INNOVATIONS EN DERMATOLOGIE QUE RETENIR DE 2015 ?

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M. Baeck, A. Herman, V. Dekeuleneer, A.-C. Deswysen, P.-D. Ghislain, B. Leroy, L. de Montjoye, I. Tromme Publié dans la revue de : Février 2016 Rubrique(s) : Dermatologie
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Résumé de l'article :

2015 a été une année importante en dermatologie, principalement dans le domaine thérapeutique. De nouveaux traitements sont disponibles dans l'urticaire chronique, le psoriasis et les angiofibromes du visage dans le cadre de la sclérose tubéreuse de Bourneville. En dermato-oncologie, le traitement du carcinome basocellaire non opérable et celui du mélanome métastatique ont connu des avancées significatives. Enfin, la méthylisothiazolinone reste un allergène majeur responsable d'épidémies d'allergie de contact et pour lequel il est urgent d'instaurer une limitation de son usage au niveau européen.

Mots-clés

Urticaire chronique, psoriasis, angiofibromes, méthylisothiazolinone, mélanome métastatique, VRESS, traitement

Article complet :

Traitement de l’urticaire chronique
 
Auteur

L. de Montjoye

texte

L’urticaire chronique idiopathique est une pathologie caractérisée par l’apparition de plaques fugaces et migratrices apparaissant tous les jours pendant une période de minimum 6 semaines sans cause identifiée. Les mastocytes et l’auto-immunité jouent un rôle central dans la pathogénie de l’urticaire chronique. L’omalizumab est un anticorps monoclonal humanisé biosynthétique anti-IgE, utilisé depuis longtemps dans l’asthme. Récemment, il s’est montré très efficace dans les urticaires chroniques idiopathiques non contrôlées par l’utilisation d’antihistaminiques dans plusieurs études, entre autres une étude randomisée multicentrique de phase 3 a montré une diminution significative des démangeaisons à la dose de 300 mg. Sur une échelle de démangeaison de 0 à 21, à douze semaines, le score a baissé de -9,8 dans le groupe 300 mg (p < 0,001).

1. Maurer M, Rosén K, Hsieh H-J et al. Omalizumab for the Treatment of Chronic Idiopathic or Spontaneous Urticaria. N Engl J Med 2013; 368 :924-35

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« Hot topics » en allergie de contact
 
Auteurs

A. Herman, M. Baeck

Texte

L’allergène de l’année 2015 reste sans conteste la méthylisothiazolinone (MIT). Puissant conservateur présent dans de très nombreux produits cosmétiques ou non cosmétiques tels que des détergents, des peintures à l’eau et des produits industriels. Les isothiazolinones (méthyl-, octyl-, benzyl-) ont plus récemment été mise en évidence dans l’industrie du textile et du cuir. Elles sont responsables d’une véritable « épidémie » d’eczémas par contact direct mais aussi par voie aéroportée (notamment via les peintures). La réglementation européenne concernant la concentration de la MIT autorisée dans les produits cosmétiques ne cesse de changer au vu du nombre croissant d’allergie. Actuellement la concentration, dans les produits cosmétiques, de la MI doit être inférieure à 100 ppm et celle du mélange MCI/MI (méthylchloroisothiazolinone/méthylisothiazolinone) doit être inférieure à 15 ppm. Le mélange MCI/MI sera interdit dans les produits cosmétiques non rincés en avril 2016, quant à la MI, une recommandation préconise de ne plus l’utiliser dans les produits non rincés. Il n’existe cependant toujours aucune limitation dans les produits industriels.

1. Aerts O et al. Contact allergy caused by methylisothiazolinone: the belgian french experience. Eur J Dermatol 2015; 25: 228-233.

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« Hot topics » en toxidermie
 
Auteurs

A. Herman, M. Baeck

Texte

LE DRESS (Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms) est une toxidermie sévère qui se caractérise par une atteinte polysystémique, une éosinophilie sanguine et une fréquente réactivation virale principalement du groupe herpès. L’éruption cutanée est généralement maculo-papuleuse ou érythrodermique et souvent associée à un œdème du visage et des extrémités. De nombreux médicaments sont potentiellement responsable du DRESS avec comme caractéristique un délai d’apparition par rapport à l’introduction des médicaments très long (20 à 60 jours). Récemment, plusieurs cas de patients présentant un tableau clinique similaire au DRESS mais pour lequel aucun médicament n’était imputable ont été rapportés. Cela a donc donné lieu à une nouvelle entité, le VRESS (Viral Reactivation with Easinophilia and Systemic Symptoms). Il s’agit d’un syndrome de restauration immunitaire (IRIS) dirigée contre les réactivations virales dans un contexte d’immunodépression. Le VRESS atteint en effet principalement les patients en immunosuppression, tel les patients HIV, ayant récemment changé ou initié un traitement antirétroviral. Mais il peut aussi toucher les patients en réanimation, les patients présentant une réaction de greffons contre l’hôte ou les patients transplantés.

