BPCO : DE VRAIES NOUVEAUTÉS ?

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E. Marchand Publié dans la revue de : Mai 2016 Rubrique(s) : Pneumologie
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Résumé de l'article :

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une maladie fréquente et grevée d’une morbi-mortalité très importante.

Les recommandations internationales GOLD ont récemment proposé une nouvelle classification reposant non plus seulement sur la sévérité du trouble ventilatoire obstructif mais aussi sur les symptômes et le risque d’exacerbation.

La mise en évidence d’un risque accru de pneumonie associé à l’utilisation des corticostéroïdes inhalés dans la BPCO souligne l’importance de réserver leur utilisation à des indications reconnues. Des études récentes ont démontré la sécurité d’un sevrage des corticostéroïdes inhalés hors de ces indications. Le développement de combinaisons de bronchodilatateurs à longue durée d’action dans un inhalateur unique à amener à mieux étudier l’effet additif de ces médications.

En ce qui concerne le traitement des exacerbations, la tendance est à la réduction de la durée de la corticothérapie orale, un traitement de 5 jours à dose fixe étant actuellement considéré suffisant.

Mots-clés

Bronchopneumopathie chronique obstructive, recommandations, pneumonie, corticostéroïdes

Article complet :

Introduction

La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une des maladies chroniques les plus prévalentes. En Belgique, le facteur étiologique principal est le tabagisme bien que des expositions professionnelles puissent jouer un rôle adjuvant ou plus rarement principal. A l’échelle mondiale, on estime que d’ici 15 ans, la BPCO sera la 3ème cause de mortalité (1). Elle est également une cause majeure de dépenses en soins de santé (2).

La BPCO est liée à une réaction inflammatoire au niveau des voies aériennes et du parenchyme pulmonaire, secondaire à l’inhalation de gaz et particules toxiques. Les remaniements irréversibles associés au niveau des voies aériennes et au niveau alvéolaire sont responsables d’un trouble ventilatoire obstructif (TVO) d’aggravation progressive, associé dans les cas les plus sévères à des troubles de l’hématose (hypoxémie, hypercapnie) pouvant évoluer vers l’insuffisance respiratoire et le décès. Seul l’arrêt de l’exposition au facteur causal (tabagisme le plus souvent) permet d’éviter le déclin fonctionnel progressif. Le TVO et la distension pulmonaire qui l’accompagne sont responsables de la dyspnée de plus en plus invalidante dont se plaignent les patients souffrant de BPCO. Le cours de la maladie est souvent jalonné d’exacerbations majoritairement d’origine infectieuse qui se manifestent par une majoration des symptômes. Les co-morbidités fréquemment associées à la BPCO, telles les maladies cardio-vasculaires, l’ostéoporose, la sarcopénie contribuent à l’expression et à la gravité de la maladie (3).

Le but de ce manuscrit est de rapporter quelques évolutions récentes d’intérêt pour la prise en charge de la BPCO en médecine générale.

Recommandations de prise en charge GOLD : un nouveau système de classification

GOLD, acronyme pour Global Initiative for Chronic Obstructive Lung Disease, est un programme qui fut initié en 1998 pour produire des recommandations relatives à la prise en charge de la BPCO, sur base de la meilleure évidence scientifique disponible.

Les premières versions de ces recommandations proposaient une classification de la BPCO en 4 stades (Tableau 1) selon la gravité du trouble ventilatoire obstructif évaluée par l’abaissement du VEMS (volume expiré maximal en une seconde), exprimé en % de la valeur attendue après bronchodilatation. Rappelons que la présence d’un TVO après bronchodilatation (indice de Tiffeneau VEMS/CVF < 0,7 ; CVF : capacité vitale forcée) est un pré-requis au diagnostic de BPCO (3).

