Allocution de la Professeure Françoise Smets, Doyenne de la Faculté de médecine et médecine dentaire

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Françoise Smets Publié dans la revue de : Octobre 2023 Rubrique(s) : Ama Contacts
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Résumé de l'article :

Chers nouvelles et nouveaux diplômés, Chères consœurs, chers confrères, C’est chaque année avec beaucoup de joie et d’émotion que nous partageons ce moment tout particulier avec nos étudiantes et étudiants, et je suis très heureuse de le partager cette année avec vous, vous qui êtes la 187e promotion de médecins de l’UCLouvain.

Article complet :

Chers nouvelles et nouveaux diplômés,
Chères consœurs, chers confrères,

C’est chaque année avec beaucoup de joie et d’émotion que nous partageons ce moment tout particulier avec nos étudiantes et étudiants, et je suis très heureuse de le partager cette année avec vous, vous qui êtes la 187e promotion de médecins de l’UCLouvain.

Avant tout : félicitations. Vous pouvez être tellement fier·es de vous. En tout cas, nous, nous le sommes. Bien des obstacles se sont dressé entre vous et votre vocation, mais vous les avez surmontés, avec courage et détermination.

D’abord, pour la plupart d’entre vous, l’examen d’entrée ou le concours de fin de 1ère année. Dès le départ, il vous a fallu avoir confiance en vous, oser y croire, sacrifier des vacances ou du temps libre pour étudier et vous préparer, découvrir un nouveau système d’admission sans références auxquelles vous fier, attendre anxieusement vos résultats. Une fois admis et admises, il ne faut pas s’imaginer que tout est gagné. Les programmes sont chargés, les matières nombreuses, le travail à fournir toujours impressionnant. Mais vous gardez votre motivation, et ceci même lorsque la pandémie vous affecte, alors que vous commencez votre apprentissage des pathologies. Vous entrez enfin dans le vif du sujet de votre futur métier, mais cela se fait à distance, derrière un écran, individuellement sans pouvoir facilement bénéficier des échanges avec vos collègues. En stage, vous découvrez vos premiers patients et patientes derrière des masques, en craignant pour votre santé mais plus encore pour celles de vos proches.

Vous êtes dans les premier·es vacciné·es, une décision pas toujours évidente à prendre. Et les programmes sont toujours très chargés mais vous êtes d’une solidarité remarquable, ce qui vous est d’une aide précieuse. Et en plus, vous trouvez le temps de nombreuses initiatives : représentation étudiante et cercle, kots à projet, Med’in Alma, semaine de la santé, Alma pride : incroyable tout ce que vous pouvez accomplir. Cela me donne l’opportunité de remercier très chaleureusement les étudiantes et les étudiants qui ont pris des fonctions de représentation, ce n’est pas une tâche facile, et ils et elles l’ont toujours fait avec une réelle volonté d’être au service de leurs collègues, une très grande conscience professionnelle afin de représenter au mieux toutes et tous. Très sincère merci à eux et elles. Et finalement vient la fin des cours et une 6e année encore plus folle, peut-être un peu plus que la 6è pour certains et certaines mais cela n’a pas d’importance, l’important c’est que vous êtes là aujourd’hui. Une année folle : les stages à temps plein, la découverte des horaires difficiles, le travail de fin d’étude, l’examen de synthèse et surtout le choix de spécialité. Et c’est là qu’on réalise que 6 ans en fait c’est parfois court. Pas toujours facile de s’orienter. Besoin de souffler. Mais aussi, déception de ne pouvoir accéder à la spécialité choisie. Depuis l’an dernier, suite à un travail important du collège des doyens, et grâce au travail remarquable de Mme Valérie Glatigny que nous remercions encore vivement, un accord fait que toutes et tous vous êtes certain·es de pouvoir accéder à une spécialisation et que le nombre de médecins qui pourront être formé·es est revu très nettement à la hausse pour le futur. Près de 20 ans que ceci était attendu, on n’osait presque plus l’espérer. Mais cela va de pair avec plus de contraintes au niveau des sous-quotas par spécialités, qui doivent se baser sur les besoins du pays en spécialistes et plus seulement sur la capacité à ouvrir des places de stage. Un changement significatif par rapport au passé et beaucoup de frustrations, d’autant plus que nous ne maitrisons pas les informations erronées qui circulent encore. Nous devons absolument améliorer la communication à ce niveau, y travailler avec les étudiantes et les étudiants tôt dans leur formation, poursuivre les efforts qui visent à susciter des vocations dans les spécialités en pénurie.

Si vous débutez une spécialisation dans quelques jours, nous vous souhaitons plein épanouissement dans la suite de votre parcours.

