L’éosinopénie sévère ou la mise en évidence fortuite d’un potentiel marqueur diagnostique du COVID-19

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Fabio Andreozzi1, Jean-Cyr Yombi2, Cédric Hermans1 Publié dans la revue de : Octobre 2020 Rubrique(s) : Ama Contacts
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Résumé de l'article :

En Mars 2020, nous étions confrontés aux prémices de la pandémie COVID-19. Les délais de réponse d’identification du SARS-Cov-2 par RT-PCR sur frottis nasopharyngé d’au moins 24 heures rendaient difficile le diagnostic rapide chez de nombreux patients. La capacité de détecter de manière précoce et sensible les anomalies pulmonaires liées à l’infection COVID-19 a conféré un rôle important au scanner thoracique dans l’attente des résultats du frottis.

Article complet :

En Mars 2020, nous étions confrontés aux prémices de la pandémie COVID-19. Les délais de réponse d’identification du SARS-Cov-2 par RT-PCR sur frottis nasopharyngé d’au moins 24 heures rendaient difficile le diagnostic rapide chez de nombreux patients. La capacité de détecter de manière précoce et sensible les anomalies pulmonaires liées à l’infection COVID-19 a conféré un rôle important au scanner thoracique dans l’attente des résultats du frottis.

Nous nous sommes alors interrogés à propos d’autres altérations cliniques et/ou biologiques aisément accessibles qui pourraient nous aider à identifier les patients atteints d’un COVID-19. Nous nous sommes concentrés sur l’hémogramme dont la réalisation est systématique chez tous les patients et possible dans de nombreux pays à ressources limitées. Des auteurs chinois avaient déjà remarqué qu’une lymphopénie était souvent présente chez les patients atteints du COVID-19 (1). Par ailleurs, nous avions été surpris par le fait qu’une autre valeur de la formule leucocytaire était souvent fortement abaissée chez ces patients à savoir le taux des éosinophiles. Chez de nombreux patients confirmés atteints de COVID-19, nous avions été interpellés par une numération des éosinophiles basse sinon effondrée, de nombreux patients présentant une éosinopénie complète.

Nous avons donc pris l’initiative d’analyser les hémogrammes de 50 patients consécutivement hospitalisés au sein de Cliniques universitaires Saint-Luc, avec un diagnostic formel de COVID-19 (2). Nous avons pu remarquer qu’un grand nombre de ces patients (43 sur les 50 analysés, soit 86%) avaient une numération d’éosinophiles inférieure à 50/microL et, curieusement, 30 patients (soit 60%) avaient un taux d’éosinophiles non mesurable, donc très proche du zéro. Nous avons comparé ces résultats à ceux de patients admis avec une grippe saisonnière et avons observé que le taux d’éosinophiles était souvent réduit dans les deux groupes. Une éosinopénie complète est toutefois plus fréquente chez les patients avec COVID-19. Les mécanismes de cette éosinopénie ne sont actuellement pas élucidés et nous ignorons si elle est la conséquence d’un déficit de production au niveau médullaire ou d’une consommation périphérique. Nous n’avons pas observé d’éosinopénie plus sévère chez les patients qui étaient admis aux soins intensifs, par rapport aux autres, sachant qu’une limite de notre étude est le faible nombre de patients inclus.

Dans des publications précédentes, une diminution du taux des éosinophiles a déjà été décrite au cours d’infections virales et bactériennes et en cas de sepsis sévère (3,4). Plus récemment, des auteurs ont confirmé la présence d’une éosinopénie sévère chez les patients atteints du COVID-19, suggérant un possible rôle diagnostique de cette anomalie (5-6).

Même si en Belgique, en Europe et dans les pays les plus développés, des techniques diagnostiques de biologie moléculaire de plus en plus performantes sont mises au point, la numération des éosinophiles et la présence d’une éosinopénie apparaissent avoir leur place dans la démarche du diagnostic du COVID-19. La performance diagnostique de cette anomalie doit toutefois être validée tant dans les pays développés que les pays émergents.

Cette observation illustre l’importance, lorsque confronté à une nouvelle maladie, de rester alerte et vigilant vis-à-vis de toute anomalie biologique qui, même si elle semble initialement futile et banale, peut se révéler utile et pertinente.

 

Références

  1. Huang C. Wang Y, Li X., Ren L., Zhao J, Hu, Y, Gu, X. Clinical features of patients infected with 2019 novel coronavirus in Wuhan, China. Lancet. 2020; 395 (10223), 497–506.
  2. Andreozzi F, Hermans C, Yombi, J C. Eosinopenia and COVID-19 patients: So specific?- EClinicalMedicine. 2020; 24. July 2020, 100439.
  3. Abidi K, Khoudri I, Belayachi J, Madani N, Zekraoui A, Zeggwagh AA, et al. Eosinopenia is a reliable marker of sepsis on admission to medical intensive care units. Crit Care. 2008;12 (2):R59.
  4. Flick H, Drescherab M, Prattesab J, Toviloab K, Kesslerc H, Vanderd K, Seeberb K, Palfnera M, Raggame RB, Avianf, A, Krauseb R, Hoeniglab M. Predictors of H1N1 influenza in the emergency department: proposition for a modified H1N1 case definition. Clin Microbiol Infect. 2014; 20 (2) O105-O108.
  5. Zhengyuan Xia, Eosinopenia as an early diagnostic marker of COVID-19 at the time of the epidemic- EClinicalMedicine. 2020 Jun; 23: 100398.
  6. Tanni F, Akker E, Zaman M., Figueroa N.,Tharian B., Hupart KH, Eosinopenia and COVID-19 – J Am Osteopathic Association. August 2020, Vol. 120, 504-508.

Affiliations

1. Service d’Hématologie adulte, Cliniques universitaires Saint-Luc, UCLouvain, B-1200 Bruxelles
2. Service de Médecine Interne et Maladies Infectieuses, Cliniques universitaires Saint-Luc, UCLouvain, B-1200 Bruxelles