 

 

 

Une révision majeure des recommandations GOLD parue en 2011 (4) propose une nouvelle classification basée sur une évaluation plus globale des patients, faisant intervenir outre la spirométrie et le VEMS, les symptômes et le risque d’exacerbation. Le principal mérite de cette nouvelle classification est de souligner que l’évaluation de la morbidité liée à la BPCO ne se limite pas à la sévérité du TVO. Même si celui-ci a une influence très significative sur l’expression clinique de la maladie, il est important de prendre en compte d’autres dimensions dans la prise en charge des patients. Tant les symptômes que le risque d’exacerbation sont des éléments pertinents dans ce cadre. La nouvelle classification introduit ainsi une évaluation dans deux axes (Figure 1). Le premier axe fait intervenir les symptômes :

- dyspnée d’une part, évaluée par l’échelle modifiée du Medical Research Council (mMRC) (Tableau 2) ;

- échelle de qualité de vie, le COPD Assessment Test (CAT) score d’autre part, outil facile d’utilisation et disponible sur internet (5).

En fonction de l’importance de la dyspnée et/ou du CAT score, les patients sont classés comme plus (groupes B,D) ou moins (groupes A,C) symptomatiques.

Le second axe évalue le risque d’exacerbation selon deux critères validés : l’importance du TVO selon le stade GOLD, ancienne version (Tableau 1) d’une part, les antécédents d’exacerbation d’autre part. En fonction de ces critères, sont considérés à risque élevé d’exacerbation (groupes C et D) les patients BPCO présentant un stade 3 ou 4 selon le TVO (ancienne classification de GOLD ; Tableau 1) et ceux ayant présenté au moins deux exacerbations dans l’année écoulée ou au moins une hospitalisation pour exacerbation. Bien que les recommandations GOLD ne le spécifient pas, on entend par exacerbation un épisode ayant nécessité un traitement par antibiotiques et/ou corticostéroïdes par voie générale.

Le grand mérite de cette nouvelle gradation est de sensibiliser à l’importance des symptômes et de leurs répercussions sur la qualité de vie des patients ainsi que celle des exacerbations dans l’histoire de la maladie. Cependant, cette classification est aussi soumise à certaines critiques. En particulier GOLD propose des traitements de premier et second choix en fonction de cette classification alors que les données scientifiques manquent pour soutenir ces propositions. Soulignons par ailleurs qu’en Belgique, les critères de remboursement des médications de type bronchodilatateurs à longue durée d’action restent basés sur l’ancienne classification (Tableau 1), requérant un stade 2 au moins tant pour les anticholinergiques (chapitre IV) que les ß2-mimétiques (chapitre II). D’autre part, il est bien démontré qu’il n’y a guère d’équipotence entre un CAT score de 10 et une dyspnée mMRC de stade 2, cette dernière étant généralement associée à un CAT score supérieur à 10 (6).

 

 

 

 

 

 

Figure 1. Gradation globale de la BPCO selon les symptômes et le risque d’exacerbation. mMRC : échelle de dyspnée modifiée du Medical Research Council ; Cat : CopD assessment test.

Corticostéroïdes inhalés : une prescription nécessitant une évaluation de la balance risques-bénéfices

Alors que la place et le bénéfice des cortiscostéroïdes inhalés dans le traitement de l’asthme est incontestable, leur utilisation dans la BPCO doit être plus raisonnée. Ils sont habituellement recommandés lorsqu’il existe des exacerbations répétées (≥ 2/an) en présence d’un TVO au moins sévère (stades 3 et 4 ; Tableau 1) (3). Leur utilisation dans la BPCO est restée controversée en raison de faiblesses méthodologiques associées aux essais thérapeutiques ayant montré un bénéfice en termes de réduction du taux d’exacerbation (7). Plus récemment, l’attention a été atirée par un risque majoré de pneumonies lié à l’utilisation des corticostéroïdes inhalés dans la BPCO (8). Des études épidémiologiques à large échelle ont confirmé que ce risque était très significatif, associé à des hospitalisations, proportionnel à la dose et surtout lié à l’utilisation de la fluticasone, le risque étant moindre ou non significatif pour le budesonide (9). Soulignons que ce risque de pneumonie lié à l’utilisation de corticostéroïdes inhalés n’a pas été à ce jour démontré dans le cadre du traitement de l’asthme.

L’utilisation des corticostéroïdes inhalés devrait donc être limitée aux stades 3 et 4 du TVO (BPCO sévères et très sévères) en cas d’exacerbations répétées, ou encore aux cas d’association asthme-BPCO. Il est souvent difficile d’affirmer la présence d’une composante asthmatique chez un patient BPCO, un avis spécialisé étant souhaitable.

