Stéatose métabolique, carcinome hépatocellulaire, prurit cholestatique, encéphalopathie et maladies inflammatoires intestinales : quelles nouveautés en 2020 ?

Précédent
Nicolas Lanthier, Ivan Borbath, Géraldine Dahlqvist, Bénédicte Delire, Olivier Dewit Publié dans la revue de : Février 2021 Rubrique(s) : Hépato-gastroentérologie
Télécharger le pdf

Résumé de l'article :

Voici quelques nouveautés importantes dans le domaine de l’hépato-gastroentérologie au cours de l’année 2020… Un consensus d’experts a décidé d’une dénomination plus claire pour la maladie stéatosique « non-alcoolique », désormais appelée « métabolique » et définie par des critères positifs. En cas de stéatohépatite fibrosante, le lanifibranor, un agoniste triple des trois isoformes du récepteur activé par les proliférateurs de peroxysomes (PPARα,δ,γ) a montré une nette supériorité par rapport au placebo pour la guérison de la maladie, la régression de la fibrose et l’amélioration du profil métabolique. Pour les patients souffrant d’un carcinome hépatocellulaire à un stade avancé, l’approche combinée par atezolizumab (anti-PD-L1) et bevacizumab (anti-VEGF)améliore grandement le pronostic, et est incontestablement la réference en première ligne. En cas de prurit cholestatique, les fibrates sont bénéfiques sur les symptômes. La rifaximine, un antibiotique à large spectre, faiblement absorbé, efficace pour la prévention secondaire de l’encéphalopathie hépatique est désormais remboursée en association avec le lactulose. Pour les maladies inflammatoires intestinales, l’ustekinumab (anti-IL12-IL23) est maintenant remboursé dans la rectocolite et l’infliximab (anti-TNF) ainsi que le vedolizumab (anti-intégrine) peuvent être administrés par voie sous-cutanée. Enfin, les patients présentant une maladie inflammatoire intestinale n’ont pas de risque accru d’infection à coronavirus ni de développement de COVID-19 sévère. Malgré leur traitement immunosuppresseur, ces patients peuvent (et doivent même…) bénéficier du vaccin actuellement disponible.

Mots-clés

MAFLD, NASH, lanifibranor, carcinome hépatocellulaire, atezolizumab, bevacizumab, prurit, rifaximine, encéphalopathie, infliximab, ustekinumab, vedolizumab, COVID-19

Article complet :

La maladie stéatosique du foie liée à une dysfonction métabolique : enfin une nomenclature plus claire avec des critères diagnostiques positifs
Nicolas Lanthier

Ne dites plus « NAFLD » mais plutôt « MAFLD » ! En effet, le terme « métabolique » prend désormais la place de « non-alcoolique ». La plus fréquente des maladies hépatiques possède donc enfin une appellation claire… (1).

De nombreux experts mondiaux se sont mis d’accord en 2020 pour rebaptiser cette entité (2). L’ancienne appellation « NAFLD » avait vu le jour dans les années 1980 avec les premières séries de cas de cirrhose décrits chez des patients obèses ou diabétiques (3). Elle était alors appelée « maladie stéatosique non-alcoolique » pour insister sur le fait que les personnes qui la développaient ne présentaient pas de consommation excessive de boissons alcoolisées. Son diagnostic était donc un diagnostic d’exclusion. Il fallait exclure non-seulement l’alcool comme cause de stéatose mais aussi d’autres autres causes plus rares comme certains médicaments, des hépatites virales chroniques ou des maladies génétiques plus rares. Désormais, la MAFLD est un diagnostic positif faisant référence au contexte métabolique dans lequel cette stéatose se développe (2).

Des indices ou mesures non invasives sont désormais possibles pour affirmer la présence d’une stéatose qui sera dite « métabolique » si elle survient chez un patient en surpoids, obèse ou présentant un syndrome métabolique (Tableau) (1).

Cette nouvelle nomenclature permet également de classer, sans erreur d’appellation, certains patients qui pourraient avoir une maladie stéatosique d’origine double. En particulier, cette maladie peut désormais coexister avec une maladie alcoolique du foie (ALD). La coexistence de ces deux maladies (MAFLD + ALD) peut d’ailleurs être particulièrement délétère (4).

