Innovations 2021 en Endocrino-diabétologie

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Maria-Cristina Burlacu, Raluca-Maria Furnica, Stefan Matei Constantinescu, Orsalia Alexopoulou, Dominique Maiter, Michel P Hermans, Jean-Paul Thissen Publié dans la revue de : Février 2022 Rubrique(s) : Endocrinologie et Nutrition
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Résumé de l'article :

L’année 2021 en endocrinologie, diabétologie et maladies métaboliques a vu l’arrivée de nouveaux traitements médicaux, notamment du syndrome de Cushing et de l’hypercholestérolémie ainsi que la remise au goût du jour de traitements déjà anciens mais qui n’avaient pas réellement trouvé leur place dans notre arsenal thérapeutique.

Tous ces traitements sont prometteurs, parce qu’efficaces et bien tolérés. Même si certains ne sont pas encore immédiatement disponibles en Belgique, il nous a paru utile de vous les présenter dès aujourd’hui car ils illustrent bien le dynamisme persistant de la recherche clinique dans le secteur, même si nos activités ont été quelque peu contrariées par la pandémie actuelle. Bonne lecture !

Mots-clés  Thyroïde, nodule, thermoablation, syndrome de Cushing, cortisol, inhibiteur de la stéroîdogenèse, acide bempédoïque, cholestérol, ezetimibe, statines, obésité, syndrome métabolique, traitement diététique

Article complet :

Le traitement non-chirurgical des nodules thyroïdiens
Maria-Cristina Burlacu

Les nodules thyroïdiens sont une pathologie fréquente, avec une prévalence atteignant 50% chez les femmes et 30% chez les hommes examinés par échographie thyroïdienne. Ces lésions sont le plus souvent bénignes, mais peuvent être associées à des symptômes compressifs, à un caractère hyperfonctionnel ou, tout simplement, à un désagrément esthétique lié à leur taille. Pendant longtemps, ces patients ont été traités par chirurgie, avec comme conséquence une hypothyroïdie définitive nécessitant un traitement substitutif dont le résultat n’est pas toujours optimal, du moins sur le plan clinique.

Les alternatives au traitement chirurgical des nodules thyroïdiens bénins (hormis l’iode 131 radioactif) ont été récemment revues et des recommandations cliniques ont été publiées pour la première fois en 2020 par l’European Thyroid Association (ETA) (1). Ces alternatives, dites de « thermo-ablation » (TA), sont connues dans certains pays européens et asiatiques depuis une vingtaine d’années, mais leur pratique a été limitée, au-delà de leur coût, par l’accessibilité restreinte aux centres spécialisés et par l’absence de recommandations des sociétés scientifiques. Pour preuve, seulement 13% des répondeurs à une enquête récente de l’ETA avaient l’habitude d’adresser les patients pour ce type de traitement aux centres qui en avaient l’expertise (2).

Il existe plusieurs techniques de TA : laser (LA), radiofréquence (RFA), micro-ondes ; toutes nécessitant un contrôle échographique lors de la procédure et, au minimum, une anesthésie locale. La LA et la RFA sont les techniques recommandées en première ligne au vu de leur niveau de preuve plus élevé. Le taux de réduction du volume nodulaire 12 mois après le traitement par TA est entre 50 et 90%, un peu plus élevé pour la RFA versus la LA (3). Les nodules traités par RFA regrossissent moins souvent et ont moins souvent besoin d’être traités une deuxième fois. L’âge plus jeune, un volume nodulaire prétraitement plus important, une réponse à 1 an de faible envergure et la présence d’une composante solide majoritaire sont des caractéristiques associées à un traitement moins efficace et qui peuvent concerner jusqu’à un tiers des patients. Le recours à la TA n’exclut donc pas la nécessité d’un suivi à long terme.

