Urticaire au froid

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Nathalie Bilem, Marie-Noelle Vogeleer, Julien Mergen, Samuel Balbeur Publié dans la revue de : Juillet 2021 Rubrique(s) : Cas cliniques
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Résumé de l'article :

L’urticaire au froid acquis est une forme d’urticaire physique induit par le contact avec un environnement froid (eau, air), mais aussi avec un objet, un aliment ou une boisson froide. L’intensité de la réaction peut être très variable, allant d’une/de plusieurs plaques d’urticaire superficielles localisées/diffuses jusqu’à un choc anaphylactique. En cas d’anaphylaxie sévère, ce sont surtout les systèmes cardio-vasculaire et respiratoire qui sont impliqués et ces cas surviennent majoritairement lors d’activités aquatiques en eau froide. Le diagnostic est avant tout basé sur l’histoire clinique et sur la réalisation du test au glaçon. La prise en charge se base sur la prise d’un antihistaminique et l’emploi d’un stylo auto-injecteur d’adrénaline en cas de réaction anaphylactique. Une éducation aux facteurs de risque doit être également effectuée, en mettant en garde contre l’immersion dans des eaux inférieures à 25°C et l’ingestion d’aliments très froids. Le diagnostic différentiel se fait entre les différentes formes d’urticaires chroniques physiques.

Que savons-nous à ce propos ?

L’urticaire au froid acquis est un type d’urticaire peu fréquent mais surtout retrouvé dans la population jeune (50% ont moins de 30 ans) (1). Au-delà d’une simple urticaire, il peut également entrainer un choc anaphylactique avec éventuel arrêt cardio-respiratoire lors de l’immersion en eau froide. L’angioœdème en lien avec la consommation d’aliments froids peut également entrainer une détresse respiratoire haute allant parfois jusqu’au décès.

Que nous apporte cet article ?

Au travers d’un cas clinique, cet article rappelle les critères permettant d’établir un diagnostic d’urticaire au froid. Il nous rappelle également l’importance de la prescription d’une trousse d’urgence avec auto-injecteur d’adrénaline en cas de risque d’anaphylaxie. La revue du diagnostic différentiel des urticaires physiques chroniques remet en mémoire une pathologie qui est souvent peu connue.

Mots-clés 

Urticaire au froid, choc anaphylactique, stylo auto-injecteur d’adrénaline

Article complet :

Introduction

L’urticaire au froid acquise est une pathologie qui touche surtout l’enfant et le jeune adulte. Elle fait partie du diagnostic différentiel de l’urticaire au sens large. L’incidence cumulée de l’urticaire chez le jeune enfant est évaluée entre 3,5 et 8 %, pour atteindre 16 à 24 % chez l’adolescent (2). L’histoire d’une enfant de 10 ans souffrant d’urticaire aigue au froid sous forme de réactions anaphylactiques est présentée. Cette analyse clinique sera suivie d’une revue des diagnostics différentiels des urticaires chroniques physiques. Seront ensuite expliquées les caractéristiques principales de l’urticaire au froid, son épidémiologie, son évolution naturelle, les différents traitements à envisager.

Vignette clinique

Une jeune patiente de 10 ans se présente en consultation suite à l’apparition d’une urticaire généralisée associée à de l’essoufflement et douleurs abdominales après avoir nagé dans l’océan durant l’été. En sortant de l’eau, elle a présenté un malaise et l’urticaire généralisée est apparue endéans les cinq minutes. La disparition des symptômes a été progressive sans traitement. La maman estimait la température de l’eau à 20°C

Des épisodes similaires ont eu lieu lors de nage en piscine. La température limite de l’eau qui provoque les symptômes semble être autour de 22°C.

Par la suite, la patiente a également développé des épisodes d’urticaires sur les zones cutanées exposées à de l’air froid (passage dans les zones froides de magasins d’alimentation, marche à l’extérieur par temps très froid). Des symptômes respiratoires (toux sans détresse respiratoire) apparaissent à l’ingestion d’aliments très froids. L’anaphylaxie grade 3 n’apparait que lors de l’immersion en eau froide.

Il n’y a pas de symptômes tels que de l’hyperthermie ni de douleurs articulaires associées. Il n’y a pas de phénomène de Raynaud ni d’engelures rapportés.

Les épisodes ont débuté au début de l’été et se sont ensuite multipliés pendant plusieurs mois. Néanmoins, la maman se rappelle d’un épisode d’urticaire lors de vacances de ski 6 mois plus tôt.

Au niveau de ses antécédents, la patiente est née à terme avec une évolution néonatale sans particularité. Elle a développé une hyperréactivité bronchique vers l’âge de 8 ans. Son bilan allergologique à ce moment était négatif. Elle n’a jamais présenté d’autre problème de santé. Il n’y a pas de notion d’infection particulière dans les semaines ou mois qui précèdent les épisodes d’urticaire. Au niveau familial, la maman de la patiente est atteinte de mastocytose cutanée et d’une une allergie aux acariens. Elle ne présente elle-même pas d’urticaire au froid.