Un consensus formel entre toutes les sociétés scientifiques n’a toutefois pas encore été obtenu. Il s’agit pourtant d’une appellation plus claire qui mérite d’être employée désormais. La seule lacune actuelle pourrait être la disparition du terme « NASH » utilisé pour décrire un sous-type agressif et inflammatoire de la maladie (5). Il reste en effet important de pouvoir identifier cette forme de maladie plus sévère avec une appellation distincte. Le terme « MASH » (pour stéatohépatite métabolique) pourrait dès lors voir le jour... (1).

Références

  1. Lanthier N, Vanuytsel T. Metabolic dysfunction-associated fatty liver disease: a new clearer nomenclature with positive diagnostic criteria. Acta Gastroenterol. Belg. 2020;83(4).
  2. Eslam M, Newsome PN, Sarin SK, et al. A new definition for metabolic dysfunction-associated fatty liver disease: An international expert consensus statement. J Hepatol. 2020;73(1).
  3. Fouad Y, Waked I, Bollipo S, Gomaa A, Ajlouni Y, Attia D. What’s in a name? Renaming ‘NAFLD’ to ‘MAFLD’. Liver Int. 2020;40(6):1254-61.
  4. Ntandja Wandji LC, Gnemmi V, Mathurin P, Louvet A. Combined alcoholic and non-alcoholic steatohepatitis. JHEP Reports. 2020;2(3).
  5. Lanthier N, Francque S. Nash: A welfare disease with emerging questions and adequate answer attempts. Acta Gastroenterol. Belg. 2020;83(2).

Le lanifibranor, un activateur des trois isoformes de PPAR, entraîne une régression de l’inflammation et de la fibrose hépatique dans la NASH ainsi que des effets métaboliques bénéfiques
Nicolas Lanthier

La maladie stéatosique du foie liée à une dysfonction métabolique (MAFLD) concerne 20 à 30% de la population et est donc devenue la maladie hépatique chronique la plus courante dans le monde. Sa forme inflammatoire, la stéatohépatite non-alcoolique/métabolique (NASH), affecte environ 10% de ces patients (donc 3% de la population générale) et peut évoluer vers une fibrose hépatique, une cirrhose et un carcinome hépatocellulaire. À l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement pharmacologique approuvé dans son indication (1). Des résultats intermédiaires positifs avaient été publiés concernant un acide biliaire semi-synthétique dans cette maladie (l’acide obéticholique), mais ce traitement était associé toutefois à des effets secondaires (prurit et hypercholestérolémie notamment) (2).

Des résultats solides prometteurs viennent désormais d’être présentés chez des patients présentant une NASH compliquée de fibrose (3).

Le lanifibranor est un agoniste des trois isoformes du récepteur activé par les proliférateurs de peroxysomes (PPAR), à savoir alpha (α), delta (δ) et gamma (γ). Les résultats de ce traitement étaient très attendus en raison des résultats positifs connus PPARα/δ et des résultats de la pioglitazone (agoniste PPARγ) dans la maladie (1). Les 3 isoformes de PPAR ont des distributions et des fonctions tissulaires différentes. PPARα inhibe principalement la β-oxidation dans le foie. Les fibrates en sont un agoniste disponible. PPARδ favorise aussi l’oxydation des acides gras hépatiques et limite l’inflammation. PPARγ, prédominant dans le tissu adipeux, régule l’adiponectine, contrôle le métabolisme du glucose, la lipogenèse et la différenciation des adipocytes (4).

L’étude, à laquelle les Cliniques universitaires Saint-Luc ont participé, a consisté en un traitement de 6 mois. Par rapport au placebo, le traitement par lanifibranor a induit une diminution significative des transaminases, ainsi qu’une guérison de la NASH et une diminution significative du score de fibrose à l’histologie. De plus, le traitement par lanifibranor est associé à une amélioration du profil glycémique et lipidique (3). Comme les agonistes PPARγ, il est cependant associé à une légère prise de poids, inhérente à son mécanisme d’action, favorisant le stockage « sain » de graisse au niveau du tissu adipeux sous-cutané. Au niveau mécanistique, d’importantes données provenant de modèles animaux ont été publiées également en 2020 concernant ce traitement et montrant un effet synergique bénéfique, comparé à chacun de ses composés (4).

