La responsabilité sociale en santé : quel rôle pour notre faculté de médecine et pour nos diplômés ?

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Jean-François Denef, Dominique Pestiaux, Louis Van Maele, Ségolène de Rouffignac Publié dans la revue de : Mars 2021 Rubrique(s) : Actualité facultaire
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Résumé de l'article :

Dans un monde en mutation profonde et accélérée, les facultés de médecine sont soumises à des défis d’adaptation et d’innovation pour répondre à l’évolution des besoins de la société. En l’espace d’un siècle, le concept de responsabilité sociale a pris de l’ampleur, reflet de la nécessité de la conscientisation de chacun de son interdépendance avec le monde qui l’entoure. Les facultés de médecine s’organisent pour endosser cette responsabilité. Cet article revient sur l’émergence de ce concept au sein de celles-ci, sur ses principes et sur des exemples de projets. Il illustre aussi l’engagement de la faculté de médecine de l’Université catholique de Louvain à devenir une faculté socialement responsable.

Que savons-nous a ce propos ?

Le concept de responsabilité sociale promeut l’adaptation de nos actions en fonction des besoins de la société. Il est au cœur des réflexions et des réformes à venir pour les facultés de médecine.

Que nous apporte cet article ?

Cette article fait le point sur l’implication internationale de l’Université catholique de Louvain dans les actions menées pour endosser la responsabilité sociale en santé.

Mots-clés 

Responsabilité sociale, faculté de médecine, formation médicale, recherche, médecine générale, soins, université, étudiant

Article complet :

Le rapport Flexner (1910) et la place prédominante de l’approche scientifique dans la formation médicale

En 1910, la fondation Carnegie demanda à Abraham Flexner (un non médecin) un rapport sur la qualité de la formation des médecins aux USA. Ce rapport eut un impact historique sur les programmes de formation dans les facultés de médecine (medical schools) américaines et du monde entier (1).

Ce rapport préconisait entre autres :

- une solide formation scientifique de base aux sciences de la vie avant d’entrer dans la formation spécifiquement médicale orientée vers la clinique ;

- une place importante de l’approche scientifique dans la formation et l’utilisation de cette approche dans la démarche clinique ;

- l’incorporation dans le programme d’exercices de laboratoire et de phases d’éducation au lit du malade ;

- l’accréditation des institutions de formation des médecins par des experts externes.

Reconnaissons que la structure de la formation médicale correspond aujourd’hui encore grandement à ces recommandations dans notre Alma Mater comme dans la presque totalité des facultés de médecine du monde. Cette part importante de la science, dans la formation et la pratique médicale, est illustrée aujourd’hui par l’approche EBM (médecine basée sur les preuves). Les médecins appliquent les meilleures données de la science et sont attentifs à orienter leurs actes en tenant compte des valeurs du patient et de leur propre expertise (2). Mais quelle place accordons-nous réellement dans notre cursus à l’intégration de ces valeurs et des besoins individuels ?

Vers une nouvelle approche de la formation médicale ?

Depuis quelques années, un mouvement baptisé « Beyond Flexner Alliance » (3) s’est créé avec comme but de promouvoir des valeurs humaines et sociales dans la formation et l’exercice des professions de santé. Il s’agit de voir le soignant non pas uniquement comme un scientifique, mais également comme un agent de santé communautaire et acteur de changement social en allant donc au-delà des recommandations de Flexner. Mettre l’idée de l’équité en santé au centre du champ de la médecine et positionner celle-ci comme agent de guérison individuelle et sociale est la base de ce mouvement qui, par exemple, évalue la mission sociale de l’enseignement médical à l’aide de trois indicateurs : combien de praticiens choisissent les soins de santé primaires, combien pratiquent dans des zones en manque de soignants et quel pourcentage de minorités sociales sont représentées dans le monde des soignants ?