En Belgique (10) et ailleurs, les corticostéroïdes inhalés sont fréquemment utilisés pour le traitement de la BPCO hors de ces indications. Beaucoup de praticiens sont réticents à les interrompre dans ces situations en raison de la crainte de la survenue d’une exacerbation, à l’instar de ce qu’on observe dans l’asthme. De manière rassurante, plusieurs études ont toutefois récemment démontré que le sevrage des cortiscostéroïdes inhalés était réalisable en toute sécurité, sous couvert d’un traitement par bronchodilatateur à longue durée d’action (11, 12).

Quel bénéfice des associations de bronchodilatateurs à longue durée d’action ?

Des études à large échelle ont déjà démontré le bénéfice individuel de bronchodilatateurs à longue durée d’action qu’ils appartiennent à l’une ou l’autre des deux grandes classes : anticholinegiques (LAMA pour long-acting muscarinic agents) ou ß2-mimétiques (LABA pour long-acting beta agonists). Il est ainsi bien démontré que ces médications diminuent les symptômes, en particulier la dyspnée, et améliorent la qualité de vie (7). La différence principale entre ces classes de médications consiste en un effet préventif des exacerbations supérieur pour les LAMA en comparaison aux LABA (13, 14).

Bien que ces médications soient utilisées en association depuis leur apparition sur le marché, une étude scientifique du bénéfice des associations LABA-LAMA n’a été réalisée que plus récemment, à l’occasion du développement de ces associations à doses fixes dans un dispositif d’inhalation unique. À l’heure de rédiger ce manuscrit, deux associations de ce type sont déjà commercialisées en Belgique (Indacaterol-Glycopyrronium et Vilanterol-Umeclinidium), alors que deux autres ne sauraient tarder (Formoterol-Aclinidium et Oladaterol-Tiotropium).

En termes de bronchodilatation, toutes les études démontrent un effet largement additif de l’association LABA-LAMA sur les monocomposés ; la différence en termes d’amélioration du VEMS sur l’ensemble du nyctémère est toujours très significative. Bien qu’il existe également le plus souvent un effet additif statistiquement significatif de l’association LABA-LAMA sur les monocomposés en termes de dyspnée et de qualité de vie, la signification clinique de cet effet additif est parfois plus douteuse. Il en va de même pour la prévention des exacerbations pour lequel l’effet additif est inconstant (15, 16).

Dans le contexte de l’évolution vers une utilisation plus parcimonieuse des corticostéroïdes inhalés dans la BPCO, le résultat d’une étude à large échelle comparant une association LABA-LAMA et une association LABA-corticostéroïdes inhalés sur la fréquence des exacerbations (17) est attendue (communication attendue en mai 2016) avec impatience.

Au vu du coût non négligeable de ces médications au niveau sociétal, une analyse pharmaco-économique indépendante du bénéfice des associations sera certainement utile.

Quelle durée pour la corticothérapie par voie générale en cas d’exacerbation ?

L’exacerbation de BPCO est définie sur base clinique. Elle consiste en un événement aigu caractérisé par une majoration des symptômes respiratoires (dyspnée, toux, expectorations) supérieure aux variations quotidiennes habituelles et amenant à une modification thérapeutique. Beaucoup de ces exacerbations sont précipitées par la survenue d’une infection des voies respiratoires, qu’elle soit de nature virale ou bactérienne.

Le but du traitement de l’exacerbation est de minimiser l’impact des symptômes qui y sont associés et de réduire le risque de récidive d’exacerbation. Il repose sur une majoration du traitement bronchodilatateur associé selon les cas à une antibiothérapie et/ou une corticothérapie par voie générale (3).

En ce qui concerne la corticothérapie, il est démontré qu’elle permet de réduire la durée de l’exacerbation, d’accélérer l’amélioration du TVO et de l’hématose ainsi, en cas d’hospitalisation, de réduire la durée de celle-ci (3).