Ces résultats très prometteurs permettent désormais de progresser vers une étude de phase 3. Ils soulignent le fait qu’un traitement multi-cibles en connaissant bien les effets de chaque composé est probablement nécessaire pour traiter la NASH (1), en raison des multiples mécanismes physiopathologiques en cause (5). D’autres études sont également en cours aux Cliniques universitaires Saint-Luc pour cette maladie.

Références

  1. Lanthier N. Les nouveaux traitements de la stéatohépatite non-alcoolique. Nutr Clin Métabolisme. 2020;34:216-22.
  2. Lanthier N, Horsmans Y. L’acide obéticholique comme traitement pharmacologique pour les patients atteints de stéatohépatite non-alcoolique fibrosante: des résultats intermédiaires prometteurs. Louvain Med. 2020;139(2):107.
  3. Francque SM, Bedossa P, Ratziu V, et al. The pan-PPAR agonist lanifibranor induces both resolution of NASH and regression of fibrosis after 24 weeks of treatment in non-cirrhotic NASH: results of the NATIVE phase 2b TRIAL. Hepatology. 2020;72(S1):9A-11A.
  4. Lefere S, Puengel T, Hundertmark J, et al. Differential effects of selective- and pan-PPAR agonists on experimental steatohepatitis and hepatic macrophages. J Hepatol. 2020;73(4):757-70.
  5. Lanthier N. Physiopathologie de la NASH: de nouveaux facteurs de risque identifiés ? Louvain Med. 2020;139(7):405-10.

Avancées dans le carcinome hépatocellulaire – Anno 2020
Ivan Borbath

Comment parler de 2020 sans évoquer Donald Trump et la COVID-19 ? La tâche n’est pas aisée. Cependant, dans le domaine du carcinome hépatocellulaire (CHC), elle est facilitée par la publication en mai 2020 dans le New England Journal of Medicine de l’étude IMbrave 150 (1).

Le CHC est un cancer fréquent à l’échelle globale, encore rare en Belgique, mais dont l’incidence est en augmentation, passant de 605 cas en 2009 à 1063 en 2018 (2,3). Les traitements systémiques pour les CHC avancés améliorent la survie naturelle de 30%, grâce au sorafenib et au lenvatinib, au prix d’effets secondaires parfois sévères, et avec une médiane de survie de 13 mois (4).

L’étude IMbrave 150 a permis de démontrer de manière très convaincante l’efficacité de l’association d’un inhibiteur des points de contrôles immunitaires, l’atezolizumab, anticorps dirigé contre PD-L1 (pour « programmed death-ligand 1 »), exprimé sur la membrane des cellules tumorales, et du bevacizumab, anticorps anti-VEGF (pour « vascular endothelial growth factor ») à action donc anti-angiogénique bien démontrée, par rapport au sorafenib. La population étudiée, des patients atteints de cirrhose compensée (Child-Pugh A), était randomisée avec un ratio 2/1 pour l’association ou le sorafenib. L’association atezolizumab-bevacizumab améliore la survie sans progression (6.8 vs 4.3 mois, HR 0.59, p<0.001), la survie globale à 12 mois (67 vs 54%, HR 0.58, p<0.001), la survie globale (19.3 vs 13.4 mois, p=0.0009) et, de manière très importante, la qualité de vie pendant le traitement. Les effets secondaires étaient modérés et tolérés. Attention toutefois au risque d’hémorragie digestive, observé dans de rares cas, mais aux conséquences lourdes.

Cette combinaison thérapeutique, remboursée en Belgique depuis le 1er décembre 2020, est désormais le nouveau standard thérapeutique pour les patients présentant un CHC avancé, une fonction hépatique préservée et un très faible risque de saignement variciel (une endoscopie préalable est indispensable !).