Bien que les recommandations actuelles concernent surtout les nodules avec une cytologie bénigne prétraitement, la TA a été étudiée chez des patients avec microcarcinome papillaire de faible risque et de localisation intrathyroidienne. Les premiers résultats semblent rassurants avec un risque de récidive de seulement 0,4% [95% CI: 0–1.1%] (4), mais le nombre limité de patients ainsi que l’absence de données de suivi à plus long terme imposent la prudence dans l’utilisation de la TA chez ces patients.

Le grand défi de la TA est l’identification des patients qui peuvent réellement en bénéficier, comme par exemple les patients chez qui la chirurgie n’est pas possible en raison de comorbidités, ceux qui n’acceptent pas la surveillance active des microcarcinomes papillaires ou ceux (celles) qui refusent la chirurgie. Néanmoins, l’existence de cette alternative thérapeutique qui s’est avérée efficace, sûre et satisfaisante du point de vue de la qualité de vie, doit être reconnue plus largement pour pouvoir être proposée à des patients qui autrement risquent d’être surtraités chirurgicalement.

Références

  1. Papini E, Monpeyssen H, Frasoldati A, Hegedüs L. 2020 European Thyroid Association Clinical Practice Guideline for the Use of Image-Guided Ablation in Benign Thyroid Nodules. Eur Thyroid J. 2020 Jul;9(4):172-185.
  2. Hegedüs L, Frasoldati A, Negro R, Papini E. 2020 European Thyroid Association survey on use of minimally invasive techniques for thyroid nodules. Eur Thyroid J. 94: 194–204.
  3. Bernardi S, Giudici F, Cesareo R, Antonelli G, Cavallaro M, Deandrea M, et al. Five-year results of radiofrequency and laser ablation of benign thyroid nodules: a multicenter study from the Italian minimally invasive treatments of the thyroid group. Thyroid. 2020, 30: 1759–1770.
  4. Choi Y, Jung SL. Efficacy and Safety of Thermal Ablation Techniques for the Treatment of Primary Papillary Thyroid Microcarcinoma: A Systematic Review and Meta-Analysis. Thyroid. 2020 May;30(5):720-731.

Osilodrostat, une nouvelle option thérapeutique efficace pour les patients atteints d’un syndrome de Cushing
Raluca-Maria Furnica, Stefan Matei Constantinescu, Orsalia Alexopoulou, Dominique Maiter

Le syndrome de Cushing (SC) ou hypercorticisme endogène, qu’il soit dépendant de l’adrénocorticotrophine (ACTH) (environ 85% des cas) ou non (environ 15% des cas), pose encore des défis sur le plan thérapeutique. Lorsque la chirurgie ne permet pas de guérir le patient ou dans les formes très sévères et compliquées d’hypercorticisme, nous disposons de plusieurs traitements médicamenteux, mais ils ne permettent pas le contrôle de l’hypercorticisme chez tous les patients. Au sein de cet arsenal thérapeutique, certains médicaments ciblent la production de cortisol (kétoconazole, métyrapone, étomidate, mitotane), d’autres la production d’ACTH (cabergoline, pasiréotide) ou encore la liaison du cortisol à ses récepteurs (mifépristone). Il est également possible de les associer pour avoir une meilleure efficacité. Le choix d’un traitement devra tenir compte de leur disponibilité et remboursement dans le pays concerné, de leur profil de tolérance et des caractéristiques propres du patient.