Ce changement de paradigme témoigne d’une prise de conscience de la responsabilité sociale (RS) d’une faculté de médecine. Nous abordons dans la suite de cet article l’origine de ce concept, son application aux facultés de médecine ainsi qu’au sein de notre propre faculté.

Émergence et évolution du concept de responsabilité sociale

Développement initial dans les entreprises

Le concept de RS a d’abord été formellement abordé dans le monde de l’entreprise (4) qui en a fait aujourd’hui une priorité pour son personnel et un argument de marketing pour se faire reconnaitre dans un monde où les priorités ont changé et où l’attention à l’environnement et aux conséquences sociales de nos actions est devenue prioritaire. Les déclinaisons du concept sont cependant multiples et traduisent des conceptions philosophiques et des valeurs différentes. Il est décrit que les anglo-saxons s’inscrivent davantage dans une approche volontariste ou contractuelle, à l’opposé d’une vision européenne qui l’envisage comme une obligation basée sur des réglementations publiques – on parle alors d’approche institutionnelle (5).

Évolution et adaptation au monde des soignants

Si on regarde la relation singulière entre le médecin et son patient, la médecine est par essence et a priori socialement responsable, comme le préconise depuis des siècles le serment d’Hippocrate. Le texte historique du serment consacre son premier paragraphe à la reconnaissance par le jeune médecin de ses maîtres, le reste du serment concerne la relation individuelle du médecin avec son patient. L’intégration de la dimension sociale de la médecine apparait dès la première phrase des versions plus modernes du serment (Ordre des médecins de Belgique) (6). Elle témoigne d’une évolution du rôle du soignant parallèlement à l’évolution de la société.

Ces évolutions se reflètent également dans la définition même de la santé. La définition actuelle a été proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé et date de 1946. Elle ne parle plus de la santé comme absence de maladie mais comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Aujourd’hui, elle est remise en question par de nouveaux concepts tels que celui de santé positive qui prend en compte les fonctions physiques, le bien-être mental, le sens (de la vie), la participation sociale, la qualité de vie et le fonctionnement au quotidien (7,8). Cette nouvelle vision de la santé a un caractère individualiste en considérant que les individus sont entièrement responsables de leur santé, ce qui n’est pas toujours le cas puisqu’il faut tenir compte des limites parfois non choisies de chacun. Redéfinir la santé et prendre en compte la dimension sociale de celle-ci (en intégrant les déterminants de santé) nous semble essentiel pour adapter notre rôle de soignant… et a fortiori d’enseignant.

Les valeurs centrales concrètes de la RS en santé (RSS)

La RSS repose sur un socle de valeurs qui sont communes à tout système de santé et dont la mise en pratique est spécifique à un lieu, une pratique, une culture, une éducation (9).

Les valeurs de base de tout système de santé sont la qualité pour rechercher une réponse optimale aux besoins d’une personne dans son contexte de vie, l’équité pour mettre chaque citoyen à l’abri de toute discrimination devant les services de soins, de prévention et de rétablissement de la santé, la pertinence pour relier toute action spécifique à l’ensemble des déterminants de santé et l’efficience dans le souci d’utiliser de façon optimale les ressources disponibles pour satisfaire ces valeurs. D’autres valeurs sont également liées à la RSS et varient en fonction du contexte local.

Naissances d’organisations internationales en lien avec la responsabilité sociale en santé : l’exemple de TUFH

Dans le monde anglo saxon, Toward Unity for Health (TUFH) est une organisation dont le but est de promouvoir des systèmes de santé équitables, orientés vers la communauté, dans une approche éducative mettant en avant la responsabilité sociale en santé (10). TUFH souligne que des éléments tels que le haut niveau d’attente du public, l’augmentation des coûts, la reconnaissance des déterminants de santé sociaux et environnementaux, les inégalités de santé et d’accès aux soins, la pauvreté, les migrations sont des raisons de développer la RSS. TUFH s’est avant tout centrée sur les population et pays défavorisés, la santé publique et la médecine de première ligne. C’est le plus souvent ce qui a été observé dans les facultés de médecine, y compris chez nous (11).

