Innovations 2018 en chirurgie orthopédique et traumatologie

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Th. Schubert (1), M. Van Cauter (1), O. Barbier (1), D. Mathieu, D. Morcillo, L. Thoreau, S. Vandergugten, N.Pireau, A. Sirbu, V. Druez, N. Irda, L. Kaminski, K. Tribak, D. Putineanu, J-E. Dubuc, X. Libouton, E. Thienpont, J-C. Yombi, X. Geets (2),et al. Publié dans la revue de : Février 2019 Rubrique(s) : Chirurgie orthopédique et traumatologie
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Résumé de l'article :

Le recours à l’arthroplastie s’est imposé depuis de nombreuses années pour le remplacement de l’articulation de la hanche, cette intervention étant même décrite comme l’intervention du siècle dans le Lancet. Le souci d’optimiser les soins a conduit à de nombreuses améliorations, particulièrement dans la chirurgie mini-invasive, permettant une récupération fonctionnelle plus rapide. Ces progrès permettent actuellement d’envisager la réalisation d’une arthroplastie bilatérale, chez les patients qui le nécessitent, dans la même séance opératoire, sans impacter le résultat final des deux arthroplasties et à un moindre coût. Le concept d’arthroplastie s’étend par ailleurs aux structures qui contribuent aux mouvements des articulations sus- et sous-jacente. C’est ainsi que nous voyons se développer des arthroplasties qui permettent de rétablir les mouvements de prono-supination de l’avant-bras.

La découverte d’une masse des tissus mous est souvent banalisée. Pourtant, dès que son volume dépasse 5 centimètres et qu’elle se localise sous le fascia, un caractère malin ne peut être écarté et une prise en charge multidisciplinaire s’impose. En effet, là où jusqu’à présent la chirurgie semblait seule s’imposer, la prise en charge conjointe avec les radiothérapeutes offre de meilleures chances de succès, particulièrement si elle peut précéder la chirurgie. Des stratégies combinant les techniques de pointe de radiothérapie en faveur d’une épargne cutanée par les rayons et les techniques de prise en charge chirurgicale avec une approche très conservatrice de la gestion des tissus mous et recourant à une thérapie à pression négative de la plaie permettent d'améliorer sensiblement le contrôle de la tumeur.

Mots-clés

Prothèse de hanche bilatérale, arthroplastie, prono-supination, complexe articulaire de l’avant-bras, sarcome des tissus mous, radiothérapie

Article complet :

Prothèse totale de hanche bilaterale : fait-on courir un risque supplémentaire aux patients ?

Maïté Van Cauter, Vincent Druez, Jean-Emile Dubuc, Olivier Cornu

La mise en place d’une prothèse totale de hanche (PTH) est à ce jour une intervention chirurgicale de routine. Nous sommes régulièrement confrontés à des patients présentant une pathologie bilatérale (Figure 1). Dans ces conditions, peut-on envisager une intervention chirurgicale bilatérale sans faire encourir aux patients un risque accru ?

Le premier cas de PTH bilatérale (PTH-BS : Prothèse Totale de Hanche Bilatérale Simultanée) a été décrit en 1976. Régulièrement remise en doute, cette intervention chirurgicale est de retour depuis l’émergence des techniques opératoires mini-invasives. Ces techniques, qui sont nettement moins traumatisantes pour le muscle, permettent une récupération fonctionnelle rapide et optimale.

A ce jour, nombreuses études ont permis de comparer les résultats entre arthroplastie bilatérale réalisée pendant la même chirurgie (PTH-BS), arthroplastie bilatérale réalisée en deux chirurgies distinctes avec un délai maximal entre les deux chirurgies de 6 mois (PTH-BNS : bilatérale non simultanée), arthroplastie bilatérale réalisée en deux chirurgies avec un délai inter-chirurgie de plus de 6 mois et avec l’arthroplastie unilatérale.

L’analyse du taux de douleur post-opératoire est comparable dans chaque groupe, et n’est donc pas augmentée en cas de PTH-BS. Il en va de même pour la récupération fonctionnelle. Dans notre pratique quotidienne, les complications en termes d’hématome, transfusion, infection, luxation, embolie pulmonaire et fracture ne sont pas augmentées dans le groupe PTH-BS. La chirurgie par voie mini-invasive se réalisant avec un patient installé en décubitus dorsal, ne demande pas de réinstallation pour réaliser le deuxième côté. La PTH-BS peut donc être réalisée sans perte de temps de réinstallation, la durée d’intervention totale est donc raccourcie ainsi que la durée d’anesthésie générale comparativement à la PTH-BNS. Il en va de même pour la durée d’hospitalisation qui est inférieure aux temps d’hospitalisation cumulés en cas de PTH-BNS.