Le kétoconazole est un dérivé imidazolé, avec un délai d’action court, qui inhibe la majorité des enzymes intervenant dans la synthèse du cortisol (11-β-hydroxylase, 17-α-hydroxylase, 17,20 lyase). Il peut entrainer une gynécomastie et/ou un hypogonadisme masculin périphérique, ce qui en fait plutôt un traitement de seconde intention chez l’homme. La prescription de kétoconazole nécessite une surveillance biologique régulière en raison d’un risque d’hépatotoxicité. La métyrapone est un puissant inhibiteur enzymatique spécifique de la 11β hydroxylase avec un délai d’action court. Utilisée au long cours, la métyrapone peut entrainer un excès de minéralocorticoïdes (responsable d’une hypertension artérielle) et/ou un excès d’androgènes (avec hirsutisme chez la femme). Le mitotane est un médicament adrénolytique à action lente (effet escompté après trois mois d’utilisation) avec plusieurs effets indésirables associés (gastro-intestinaux, neurologiques, hypercholestérolémie, etc.). Il n’est indiqué en Belgique que dans le traitement du corticosurrénalome avancé, avec ou sans SC. L’étomidate, un dérivé imidazole, est un hypnotique utilisé comme agent d’induction en anesthésie. Il est aussi un anticortisolique puissant par inhibition de la 11β-hydroxylase, l’enzyme responsable de l’étape finale de la biosynthèse du cortisol au niveau surrénalien. L’étomidate est utilisé en perfusion intraveineuse continue et – en principe - uniquement aux soins intensifs. Récemment, notre centre a publié une étude démontrant l’efficacité et la sécurité de l’étomidate donné à faibles doses en unité de soins classique pour traiter des patients avec une forme sévère de SC, mais ne nécessitant pas de technique assistée invasive (1).

L’osilodrostat (Isturisa®) est une nouvelle option thérapeutique pour le traitement des patients atteints d’un syndrome de Cushing endogène. Ce médicament a été approuvé en janvier 2020 par l’EMA (European Medicines Agency). Administré par voie orale, l’osilodrostat est un inhibiteur puissant de la 11β-hydroxylase, capable de diminuer très rapidement le cortisol sanguin ainsi que le cortisol libre urinaire (CLU). De par son effet, il entraîne une augmentation du 11-désoxycortisol, à l’origine des mêmes problèmes d’interaction dans le dosage du cortisol plasmatique que la métyrapone. Isturisa® est déjà disponible en France, premier pays de l’UE à l’avoir lancé. En Belgique, le dossier va prochainement être soumis en vue d’un remboursement dans des indications ciblées.

Deux essais pivots de phase III, LINC 3 et LINC 4, ont démontré l’efficacité et la sécurité de l’osilodrostat pour le traitement des patients atteints de la maladie de Cushing hypophysaire (2,3). LINC-3 est un étude prospective et multicentrique d’une durée de 48 semaines avec une phase de retrait randomisé en double insu de 8 semaines (semaines 26-34). L’étude a inclus 137 patients atteints de maladie de Cushing (âge médian 40 ans ; 77 % de femmes). Parmi eux, 88 % avaient été préalablement opérés et 16 % avaient reçu une radiothérapie. Le CLU s’est normalisé dans 53 % des cas à 24 semaines et dans 2/3 des cas à la fin de l’étude, avec un délai médian de 41 jours pour une première réponse complète. La diminution des concentrations de CLU s’est accompagnée d’une amélioration des signes cliniques et des facteurs de risque cardiovasculaires. Isturisa® était généralement bien toléré, les effets indésirables les plus courants étant les nausées (42%), les maux de tête (34%), la fatigue (28%) et l’insuffisance surrénalienne (28%).

LINC 4 est une étude complémentaire de phase III, multicentrique, randomisée, en double aveugle, de 48 semaines avec une période initiale de 12 semaines contrôlée par placebo. Cette étude a également démontré l’efficacité de l’osilodrostat (77 % de répondeurs sur le critère de normalisation du CLU vs 8 % dans le groupe placebo, p>0,001). Au total, 81% des patients ont présenté un CLU normalisé à 36 semaines, avec un délai médian de 35 jours pour une première réponse complète. Les effets indésirables étaient moins fréquents dans cette étude LINC-4, suite à une augmentation plus progressive de la dose du médicament. Enfin, un premier essai de phase II a également démontré l’efficacité de l’osilodrostat pour le traitement des patients atteints d’autres formes de SC, indépendamment de l’étiologie, avec un taux de normalisation du CLU de 67 % après 12 semaines (4). Actuellement, on ne dispose toutefois pas de données comparatives entre l’osilodrostat et les autres traitements anticortisoliques.

