Ama Contacts 122- Editorial

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Dominique Pestiaux Publié dans la revue de : Octobre 2022 Rubrique(s) : Ama Contacts
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Résumé de l'article :

Rendre compte de la vie facultaire et des évènements qui rythment l’année académique est bien un des objectifs du bulletin des anciens étudiants en médecine de l’UCLouvain.

Article complet :

C’est ce que propose ce numéro en vous partageant les discours de promotion riches en contenus signifiants, rappel des valeurs de notre profession, nécessité d’être et, comme le rappelle Madame la Doyenne F. Smets, devenir soignant socialement responsable dans un monde en évolution rapide et dont les besoins de santé changent rapidement avec le contexte sociologique, environnemental, géopolitique.

Aller hors les murs de la faculté pour rencontrer des médecins qui, avec inventivité, s’adaptent à ces besoins et les interroger illustre à merveille la manière dont ils intègrent les valeurs de notre Alma Mater. C’est sans doute ce que nous devrions faire plus souvent pour rendre compte de la médecine en action dans le monde d’aujourd’hui. Etre à l’écoute des acteurs de la faculté en leur donnant la parole est un autre enjeu rencontré par ce numéro. L’équipe d’aumônerie des cliniques Saint-Luc en est un exemple.

Prendre de la hauteur pour mesurer comment la culture dans sa diversité rend compte de la médecine et du soin est aussi essentiel parce qu’il s’agit d’un regard authentique sur le réel et son interprétation libre pour imaginer un futur possible en ne laissant personne au bord du chemin.

Le résumé de livres qui questionnent la médecine et ses évolutions est encore une nécessité pour porter notre regard plus loin sur notre manière d’être et d’agir comme soignants. Quelle est notre rationalité et la qualité de notre jugement clinique devant des situations singulières, complexes, peu semblables aux patients des études cliniques, intriquées avec des aspects humains et des déterminants de santé multiples ? L’écoute et l’empathie, à elles-seules, ne font pas un soignant compétent et efficient. De plus, la critique de la marchandisation des soins est nécessaire. C’est ce que nous rappelle l’article de JC. Debongnie sur trois ouvrages récents.

Le rappel dans une « brève » de la question climatique sur toutes les lèvres aujourd’hui nous plonge au cœur de l’évolution des besoins de santé dans la société et pour lesquels une adaptation des curriculums s’impose.

Et enfin, devant les questions complexes et inévitables rencontrées dans la pratique quotidienne, D. Vanthuyne nous rappelle l’existence du forum Med-UCL à travers un exemple particulièrement intéressant qui démontre si besoin la subtilité et l’importance d’un raisonnement clinique qui s’appuie sur des données factuelles de qualité. Rejoignez ce forum, les questions sont pertinentes, justifiées, complexes, les réponses argumentées, utiles, respectueuses.

Dans un ouvrage récent, Dominique Bourg nous rappelle que « Le XIXème siècle a, avec Lamarck et Darwin, fait apparaître l’espèce humaine comme un résultat de l’évolution des espèces. Le XXème siècle a mis en évidence l’intelligence et la sensibilité animales. Ce début de XXIème siècle, avec le « plant turn », effectue un virage dans notre manière d’appréhender et de penser les plantes, mettant en lumière la complexité du monde végétal et l’unité phénoménale du vivant, au-delà de la seule unité moléculaire. » (1). Pendant très longtemps, on a considéré en effet les plantes comme des «semi-vivants» au point ... qu’elles ne trouvaient pas place dans l’Arche de Noé. On les a en quelque sorte mésestimées et pensé qu’elles incarnaient une sorte de vie au rabais. Aujourd’hui, le concept de « one health » nous rappelle l’interdépendance du vivant dans toutes ses composantes et la nécessité d’une approche pluridisciplinaire et globale de la santé. Créer et maintenir du lien social, familial, local avec une prise en compte de nos interactions avec les autres vivants est utile pour approcher le concept récent de la « santé positive ». (https://www.masantepositive.be/ )

Et enfin, pour nos institutions académiques, cela ne devrait-il pas entraîner des conséquences comme le suggère une contribution récente dans The lancet : « Réenchanter la médecine universitaire ne pourra se faire que par un partenariat étroit entre les soins aux patients et la santé publique, en recherchant une intégration accrue pour atteindre la santé de la population. Elle devrait être soutenue par l’adoption d’une science et d’une pratique convergentes, l’intégration des données, un meilleur engagement communautaire et une action axée sur l’équité. Le nouveau modèle produira des cliniciens orientés vers la communauté, connectés socialement et capables d’utiliser efficacement les données et la technologie numérique. En gardant ces principes clés à l’esprit, nous avons bon espoir de voir la médecine évoluer pour relever les grands défis de notre époque en matière de soins de santé. » (2)

Gardons cependant en mémoire dans le discours des étudiants la parole de Sara, déléguée étudiante trop tôt disparue et qui nous rappelle que « la vie est bien remplie de beauté. Il suffit de prendre une bonne respiration et d’ouvrir les yeux ».

Dominique Pestiaux

Références

  1. Sous la direction de Fassin D. La société qui vient. Seuil. Janvier 2022. 1319 pages. Chapitre 19 : Dominique Bourg. Ecologie. P.367-383.
  2. Dzau V. et al. Has traditional medicine had its day? The need to redefine academic medicine. The Lancet. Volume 400, Issue 10361. October 22, 2022. 1481-6. DOI: https://doi.org/10.1016/S0140-6736(22)01603-8