Si vous avez décidé de prendre le temps de la réflexion, nous vous souhaitons une année tout aussi fructueuse, qui vous permettra de faire des choix sereins pour votre avenir. Et encore bravo pour l’immensité du travail déjà accompli et votre résilience : vous êtes magnifiques.

Et c’est aussi l’occasion de féliciter et de remercier vos parents, votre famille, vos proches, vos ami·es qui ont été, j’en suis certaine, des soutiens sans faille. Merci à eux, comme à vous, de nous avoir fait confiance, merci de tout l’amour et l’attention dont ils vous ont entourés.

Nous sommes très contents de vous, j’espère que vous l’êtes aussi, au moins un peu, de nous. Tout n’a pas été parfait mais nous avons toujours essayé de faire pour un mieux. Je dois ici remercier très sincèrement vos enseignants et enseignantes de même que toutes les personnes qui ont contribué à votre formation : l’équipe administrative de la faculté qui se dévoue sans relâche y compris pour l’organisation de la cérémonie d’aujourd’hui ; nos deux cliniques universitaires de même que l’ensemble des hôpitaux du Réseau Santé Louvain, vos maitres de stage et leurs équipes, notre réseau de maitre de stage de médecine générale ; les assistantes et assistants qui vous ont encadrés durant les TPs ou durant les stages ; toute l’équipe du Secteur des Sciences de la Santé de même que l’Université. Soyez persuadé·es que nous vous avons écoutés avec attention lors des réunions de la commission de l’Ecole de médecine, des comités de cycle ou des différentes évaluations des cours. Vos commentaires, toujours polis et constructifs, ont été très utiles à construire la réforme du cycle de master, soyez-en vivement remercié·es. Ce nouveau programme commence cette année en master 1 et nous espérons que vos jeunes collègues y verront un réel progrès. Nous y avons en tout cas travaillé avec beaucoup de cœur et d’enthousiasme car la médecine et les enjeux qui déterminent la santé évoluent extrêmement vite et il est indispensable que nos programmes s’adaptent à cette évolution.

En avril 2023, nous avons eu une conférence passionnante dans le cadre des midis Philo-Santé organisés par le Centre Académique de Médecine Générale. Le Professeur Jean-Michel Longneaux de l’UNamur est venu nous interpeller sur « Existe-t-il des médecins libres et des médecins esclaves dans la cité ? ». Basé sur des textes de Platon et d’Aristote, mais également de Boris Cyrulnik et de Roland Gori, il nous rappelait l’importance de pouvoir s’appuyer sur le savoir appris et les évidences scientifiques, mais également de pouvoir rester un esprit libre et de s’appuyer sur son expérience et son observation. Apprendre de son patient, le resituer dans son contexte, miser sur la relation avec lui, y passer du temps, viser à adoucir les peines aussi et surtout quand la guérison n’est plus possible sont des éléments majeurs que Platon citait déjà. De même, il soulignait l’importance de sortir d’une attitude autoritaire ou paternaliste, et d’informer complètement son patient afin de l’aider à participer activement à sa prise en charge. Pour rester un médecin libre, un laboureur et non un mangeur de vent selon Cyrulnik, il n’est pas question de ne pas avoir peur de l’insécurité ou de l’incertitude mais bien d’avoir suffisamment confiance en soi que pour vivre cette peur sereinement. L’evidence-based medicine (EBM) pourrait être vue comme une limitation à cet esprit libre si on l’applique à la lettre et qu’on se réfère strictement aux recommandations et uniquement à elles. En dehors de connaître la science et les évidences, il est essentiel de se rappeler qu’il y avait deux autres aspects dans l’EBM initiale : le médecin doit aussi pouvoir tenir compte de ses observations, de son expérience ; et il doit aussi tenir compte de la singularité du patient ou de la patiente. J’espère sincèrement que nous vous avons apporté des bases solides, qui feront que vous pourrez être confiants, confiantes, y compris devant l’incertitude, et que vous resterez attentifs à tous les aspects de l’EBM rappelés à l’instant. Restez des esprits libres, restez des esprits critiques, gardez la curiosité d’apprendre, prenez le temps de connaitre vraiment vos patient·es. Et aussi, n’oubliez pas votre vie en dehors de votre métier. Soyez heureux et heureuses chaque fois que possible, c’est essentiel, aussi pour être un bon médecin, mais avant tout pour vous. Prenez donc soin de vos patient·es mais aussi bien soin de vous. Comme le dit Jean-Claude Grumberg dans son livre de Pitchik à Pitchouk : « …vivez bien et tâchez d’être heureux. Pas que pour vous, hein, tâchez d’être heureux pour que les autres le soient. C’est ça le boulot. Tant qu’on est sur terre, on doit travailler pour que le bonheur devienne plus contagieux que le malheur… ».

Soyez heureux et heureuses, c’est tout ce que je vous souhaite. Encore félicitations.