Projet de recherche action dans les facultés francophones et naissance du RIFRESS

En 2006, la Société Internationale Francophone d’Education Médicale (SIFEM) a mis en place un groupe d’action prioritaire sur la RS dans les facultés de médecine. Ce groupe a travaillé en concertation avec la CIDMEF (Conference Internationale des Doyens des Facultés de Médecine d’Expression Française) et a impliqué plus de 60 facultés francophones dans le monde dont celle de l’UCLouvain. Une publication relatant ces travaux a été réalisée en 2015 (12).

Une réunion de consensus mondial a été organisée en Afrique du Sud en 2011, regroupant tous les responsables au niveau mondial, y compris la SIFEM. Dix axes prioritaires ont été identifiés et publiés, ils sont repris dans le tableau I (13).

La réflexion a progressivement mis en exergue le concept de partenariat. En effet, la RSS concerne tous les acteurs de la santé et pas seulement les médecins. Un tel partenariat se révèle indispensable afin que l’action spécifique d’un acteur soit poursuivie ou valorisée par un ou plusieurs autres acteurs pour un impact significatif et durable sur la santé.

Le partenariat est repris dans l’axe 2 et reflète la préoccupation du monde de la santé qui ne peut agir que dans une large concertation avec les personnes concernées : ce sont les professionnels de santé, les gestionnaires des systèmes et institutions de soin, les décideurs politiques, les communautés, y compris les patients et bien sûr les institutions de formation (14).

Le besoin de proposer à tous les acteurs partenaires d’avoir un lieu commun d’échange et d’action a mené en 2019 à la création du Réseau International francophone de Responsabilité Sociale en Santé (RIFRESS). L’élargissement aux autres intervenants de la santé est une évolution logique et cohérente pour un projet transversal aux grands enjeux sociétaux.

Le premier congrès du RIFRESS s’est tenu à Rabat en 2019 et le suivant devait avoir lieu à Bruxelles en 2020. Il devait avoir pour thème : « Responsabilité sociale en santé et développement durable ». Vu les circonstances, le RIFRESS a organisé ses premières journées virtuelles en début mars 2021 (Pour toute info, voir le site du RIFRESS) (15).

Responsabilisation des institutions de formation en santé

L’OMS définit la responsabilité sociale des facultés de médecine ou de la santé comme étant « L’obligation d’orienter la formation qu’elles donnent, les recherches qu’elles poursuivent et les services qu’elles dispensent, vers les principaux problèmes de santé de la communauté, région et/ou nation qu’elles ont comme mandat de desservir » (14).

Dès lors, comment orienter les actions des facultés de médecine vers les besoins de la société que ce soit dans l’enseignement, la recherche ou le service à la communauté ? De plus, ces besoins évoluent : que l’on évoque les problématiques environnementales, les questions liées aux réseaux sociaux ou encore, l’avènement du populisme dans bien des états et la paupérisation croissante de certaines catégories de populations, toutes ces questions vives de la société ont un impact sur la santé de nos contemporains et justifient une attention particulière.

Plus spécifiquement et en ce qui concerne la formation des futurs soignants on peut se poser les questions suivantes : Comment tenir compte des besoins des services spécialisés dans les hôpitaux périphériques pour répartir les places de stages ? Quelle proportion de diplômés choisissent la pratique de première ligne ou les spécialités en pénurie? Combien de médecins pratiquent dans les régions éloignées ou en manque de soignants ? Comment prendre en compte les besoins des médecins en formation dans le cadre de l’activité clinique afin d’éviter l’épuisement professionnel des soignants ?

