévation a un impact pronostic important et est corrélée à l’issue défavorable des patients. Même si des anomalies biologiques compatibles avec un processus de coagulation intravasculaire disséminé ont été décrites (consommation de fibrinogène et des plaquettes, allongement du TCA et du temps de prothrombine), elles sont rarement observées en routine.

De nombreux patients COVID-19, sévèrement atteints, développent des micro-thromboses pulmonaires. Elles ont été identifiées lors des premières autopsies chez des patients décédés de COVID-19. L’acronyme de PIC ou « Pulmonary Intravascular Coagulopathy » a été consacré pour définir cette entité. Elle n’est pas sans conséquence puisqu’elle ajoute au déficit ventilatoire, conséquence de l’inflammation intra-alvéolaire, un déficit de perfusion lié à l’occlusion des micro-vaisseaux pulmonaires.

COVID-19 sévère : une pléthore de mécanismes thrombogènes

Les mécanismes impliqués dans la formation des thromboses, macro ou micro-vasculaires, liées au COVID-19 sont multiples. Nombreux de ces mécanismes sont la conséquence de l’agression et de la perte d’intégrité de cellules endothéliales que vient directement prendre d’assaut le SARS-COV-2 après fixation au récepteur ECAII.

1. L’activation de la coagulation sanguine. Ceci est la conséquence de la libération du facteur tissulaire par les cellules endothéliales endommagées et les monocytes (conséquence de la tempête cytokinique), d’une majoration des facteurs de la coagulation, dont le FVIII et le facteur von Willebrand, suite aux lésions endothéliales, et aussi d’une activation de la phase de contact de la coagulation par les NETS (Neutrophil Extracellular Traps) et les polyphosphates libérés par les plaquettes sanguines

2. L’activation des plaquettes sanguines que le SARS-CoV-2 pénètre et active.

3. Les lésions de la barrière endothéliale qui physiologiquement exerce des propriétés antithrombotiques importantes. Colonisées par le virus et agressées par les cytokines, les cellules endothéliales relarguent du facteur von Willebrand (dont les concentrations sont très élevées) et perdent leurs propriétés antithrombotiques.

4. S’y ajoute une réduction de la fibrinolyse, physiologiquement protectrice, par divers mécanismes

Le complément est également activé

6. Y contribue aussi la présence d’anticorps anti-phospholipides, fréquemment détectés, mais dont l’implication dans la coagulopathie du COVID-19 n’est toutefois pas établie

COVID-19 : thromboses tous azimuts

La conséquence de ces multiples anomalies est la survenue de thromboses veineuses profondes et d’embolies pulmonaires. Ces dernières doivent être distinguées des microthrombi pulmonaires décrits ci-dessus. Les thromboses artérielles ne sont pas inhabituelles et peuvent affecter tous les lits vasculaires artériels (AVC, ischémie cardiaque...).

La confirmation diagnostique des thromboses parmi les patients COVID-19 peut se révéler difficile, surtout chez les patients hospitalisés en unité de soins intensifs et difficiles à mobiliser. Le seuil de suspicion clinique doit être bas.

Coagulopathie et COVID-19 : le rôle majeur préventif et curatif des héparines

Dans ce contexte, le traitement antithrombotique fait partie de l’armement thérapeutique du COVID-19 à dose préventive, préventive majorée ou thérapeutique en fonction du contexte. La posologie est débattue compte tenu des risques hémorragiques non négligeables dans ce contexte.

Il semble toutefois qu’une prévention par une HBPM à dose au moins préventive est indispensable chez tous les patients hospitalisés.

Ceux qui semblent en bénéficier le plus sont les patients qui sont hospitalisés et modérément malades (pas encore aux soins intensifs). Il n’est pas exclu que pour ces derniers, le traitement antithrombotique puisse éviter ou freiner l’emballement inflammatoire et la dégradation respiratoire.

Une prévention antithrombotique post-hospita-lisation systématique n’est pas indiquée. Elle est cependant justifiée chez les patients cumulant les facteurs de risque de maladie thrombo-embolique veineuse.

Messages à emporter

Le COVID-19 est clairement associé à une activation de la coagulation par des mécanismes multiples se soldant par des complications thrombotiques micro- et macro-vasculaires tant veineuses qu’artérielles. Les microthrombi intrapulmonaires semblent jouer un rôle majeur dans la dégradation de l’état clinique de nombreux patients. Les héparines occupent une place de choix dans la prise en charge, en privilégiant les doses prophylactiques ou prophylactiques majorées chez la plupart des patients. Les doses thérapeutiques d’HBPM ne doivent en effet être administrées qu’aux patients présentant des complications thrombotiques démontrées ou très probables cliniquement.

Affiliations

Service d’Hématologie Cliniques universitaires Saint-Luc