La gastrolyse coelioscopique dans le cancer de l’œsophage : un nouveau « Gold Standard » ?

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Yannick Deswysen Publié dans la revue de : Février 2017 Rubrique(s) : Chirurgie oeso-gastrique
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Résumé de l'article :

L’apport de la cœlioscopie en chirurgie digestive n’est plus à démontrer permettant une diminution de la douleur postopératoire, une reprise de l’autonomie plus rapide et de ce fait de diminuer la durée d’hospitalisation. L’oesophagectomie est une intervention lourde en terme de morbidité pouvant être améliorée par l’abord mini-invasif. Ces dernières années ont vu l’introduction de techniques hybrides où l’un des temps opératoires était réalisé par cœlioscopie ou par thoracoscopie, l’autre étant réalisé par voie ouverte.

Mots-clés

Cancer de l’œsophage, chirurgie mini-invasive, gastrolyse coelioscopique

Article complet :

Les cancers de l’œsophage représentent l’indication principale des oesophagectomies. Les lésions bénignes et les sténoses peptiques, beaucoup plus rares, complètent les indications. Selon le type de lésion et la localisation de celle-ci, le type de résection comporte 2 ou 3 temps opératoires :

- 2 voies : abdominale et thoracique : intervention de Lewis Santy avec anastomose oeso-gastrique intrathoracique ;

- 3 voies : thoracotomie, laparotomie et cervicotomie : intervention de Mac Keown avec anastomose cervicale.

La morbidité de cette chirurgie reste élevée malgré les progrès notables de la prise en charge chirurgicale et périopératoire (1). La morbidité est de 30 à 50 % et la mortalité de 2 à 10 % (2). Les complications les plus fréquentes sont d’ordre respiratoire (3).

L’avènement de la cœlioscopie en chirurgie digestive ces dernières années a permis d’améliorer cette prise en charge notamment en diminuant les douleurs postopératoires et en améliorant la reprise d’autonomie permettant ainsi de diminuer de ce fait le temps de séjour hospitalier. L’oesophagectomie mini-invasive (OMI) s’inscrit dans une volonté de réduire le stress et le traumatisme d’une chirurgie nécessitant des abords chirurgicaux multiples. Elle correspond en fait à une multitude de techniques combinant la thoracoscopie, la laparoscopie incluant les OMI hybrides (laparoscopie/thoracotomie ou laparotomie/thoracoscopie) et les OMI totales (laparoscopie/thoracoscopie).

La plupart des études ont tenté de démontrer la faisabilité de l’abord miniinvasif sans toutefois présenter les bénéfices possibles sur les suites postopératoires et les résultats oncologiques (4). Les données actuelles publiées correspondent à des études rétrospectives de petits groupes de patients comportant des biais majeurs rendant difficile les comparaisons (5-8).

L’étude randomisée multicentrique MIRO de phase III a étudié l’impact d’un abord chirurgical hybride sur les complications post opératoires à 30 jours dans le cadre d’une chirurgie standardisée par 2 voies d’abord selon Lewis-Santy. Les patients opérés dans des centres à haut volume étaient porteurs de tumeurs œsophagiennes sous carénaires. La technique cœlioscopique était standardisée. Une oesophagectomie coelio-assistée a été réalisée chez 103 patients et une oesophagectomie par voie ouverte chez 104.

On observe une réduction de la morbidité post-opératoire de grade 2 à 4 selon Dindo-Clavien (9, tableau 1) dans le groupe oesophagectomie coelio-assistée : 35,9% versus 64,4% (OR = 0,31 ; IC95 [0,18-0,55] ; p = 0,0001). Les complications pulmonaires étaient elles aussi diminuées significativement dans le groupe coelioscopique (17,7% vs. 30,1%). Ni la survie sans récidive ni la survie globale n’étaient diminuée par l’utilisation de la technique laparoscopique. Ainsi, la mobilisation gastrique par cœlioscopie (image 1) permet de réduire de manière significative de 69% le taux de complications majeures notamment respiratoires des oesophagectomies n’altérant pas les résultats oncologiques de survie ou de récidive (10).

Ce nouveau « gold standard » a été implémenté dans l’unité de chirurgie œsogastrique depuis peu permettant d’en faire bénéficier les patients des Cliniques universitaires Saint-Luc.

Recommandation pratique

La gastrolyse coelioscopique est devenue un nouveau standard de prise en charge du cancer de l’œsophage permettant de réduire les complications majeures, notamment respiratoires.

Affiliations

Unité de chirurgie oeso-gastrique,
Service de Chirurgie et Transplantation abdominale,
Cliniques universitaires Saint-Luc, Avenue Hippocrate 10, B-1200 Brussels, Belgium
Docteurs Yannick Deswysen, Maximilien Thoma et Benoit Navez

Correspondance

Dr. Yannick Deswysen, MD
yannick.deswysen@uclouvain.be

Références

  1. Morita M, Yoshida R, Ikeda K, et al. Advances in esophageal cancer surgery in Japan: An analysis of 1000 consecutive patients treated at a single institute. Surgery 2008;143:499-508.
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  2. Mariette C, Piessen G, Triboulet J-P. Therapeutic strategies in oesophageal carcinoma: role of surgery and other modalities. Lancet Oncol 2007;8:545-53.
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  3. Decker G, Coosemans W, De Leyn P, et al. Minimally invasive esophagectomy for cancer. Eur J Cardiothorac Surg 2009;35:13-20.
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  4. Berger AC, Bloomenthal A, Weksler B, Evans N, Chojnacki KA, et al. Oncologic efficacy is not compromised, and may be improved with minimally invasive esophagectomy. J Am Coll Surg 2011, 212:560-6.
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  5. Bresadola V, Terrosu G, Cojutti A, Benzoni E, Baracchini E, Bresadola F. Laparoscopic versus open gastroplasty in esophagectomy for esophageal cancer: a comparative study. Surg Laparosc Endosc Percutan Tech 2006, 16:63-7.
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  7. Nguyen NT, Follette DM, Wolfe BM, Schneider PD, Roberts P, Goodnight JE Jr. Comparison of minimally invasive esophagectomy with transthoracic and transhiatal esophagectomy. Arch Surg 2000, 135:920-5.
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  8. Smithers BM, Gotley DC, Martin I, Thomas JM. Comparison of the outcomes between open and minimally invasive esophagectomy. Ann Surg 2007, 245:232-40.
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  10. Briez et al. Open versus laparoscopically-assisted oesophagectomy for cancer: a multicentre randomised controlled phase III trial - the MIRO trial.BMC Cancer 2011, 11:310.
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