Lors de la consultation, l’examen clinique de la patiente est sans particularité, elle présente une croissance harmonieuse au P50 pour le poids et P85 pour la taille. Il n’y a pas de signe de mastocytose cutanée. Il n’y a pas de développement pubertaire.

La fonction respiratoire montre l’absence de syndrome obstructif avec un Tiffeneau à 94%.

Un test au glaçon est effectué (application d’un glaçon sur la peau du bras durant 5 minutes) et a entrainé l’apparition d’une plaque d’urticaire localisée dans les 3 minutes après le retrait.

Un bilan sanguin a montré un dosage de tryptase basale normal à 3.7µgr/L (normale < 14 µgr/L), un bilan immunitaire, allergologique, un dosage du complément et un FAN normaux.

L’histoire clinique, l’absence de maladie systémique sous-jacente et le test au glaçon positif permettent de poser le diagnostic d’urticaire au froid. La patiente présente donc une urticaire au froid idiopathique avec anaphylaxie (type 3) lors de l’immersion dans des eaux froides et avec atteinte respiratoire lors de la prise d’aliments froids.

Un traitement par anti -histaminique et une trousse d’urgence avec un stylo auto-injecteur d’adrénaline a été prescrit et un écolage de son utilisation effectué.

La prise d’antihistaminique a été prônée en préventif en cas de contact avec de l’air froid. La piscine et baignade dans l’océan ont été proscrites sous 26°C, de même que les vacances de ski. Des explications ont également été données par rapport au risque avec les aliments froids, l’effort physique à l’extérieur par temps plus froid, et la nécessité de prévenir le personnel soignant en cas de chirurgie ou de traitement intraveineux.

La patiente a bien répondu à la prise d’un antihistaminique en préventif durant l’hiver avant chaque sortie par temps froid. Elle présente parfois une urticaire très localisée sur les zones cutanées exposées mais sans autre complication et de résolution rapide (15 minutes) Elle garde une urticaire de contact dès qu’elle touche de l’eau froide de manière accidentelle. Elle ne pratique pas de sport à l’extérieur en période hivernale. Elle n’a jusqu’à présent, jamais dû employer un auto injecteur d’adrénaline.

Discussion

L’urticaire est une éruption superficielle faite de papules œdémateuses prurigineuses, fugaces, migratoires, de quelques millimètres à plusieurs centimètres de diamètre et pouvant confluer en larges plaques géographiques. Lorsque l’atteinte est sous cutanée ou muqueuse, on parle d’angioœdème. L’urticaire peut être classée en urticaire aigue si elle dure moins de 6 semaines et en chronique si les symptômes apparaissent de manière quotidienne ou quasi quotidienne sur une durée de plus de 6 semaines. Les origines sont multiples. Nous allons ici nous intéresser plus particulièrement aux urticaires chroniques et à leurs étiologies (3,4).

L’urticaire chronique est subdivisée en urticaires spontanées, urticaires inductibles et urticaires associées à des atteintes syndromiques.

A. Urticaire chronique spontanée

Comme dans les urticaires aigues, l’urticaire chronique peut être induite par des infections virales, parasitaires, la prise de médicaments ou d’aliments. Malgré une anamnèse fouillée, l’origine n’est pas toujours retrouvée. On parle alors d’urticaire idiopathique.

B. Urticaire chronique inductible (Tableau 1)

Dans cette catégorie, nous retrouvons le dermographisme urticarien, l’urticaire au froid, l’urticaire à la chaleur, l’urticaire retardé à la pression, l’urticaire solaire, l’urticaire/angioœdème vibratoire, l’urticaire cholinergique et l’urticaire aquagénique.

C. L’urticaire associée à des atteintes syndromiques (Tableau 2) (5)

Il s’agit d’urticaires associées à des maladies systémiques telles la Maladie de Still, Le syndrome d’hyper Ig D et le syndrome auto inflammatoire familial au froid

L’urticaire au froid acquis

L’urticaire au froid acquis est une urticaire chronique inductible, peu fréquente et qui peut être idiopathique ou secondaire. La prévalence de l’urticaire au froid acquise idiopathique est mal connue (6), et son évolution peut être variable. Elle atteint plutôt les enfants et jeunes adultes, avec une prédominance féminine. Un terrain atopique sous-jacent (46% des cas) (7) est plus souvent retrouvé que dans les autres formes d’urticaire chronique. Les poussées d’urticaire et/ou d’angioœdème sont induites par le contact avec de l’eau, de l’air ou des surfaces froides (surtout lors du réchauffement de la surface cutanée qui suit le contact) et également à la prise d’aliments froids. Une classification de la réaction en 3 types a été proposée par Wanderer et al. en 1986 (tableau 3) (8).

