Neuromodulation périphérique du nerf tibial postérieur par électrodes de surface (TPTNS) dans l’incontinence urinaire

Précédent
Nathalie Bredohl(1), François Pallatzky(2), Lauranne Goffioul(3), Florence Manto(4), Jean-François Fils(5), Jean-François Kaux(6) Publié dans la revue de : Janvier 2018 Rubrique(s) : Médecine physique et réadaptation motrice
Télécharger le pdf

Résumé de l'article :

L’incontinence urinaire peut être présente jusqu’à chez 25% des femmes. La neuromodulation périphérique du nerf tibial postérieur rétromalléolaire interne est une technique proposée pour le traitement de cette incontinence. Nous proposons dans cette étude un suivi de 268 patients avec incontinence ayant bénéficié de cette thérapie. Celle-ci révèle un taux de succès significatif chez les patients avec incontinence urinaire par instabilité pure ou incontinence mixte.

Que savons-nous à ce propos ?

L’Association Européenne Urologique n’a pas de données concernant la neuromudulation périphérique par électrodes de surface dans le traitement de l’incontinence urinaire.

Que nous apporte cet article ?

Non seulement, on peut s’attendre à un succès de la technique dans l’incontinence urinaire mais aussi il peut être proposé en première ligne concomitamment à la rééducation en augmentant encore le pourcentage de succès.

Mots-clés

Neuromodulation périphérique, incontinence urinaire

Article complet :

INTRODUCTION

Une incontinence urinaire est rencontrée chez 25% des femmes (1) dont 30% présentent une incontinence urinaire à l’effort et 10% une instabilité vésicale ou encore 60% une incontinence urinaire mixte (1-2).

Les facteurs de risque de développer une incontinence (1) sont la grossesse, l’accouchement, les troubles de la statique pelvienne, l’âge, la pratique du sport, la constipation, certains médicaments.

La neuromodulation périphérique du nerf tibial postérieur rétromalléolaire interne (tens placé à la cheville), utilisation de l’électrothérapie dans l’incontinence urinaire prend son envol en 1999 avec Stoller, californien, qui utilisera un Tens rétromalléolaire interne avec électrode aiguille et baptisera son appareillage SANS : Stoller Afferent Nerve Stimulation.

Il sort une étude en 1999 sur 90 patients avec un taux de réussite dans l’instabilité vésicale de 89% (3).

Dans les études les plus significatives, on trouve en 2001 l’étude multicentrique aux USA de Rosenblatt (4) sur 53 patients, 5 sites, avec un taux de réussite de 71% ainsi qu’une étude en Hollande de Van Balken (5) sur 6 sites et 50 patients. Pour l’instabilité vésicale, un taux de succès de 62% est retrouvé.

Le SANS sera validé par la FDA en 2000 dans le traitement de l’incontinence.

La neuromodulation périphérique du nerf tibial postérieur est utilisée dans les dysfonctionnements d’évacuation que ce soit dans l’incontinence urinaire par instabilité pour des phénomènes de rétention urinaire mais également au niveau anal pour des phénomènes d’incontinence anale ou de constipation ou encore dans les douleurs pelvipérinéales.

 

INTÉRÊT DE L'ÉTUDE - QUESTION DE RECHERCHE

L’intérêt de cette publication est le nombre conséquent de dossiers qui ont été étudiés à savoir 279 patients ayant bénéficié de neuromodulation périphérique en rétromalléolaire interne du nerf tibial postérieur par électrodes de surface et non aiguilles.

Seront traitées au maximum 268 données statistiquement exploitables c’est-à-dire 145 patients à instabilité vésicale pure, 123 présentant une incontinence urinaire mixte. En effet, certaines données étaient manquantes pour certains patients.