La tendance est à la réduction de la durée de la corticothérapie orale pour le traitement de l’exacerbation de la BPCO. En effet, une étude de qualité a récemment démontré un bénéfice identique d’un traitement de 5 ou 14 jours à dose de 40 mg de prednisolone/j chez des patients pris en charge en salle d’urgences et par ailleurs traités par bronchodilatateurs et antbiothérapie (7 jours). Il faut souligner que plus de 50% des patients inclus dans cette étude souffraient de BPCO très sévère (stade 4 de TVO) (18).

Rappelons que l’antibiothérapie doit quant à elle cibler le trio bactérien pneumocoque, Haemophilus influenzae et Moraxella catarrhalis, et que dans cette optique, les meilleurs choix sont une association amoxicilline-clavulanate (hautes doses d’amoxicilline) ou la moxifloxacine pour une durée de 7 jours (3).

Correspondance

Pr. Eric MARCHAND

Université catholique de Louvain
CHU-UCL-Namur, Site Mont-Godinne
Service de Pneumologie
Avenue G. Thérasse 1
B-5530 Yvoir
eric.marchand@uclouvain.be

Références
 

1. www.who.int/respiratory/copd/burden/fr/. Accédé le 5/3/2016.

2. www.erswhitebook.org/chapters/the-economic-burden-of-lung-disease/. Accédé le 5/3/2016.

3. www.goldcopd.org/ Accédé le 5/3/2016.

4.www.goldcopd.org/uploads/users/files/GOLD_Report_2011_Feb21.pdf. Accédé le 5/3/2016.

5. http://www.catestonline.org/english/index_BelgiumFR.htm. Accédé le 5/3/2016.

6. Jones PW, Adamek L, Nadeau G, Banik N. Comparisons of health status scores with MRC grades in COPD: implications for the GOLD 2011 classification. Eur Respir J 2013; 42: 647-654.

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7. Marchand E. Études de longue durée évaluant les traitements pharmacologiques dans la BPCO. Enseignements et limites. Rev Mal Respir 2010 ; 27 : 125-140.

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8. Ernst P, Gonzalez AV, Brassard P, Suissa S. Inhaled corticosteroid use in chronic obstructive pulmonary disease and the risk of hospitalization for pneumonia. Am J Respir Crit Care Med 2007; 176: 162-166.

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9. Suissa S, Patenaude V, Lapi F, Ernst P. Inhaled corticosteroids in COPD and the risk of serious pneumonia. Thorax 2013; 68: 1029-1036.

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10. Decramer M, Bartsch P, Pauwels R, Yernault JC and the COPD Advisory Board. Management of COPD according to guidelines. A national survey among Belgian physicians. Monaldi Arch Chest Dis 2003; 59: 62-80.

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11. Magnussen H, Disse B, Rodriguez-Roisin R, Kirsten A, Watz H, Tetzlaff K, et al. Withdrawal of inhaled glucocorticoids and exacerbations of COPD. N Engl J Med 2014; 371 :1285-1294.

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12. Rossi A, van der Molen T, del Olmo R, Papi A, Wehbe L, Quinn M, et al. INSTEAD: a randomised switch trial of indacaterol versus salmeterol/fluticasone in moderate COPD. Eur Respir J 2014; 44: 1548-1556.

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15. Wedzicha JA, Decramer M, Ficker JH, Niewoehner DE, Sandström T, Taylor AF, et al. Analysis of chronic obstructive pulmonary disease exacerbations with the dual bronchodilator QVA149 compared with glycopyrronium and tiotropium (SPARK): a randomised, double-blind, parallel-group study. Lancet Respir Med 2013; 1: 199-209.

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16. Decramer M, Anzueto A, Kerwin E, Kaelin T, Richard N, Crater G, et al. Efficacy and safety of umeclidinium plus vilanterol versus tiotropium, vilanterol, or umeclidinium monotherapies over 24 weeks in patients with chronic obstructive pulmonary disease: results from two multicentre, blinded, randomised controlled trials. Lancet Respir Med 2014; 2: 472-486.

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17. https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT01782326?term=NCT01782326&rank=1. Accédé le 5/3/2016.

18. Leuppi JD, Schuetz P, Bingisser R, Bodmer M, Briel M, Drescher T, et al. Short-term vs conventional glucocorticoid therapy in acute exacerbations of chronic obstructive pulmonary disease: the REDUCE randomized clinical trial. JAMA 2013; 309: 2223-2231.

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