Quelques exemples concrets dans le monde

Un changement culturel majeur a été d’impliquer les patients pas seulement comme exemples ou témoins de situations cliniques (nous avons tous connus les cours « cliniques », les stages et les tours de salle) mais aussi comme partenaires, interlocuteurs et acteurs dans l’enseignement, la recherche ou le soin. À l’université de Montréal, plus de 200 patients partenaires avec un profil de formateur sont déjà engagés dans l’enseignement auprès des étudiants (16). Plusieurs dizaines de patients partenaires au profil « ressource » font partie intégrante de démarches d’amélioration continue du partenariat de soins et de services sociaux, et des patients partenaires au profil « co-chercheurs » prennent part à des projets de recherche.

En Tunisie, le manque de soignants dans des régions éloignées a conduit à la réalisation d’un projet de campus délocalisé sous la responsabilité des 4 facultés de médecine du pays qui se sont répartis les zones géographiques en fonction de leur localisation. Des cliniciens mais aussi des enseignants académiques ont accepté de consacrer une partie de leur temps pour pratiquer dans ces régions et y proposer un enseignement continu de qualité (12).

À la faculté de médecine de Tours, une large concertation a été organisée avec tous les acteurs de la région desservie, lors d’une journée de travail consacrée à la responsabilité sociale en santé. De celle-ci ont découlé une dizaine de recommandations à implémenter dans un avenir proche. En particulier, les étudiants peuvent signer un contrat d’engagement de service public. Ce contrat donne droit, en sus des rémunérations auxquelles les étudiants et internes peuvent prétendre du fait de leur formation, à une allocation mensuelle versée jusqu’à la fin de leur études médicales. En contrepartie de cette allocation, les étudiants s’engagent à exercer leurs fonctions, à titre libéral ou salarié, à compter de la fin de leur formation dans les lieux d’exercice où l’offre médicale est insuffisante et/ou la continuité de l’accès aux soins est menacée. Ils sont le plus souvent appelés à pratiquer en priorité dans les zones de revitalisation rurale et les zones urbaines sensibles (17).

ET À L’UCLouvain ?

Le concept de RSS est bien ancré dans la culture de la faculté de médecine où la médecine de 1e ligne est prioritaire, la coopération au développement bien développée et l’enseignement progressivement adapté aux besoins de la société. Nous aurions pu citer ici les nombreuses initiatives existant dans les facultés du secteur des sciences de la santé, dans les domaines de l’enseignement, de la coopération au développement, des systèmes de santé, de l’épidémiologie et les nombreux stages possibles en pays défavorisés. De plus, la faculté participe activement au projet RS des facultés de médecine depuis son début en 2006. Des collègues ont collaboré à la rédaction d’articles, la réalisation d’ateliers et diverses communications sur le sujet.

En 2015, la SIFEM a organisé un congrès international de pédagogie des sciences de la santé à la faculté de médecine de l’UCLouvain. Le programme a placé la RSS comme thème central et ceci a donné lieu à un numéro spécial de la revue Pédagogie Médicale (18).

Deux mémoires de recherche clinique ont été réalisés sur le sujet : l’un était consacré à la recherche-action conduite par le groupe des facultés de médecine francophones (19). L’autre mémoire avait pour titre « La responsabilité sociale des facultés de médecine et la migration des étudiants camerounais» (20).

Au Centre Académique de Médecine Générale (CAMG)

Le CAMG est soucieux de former des futurs médecins généralistes conscients de leur RSS et prêts à s’engager dans la société. Être socialement responsable, c’est d’abord connaitre la réalité sociale qui nous entoure et trouver sa place et son rôle dans la société.

Pour déterminer le rôle de la médecine générale dans la société, avec l’appui du philosophe Jean-Michel Longneaux, le CAMG tente depuis un an de définir les valeurs qu’il désire mettre en avant dans la médecine générale. Une cellule interne de réflexion et d’action en RS a été créée. Elle réfléchit de manière transversale pour que la RS du CAMG se manifeste dans toutes ses actions.