Références

  1. Finn RS, Qin S, Ikeda M, et al. Atezolizumab plus Bevacizumab in Unresectable Hepatocellular Carcinoma. N Engl J Med. 2020;382(20):1894-905.
  2. Petrick JL, Florio AA, Znaor A, et al. International trends in hepatocellular carcinoma incidence, 1978–2012. Int J Cancer. 2020;147(2):317-30.
  3. Belgian Cancer Registry. Cancer Fact sheet - Liver Cancer ICD10:C22. https://kankerregister.org/media/docs/CancerFactSheets/2018/Cancer_Fact_... [Internet]
  4. Finn RS, Zhu AX. Evolution of Systemic Therapy for Hepatocellular Carcinoma. Hepatology. 2020.

Les fibrates : un nouveau traitement dans l’arsenal thérapeutique contre le prurit cholestatique
Géraldine Dahlqvist

Le prurit reste un symptôme fréquent des maladies hépatiques chroniques et principalement des pathologies cholestatiques telles que la cholangite biliaire primitive (CBP) ou la cholangite sclérosante primitive (CSP), dont la pathophysiologie reste encore incomplètement élucidée. Dans la CBP on considère que près de 80% des patients présenteront ce symptôme au cours de leur pathologie. Le prurit sera plus ou moins invalidant et sera parfois réfractaire à toutes les thérapeutiques connues (cholestyramine, rifampicine, naltrexone et setraline), nécessitant de requérir à la transplantation hépatique pour des cas sélectionnés (1,2). Récemment, les fibrates, et notamment le bezafibrate, en tant qu’agonistes PPAR (peroxisome proliferator-activated receptors) ont montré une efficacité dans le contrôle de la CBP comme traitement de seconde ligne chez des patients qui maintenaient une bilirubine totale anormale ou présentaient des phosphatases alcalines > 1,5 fois la valeur supérieure de la normale malgré un traitement par acide ursodéoxycholique à 13-15 mg/kg bien conduit (3). Ces molécules ont non seulement montré une efficacité dans le contrôle biologique de la maladie mais également dans la symptomatologie, permettant une réduction du prurit chez près de 40% des patients et de la fatigue chez 58% des patients (3).

Forte de ces résultats encourageants, une étude hollandaise randomisée et contrôlée, nommée FITCH (pour Fibrate for Cholestatic Itch) a été publiée en 2020, démontrant une efficacité du bezafibrate par rapport au placebo dans le contrôle du prurit chez des 74 patients souffrants de CBP ou de CSP traités pour une période de 21 jours. Aucun effet indésirable sévère n’a été rapporté durant le traitement (4,5). En termes de physiopathologie, l’effet anti-prurigineux du bezafibrate n’est pas compris. Il faut néanmoins rester vigilants quant aux effets secondaires connus des fibrates sur le plus long terme, ce que n’explore pas l’étude FITCH. Il faut citer notamment les altérations potentielles de la filtration glomérulaire, les rhabdomyolyses et les élévations possibles des transaminases qui nécessitent un suivi biologique rapproché.

Ces études récentes ouvrent des perspectives dans l’arsenal thérapeutique du prurit cholestatique mais révèlent également les interrogations qui persistent quant à la pathophysiologie de ce phénomène.

Références

  1. EASL Clinical Practice Guidelines: management of cholestatic liver diseases. J Hepatol. 2009;51:237-67.
  2. De Vloo C, Nevens F. Cholestatic pruritus : an update. Acta Gastroenterol Belg. 2019;82:75-82.
  3. Montano-Loza AJ, Corpechot C. Definition and Management of Patients With Primary Biliary Cholangitis and an Incomplete Response to Therapy. Clin Gastroenterol Hepatol. 2020.
  4. de Vries E, Bolier R, Goet J, et al. Fibrates for Itch (FITCH) in Fibrosing Cholangiopathies: A Double-Blind, Randomized, Placebo-Controlled Trial. Gastroenterology. 2020.
  5. Katharine Dyson J, Jeffreys Jones DE. Bezafibrate for the Treatment of Cholestatic Pruritus: Time for a Change in Management? Gastroenterology. 2020.