Les questions de recherche sont les suivantes :

  1. Quel est le taux de succès de la PTNS thérapie ?
  2. Quel est le bénéfice mesurable de la PTNS thérapie sur des mesures telles que le nombre de mictions, la présence de fuites et leur intensité, la présence d’urgences ou non, le score à l’Échelle de Ditrovie (échelle de bien-être) (6).
  3. L’intérêt de la PTNS thérapie est-il modulé par certaines caractéristiques de l’échantillon à savoir le sexe, l’âge au moment du traitement, la parité, la chirurgie, le contexte neurologique, ou encore des traitements associés.

 

MÉTHODOLOGIE

 

Échantillon

Les patients sont adressés des services d’urologie, gynécologie, gastro-entérologie.

Dans beaucoup de cas, les patients bénéficient concomitamment de rééducation endocavitaire spécifique et/ou de la prise d’anticholinergiques.

Nous avons retracé les dossiers, relevé les paramètres invariables que sont l’âge au début du traitement, le sexe, les grossesses, la symptomatologie pour laquelle la PTNS est appliquée, la chirurgie régionale ou non et laquelle, une pathologie neurologique sous-jacente ou non, une rééducation endocavitaire concomitante ou non ainsi que la prise d’anticholinergiques.

 

Procédure

Le protocole était identique à savoir : des séances de 30 min, fréquence de 20 Hz sur 12 séances. En fin des 12 séances, c’est la réponse du patient quant à savoir s’il considère la thérapie comme un succès ou un échec qui est reprise sous la mesure subjective : succès versus échec.

Aux patients traités, un premier formulaire de calendrier mictionnel et une échelle de Ditrovie sont rendus et contrôlés en fin des 12 premières séances en sachant que les patients peuvent abandonner en cas d’échec. Dans ce dernier cas, nous sommes alors porteurs d’un seul formulaire à l’étude.

Dans le calendrier mictionnel, le patient a :

  1. répertorié le nombre de mictions en jour/nuit sur 48h (moyenne entre les deux jours) sans quantification en ml de la miction ;
  2. stipulé la présence ou non de fuites avec urgences ou non. La fuite sera quantifiée de quelques gouttes à un changement vestimentaire complet.

 Le type de protection utilisée a été demandé au patient. Nous n’avons pas relevé le nombre de protection(s) utilisée(s) estimant cette donnée tout à fait relative non seulement par rapport à l’appellation de la protection, mais aussi par rapport à la nécessité éprouvée par un patient de changer une protection.

Les patients ont répondu à un questionnaire de répercussion sur la qualité de vie des problèmes rencontrés (Ditrovie) (6).

À la fin de ces 12 séances, si et seulement si le patient déclare avoir une qualité de vie améliorée, le traitement est alors poursuivi sur une durée de 3 mois à raison de 1 séance/mois au terme de laquelle nous avons demandé de compléter un 3ème formulaire afin de mesurer l’évolution à six mois du début du traitement.

Au terme de ces 3 mois, le traitement était arrêté avec la consigne pour le patient de reconsulter en cas de rechute.

 

RÉSULTATS

 

Taux de succès

Statistiquement, la proportion de succès (70.28%) est plus élevée que la proportion d’échecs (29.72%), indépendamment du symptôme (incontinence urinaire mixte ou incontinence par instabilité).

Bénéfices objectivés sur les mesures du calendrier : Miction / Fuites / Urgence / Ditrovie

 

Mictions

Les résultats de l’étude mettent en évidence une diminution significative du nombre de mictions en fin de traitement (4 mictions à 1.5, jour/nuit confondus), aussi bien dans l’incontinence par instabilité que dans l’incontinence urinaire mixte.

 

Fuites

C’est dans l’incontinence urinaire mixte qu’on voit la plus grande diminution du nombre de fuites.

La comparaison des résultats des fuites en fonction du jour et de la nuit, à savoir 25 dossiers sur les 249, met en évidence que 35% des patients n’ont plus de fuites en journée contre 51% en nuit. A distance, soit plus ou moins 6-8 mois, 47% n’ont plus de fuites de jour et 57% de nuit.