En matière de formation

Depuis deux ans, le concours d’entrée en spécialisation en médecine générale a été adapté dans le but d’explorer la motivation, la capacité de réflexivité et de flexibilité, la conscience du rôle sociétal des candidat.e.s. Cette innovation fait l’objet d’une publication en cours de soumission.

Au niveau de l’enseignement, le CAMG s’efforce d’intégrer autant que possible d’autres profils de soignants afin d’offrir un regard interdisciplinaire sur les pathologies observées en médecine générale. En collaborant avec d’autres institutions de soins visant des publics particuliers (par exemple Médecins du Monde), le CAMG fait l’effort de s’affranchir des limites sectorielles des services de soins de santé. Un module d’enseignement sur la RS et ses enjeux a été mis en place pour les assistants en spécialisation. Ce module a fait l’objet d’une présentation au congrès du RIFRESS à Rabat en 2019. Les étudiants eux-mêmes y ont présenté le cours et ce qu’ils en ont retenu.

Un autre module d’enseignement du master de spécialisation est consacré à la décision médicale partagée, où les préférences du patients entrent dans le processus de décision (21).

Concernant les stages, le CAMG porte une attention à l’attractivité des futurs médecins généralistes vers les zones en pénurie, comme le témoigne l’analyse réalisée en 2018 concernant l’offre des stages dans ces régions (22) et la mise en place d’un système de cartographie des lieux de stages intégrant le critère de zone en pénurie. Récemment, une réflexion a été menée concernant la gestion des incidents critiques vécus en stage. Coordonnée par des sociologues externes et avec l’appui de la Méthode d’Analyse en Groupe (Réseau MAG asbl), elle a inclus l’ensemble des acteurs concernés – administratifs, académiques, maitres de stages, assistants, stagiaires – en vue d’une co-construction de savoirs et de solutions durables (publication en cours).

En matière de recherche

Outre l’encadrement de mémoires et de travaux de fin d’études sur des thématiques directement ou indirectement liées à la responsabilité sociale, le CAMG s’implique dans des projets communautaires en tant qu’acteurs du pentagone : par exemple dans le projet pilote BOOST, Better Offer and Organization thanks to the Support of a Tripod model, de la région bruxelloise dans le cadre du plan conjoint en faveur des malades chroniques « Des soins intégrés pour une meilleure santé». Ce consortium de plus de 50 partenaires a pour objectif d’améliorer la réponse aux besoins spécifiques des personnes malades chroniques, de leurs aidants proches et des professionnels de santé, en se basant sur l’articulation de 3 fonctions clés: support, concertation et liaison.

Une thèse de doctorat menée par Louis Van Maele (sous la promotion de Jean Macq (IRSS)) est également en cours portant sur la clarification du concept de responsabilité sociale des médecins, dont les conclusions pourraient inspirer la définition du profil de médecin que nous souhaitons former dans le futur.

En matière de services

Des membres du centre académique de médecine générale sont impliqués dans le réseau international de responsabilité sociale en santé (RIFRESS). Ségolène de Rouffignac y coordonne le groupe de travail sur la formation tandis que Louis Van Maele participe activement au groupe « recherche ». Ils contribuent, avec l’aide de nombreux autres acteurs, à l’organisation de la seconde conférence du RIFRESS qui est attendue en 2022 à Bruxelles.

Conclusions et pistes pour le futur

Au travers de l’implication de certains de ses membres dans l’émergence du concept de RSS, notre faculté n’a pas à rougir face aux innovations qui sont déployées dans d’autres facultés ou pays.

La pandémie COVID19 que nous vivons nous oblige à nous interroger sur le partenariat entre acteurs du monde de la santé, acteurs du monde économique et social. La pandémie révèle nos failles et nous invite à réfléchir sur les valeurs humanistes centrales de notre société aujourd’hui : drames humains dans les MRS ; importance des contacts sociaux chez les personnes fragiles ; difficultés de l’accompagnement des personnes en fin de vie vu la contagiosité du virus ; causes socio-économiques et environnementales de la pandémie, …..