Remboursement de la rifaximine pour la prophylaxie secondaire de l’encéphalopathie hépatique
Bénédicte Delire

L’encéphalopathie hépatique (EH) se définit comme l’ensemble des troubles neurologiques ou neuropsychiatriques causés par une atteinte du foie (aiguë ou chronique) et/ou par un shunt portosystémique. Dans le contexte de la cirrhose, son apparition marque généralement un tournant décisif dans l’évolution de la maladie, celle-ci passant d’un état compensé à un état décompensé associé à un moindre pronostic. En effet, le taux de survie cumulée à 1 an et à 3 ans après le premier épisode d’EH est de 42 et 23% respectivement. Le risque de récidive est également majeur après le premier épisode avec un retentissement très important sur la qualité de vie du patient et de son entourage. D’un point de vue physiopathologique, l’accumulation cérébrale d’ammoniac (produit par la dégradation des protéines par les bactéries digestives) due à un défaut de détoxification hépatique, et l’inflammation systémique jouent un rôle prépondérant (1).

L’EH est l’objet de différentes classifications dont la plus connue est la classification de West Haven. Celle-ci permet de distinguer l’EH clinique de l’EH non clinique. L’EH clinique est diagnostiquée au chevet du patient (grade 2, 3 ou 4 selon la classification de West Haven) et son signe clinique le plus connu est l’astérixis, qui correspond à une perte brève du tonus des extenseurs des mains. L’EH non clinique (EH minime ou grade 1 selon West Haven) est quant à elle caractérisée par un examen neurologique normal et nécessite donc le recours à des tests neurophyschologiques ou neurophysiologiques pour être diagnostiquée. La survenue d’une EH non clinique est un facteur de risque majeur pour le développement d’une forme clinique à court et moyen terme (2).

La prise en charge d’un épisode aigu d’EH clinique repose sur la recherche et l’éviction d’un facteur précipitant (sepsis, trouble ionique, hémorragie digestive, constipation ou instauration d’un nouveau médicament en particulier un sédatif) et l’usage du lactulose (par voie orale ou en lavement). Le lactulose est un disaccharide non absorbable dont la métabolisation par les bactéries du tube digestif permet l’acidification du milieu colique et donc à la fois la diminution de la production d’ammoniac et à la fois une augmentation de son élimination (1).

La prophylaxie secondaire de l’encéphalopathie hépatique repose également sur la prise chronique de lactulose. En cas de récidive malgré la prise de lactulose, le recours à la rifaximine a fait ses preuves. La rifaximine est un antibiotique à large spectre, faiblement absorbé et donc associé à peu d’effets secondaires notamment en termes de résistance bactérienne. Son action est en première hypothèse locale par la modulation du microbiote. En 2010, une étude réalisée chez 299 patients cirrhotiques ayant présenté deux épisodes d’EH dans les 6 derniers mois a montré que l’usage de la rifaximine à la dose de 550 mg deux fois par jour en association avec le lactulose permet de réduire le risque de récidive de 58% par rapport au placebo et de 50% le risque d’hospitalisation pour EH (3). De plus, la rifaximine améliore significativement la qualité de vie relative à la santé chez le patient cirrhotique souffrant d’épisodes récurrents d’EH par rapport au placebo et diminue chez ces patients le nombre et la durée des hospitalisations, le nombre et la durée des séjours en unités intensives et le nombre de réadmissions en salle d’urgences (4,5). Les données de la littérature montrent un profil de sécurité favorable du traitement par rifaximine sur le long terme sans effet négatif sur la survie ou la maladie hépatique sous-jacente (6). En 2014, les sociétés européenne et américaine pour l’étude des maladies du foie ont recommandé l’usage de la rifaximine en association avec le lactulose pour la prévention des épisodes récurrents d’EH après le second épisode (7). Depuis peu, la rifaximine (Targaxan) fait l’objet d’un remboursement en Belgique pour la prévention de la récidive de l’EH clinique chez des patients ayant déjà présenté deux épisodes manifestes correspondant à un stade ≥2 selon la classification de West Haven. La présence d’un shunt porto-systémique, chirurgical ou par voie transjugulaire, est un critère d’exclusion, faute de données actuellement disponibles dans la littérature quant à l’efficacité de la rifaximine dans la prévention de l’EH dans ce cas particulier. Concernant le traitement d’un épisode aigu d’EH ou la prophylaxie primaire, les données de la littérature ne sont pas suffisantes pour recommander l’usage de la rifaximine qui par ailleurs n’est pas remboursé dans ces indications en Belgique.