Les principaux virus réactivés sont le CMV, l’EBV et l’HHV6. L’hyperéosinophilie est moins fréquente que dans le DRESS.

Le VRESS est probablement plus fréquent et devrait être mieux diagnostiqué afin d’éviter des contre-indications médicamenteuses imputées au DRESS.

1. C. Ratour-Bigot,et al. Etude rétrospective de 17 cas de DRESS chez des patients infectés par le VIH: DRESS ou VRESS? Ann Dermatol Vénérol 2015; 142: 429-430.

La rapamycine topique comme traitement des angiofibromes du visage chez les patients avec sclérose tubéreuse de Bourneville
 
Auteur

V. Dekeuleneer

Texte

Les angiofibromes du visage apparaissent dans l’enfance, sont présents chez plus de 80% des adultes présentant une sclérose tubéreuse de Bourneville, et représentent fréquemment une gêne esthétique et sociale importante. Auparavant, seuls des traitements ablatifs (cryothérapie, shave-coagulation de lésions, traitements laser CO2 ou colorant pulsé) étaient disponibles mais ceux-ci étaient souvent douloureux et de multiples récidives étaient observées.

La mise en évidence d’une hyperactivation de la voie mTOR dans la STB a permis de soulever l’intérêt des inhibiteurs mTOR (mammalian Target of Rapamycine) (sirolimus, everolimus) dans le traitement des atteintes rénales, pulmonaires et cérébrales sévères. Plusieurs équipes ont rapporté l’effet favorable de la rapamycine en utilisation topique dans le traitement de ces angiofibromes, positionnant la rapamycine topique comme une alternative efficace et sûre par rapport aux traitements ablatifs. Davantage d’études sont nécessaire afin de déterminer la concentration optimale, le véhicule optimal, les modalités d’application, ainsi que la sécurité à long terme

1. Balestri R, Neri I, Patrizi A, Angileri L, Ricci L, Magnano M. Analysis of current data on the use of topical rapamycin in the treatment of facial angiofibromas in tuberous sclerosis complex. J Eur Acad Dermatol Venereol 2015 Jan;29(1):14-20.

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Traitements du psoriasis
 
Auteur

P.-D. Ghislain

Texte

Les traitements par biothérapie utilisés contre le psoriasis arrivent à maturité. Les anti-TNF sont employés depuis dix ans en Dermatologie, et les anticorps dirigés contre les interleukines 12 et 23 le sont depuis cinq ans. L’expérience est importante et conforte l’impression d’un bon rapport efficacité-sécurité. Pour autant, deux nouvelles catégories viennent de recevoir leur enregistrement : l’aprémilast (anti-phosphodiestérase-4) et le sécukinumab (premier anticorps anti-interleukine 17). Les études ont maintenant comme «primary endpoint» les PASI 90 et 100, c’est-à-dire la proportion de patients voyant leur psoriasis réduit de 90% ou de 100%. Quel chemin parcouru en dix ans, quand on se rappelle que les études pour les premières biothérapies évaluaient le pourcentage de patients améliorés de 50% seulement... Le gain en qualité de vie en est augmenté d’autant, et c’est ce qui motive patients et médecins dans la prise en charge de cette maladie chronique.

Carcinomes basocellulaires et inhibiteurs de la voie de signalisation Hedgehog
 
Auteur

B. Leroy

Texte

La prise en charge thérapeutique du carcinome basocellulaire sporadique localisé ne pose en général pas de problème. Cette tumeur localement destructrice dont l’incidence est en constante progression (0,1 à 0,5 % par an aux USA) est habituellement de croissance lente, bien que certains sous-types peuvent être agressifs d’emblée. Le risque métastatique est très faible (estimé à 0,0028 à 0, 55%), touchant essentiellement les cas très avancés. Ces cas localement avancés (envahissants les tissus voisins) ou métastatiques ne peuvent être correctement traités par chirurgie ou radiothérapie. C’est également le cas de la naevomatose basocellulaire ou syndrome de Gorlin dont l’anomalie génétique induit notamment des carcinomes basocellulaires multiples.

Parmi les anomalies génétiques observées dans ces tumeurs cutanées, une mutation importante a été découverte il y a quelques années impliquant la voie de signalisation Hedgehog : celle du gène PATCHED1 qui contrôle normalement cette voie en inhibant l’activité de signalisation de la protéine transmembranaire « smoothened homologue » (« SMO »), ou la mutation même du gène codant pour cette protéine.