Suite à ces données très prometteuses, un nouveau consensus a été publié récemment afin de clarifier la place de l’osilodrostat dans l’algorithme de traitement du SC (5). Ce médicament est notamment indiqué dans le traitement chronique des formes sévères d’hypercorticisme où le contrôle rapide de l’hypercorticisme est essentiel, que ce soit avant ou après chirurgie.

Références

  1. Constantinescu SM, Driessens N, Lefebvre A, et al. Etomidate infusion at low doses is an effective and safe treatment for severe Cushing’s syndrome outside intensive care. Eur J Endocrinol. 2020 Aug; 183(2):161-167.
  2. Pivonello R, Fleseriu M, Newell-Price J et al. Efficacy and safety of osilodrostat in patients with Cushing’s disease (LINC 3): a multicentre phase III study with a double-blind, randomised withdrawal phase. Lancet Diabetes Endocrinol. 2020; 8:748-61.
  3. Gadelha M , Bex M, Feelders R et al. Osilodrostat is an effective and well-tolerated treatment for Cushings disease: results from a Phase III study with an upfront, randomized, double-blind, placebo-controlled phase (LINC 4). J Endocr Soc. 2021 ;5:A516-517.
  4. Tanaka T, Satoh F, Ujihara M et al. A multicenter, phase 2 study to evaluate the efficacy and safety of osilodrostat, a new 11β-hydroxylase inhibitor, in Japanese patients with endogenous Cushing’s syndrome other than Cushing’s disease. Endocr J. 2020;67:841-52.
  5. Fleseriu M, Auchus R, Bancos I et al. Consensus on diagnosis and management of Cushing’s disease: a guideline update. Lancet Diabetes Endocrinol. 2021; 9: 847–75.

Un nouveau traitement de l’hypercholestérolémie : l’acide bempédoïque
Michel P. Hermans

L’acide bempédoïque (AB) appartient à une nouvelle classe thérapeutique d’agents hypolipidémiants. Il s’agit d’une pro-drogue, activée par l’ACSVL1 ou very-long-chain acyl-CoA synthetase-1 au niveau du foie. Etant donné que l’ACSVL1 est absente dans les muscles squelettiques, le risque d’effets secondaires musculaires lors d’un traitement par AB est extrêmement réduit. L’AB agit au niveau de la même voie de synthèse endogène du cholestérol que les statines, en tant qu’inhibiteur de l’ATP-citrate lyase (ACL) hépatique, enzyme situé en amont de la 3-hydroxy-3-methyl-glutaryl-CoA (HMG-CoA) réductase. En présence d’AB, les hépatocytes vont, comme lors de la prise de statines, réguler à la hausse le nombre de récepteurs de surface aux lipoprotéines de basse densité (LDLs), ce qui entraîne une diminution du taux circulant de LDL-cholestérol (LDL-C). L’AB augmente également l’activité de la 5’ AMP-activated protein kinase ou AMPK-β1, un détecteur métabolique impliqué dans la signalisation inflammatoire et le métabolisme lipidique.

En monothérapie, la prise d’AB entraîne une diminution du LDL-C de 17,4% à 28,5%. En combinaison orale, l’AB et l’ézétimibe associent des mécanismes complémentaires hypocholestérolémiants, à savoir l’inhibition de la synthèse du cholestérol via l’ACL hépatique et l’inhibition de l’absorption du cholestérol alimentaire et biliaire au niveau de l’intestin. La prise d’une combinaison à dose fixe d’AB et d’ezetimibe entraîne une diminution du LDL-C de 38% lorsqu’ajoutée à une statine à dose maximale tolérée. L’efficacité et la sécurité de l’AB ont été évaluées dans le programme d’essais cliniques de phase III CLEAR, en ajout ou non aux statines, chez des patients à risque cardiovasculaire (CV) modéré à élevé, chez des patients intolérants et/ou (très) faiblement traités ou non traités par statines, et chez des patients à très haut risque CV du fait d’une maladie CV avérée et/ou d’une hypercholestérolémie familiale hétérozygote.