En conclusion, nous disposons d’un traitement efficace pour la prévention secondaire de l’EH en association avec le lactulose, permettant ainsi de réduire le nombre d’hospitalisations pour EH et d’améliorer la qualité de vie des patients qui en souffrent.

Références

  1. Rose CF, Amodio P, Bajaj JS, et al. Hepatic encephalopathy: Novel insights into classification, pathophysiology and therapy. J. Hepatol. 2020;73(6):1526-47.
  2. Wijdicks EFM. Hepatic Encephalopathy. N Engl J Med [Internet] 2016;375(17):1660-70. Available from: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27783916
  3. Bass NM, Mullen KD, Sanyal A, et al. Rifaximin Treatment in Hepatic Encephalopathy. N Engl J Med. 2010;362(12):1071-81.
  4. Hudson M, Radwan A, Di Maggio P, et al. The impact of rifaximin-α on the hospital resource use associated with the management of patients with hepatic encephalopathy: A retrospective observational study (IMPRESS). Frontline Gastroenterol. 2017;8(4):243-51.
  5. Oey RC, Buck LEM, Erler NS, van Buuren HR, de Man RA. The efficacy and safety of rifaximin-α: a 2-year observational study of overt hepatic encephalopathy. Therap Adv Gastroenterol. 2019;12.
  6. Mullen KD, Sanyal AJ, Bass NM, et al. Rifaximin Is Safe and Well Tolerated for Long-term Maintenance of Remission From Overt Hepatic Encephalopathy. Clin Gastroenterol Hepatol. 2014;12(8).
  7. Vilstrup H, Amodio P, Bajaj J, et al. Hepatic Encephalopathy in Chronic Liver Disease: 2014 Practice Guideline by the European Association for the Study of the Liver and the American Association for the Study of Liver Diseases. J Hepatol. 2014;61(3):642-59.

Nouveautés thérapeutiques dans les maladies inflammatoires chroniques intestinales
Olivier Dewit

Après l’arrivée du tofacitinib en 2019 (1), notre arsenal thérapeutique dans la rectocolite (RC) s’est encore accru en septembre 2020. En effet, l’ustekinumab (UST-Stelara) est remboursé en Belgique depuis cette date dans la RC. Il rejoint ainsi l’indication déjà existante (depuis 2017) dans la maladie de Crohn (MC). Cependant, contrairement à la MC où il peut être utilisé comme premier biologique, dans la RC il s’agit d’un traitement de deuxième ligne nécessitant que le patient ait été traité par un autre biologique auparavant. Le schéma est par contre identique à celui de la MC : une dose intraveineuse selon le poids suivie d’injections sous-cutanées de 90 mg toutes les 8 à 12 semaines (2).

L’UST est un anti-IL12/IL23 qui inhibe la différentiation des lymphocytes T naïfs en Th1 et Th17, leur multiplication clonale et la production de cytokines pro-inflammatoires. Bien que récent dans le traitement des maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI), l’UST est utilisé depuis plus de 10 ans en pratique quotidienne dans d’autres indications (psoriasis, arthrite psoriasique,..) et son profil de sécurité demeure excellent puisqu’au aucun effet secondaire sévère n’est observé.

En 2020 également, l’agence européenne du médicament (EMA) a donné son approbation à deux formes sous-cutanées (sc) de biologiques dont l’administration intra-veineuse (iv) est bien connue: l’infliximab-CTP13 (Remsima) et le vedolizumab (Entyvio). L’infliximab iv est utilisé déjà depuis plus de 20 ans (Remicade) et le vedolizumab iv depuis 2015. Ces deux traitements, respectivement anti-TNF et anti-intégrine, sont actuellement utilisés selon un schéma comparable : un traitement d’induction par injection iv aux semaines 0, 2 et 6 suivi d’un traitement de maintenance toutes les 8 semaines. Les formes sc seront quant à elles utilisées en phase de maintien et les études menées confirment qu’elles se révèlent aussi efficaces que les formes iv, sans effets secondaires surajoutés (3,4). Par contre, les formes sc sont injectées toutes les 2 semaines, via une seringue ou un stylo (pen). L’utilisation exacte de ces formes sc reste à définir dans la pratique quotidienne : utilisation sans restriction chez tous les patients versus sous-groupes de patients et/ou de sévérité de maladie ?