La PTH-BS est donc une procédure validée, qui ne fait encourir au patient aucun risque supplémentaire. En cas de pathologie bilatérale, il a donc un bénéfice à proposer ce type de procédure.

Références

  1. Learmonth ID, Young C, Rorabeck C. The operation of the century: total hip replacement. Lancet. 2007;370:1508-1519.
    ouvrir dans Pubmed
  2. Petridis G, Nolde M. Sequential bilateral total hip arthroplasty through a minimally invasive anterior approach is sage to perform. Open Orthop J. 2017; 11:1417-1422.
    ouvrir dans Pubmed
  3. Malahias M-A, Chulsomlee K, Thorey F. Simultaneous bilateral minimally invasive total hip arthroplasty : a comprehensive review of the literature. Orthop Rev. 2018 ; 10 :7677.
    ouvrir dans Pubmed
  4. Shao H, Chen C-L, Maltenfort M G, Restrepo C, Rothman R H, Chen A F. Bilateral total hip arthroplasty : 1-stage or 2-stage ? A meta-analysis. J Arthroplasty. 2017;32 : 689-695.
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Des prothèses pour le complexe articulaire des 2 os de l’avant-bras

Olivier Barbier, Xavier Libouton, Thomas Schubert

Les 2 os de l’avant-bras, le radius et l’ulna s’articulent au niveau du coude et au niveau du poignet. Ils participent aussi à une 3e articulation, intrinsèque à l’avant-bras, donnant les mouvements de pronation et de supination. Pour ce faire, le radius qui est courbe tourne autour de l’ulna qui est rectiligne et fixe. Ce mécanisme est soutenu anatomiquement par des articulations proximale et distale entre ces 2 os et par une membrane interosseuse qui les relie. Les traumatismes (Figure 2), les malformations congénitales (Figure 3) et les résections tumorales (Figure 4) interfèrent fréquemment avec ce complexe articulaire.

Des reconstructions à partir des tissus du patient sont fréquemment réalisées mais il n’est pas rare qu’elles ne soient que partielles et instables laissant finalement des douleurs et un enraidissement. Le développement récent de prothèses de remplacement de la tête radiale (1) et de l’articulation radio-ulnaire distale (2) permet des reconstructions stables autorisant une mobilisation précoce avec de bons résultats fonctionnels. Ces nouvelles solutions thérapeutiques pour l’avant-bras sont maintenant régulièrement utilisées, même chez des patients jeunes, les premières séries rapportées dans la littérature semblant montrer une bonne fiabilité dans le temps (3). Néanmoins, le suivi systématique des dossiers s’impose pour tous ces nouveaux implants afin d’assurer et affiner encore nos indications.

 

Références

  1. Catellani F, De Caro F, De Biase CF, Perrino VR, Usai L, Triolo V, Ziveri G, Fiorentino G. Radial Head Resection versus Arthroplasty in Unrepairable Comminuted Fractures Mason Type III and Type IV: A Systematic Review. Biomed Res Int. 2018; 2018:4020625. doi: 10.1155/2018/4020625
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  2. Moulton LS, Giddins GEB. Distal radio-ulnar implant arthroplasty: a systematic review. J Hand Surg Eur Vol. 2017;42:827-838. doi:10.1177/1753193417692506.
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  3. Sershon RA, Luchetti TJ, Cohen MS, Wysocki RW. Radial head replacement with a bipolar system: an average 10-year follow-up. J Shoulder Elbow Surg. 2018;27:e38-e44. doi: 10.1016/j.jse.2017.09.015. 
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La radiothérapie préopératoire des sarcomes des tissus mous

Thomas Schubert, Xavier Geets

Les sarcomes des tissus mous sont des cancers rares des structures musculosquelettiques. Néanmoins, même si ces lésions sont rares, une masse de plus de cinq centimètres située en profondeur (sous un fascia) sera diagnostiquée de sarcome dans un cas sur cinq. Il est donc de bonne pratique de référer tout patient présentant une lésion de ce type à un centre de référence de ce type de pathologie (1). En effet, la prise en charge de ces lésions est par essence pluridisciplinaire et inclus une collaboration étroite entre des spécialités telles que l’oncologie, la radiologie, l’anatomopathologie ou encore la radiothérapie. Si la chirurgie adéquate de ces lésions reste la pierre angulaire du traitement, nombreuses sont ces tumeurs qui feront l’objet d’un traitement multimodal comme une radiothérapie et/ou chimiothérapie.