On estime le risque d’anaphylaxie à 33%. Il se présente surtout en cas d’immersion dans de l’eau froide (9,10). C’est le système cardiovasculaire qui est le plus fréquemment atteint suivi par le système respiratoire (dyspnée, sibilances) et gastro-intestinal (vomissements, douleurs abdominales). Le risque d’anaphylaxie est également majoré en cas de symptômes oro-pharyngés lors du contact avec des aliments froids.

L’évolution peut être chronique avec une durée moyenne avant résolution des symptômes de 5 ans.

Dans le cas d’une urticaire au froid acquise secondaire, les manifestations sont moins intenses et sont en lien le plus souvent avec une infection virale (EBV, Hep B, Hep C, HIV, syphilis), certaines prises médicamenteuses et une thyroïdite auto-immune.

Le diagnostic se pose par la réalisation d’un test au glaçon (11) : on applique un glaçon durant 5,10 et 15 min sur l’avant-bras. Le test est considéré comme positif si une plaque d’urticaire apparait sur cette zone dans les 10 minutes qui suivent le retrait du glaçon. Celle-ci s’accompagne d’un prurit et/ou d’une sensation de brulure locale. Ce test a une sensibilité de 90% et une spécificité de 100%. Le test d’immersion dans un bain d’eau froide ou le test d’exposition en condition réelle sont à éviter car à risque d’anaphylaxie

Le traitement est basé sur 3 points (12-15):

a/ traitement préventif : en cas d’exposition attendue au froid, un antihistaminique est donné en préventif. La dose peut être multipliée jusqu’à 4 fois si la protection n’est pas effective. L’omalizumab, un anti-Ig E, pourrait être une option pour les cas réfractaires aux autres thérapeutiques.

b/ traitement curatif : en cas d’anaphylaxie grade 1 (urticaire et /ou angioœdème sans autre symptôme), un antihistaminique doit être proposé. En cas de réaction anaphylactique plus sévère, il faut avoir recours à un stylo auto-injecteur d’adrénaline. Ce stylo doit faire partie de la trousse d’urgence de toute personne :

- ayant déjà eu un épisode d’anaphylaxie ;

- pour qui le seuil déclenchant de température est élevé ;

- pour qui le test au glaçon a été très rapidement positif (facteur de risque de réaction sévère) ;

- si l’exposition au froid est inévitable.

c/ éducation thérapeutique :

- pas de natation dans des eaux dont la température est inférieure à 25°C ;

- éviter la consommation de boissons ou aliments froids ;

- en cas de chirurgie, prévenir le chirurgien et l’anesthésiste de manière à éviter un refroidissement trop important durant l’intervention ;

- en cas de nécessité de perfusion intraveineuse, prévenir le médecin afin d’éviter la perfusion de liquide froid. Les intra musculaires et les injections sous-cutanées peuvent également entrainer une réaction mais en général dans une moindre mesure que les perfusions intraveineuses ;

- éducation à l’utilisation d’un stylo auto-injecteur d’adrénaline.

Conclusions

L’urticaire au froid acquis idiopathique est une urticaire chronique inductible caractérisée par une éruption de plaques urticariennes et/ou d’angioœdème en lien avec une exposition au froid et qui peut être associée à des manifestations systémiques allant jusqu’à l’anaphylaxie et ce surtout pour les immersions en eau froide. Une atteinte oro-pharyngée suite à la prise d’aliments froids peut également se produire et entrainer une détresse respiratoire haute. Les symptômes apparaissent lors de la période de réchauffement de la peau. Le diagnostic se fait par un test au glaçon positif. La prévention consiste à éviter les expositions au froid. Un traitement par antihistaminique en préventif peut être efficace. En cas de non réponse, un traitement à base d’omalizumab, un anti-Ig E, peut être testé. Le traitement de la crise est basé sur l’emploi d’antihistaminiques et si présence de signes d’anaphylaxie, d’un stylo auto injecteur d’adrénaline. Le diagnostic différentiel doit envisager les formes d’urticaires chroniques physiques inductibles.

Recommandations pratiques

- Quelle que soit l’origine de la symptomatologie, dès qu’il y a un risque d’anaphylaxie, un auto injecteur d’adrénaline doit être prescrit.

- Le diagnostic bien conduit d’une urticaire idiopathique acquise au froid permet une prise en charge efficace et une prévention d’accident mortel.

Affiliations

1. Pédiatre immuno allergologue, service de pédiatrie, Clinique St Pierre, B-1340 Ottignies
2. Dermatologue, service de dermatologie, B- 1340 Ottignies
3. Pédiatre, service de pédiatrie, Clinique St Pierre, av Fabiola 9, 1340 Ottignies

Correspondance

Dr Nathalie Bilem
Clinique St Pierre
Service de Pédiatrie
Avenue Fabiola 9, B-1340 Ottignies
Nathalie.bilem@cspo.be

Références

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