Spécifiquement pour les patients qui changent de protection en début de traitement, 83.33% n’ont plus de fuites en journée contre 63.83% en nuit.

 

Urgences

Sur 217 patients présentant des urgences en début de traitement, on note que 39.17% n’en présentent plus après les 12 semaines de protocole, et que 40% maintiennent ce bénéfice à distance.

 

Échelle Ditrovie

Après 12 semaines, et pour les deux symptômes (incontinence par instabilité et incontinence urinaire mixte), on note une amélioration significative de l’échelle de Ditrovie.

 

INLUENCES DES PARAMÈTRES

Les analyses de données ne mettent pas en évidence une influence sur le succès des paramètres « sexe », « âge », « présence de chirurgie dans les antécédents », « contexte neurologique ». Par contre, il existe un lien entre parité et taux succès: les femmes qui ont plus d’enfants ont moins de chance de se trouver améliorées par le SANS.

De plus, on note un bénéfice d’avantage marqué lorsque le SANS est associé à certains traitements :

si le SANS est utilisé seul, sans rééducation ou médicaments, le taux de réussite est à 66.67% ;

si le SANS est associé à une rééducation endocavitaire ET un traitement médicamenteux, le taux de succès atteint 76.27% ;

si le SANS est associé à une rééducation endocavitaire, le taux de succès atteint 82.35%.

 

DISCUSSION

Pour l’European Association of Urology (7),

  • Le TPTNS est proposé pour améliorer l’incontinence urinaire d’urgence chez les femmes qui n’ont pas tiré de bénéfices d’une médication anticholinergique (7, p48).
  • Il n’y a pas de preuves suffisantes démontrant que l’électrostimulation est efficace dans l’incontinence urinaire comparée à un placebo ou ajoutée au bénéfice seul de la gymnastique périnéale (7, p46).
  • D’autre part, l’entraînement musculaire périnéal est un meilleur traitement pour améliorer la qualité de vie chez les femmes avec incontinence mixte et à l’effort (7, p45).
  • Le biofeedback confère également un bénéfice supplémentaire à l’entraînement musculaire seul (7, p45).
  • Il y a une évidence limitée à l’efficacité du TPTNS (7, p47).
  • Le TPTNS n’est pas plus efficace que la Tolterodine dans l’incontinence par instabilité.
  • Il n’y a pas de niveau de preuve suffisant pour démontrer qu’un anticholinergique est supérieur à un autre (7, p56).
  • Par contre, il a pu être relevé qu’une seule injection intravésicale de Botox est plus efficace qu’un placebo pour soigner l’incontinence urinaire par instabilité, et y compris améliorer la qualité de vie, et ce jusqu’à 12 mois (7, p103).
  • Chez les patients avec neurostimulateur sacré, plus de 50% d’amélioration est maintenu chez au moins 50% des patients à 5 ans de suivi, et 15% restent guéris (7, p165).

On trouve des taux de succès dans l’incontinence par instabilité traitée par neurostimulation sacrée entre 50 et 79% (8) dans les différentes études.

On peut espérer pour la rééducation seule un taux de succès à 33% dans l’incontinence urinaire (1).

Dans l’instabilité, le traitement par Botox amène un taux de succès entre 60 et 80% (9) (traitement proposé après l’essai de 2 anticholinergiques, kinésithérapie et TPTNS).

Dans notre étude, l’utilisation du TPTNS dans l’incontinence urinaire par instabilité pure ou incontinence mixte a un taux de succès de 70.28%.

Ce succès est déclaré par le patient, de manière subjective. En objectif, le succès est bien corrélé à :

  1. une diminution significative du nombre de mictions en fin de traitement ;
  2. une diminution d’intensité des fuites pour le symptôme instabilité avec 46.52% améliorés. 35% n’ont plus de fuite en journée, 51% en nuit avec un maintien à distance à 6 mois (47% n’ont plus de fuite de jour et 57% la nuit) ;
  3. une diminution significative des urgences où 39.17% n’ont plus de fuite avec un maintien à 6 mois ;
  4. une amélioration significative de la Ditrovie pour les deux symptômes.

