Anticoagulants oraux directs : bien les utiliser chez les patients complexes en fibrillation auriculaire

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Cédric Hermans Publié dans la revue de : Juillet 2021 Rubrique(s) : Webinaires
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Résumé de l'article :

Effet thérapeutique prévisible, absence de monitoring, rapidité d’action et de réversibilité, représentent autant d’atouts des anticoagulants oraux directs (AODs).

Article complet :

Effet thérapeutique prévisible, absence de monitoring, rapidité d’action et de réversibilité, représentent autant d’atouts des anticoagulants oraux directs (AODs). Ces molécules ont clairement démontré leur supériorité par rapport aux anti-vitamines K (AVKs) chez les patients en fibrillation auriculaire (FA) devant être anticoagulés. En atteste une moindre incidence d’accidents ischémiques, d’hémorragies majeures et de mortalité parmi les patients en FA sous AODs par rapport aux AVKs. Ces bénéfices sont-ils retrouvés chez des patients plus complexes, qu’ils soient très âgés, diabétiques ou avec insuffisance rénale ? Il s’agit d’autant de questions pertinentes auxquelles les cliniciens sont quotidiennement confrontés. L’élimination rénale des AODS, les risques hémorragiques majorés observés parmi les personnes âgées, l’impact du diabète sur la gestion des traitements antithrombotiques représentent en effet des sujets fréquents de préoccupation que ce webinaire avait l’ambition d’adresser.

AODs aussi efficaces chez les personnes très âgées

Les grandes études de phase 3 ayant démontré le rôle des AODS parmi les patients en FA avaient inclus des personnes âgées ou très âgées. Ce sont toutefois des études plus récentes observationnelles et des registres ayant enrôlé exclusivement des personnes âgées qui confirment que, parmi les patients en FA de plus de 75 ans, les AODS entraînent moins de complications hémorragiques et thrombotiques majeures que les AVKs.

Ces bénéfices ont été confirmés au-delà de 80 ans. C’est ce que démontre une vaste étude réalisée en France (Safir, Hanon et al.) qui confirme parmi des patients dont l’âge moyen était de 86 ans que le rivaroxaban protège aussi bien que les AVKs vis-à-vis des accidents thrombotiques mais est clairement associé à une moindre incidence de complications hémorragiques, tant redoutées chez ces patients.

AODs et insuffisance rénale : nouvelles perspectives

FA et insuffisance rénale (IR) sont fréquemment associées. Dix à 20 % des patients avec IR sont en FA. L’anticoagulation par AVK se révèle fréquemment difficile chez les patients dialysés. Alors que les grandes études de phase 3 ont exclu les patients avec IR sévère compte tenu de l’élimination rénale de ces molécules, de plus en plus de données suggèrent que les AODs peuvent être utilisés avec succès chez ces patients. Des données pharmacocinétiques démontrent en effet que l’aire sous la courbe, témoin de la réelle exposition au traitement est doublée pour les patients sous rivaroxaban avec insuffisance rénale sévère. En d’autres termes, parmi ces patients, une demi-dose de rivaroxaban (10 mg/jour) est équivalente à une dose de 20 mg/jour chez un patient sans IR. Ces données justifient que deux AODs inhibant le facteur Xa (apixaban et rivaroxaban) sont actuellement approuvés par le FDA chez les patients avec IR sévère et en dialyse.

Les données de vastes registres récents, surtout aux USA, semblent en effet plaider en faveur des bénéfices de certains AODS parmi les patients en IR, y compris en dialyse. Les conclusions des études randomisées en cours, y compris en Europe, seront indispensables pour promouvoir une plus large utilisation des AODs dans ce contexte. Ces données seront d’autant plus pertinentes que les AODs semblent exercer un effet néphroprotecteur. Les patients en IR sous AODs pourraient ne pas développer de calciphylaxie favorisée par l’inhibition de la vitamine K. En outre, la moindre incidence de dégradation de la fonction rénale et de survenue d’une insuffisance rénale aiguë chez les patients sous AODs en comparaison aux AVKs sont autant d’observations prometteuses. Pas étonnant dans ce contexte que les sociétés scientifiques internationales de néphrologie, soucieuses de protéger les reins, recommandent les AODs chez les patients candidats à une anticoagulation orale et dont la fonction rénale est compromise.

AODs : aussi pour les patients diabétiques

Les patients diabétiques tirent les mêmes bénéfices des AODs que les patients sans diabète. Telle est l’observation de plusieurs études qui ont démontré que par rapport aux AVKs, les AODS réduisent les risques d’AVC, d’embolies systémiques et de décès cardiovasculaires parmi les patients cumulant diabète et FA.

AODs au quotidien : conseils pratiques

La bonne utilisation des AODs impose le respect de quelques précautions rappelées lors de ce webinaire. L’association aspirine – AOD est rarement justifiée à distance d’un accident vasculaire artériel. Les AODS réduisent l’incidence d’accidents hémorragiques mais favorisent les hémorragies digestives. Toutes les mesures préventives sont donc recommandées. La gestion des gestes invasifs est aisée, ne nécessitant qu’une interruption de 24 à éventuellement 48 heures sans substitution par HBPM pour la plupart des procédures.

Correspondance

Professeur Cédric Hermans Service d’Hématologie Cliniques universitaires Saint-Luc