Mais les enjeux à venir sont peut-être encore plus grands. En ce qui concerne l’urgence climatique, un article récent du NEJM (23) nous rappelle que : “Altough ultimately the best medicine for the climate crisis is preventive – the urgent reduction of green house gases- we cannot ignore the myriad ways in which our patients’ health is already being harmed and our responsability to improve our practice”. S.Myers (24) souligne l’impact de l’anthropocène qui a pour conséquence que l’humain est devenu la force dominante de la planète avec des conséquences très importantes connues et à venir sur la santé des populations. On comprend dès lors l’importance d’une RSS, d’une intégration de la santé dans toutes les décisions de société (« Health in all policies »), d’une prise de conscience de notre interdependance à l’échelle planétaire (« Global Health ») et des objectifs de développement durable.

Promouvoir la RSS chez nos étudiants et futurs professionnels de la santé ce n’est pas donner plus d’heures de cours ou créer des cours nouveaux, c’est, par l’exemple et par des allusions fréquentes et ciblées, rendre nos futurs diplômés plus compétents, plus créatifs, plus communicants, plus critiques et plus citoyens.

Cela implique entre autres les approches suivantes :

- Éviter le maintien de l’approche de la médecine en silos et faciliter le dialogue entre tous les professionnels de santé, ce qui implique que ce dialogue soit déjà ébauché et enseigné au cours des études….

- Favoriser la discussion des universités avec les autres partenaires impliqués dans la RSS. Promouvoir le décloisonnement des institutions et l’implication directe des facultés de médecine sur le terrain pour répondre aux besoins, notamment en terme de pénurie de professionnels de santé dans certaines zones.

- Participer à l’humanisation de la profession en enseignant une médecine basée sur des valeurs.

- Construire un sens commun, là où le burn out chez les soignants devient une problématique importante.

- Développer une éthique de la solidarité.

Affiliations

1. Professeur émérite, prorecteur honoraire pour les affaires médicales.
2. Professeur émérite, directeur honoraire du CAMG
3 Médecin généraliste, Doctorant, Institut de Recherche Santé et Société (IRSS), Université catholique de Louvain, Belgique, Centre Académique de Médecine Générale, Faculté de Médecine, Université catholique de Louvain
4. MD, MPH-IH, Centre académique de Médecine Générale, Université catholique de Louvain

Correspondance

Pr. (ém.) Jean-François Denef
Prorecteur honoraire pour les affaires médicales
jean-françois.denef@uclouvain.be

Références

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  3. Beyond Flexner Alliance. https://beyondflexner.org/
  4. De Woot P. Responsabilite sociale de l’entreprise : faut-il enchainer Promethee ? Editeur Economica Paris, 2005.
  5. Cauli M-D, Boelen C, Pestiaux D., Ladner J, & Milette B. Dictionnaire francophone de la responsabilité sociale en santé. Presse Universitaires de Rouen et du Havre, 2019.
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  7. Huber M, André Knottnerus J, Green L, Van Der Horst H, Jadad A R, Kromhout D, et al. How should we define health? BMJ (Online) 2011, 343(7817), 1–3. https://doi.org/10.1136/bmj.d4163
  8. https://www.masantepositive.be/
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  15. Réseau International francophone pour la responsabilité sociale en santé : htpps://RIFRESS.ORG
  16. Faculté de médecine de montréal. Site partenariat-patients : https://medecine.umontreal.ca/faculte/direction-collaboration-partenaria...
  17. Ibidem réf 12 partenariat régional Tours https://med.univ-tours.fr/version-francaise/la-faculte/vie-etudiante/con...
  18. Volume spécial sur la responsabilité sociale des intitution. Pédagogie Médicale 2016; 16(3) DOI: https://doi.org/10.1051/pmed/2016006
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