Il n’y a pas d’influence sur le taux de succès : de l’âge, du sexe, de la chirurgie, des antécédents neurologiques mais bien du nombre de grossesses ou encore des traitements associés.

Quand les patients bénéficient à la fois de TPTNS et de rééducation endocavitaire, le taux de succès passe à 82.35% (84 patients) ; de TPTNS, anticholinergiques et rééducation endocavitaire (59 patients), le taux est à 76.27% ; de TPTNS seul, le taux est de 66.67% (39 patients). Le taux du groupe TPTNS et anticholinergique (24 patients) est de 45.83%.

 

CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS PARTICULIÈRES

Il peut dès lors être envisagé dans l’incontinence urinaire que ce soit une incontinence urinaire d’instabilité ou mixte (instabilité et effort), dès la première ligne, un triple traitement : la rééducation endocavitaire, le TPTNS et la prise d’anticholinergiques avec un taux de succès à 76.27%.

 

AFFILIATIONS

1 Pathologie de l’appareil moteur, médecine physique et revalidation ; CHR Liège
2 Médecin assistant chirurgie ; Universisty of Liège
3 Médecin assistant chirurgie ; Universisty of Liège
4 Médecin assistant Médecine physique ; Universisty of Liège
5 ARS STATISTICA SPRL
6 Head of Physical Medicine and Sports Traumatology ; University of Liège

 

CORRESPONDANCE

Dr Nathalie Bredohl

Centre hospitalier régional de la citadelle
Médecine physique et réadaptation - Rhumatologie
Boulevard 12ème de ligne 1
B-4000 Liège
Belgique

 

RÉFÉRENCES

  1. Guise P. Les pathologies fonctionnelles de la continence et de la miction : incontinence urinaire d’effort, syndrome d’hyperactivité vésicale, énurésie de l’enfant, obstruction sans vésicale. Pelv Périnéal 2006 ; N546-548. 
  2. Buzelin JM. La continence et la miction : des bases anatomophysiologiques pour comprendre les incontinences et les dysuries. Pelv Périnéal 2006 ; N544-545.
  3. Stoller, ML. Afferent nerve stimulation for pelvic floor dysfunction. Eur Urol 1999 ; suppl. 35: 16. 
  4. Govier FE, Litwiller S, Nitti V, Kreder KJ, Rosenblatt P. Percutaneous afferent neuromodulation for the refractory overactive bladder: results of a multicenter study. J Urol 2001; 165: 1193-1198. Ouvrir dans PubMed
  5. van Balken MR, Vandoninck V, Gisolf KWH, Vergunst H, Kiemeney LALM, Debruyne FMJ, Bemelmans BLH. Posterior tibial nerve stimulation as neuromodulative treatment of lower urinary tract dysfunction. J Urol 2001; 166: 914-918. Ouvrir dans PubMed
  6. Marquis P. Élaboration et validation d’un questionnaire qualité de vie spécifique de l’impériosité mictionnelle chez la femme. Prog Urol 1997 ; 7 : 56-63.
  7. Lucas MG, Bedretdinova D, Bosch JLHR, Burkhard F, Cruz F, Nambiar AK, et al. Guidelines on Urinary Incontinence. Eur Ass Urol, 2014. 
  8. Dunon. Sacral neuromodulation : results of a monocentric study of 93 patients. Prog Urol 2014 ; 17, 1120-31. Ouvrir dans PubMed
  9. Recommandations pour l’utilisation de la toxine botulique de type A (Botox) dans l’hyperactivité vésicale réfractaire idiopathique. Progrès en Urologie 2013 ; 23 : 1457-1463.