Un grand pas a été réalisé dans la prise en charge des carcinomes basocellulaires localement avancés ou métastatiques par la synthèse d’inhibiteurs de cette protéine SMO, bloquant cette voie de signalisation et ainsi, la croissance tumorale : actuellement, le vismodegib (Erivedge® Roche) qui a obtenu l’AMM et le remboursement depuis le début 2015 dans le carcinome basocellulaire localement avancé ou métastatique et le syndrome de Gorlin, et le sonidegib (Odomzo® Novartis) qui n’est pas encore remboursé sur le marché belge.

Les effets secondaires ne sont cependant pas négligeables ; les principaux sont la tératogénicité (cette voie de signalisation est impliquée dans le développement embryonnaire), des atteintes musculaires (crampes, spasmes), une alopécie, une dysgueusie et parfois agueusie, perte de poids, fatigue, nausées, diarrhée, perturbation des enzymes hépatiques nécessitant un contrôle strict et probablement une thérapeutique intermittente en cours d’évaluation.

Références
 

1. Sedulik A et al. Efficacy and Safety of Vismodegib in Advanced Basal-Cell Carcinoma. N Engl J Med 2012; 366:2171-9.

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2. Tang JY et al. Inhibiting the Hedgehog Pathway in Patients with the Basal-Cell Nevus Syndrome. N Engl J Med 2012; 366:2180-8.

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Les thérapies ciblées dans le cadre du mélanome métastatique
 
Auteurs

I. Tromme, A.-C. Deswysen

Texte

Jusqu’il y a moins de 10 ans, le seul traitement systémique disponible chez les patients souffrant d’un mélanome métastatique était la chimiothérapie, avec une efficacité très faible : les patients survivaient en moyenne 6 mois. Des preuves de plus en plus nombreuses démontrent le rôle essentiel de mutations génétiques en tant que facteurs initiateurs et dans la progression des cancers. Grâce à ces découvertes, dans le mélanome comme dans des nombreux autres cancers, les thérapies dites « ciblées » ont été développées. Dans le cas du mélanome, les mutations les plus étudiées sont localisées dans des gènes codant pour des protéines impliquées dans la voie des MAPKinases. Un peu moins de la moitié des mélanomes portent une mutation conduisant à une activation permanente de la voie des MAPK. Des inhibiteurs spécifiques de la protéine mutée BRAF V600 (vemurafenib, Zelboraf® et dabrafenib, Tafinlar®) induisent une réponse objective chez la moitié des patients, celle-ci dure en moyenne 6 mois. Il a été montré que l’activation paradoxale de la voie des MAPKinases était un mécanisme fréquent de résistance. Dès lors combiner un anti-BRAF avec un anti-MEK (trametinib, Mekinist® et cobimetinib, Cotellic®), qui est le partenaire d’aval est une étape logique afin d’améliorer les résultats cliniques. L’efficacité de la double inhibition par rapport à l’inhibition unique de BRAF a été évaluée dans 3 études randomisées de phase III publiées en 2014-2015. Ces deux études ont montré qu’environ 70% des patients présentaient une réponse lorsqu’ils recevaient la combinaison. La durée moyenne de la réponse était d’environ 1 an. La médiane de la survie globale était aux alentours des 2 ans. Les molécules anti-BRAF et anti-MEK sont globalement bien tolérées mais la combinaison d’un anti-BRAF avec d’un anti-MEK a, outre sa meilleure efficacité, l’avantage de diminuer les effets secondaires de l’anti-BRAF seul.

L’imatinib (Glivec®), est également efficace chez certains patients présentant des mutations et/ou une amplification du gène c-KIT. Néanmoins, ces patients sont beaucoup moins nombreux que ceux qui présentent une mutation BRAF.

L’immunothérapie a également fait l’objet d’avancées importantes en 2015. Celles-ci sont développées par nos collègues oncologues dans ce même numéro.

Références
 

1. Robert C, Karaszewska B, Schachter J, et al. Improved overall survival in melanoma with combined dabrafenib and trametinib. N Engl J Med 2015 Jan 1;372(1):30-9.

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2. Long GV, Stroyakovskiy D, Gogas H, et al. Combined BRAF and MEK inhibition versus BRAF inhibition alone in melanoma. N Engl J Med 2014 Nov 13;371(20):1877-88.

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Affiliations

Université catholique de Louvain

Cliniques universitaires Saint-Luc

Service de Dermatologie

Avenue Hippocrate 10 B-1200 Bruxelles

Belgique

Référence
 

Correspondance

Professeur Marie baeck
marie.baeck@uclouvain.be