Réhabilitation améliorée après chirurgie : l’œsophage pas en reste

Précédent
Yannick Deswysen Publié dans la revue de : Février 2021 Rubrique(s) : Chirurgie oeso-gastrique
Télécharger le pdf

Résumé de l'article :

Le programme de réhabilitation améliorée après chirurgie (ERAS®) constitue une véritable amélioration dans les soins périopératoires. Ce concept, basé sur les preuves, permet de diminuer l’impact de la chirurgie sur le patient et donc ses complications potentielles. Les effets bénéfiques sont démontrés dans différentes situations cliniques et sont d’autant plus important chez les patients aux multiples comorbidités dans un contexte de chirurgie majeure. L’ERAS a donc toute vocation à s’appliquer à la chirurgie œsophagienne.

Mots-clés

Réhabilitation améliorée après chirurgie, oesophagectomie, préhabilitation

Article complet :

Introduction

La chirurgie œsophagienne est l’une des plus invasive qui soit en chirurgie digestive. Elle reste bien souvent la pierre angulaire du traitement pour la majorité des patients atteints d’un cancer de l’œsophage. La recherche constante d’amélioration et les avancées chirurgicales, notamment l’avènement de la chirurgie mini-invasive ont permis d’obtenir des taux de mortalité inférieurs à 5% dans les centres experts. Cependant, malgré ces progrès notables, la morbidité de ce geste chirurgical complexe reste élevée (1).

Programme ERAS

La réhabilitation améliorée après chirurgie ou Enhanced Recovery After Surgery (ERAS) en anglais constitue une véritable révolution dans les soins péri-opératoires. Cette prise en charge est caractérisée par l’optimisation des soins pré-, per-, et postopératoires en appliquant des procédures standardisées et multidisciplinaires basées sur l’évidence. Ces principes issus de la médecine basée sur les preuves s’appuient sur une préparation à la chirurgie, l’optimisation de la prise en charge de la douleur, une mobilisation précoce et une alimentation précoce adaptée. Depuis l’avènement de ce concept dans les années 90’, les données se sont accumulées montrant au travers de la diminution de l’agression chirurgicale une diminution des complications postopératoires dans différentes disciplines chirurgicales.

Pourtant, la mise en place de l’ERAS après oesophagectomie reste limitée en raison de la complexité de la procédure chirurgicale. L’implémentation des recommandations spécifiques en 2019 (2) pour la pathologie œsophagienne tarde à s’imposer au contraire d’autre disciplines chirurgicales. Elle est expliquée par l’absence de standardisation des programmes, la complexité de leur mise en œuvre et la résistance à modifier les pratiques usuelles. Cependant l’impact du programme ERAS est d’autant plus important auprès de patients fragiles et polymorbides, permettant d’offrir un potentiel significatif d’amélioration quant aux suites postopératoires pour ce type de chirurgie.

Préhabilitation

Dans le cancer de l’œsophage, un nombre important de patients nécessitent un traitement néoadjuvant laissant une période de 2 à 3 mois avant la chirurgie propice à la préparation et l’optimisation des comorbidités. Cette phase cruciale appelée « préhabilitation » est actuellement l’objet de toutes les attentions car elle permet d’améliorer la récupération postopératoire (3-4). Elle fait partie intégrante de l’ERAS.

En premier lieu, elle est propice à l’optimisation de l’état nutritionnel des patients souvent en dénutrition sur la dysphagie, les traitements de radiochimiothérapie et le catabolisme tumoral. Aux Cliniques universitaires Saint-Luc, la détection de la dénutrition est systématique de même que sa prise en charge par un support diététique spécialisé avec bien souvent l’utilisation d’une nutrition entérale.

Deuxièmement, un programme de physiothérapie intensive permet d’améliorer la capacité physique du patient avant la chirurgie via des exercices en aérobie et en résistance et des exercices respiratoires. Ce second volet de la préhabilitation fait référence au concept grandissant de l’Exercice Medecine qui utilise l’activité physique comme outil thérapeutique.

Enfin la gestion de l’anxiété préopératoire et l’éducation thérapeutique permettent au patient de jouer un rôle actif dans la prise en charge thérapeutique.

La préhabilitation a été instaurée pour la pathologie chirurgicale œsophagienne depuis 2018 au sein de l’Unité de Chirurgie Oeso-gastrique de concert avec l’équipe de Médecine Physique. Avec un taux d’adhérence très important, la préhabilitation a permis de diminuer significativement la fatigue et l’anxiété des patients et d'améliorer leur qualité de vie, leur sensation de bien-être physique et émotionnel. (5).

Indication

Hors urgences, tout patient porteur d’une pathologie œsophagienne nécessitant une prise en charge chirurgicale peut bénéficier d’un programme de réhabilitation améliorée.

Avantages de la réhabilitation améliorée après chirurgie

Les avantages de cette gestion périopératoire sont multiples. Outre ceux évoqués ci-dessus par le truchement de préhabilitation, il existe une diminution des complications postopératoires notamment non chirurgicales (28.1% vs 39.4%, p < 0.00001) et des complications respiratoires (19.1% vs 25.2%, p = 0.01) (6). Cependant les bénéfices potentiels sont multiples : amélioration de la qualité de vie, diminution du temps de séjour (qui est une conséquence et non une finalité du programme), effet bénéfique sur la survie après chirurgie œsophagienne carcinologique, …

Après la préhabilitation en 2018, notre centre a implémenté un programme ERAS complet pour la chirurgie œsophagienne en 2020. Notre protocole comporte 23 mesures (annexe 1) s’étendant sur la période pré-, per-, et postopératoires et agissant en synergie. Fruit d’un travail multidisciplinaire, ce programme offre aux patients devant bénéficier d’une oesophagectomie, une prise en charge unique et globale.

Références

  1. Low, Benchmarking Complications Associated with Esophagectomy, Ann Surg, 2019.
  2. Low, Guidelines for perioperative care in esophagectomy: Enhanced recovery after surgery (ERAS) Society Recommendations. World J Surg. 2019.
  3. Debes C, Aissou M, Beaussier M., Prehabilitation. Preparing patients for surgery to improve functional recovery and reduce postoperative morbidity. Annales françaises d’anesthésie et de réanimation. 2014 ;33(1):33-40.
  4. Yamana I, Takeno S, Hashimoto T, Maki K, Shibata R, Shiwaku H, et al., Randomized Controlled Study to Evaluate the Efficacy of a Preoperative Respiratory Rehabilitation Program to Prevent Postoperative Pulmonary Complications after Esophagectomy, Digestive surgery. 2015;32(5):331-7.
  5. Piraux E, Caty G, Reychler G, Forget P, Deswysen Y, Feasibility and preliminary effectiveness of a tele-prehabiliation program in esophagogastric cancer patients, J Clin Med. 2020; 9: 2176. doi:10.3390/jcm9072176.
  6. Pisarska M. ERAS protocol in esophageal cancer surgery : systematic review and meta-analysis. Plos One. 2017 ;12 :e0174382.

Correspondance

Dr Yannick Deswysen, MD
Cliniques universitaires Saint-Luc
Unité de Chirurgie Oeso-Gastrique
Service de Chirurgie et Transplantation abdominale
Avenue Hippocrate 10
B-1200 Brussels, Belgium
yannick.deswysen@uclouvain.be