L’AB, premier de sa classe thérapeutique, est destiné à l’administration orale à la dose unique de 180 mg/jour. L’AB peut être ajouté aux statines et/ou à l’ézétimibe aux doses maximales tolérées pour réduire davantage le LDL-C chez des patients présentant un risque CV élevé ou très élevé. L’AB est commercialisé par la firme Daiichi-Sankyo sous la dénomination Nilemdo®. La formulation en combinaison à doses fixes de 180 mg d’acide bempédoïque + 10 mg d’ezetimibe est commercialisée sous la dénomination Nustendi®.

Références

  1. Pinkosky SL, Newton RS, Day EA, Ford RJ, Lhotak S, Austin RC, et al. Liver-specific ATP-citrate lyase inhibition by bempedoic acid decreases LDL-C and attenuates atherosclerosis. Nat Commun. 2016;7:13457.
  2. Ray KK, Bays HE, Catapano AL, Lalwani ND, Bloedon LT, Sterling LR, et al.; CLEAR Harmony Trial. Safety and Efficacy of Bempedoic Acid to Reduce LDL Cholesterol. N Engl J Med. 2019;380:1022-1032.
  3. Ballantyne CM, Laufs U, Ray KK, Leiter LA, Bays HE, Goldberg AC, et al. Bempedoic acid plus ezetimibe fixed-dose combination in patients with hypercholesterolemia and high CVD risk treated with maximally tolerated statin therapy. Eur J Prev Cardiol. 2020;27: 593–603.

Intérêt du jeûne intermittent dans le traitement de l’obésité et de ses complications métaboliques
Jean-Paul Thissen

Le jeûne intermittent se définit par une alternance de périodes caractérisées par l’absence de prise alimentaire (hors boissons non caloriques) et de périodes d’alimentation durant lesquelles la nourriture est consommée le plus souvent ad libitum. Le jeûne peut être réellement intermittent (5:2 c’est-à-dire 2 jours de jeûne par semaine avec 5 jours ad libitum), alterné (1:1 c’est-à-dire un jour de jeûne sur deux) ou aussi périodique (quelques jours de jeûne par mois). Le plus souvent, les périodes dites de « jeûne » ne sont pas absolues, car l’apport calorique est d’environ 25% des besoins caloriques quotidiens. Le jeûne peut aussi être limité à certaines périodes du nycthémère (12-14h, le plus souvent la nuit) avec une fenêtre d’alimentation courte (10-12h voire moins, durant la journée). Cette forme de jeûne, appelée jeûne quotidien limité consiste à limiter la durée de prise alimentaire au cours du nycthémère sans limiter les quantités ingérées. Les repas sont donc consommés dans une fenêtre de temps restreinte (généralement 6 à 10 h). Cette forme de jeûne synchronise l’horloge centrale régulée par la lumière diurne et les horloges périphériques, notamment hépatique, régulées par la prise alimentaire.

Chez le sujet obèse, le jeûne intermittent (5:2) ou alterné (1:1) induit généralement une perte de poids et une amélioration de la composition corporelle. Ces formes de jeûne ne sont cependant pas plus efficaces qu’une restriction calorique classique (1500 kcal/jour ou - 400kcal/j), en particulier sur la perte de poids et de masse grasse. Le jeûne quotidien limité avec une fenêtre d’alimentation de 10h par jour favorise également la perte de poids, réduit le périmètre abdominal et diminue la graisse corporelle notamment viscérale (1). Même s’il se caractérise par un apport calorique théoriquement ad libitum, ce type de jeûne engendre le plus souvent d’une réduction de l’apport calorique spontané qui contribue à la perte de poids. La supériorité du jeûne intermittent comparé à une restriction calorique classique sur la perte de poids reste donc controversée.