Très souvent en effet, la radiothérapie est adjointe au traitement, en l’occurrence entre autres pour toute lésion de grade intermédiaire à élevé et de taille de plus de cinq centimètres. Le rôle de la chirurgie est d’ôter la lésion de façon complète avec des marges saines (une couche de tissus sain volontairement sacrifiée autour de la lésion, qui l’enveloppe tel un sarcophage afin d’éviter au maximum que des cellules malignes restent dans le lit chirurgical) dont l’épaisseur varie en fonction du grade de la tumeur. La radiothérapie intervient quant à elle pour réduire le risque de récidive da la tumeur, à l’instar par exemple de la radiothérapie dans le cancer du sein.

La radiothérapie est classiquement administrée en postopératoire dans la prise en charge des sarcomes des tissus mous (Figure 5). De façon générale, une dose de l’ordre de 66Gy est administrée et celle-ci est déposée à l’emplacement de la tumeur mais couvre également l’entièreté de la zone opérée. Ceci complique néanmoins le travail du radiothérapeute qui doit différencier le lit chirurgical des tissus sains dans un terrain remanié postopératoire.

Ceci n’est pas dénué d’effets secondaires. Ils peuvent être immédiats tels que des problèmes de déhiscence de plaie et d’infection postopératoire (17%) (2) ou plus distants comme la fibrose locale, une coloration cutanée, une raideur articulaire ou encore cancers radio-induits au long cours.

Sous l’impulsion de quelques groupes de spécialistes de la prise en charge des sarcomes, des essais de radiothérapie préopératoire ont été tentés. Ceci permet de n’irradier que la zone tumorale avec une marge de sécurité (Figure 6). Le volume de tissu irradié en est donc réduit. D’autre part la dose de radiothérapie est sensiblement diminuée à 50Gy. Ceci a des conséquences positives non-négligeables car cela diminue les effets secondaires de la radiothérapie à moyen et long terme (coloration, fibrose, etc.).

En revanche, les risques péri-opératoires sont significativement augmentés notamment en termes de déhiscences de plaies et d’infections (30 à 35%) (2,3). Ceci peut avoir des conséquences sérieuses. Afin de diminuer ces risques, diverses stratégies ont été mises en place entre les services d’orthopédie et de radiothérapie. Ces stratégies font appel aux dernières techniques de pointe de radiothérapie telles que l’IMRT (Intensity Modulated RadioTherapy) ou encore l’épargne cutanée par les rayons. D’autre part, les techniques chirurgicales se sont adaptées avec entre autres une approche très conservatrice de la gestion des tissus mous en périopératoire et une thérapie à dépression systématique de la plaie pendant une période de 7 jours après l’intervention.

Le patient peut donc dans ce cas bénéficier du meilleur des traitements tout en diminuant de façon non-négligeable les effets secondaires de la radiothérapie.

Enfin une collaboration d’étude avec nos collègues canadiens, initiateurs de la technique d’irradiation préopératoire, est en cours de mise en place pour démontrer à la communauté scientifique l’intérêt et la supériorité de la gestion de ces cancers par ces techniques multimodales de pointe.

Références

  1. Casali, P. G. et al. Soft tissue and visceral sarcomas: ESMO-EURACAN Clinical Practice Guidelines for diagnosis, treatment and follow-up. Ann Oncol Off J Eur Soc Med Oncol. 2018; 29: iv268–iv269.
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  2. O’Sullivan, B. et al. Preoperative versus postoperative radiotherapy in soft-tissue sarcoma of the limbs: a randomised trial. Lancet Lond Engl. 2002; 359: 2235–2241.
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  3. O’Sullivan, B. et al. Phase 2 study of preoperative image-guided intensity-modulated radiation therapy to reduce wound and combined modality morbidities in lower extremity soft tissue sarcoma. Cancer. 2013; 119:1878–1884.
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Affiliations

Service de Chirurgie Orthopédique et Traumatologie, Cliniques universitaires Saint-Luc UCL, Université Catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique.
1 Equal contributors
2 Service de Radiothérapie oncologique, Cliniques universitaires Saint-Luc UCL, Université Catholique de Louvain, Bruxelles, Belgique.

Correspondance

Pr. Oliver Cornu
olivier.cornu@uclouvain.be