Références

  1. Dahlqvist G, Delire B, Dewit O, et al. Innovations 2019 en hépato-gastroentérologie et chirurgie de transplantation hépatique. Louvain Med. 2020;139(2):106-13.
  2. Sands BE, Sandborn WJ, Panaccione R, et al. Ustekinumab as Induction and Maintenance Therapy for Ulcerative Colitis. N Engl J Med. 2019;381(13).
  3. Ben-Horin S, Leszczyszyn J, Dudkowiak R, et al. OP24 A novel subcutaneous infliximab (CT-P13): 1-year results including switching results from intravenous infliximab (CT-P13) in patients with active Crohn’s disease and ulcerative colitis. J Crohn’s Colitis. 2020;14(Supplement_1).
  4. Sandborn WJ, Baert F, Danese S, et al. Efficacy and Safety of Vedolizumab Subcutaneous Formulation in a Randomized Trial of Patients With Ulcerative Colitis. Gastroenterology. 2020;158(3).

COVID-19 et maladies inflammatoires chroniques intestinales
Olivier Dewit

Les patients MICI, tout comme les autres patients atteint d’une maladie chronique nécessitant des traitements immunomodulateurs et/ou biologiques, ont fait l’objet d’une attention particulière depuis le début de cette pandémie à SARS-Cov2. Un an après le début de celle-ci, les données scientifiques s’accumulent. Dans l’ensemble, il n’a pas été observé un risque accru d’infection et surtout de formes sévères de COVID-19 chez les malades atteints de MICI quel que soit leur traitement, y compris chez les patients traités par immunosuppresseurs, biothérapies et/ou inhibiteurs de Janus kinases. Les taux d’hospitalisation ou de décès sont voisins de ceux de la population générale (1).

En l’état actuel des connaissances, les traitements des MICI doivent être poursuivis selon le même schéma d’administration et peuvent également être introduits si la maladie le nécessite. Certains de ces traitements, par leur action anti-inflammatoire « sembleraient » protéger les patients de la forme sévère de la COVID-19 en « diminuant l’orage cytokinique ». L’utilisation des corti-coïdes systémiques, toujours en cures courtes, doit être limitée à certaines situations où la prise en charge de la MICI l’impose : poussée sévère de MICI, colite aigue grave.

En ce qui concerne la vaccination contre le SARS-CoV-2, l’IOIBD (organisation internationale pour l’étude des MICI) a récemment publié un consensus sur ce sujet (2). Les patients atteints de MICI doivent être vaccinés contre le SARS-CoV-2 et le meilleur moment pour administrer la vaccination est le plus tôt possible. Tous les vaccins contre le SARS-CoV-2, y compris les vaccins à ARN messager, les vaccins à vecteur incapable de se répliquer, les vaccins inactivés et les vaccins recombinants, peuvent être administrés en toute sécurité aux patients atteints de MICI. La vaccination ne doit pas être reportée parce qu’un patient atteint d’une MICI reçoit des traitements immunomodulateurs et/ou biologiques. Il faut informer les patients MICI vaccinés que l’efficacité du vaccin peut être réduite lorsqu’ils reçoivent des corticostéroïdes systémiques. Ce consensus est un support très utile dans le dialogue avec nos patients sur ce sujet, brûlant s’il en est…

Références

  1. Haberman R, Axelrad J, Chen A, et al. COVID-19 in Immune-Mediated Inflammatory Diseases — Case Series from New York. N Engl J Med. 2020;383(1).
  2. Siegel CA, Melmed GY, McGovern DP, et al. SARS-CoV-2 vaccination for patients with inflammatory bowel diseases: recommendations from an international consensus meeting. Gut. 2021.

Affiliations

Cliniques universitaires Saint-Luc, Service d’Hépato-Gastroentérologie, Département de Médecine interne, UCLouvain, B-1200 Bruxelles, Belgique

Correspondance

Pr. Nicolas Lanthier, MD, PhD
Cliniques universitaires Saint-Luc
Service d’Hépato-Gastroentérologie
UCLouvain.
Avenue Hippocrate, 10
B-1200 Bruxelles Belgique
nicolas.lanthier@uclouvain.be