Dans le syndrome métabolique, le jeûne alterné (1:1) pourrait améliorer la résistance à l’insuline plus que la restriction calorique classique, malgré une diminution similaire du poids corporel. De la même façon, le jeûne quotidien limité avec une fenêtre d’alimentation extrêmement courte de 6 à 10h sur le nycthémère améliore la sensibilité à l’insuline, la réponse de la cellule B, la tension artérielle et parfois le LDL-C chez des patients porteurs d’un syndrome métabolique (2). Il faut remarquer que ces résultats ne sont pas toujours supérieurs à ceux induits par une restriction calorique classique. Ceci pourrait être la conséquence de la durée trop courte de la plupart de ces études (12 semaines maximum), du nombre réduit de sujets étudié (moins de 20) et de l’absence de véritable groupe contrôle (3).

Les études réalisées chez des patients diabétiques de type 2 montrent que le jeûne intermittent induit une perte de poids significativement plus importante qu’un régime hypocalorique classique, mais une réduction similaire de l’HbA1c (4). L’hétérogénéité des formes de jeûne et des groupes contrôles limitent fortement ces conclusions. En effet la plupart de ces études ont étudié l’impact du jeûne intermittent (5:2). La supériorité du jeûne intermittent par rapport à la restriction calorique classique est donc loin d’être démontrée en termes d’amélioration du contrôle glycémique chez le diabétique.

Le jeûne intermittent augmente le risque d’hypoglycémies surtout en cas de traitement par sulfonylurées ou glinides (SU) et/ou insuline. Le jeûne intermittent, en particulier 5:2 ou 1:1, est donc à réserver à des patients obèses, avec syndrome métabolique, prédiabète ou diabète débutant le plus souvent non traité ou uniquement sous Metformine. Les formes peu physiologiques de jeûne intermittent (5:2 et 1:1) surtout si elles sont strictes (zéro calories) exposent aux risques classiques des régimes très restrictifs (lithiases biliaires, carence en micronutriments, goutte, hypotension orthostatique, …), mais aussi à une hyperphagie incontrôlée les jours d’alimentation sans restriction, ce qui pourrait mener à un trouble du comportement alimentaire de type binge eating. Le jeûne quotidien limité semble la forme de jeûne la plus intéressante chez le diabétique dans la mesure où elle combine une période de jeûne nocturne étendue et une synchronisation des horloges biologiques. En outre, les patients mangent tous les jours selon un horaire identique d’un jour à l’autre et les périodes de jeûne ne sont pas assez longues pour augmenter significativement le risque d’hypoglycémie. Le jeûne intermittent, en particulier les formes 5:2 et 1:1, est contre-indiqué en cas de diabète sucré de type 1, de grossesse (lactation), de troubles du comportement alimentaire, d’éthylisme mais également chez des sujets âgés avec de multiples comorbidités, notamment une insuffisance rénale sévère (5).

Références

Peeke PM, Greenway FL, Billes SK, Zhang D, Fujioka K. Effect of time restricted eating on body weight and fasting glucose in participants with obesity: results of a randomized, controlled, virtual clinical trial, Nutr Diabetes 11(1) (2021) 6.

Cienfuegos S, McStay M, Gabel K, Varady KA. Time restricted eating for the prevention of type 2 diabetes, J Physiol.. 2021.

Varady KA, Cienfuegos S, Ezpeleta M, Gabel K., Cardiometabolic Benefits of Intermittent Fasting, Annu Rev Nutr. 2021; 41 : 333-361.

Borgundvaag E, Mak J, Kramer CK. Metabolic Impact of Intermittent Fasting in Patients With Type 2 Diabetes Mellitus: A Systematic Review and Meta-analysis of Interventional Studies, J Clin Endocrinol Metab. 2021; 106(3) : 902-911.

Albosta M, Bakke J. Intermittent fasting: is there a role in the treatment of diabetes? A review of the literature and guide for primary care physicians, Clin Diabetes Endocrinol. 2021; 7(1): 3.

Affiliations

Service d’Endocrinologie et Nutrition, Cliniques universitaires Saint-Luc, 1200 Bruxelles

Correspondance

Pr. Dominique Maiter
Cliniques universitaires Saint-Luc, UCLouvain.
Service d’Endocrinologie et Nutrition
Avenue Hippocrate, 10 B-1200 Bruxelles
dominique.maiter@uclouvain.be